Chapitre 3.

«Rassasiée ?

Le policier pousse un bâillement tandis que je sors un peigne de mon petit sac et me met à brosser mes longs cheveux noirs. C'est là que je remarque qu'ils sont légèrement tachés par le sang de mon repas. Ce n'est vraiment pas très esthétique.

Les sirènes agissent comme les vampires. En fait nous sommes une espèce cousine à la leur. Mais mis à part notre addiction au sang, nous ne partageons pas beaucoup de point commun. A commencer par notre capacité à nous fondre totalement dans le monde des humains. Ce qui n'est pas le cas de nombreuses créatures. Je passe ma langue sur mes canines et pousse un petit soupire :

- Comment fais-tu pour toujours trouver des proies si succulentes ?

- J'ai mes secrets Mélusine.

- Bien évidemment...

Sa bouteille est maintenant vide mais il ne semble pas le moins du monde être touché par l'alcool. Au fil des années il a développé une remarquable résistance...

- Que comptes-tu faire ?

- T'aider, je te dois bien ça. Et ces attaques ne présagent vraiment rien de bon. Je ne sais pas ce qui s'en prend à nous mais vu les griffures qui parcourent le corps des victimes, ça ne risque pas de s'arrêter maintenant.

- Peut être que ces créatures s'en prendront à toi...

- Qu'elles essayent un peu pour voir.

Je relève un peu le bas de ma robe, dévoilant ma cuisse et la dague qui y est attachée. Seth sourit et mon regard glisse à son arme de service qu'il conserve toujours sur lui. Je secoue la tête et glisse :

- Nous aurons besoins d'aide.

Il lève un regard intrigué sur moi.

- Qui donc ?

- Je connais quelqu'un...

Il attend plus de détail mais, me parant seulement d'un sourire malicieux, je souffle, reprenant sa replique :

- J'ai mes secrets Seth.

Mon protecteur lève les yeux au ciel et m'interroge :

- Tu es sûre que ce... quelqu'un pourra nous aider ?

- Il nous aidera et pour ton enquête et pour Poséidon. J'ai plus que jamais besoins de vous.

- Pourquoi le dieu se lancerai-t-il à ta poursuite bon sang ? Tu ne lui poses aucun problème !

Ce n'est pas si simple. Rien n'est simple !

- Je n'en sais rien. Mais le dilemme est clair : rejoindre le banc ou mourir.

- C'est d'une tristesse.

Nous restons en silence quelques minutes. Nous allons nous rendre au cœur de la France, à plusieurs bonnes centaines de kilomètres de la Sicile, où nous nous trouvons actuellement. Le chemin va être long et forcément dangereux puisque nous devons traverser la mer. Et ce, tout en continuant mes chasses sous peine de mourir de faim.

- Quand partons nous ?

- Ce soir. Il va falloir trouver un vol pour Paris.

Il pousse un long soupire et se relève.

- Tu n'aurais pas pu tout simplement accepter ?

- Et renoncer à ma liberté ? Pour qui me prends-tu ?

- On ne prive pas un poisson de ses nageoires...

Sa tirade m'amuse. Seth secoue la tête et porte une main à sa nuque qu'il frotte. Ce signe démontre très clairement son inquiétude.

- Je vais chercher mes affaires, elles sont dans ma voiture.

- Tu as tes armes ? Tu devrais les prendre.

- Je les ai toujours Mel'. »

Et il sort de la cuisine pour quitter la boîte. Je me relève et jette un coup d'œil à mon reflet dans la fenêtre. Mes yeux d'un bleu presque translucide ressortent sur la pénombre de la vitre. Mon reflet renvoie l'image d'une femme à la beauté froide et fatale, à la puissance presque inégalée parmi les miens et l'intelligence rare. Mais cela me suffira-t-il face au dieu des mers ?

*

A cette heure-ci de la nuit, le petit aéroport est presque vide. Seul les passagers du vol de nuit sont présents. Seth est parvenu à trouver des billets d'avion pour la France. Mon protecteur étant policier et appartenant de plus à un corps spécial qui l'envoie enquêter à travers le monde, notre passage à la douane n'est pas du tout contesté. De toute manière, si il l'avait été, je m'en serai occupée moi même.

« Mélusine, notre avions est porte 16. Il décolle dans une heure. »

Je suis Seth dans l'aéroport et nous nous asseyons dans la salle d'attente. Un silence mortel pèse dans la grande pièce et je me contente d'observer ce qui m'entoure. Comment ces humains pourraient se douter qu'ils sont en présence d'une sirène assoiffée de sang et d'un protecteur capable de les tuer de sang froid s'il le fallait. A leurs yeux je ne suis qu'une jeune femme dépassant certainement de peu la vingtaine. Une innocente jeune femme que certains se plairaient à croquer, l'effet d'une beauté irrésistible attirant les hommes comme des mouches. L'ironie de la situation est à se plier de rire.

Un bruit parvient alors à mon ouïe... Un chant confus aux paroles anciennes. Je me relève d'un bond, parcourant la salle du regard, à la recherche de son origine. Mon instinct me pousse à me diriger vers les toilettes et alors que je pousse la porte, le chant se fait bien plus présent. Et son origine n'est autre que le petit miroir carré au dessus du lavabo. Je m'en approche, attirée par une force inconnue. Mais alors que je tends ma main vers la surface froide, au moment même où mes doigts entrent en contacte avec le miroir, un flash m'éblouit et je tombe au sol, sombrant dans des abîmes ténébreuses.

