Chapitre 8.

Plusieurs jours se sont écoulés. J'ai continué de croiser Patron dans les couloirs...et toujours la même rengaine! Plaquage au mur et baisers enflammés! Je pense que c'est devenu notre façon de communiquer.

Ce matin, il m'a demandé s'il pouvait passer chez moi. Je ne pouvais pas vraiment refuser... C'était soit j'acceptais, soit il m'embrassait devant tout le monde. Le choix était vite fait! Bien que je sente qu'il y a une couille dans le pâté...

C'est vraiment le moment d'avoir des regrets? Je ne peux plus rebrousser chemin...

Je viens de quitter ma salle de classe. Il m'a dit qu'on se donnait rendez-vous devant le portail. Pourquoi ne pas tout simplement partir en avance et ne pas lui ouvrir lorsque je serai chez moi? C'est quand même une bonne idée.

Mais en arrivant à l'entrée de l'université, je remarque que Patron est déjà là. Plan échoué... Il me voit et me salue d'un signe de tête, cigare entre les doigts. Je me rapproche, le regard guettant les alentours. Les gens ne trouvent pas bizarre qu'un gars comme moi soit avec ce pervers? Je suppose qu'ils ne l'ont tout simplement pas remarqué. Mais quand même, j'ai l'impression que Patron doit bien se faire connaître avec son amour du sexe.

-On y va, Minus?

Nous nous mettons en route. Je vois bien qu'il a très envie de me mettre la honte en m'embrassant devant tous ces étudiants qui regagnent leur logement. Il semble scotché à mes lèvres. Lorsqu'il ne reste quasiment plus personne au alentour, je décide de discuter avec lui.

-Pourquoi avoir décidé aussi soudainement de venir chez moi?

-À ton avis? demande-t-il en souriant d'un air malsain.

J'arrête subitement de marcher, le cœur compressé par une force inconnue. Remarquant mon arrêt, il se tourne vers moi.

-T...Tu n'es pas sérieux?

Je sens la gêne grimper en flèche et mes joues chauffer. Je crois avoir de la fièvre...

-Ne me dis pas que tu n'en as pas envie. 

Je réponds du tac au tac, cachant tant bien que mal mon mal-être:

-Je suis très tenté de te désobéir, cependant.

-Tu mens très mal. (Il se rapproche jusqu'à n'être qu'à quelques centimètres.) Je sais que tu rêves de la sentir passer.

Je lève la tête pour le regarder dans les yeux. Ce qu'il peut être impressionnant... 

-Je te l'ai déjà dit: ne prends pas tes désirs pour la réalité. 

-Arrête de te braquer. Avouer ne brisera pas ta fierté, ajoute-t-il en prenant ma mâchoire en main.

Il passe son pouce le long de mes lèvres. J'ai très envie de le ramener à sa place en lui mordant le doigt. Un moyen radical pour avoir une bonne prise de conscience. En se rapprochant de mon visage, son sourire s'élargit subitement, me plongeant dans un état de confusion soudain. J'ai l'impression qu'il s'amuse.

-Ne t'en fais pas. Ce soir, je ne toucherai pas à ton petit cul.

Je serre les dents, me retenant tant bien que mal de le gifler. Ça ne va pas de me faire croire à des idioties pareilles!?

-C'est bien étonnant.

Il me lâche et se positionne à mes côtés pour que l'on reprenne la route.

-Et pourtant...je pense que je vais bien m'amuser.

Je jette un œil à son sac. J'espère qu'il n'y a que du matériel anodin... Pas de menottes ou quoi que ce soit...

Quelques minutes plus tard, nous entrons dans mon appartement. Il paraît tout à fait serein, le dos bien droit, les mains dans les poches de son pantalon. Tellement serein que je me sens oppressé! Ça me fait flipper de le voir comme ça! Il prépare quelque chose, c'est sûr. Mais quoi...? 

-Mets-toi à l'aise.

Nous déposons nos sacs contre le mur, à côté de la porte et il se tourne vers moi en souriant.

-J'ai le droit de me mettre à poil? 

Je me redresse brusquement.

-Bien sûr que non! Pourquoi tu me le demandes!?

-Tu m'as dit de me mettre à l'aise. Il faut savoir ce que tu veux!

Je souffle, fatigué de son comportement.

-Va t'installer sur le canapé. Je t'apporte une bière.

Je repense alors à la dernière fois qu'il est venu. Si je viens à lui verser une nouvelle fois ma boisson, on ne pourra pas dire qu'il ne l'aura pas cherché! Pendant qu'il guette les alentours, je décide de vérifier le contenu de son sac.

-Sait-on jamais! pensé-je comme pour me donner bonne conscience.

Je jette un œil en direction de Patron. Il semble intéressé par un livre que j'ai sûrement laissé par mégarde. Je profite de cette occasion pour ouvrir le sac. À l'intérieur, il y a de tout ce qu'il y a de plus basique pour des scolarisés. Des cahiers, des livres, une trousse (que je vérifie (on n'est jamais trop prudent!): rien de suspect!) et un porte-monnaie. (La capote inutilisée que je retrouve parmi les quelques billets qui traînent me fait quand même douter sur ses intentions.)

