Concours de @la_goutte_d_eau
Je participe dans la catégorie one shot avec le thème harcèlement.
Symphonie
Symphonie
Nom féminin
1. Composition musicale à plusieurs mouvements, construite sur le plan de la sonate et exécutée par un nombre important d'instrumentistes.
J'entends leur voix, mélodie de bonheur arrivant jusqu'à moi, comme pour me narguer.
N'importe qui d'autre l'aurait vu, sauf moi bien trop aveugle pour voir les vérités devant mon être.
J'étais la fausse note dans leur accord, ils m'ont fait partir. Puis maintenant ils s'efforcent d'exterminer les erreurs comme moi, pour qu'elles ne nuisent plus.
Je suis assise, par terre, je ne mérite pas de siège décent.
Je suis à terre, je ne mérite pas de ce monde être un élément.
Un livre est sur mes genoux, frêles et délicates feuilles de papiers jaunis attendent d'être caressées.
Attendent de m'ouvrir la porte menant à mon sanctuaire.
Je ne suis plus la misérable assise au sol comme une sans abris, je suis une héroïne vivant dans un monde d'elfes et de lutins.
Je ne suis plus la fille qu'on regarde de travers, je suis admirée, adorée de tous.
Je ne suis plus inutile, je suis l'élue, je vais sauver la magie.
Puis tout s'écroule, tout s'effondre. J'entends leur pas frapper le sol, fier clairon annonçant leur arrivée.
Les battements de mon cœur montent crescendo.
Mes mains tremblent soudainement, laissant leurs contours flous, comme encore à demi dans mon refuge.
Proie prise au piège contre le mur, support froid, témoin immobile.
Je laisse mes cheveux tomber devant mes yeux, je voudrais pouvoir tirer le rideau et partir.
- Alors l'intello t'es toujours sur un bouquin ! Lance une voix railleuse.
Ne pas répondre équivaudrait à une provocation alors j'use toutes mes forces pour bredouiller de ma voix la plus discrète une simple "oui".
- Hé ben t'as peur de nous regarder ou quoi ?! On va pas te bouffer sans boire ! S'exclame une autre voix, féminine et bourrue que je reconnais bien.
Des rires gras, suivent cette remarque. Je ne peux pas leur en vouloir, je suis tellement ridicule que ça doit être un spectacle amusant.
Le regard au sol je remarque que tel un orchestre parfaitement synchronisé ils se sont installés autour de moi, m'encerclant.
Me coinçant contre le mur, traître complice.
Puis la symphonie débute. Spectacle grandiose pour les auditeurs.
Jamais les musiciens n'oublient la représentation, elle à lieu tout les jours.
Je la connais par cœur, elle est bien orchestrée.
Les premiers mouvements débute, comme provocations à l'oreille de l'auditeur.
Quelques coups de pieds pour m'annoncer le style de musique.
Des bras attrapent mes épaules pour me relever, captant l'attention dès curieux.
Tant d'instrumentistes m'impressionne, je baisse les yeux attendant la fin habituelle de la prestation.
Un poing brandit en signe d'approbation arrive à une vitesse folle vers mon visage.
Des fans acclament les musiciens.
Je vois une goutte vermeille, tombée sur ma peau blafarde, suivant les traits de mon épiderme.
Ils finissent la symphonie par un accord bien maîtrisé. Un coup, bien placé dans mon genou, suffit à me faire basculer.
Mon corps n'est plus retenu, ils s'écartent, ignorent ma main tendue en un réflexe. Attendant simplement que je sois au sol pour finir.
Je sens les minuscules gravillons frotter contre ma joue, contre le bitume sale. Je pourrais essayer de me relever, de fuir, de m'y opposer.
Tel une sorcière sur un bûcher j'attends mon exécution.
Les liens qui me retiennent sont bien plus puissants que des cordes.
Puis l'exécution vient, je ressens ses coups de pieds, donnés partout sur mon corps, même ma tête.
Mais le pire sont les larmes qui en un flux bien trop puissant, coulent sur mes joues. Signe d'humiliation ultime.
Enfin soulagement, leurs lourds pas témoignant de leur supériorité numérique s'éloignent.
Le public n'oublie pas les félicitations aux artistes.
Quelques insultes, moqueries retentissent au loin.
Écho de leur pensées, de mes pensées également.
"Intello", "Salope", "Sale grosse", "Vache", "Coincée", "Connasse",
"Fayote" , "Inutile", "Déchet"...
Tournent dans ma tête tel un refrain que je connais par cœur.
Je m'autorise à rester au sol quelques secondes, profitant de cette sensation de vide.
Vite, se relever, essuyer le sang, sécher les larmes, cacher les émotions. Une proie blessée attire les prédateurs.
Je m'assois à nouveau, reprends mon livre, ses fines pages on été déchirées, sa couverture écorchée et le passage que je lisais souillé par les mauvais souvenirs.
D'un bras rougi par les coups j'attrape faiblement mon sac avant de le tirer vers mon corps endolori.
J'en sors un miroir de poche, innocent un petit lama joyeux est dessiné au dos.
Quand ma mère me l'a offert elle ne pensait certainement pas que je me regarderais dedans pour voir si il me reste du sang sur le visage. Je pense ironiquement.
L'image que le miroir me renvoie n'est pas bien glorieuse, un visage laid et amoché, des yeux rougis par les larmes.
Quant à mon nez, il paraît légèrement dévié, j'y porte ma main tachée de son sang, douloureux et dévié ; voilà comment qualifier mon pif en cet instant.
Sans savoir pourquoi un petit rire m'échappe, sûrement les nerfs me dis-je.
La symphonie est finie pourtant elle résonne encore dans ma tête jusqu'à la réentendre demain.
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