Un éclair, un flash.

Une falaise escarpée se dresse sur ma droite et à son pieds, s'est érigé un cercle de pierres déchiquetées. Un rocher où se tenaient autrefois trois de mes sœurs...

Un nouvel éclair, un nouveau flash.

Seulement, ce n'est pas une sirène qui se tient sur les rochers mais une femme aux allures divines et à la beauté si sublime qu'elle égale celle des filles de la mer. Un sourire mauvais étire ses lèvres et son regard dur comme l'acier juge le monde d'un air méprisant. Avant de se poser sur moi.

Un autre éclair, un autre flash.

Une douleur terrible me pousse à appliquer mes mains contre mon ventre. Le sang en coule abondamment. Trois entailles déchirent ma chaire...

Puis plus rien.

La femme aux allures divines lève les mains et deux sphères noires lévitent au dessus de ses paumes, projetant des reflets sombres sur la mer. Le ciel se couvre alors de sombres nuages, et des vagues puissantes commencent à se former. Elle assemble les deux sphères et s'en échappe alors une ombre maléfique qui s'envole haut dans les airs avant de descendre en piqué vers la mer et lorsqu'elle entre en contacte avec l'eau salée, une immense explosion a lieu. Des murs entier d'eau se dressent vers le ciel et un gigantesque cratère se forme. La mer devient noire, comme habitée d'une entité maléfique et la falaise s'effondre alors.

Je ne peux bouger mais tout mon être me hurle de le faire.

Les yeux de la mystérieuse femme, au milieu de tout ce chaos se mettent à scintiller, habité d'une lueur folle. La poussière que l'effondrement de la falaise a entraînée se lève, envahissant la moindre parcelle d'air lentement mais sans échappatoire, m'étouffant, m'aveuglant. Plus rien n'est visible dans cet amas grisâtre et étouffant. Excepté deux yeux luisant d'une lueur démoniaque et maléfique qui glace mon cœur...

Je me relève en sursaut et mon regard croise celui, inquiet, de Seth. Puis mes yeux se posent sur les toilettes dont le sol est couvert de flaque d'eau, les tuyaux de canalisation ayant explosés.

«  Qu'est ce que tu fais ici Seth ?

- Tu ne revenais pas et ça fait presque trois quart d'heure que tu es partie. Je n'ai pas réussis à te réveiller... De quoi tu as bien pu rêver pour créer un bordel pareil ?

Je cligne des yeux un instant et plonge mon regard dans le sien. Le sang pulse contre mes tempes, mon cœur bat violemment dans ma poitrine et mon souffle est saccadé. Dévoilant mes canines, je souffle :

- Je crois bien qu'il s'agissait... du chaos !

Il se raidit instantanément et sa main se resserre instinctivement autour de la cross de son arme.

- Qu'est ce que tu entends pas chaos ?

- Que veux tu que j'entende par chaos à part la fin du monde et tout le bazar qui en suit... »

Mon protecteur n'ajoute rien, se contentant de me dévisager de ses yeux couleurs terre. Je me relève, encore un peu perturbée par ce flash impromptu. Il s'apprête à me poser une nouvelle question, seulement, l'embarquement est alors annoncé et il est préférable de remettre cette discussion à plus tard. Nous sortons des toilettes sous quelques regards étonnés et montons à bord de l'avion.

Je me retrouve à côté d'une mère et de son bébé. Cela s'annonce mal pour moi, je n'ai jamais aimé les enfants. Lors de mes massacres de jeunesses, certains m'ont même fait office de repas, c'est dire... Par chance - pour la sécurité du nourrisson - le père arrive et me demande si je peux échanger ma place avec la sienne. Me parant d'un air presque aimable, j'accepte et par miracle, je me retrouve à côté de Seth. Je prends place à côté de la fenêtre. Et l'avion décolle. Alors que la terre s'éloigne, j'entreprends de raconter la suite de mon étrange rêve. Mon protecteur reste mutique quelques instants. Il a été trop longtemps plongé dans mon monde pour ne pas pourvoir se douter que ce n'est pas qu'un simple rêve. Aucun de nous ne rompt le silence pendant cinq longues minutes où mon esprit ne fait que de s'évader vers les images de chaos. J'ai beau être une créature plus ou moins maléfique, j'avoue ne pas être friande des apocalypses et autre catastrophe. Seth finit par m'interroger :

«  Voyager dans un avions est-il vraiment un moyen sûr ?

- Prends en compte que le dieu des mers peut également déclencher des tempêtes, donc non. Mais c'est le plus rapide et à choisir entre être dans les airs où sur la mer, je choisis les airs.

- Il est rare de voir une sirène préférer les cieux aux océans.

- C'est vrai, mais il est également rare qu'une sirène tienne tête à Poséidon.

Un petit rire s'échappe de la gorge de mon protecteur. Il m'adresse un clin d'œil en me donnant un petit coup à l'épaule.

- Mais tu n'es pas n'importe quelle sirène.

- Non, je ne suis pas n'importe quelle sirène. »

Il secoue la tête et reporte son attention sur le dossier qu'il complète avec le peu d'information que j'aie pu lui donner.

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