-Qu'est-ce que tu fais?

Je sursaute, manquant de crier tant la voix m'a pris au dépourvu. Je me retourne vivement vers Patron qui se trouve juste derrière moi, le cœur prêt à s'échapper de ma poitrine. Je le sens coincé en travers de ma gorge. Je suis pris en flagrant délit...

-Je... Euh...

Je ne sais pas quoi dire pour me défendre. De toute façon, il comprendra forcément que je mens. Il s'accroupit pour arriver à ma hauteur et il sourit.

-Tu mérites une punition pour fouiller dans les affaires des autres.

Je me mords la lèvre inférieure. Des sueurs froides me parcourent l'échine. 

-Tu te crois gendarme? J'ai le droit de savoir si tu transportais une bombe dans ton sac pour faire exploser mon appart'!

-T'es parano', en fait. (Il se met à rire, puis tout à coup, il caresse ma joue doucement.) Mais ne cherche pas à te défiler. Tu vas vraiment avoir une punition.

Il m'attrape par le bras et me force à me mettre debout. Il m'entraîne jusqu'au coin salon pour m'installer sur le divan. Il se dirige vers l'armoire à vêtements et se permet de regarder à l'intérieur.

-Ne te gêne pas, surtout.

-Je devrais pouvoir en dire autant, renchérit-il sur un ton de reproche.

J'avoue que ce n'était pas très correct de regarder à l'intérieur de son sac. Mais il n'est pas obligé de répéter la même connerie! Il revient vers moi avec une tenue repliée sur elle-même qu'il me tend.

-Va te changer. Tu devras rester comme ça le temps que je reste ici.

En regardant un peu mieux, je comprends de quoi il s'agit.

-T'es sérieux? 

Je me souviens qu'il avait déjà fouillé un peu mon armoire la dernière fois qu'il est venu. Je comprends pourquoi il me demande de faire du cosplay avec cette tenue...

-En chat, tu serais magnifique.

Me voilà dans la salle de bains, en train de me dire si je dois sortir en portant ce costume de Lucy Heartfilia* ou si je dois ouvrir mes veines avec le rasoir sur le lavabo pour ne pas lui faire face. 

-Quel choix cornélien... 

On frappe à la porte.

-T'es prêt?

-Attends que je me prépare psychologiquement à me taper la honte devant un pervers!

Je me regarde dans la glace. Que dire à part que c'est juste horrible? Je porte des sortes de sous-vêtements pour femme noirs à dentelle rose, ainsi que des bas, une paire de bottes mauves et des gants avec des coussinets de chat. D'ailleurs, un serre-tête avec des oreilles de cet animal ainsi qu'une queue sont assortis. Sans oublier un petit collier à clochette.

Si mes souvenirs sont bons, c'était un pote shooté qui m'a offert ce costume. (Il en avait sûrement trop pris quand il l'a acheté!) Jamais je ne l'aurais autant détesté de m'avoir donné un cadeau de ce genre!

-J'ai honte...

-Si tu ne sors pas maintenant, je te filme et envoie la vidéo à tous les étudiants de notre université!

Comment fait-il pour trouver des menaces qui fonctionnent à chaque fois? Je pose ma main sur la poignée et prends une profonde inspiration.

-C'est bon... J'arrive.

J'ouvre la porte, ne sachant plus où me mettre. Notamment lorsque je retrouve Patron juste en face de moi, souriant de toutes ses dents. 

-C'est que tu es super mignonne dans cette tenue.

-Fous-toi de ma gueule! 

-Oh mais je ne vais pas me gêner!

Il me détaille avec attention. Je sens mes joues devenir aussi rouge que le logo de YouTube... Je veux mourir... 

-T'as bientôt fini de me reluquer de cette façon?

-Je ne verrai pas ça deux fois! Je dois en profiter à fond! 

Il attrape ma queue (Pas celle qu'on pourrait penser!) et commence à la caresser du bout des doigts.

-C'est tout doux.

Je lève une main pour lui cacher la vue et cherche un moyen de m'éloigner.

-Si tu savais comme je me sens humilié...

-Ça me fait très plaisir de l'apprendre!

Je serre les poings, combattant mes pulsions négatives. J'ai l'impression d'entendre des voix me susurrer au creux de l'oreille: "Tue-le... Tue-le...". C'est flippant! Il me met dans tous mes états, ce pervers!

-Ne te cache pas, voyons. Asseyons-nous et profitons de cette bière que tu m'as promise.

Je ravale ma fierté et rejoins le canapé tandis qu'il part chercher les boissons que j'ai laissé sur la table. 

Le temps passe, mais aucun mot ne sort de notre bouche. Je ne me sens pas bien, je crois que je vais vomir... Pourtant, je me contiens et prends une première gorgée de ma bière. Je jette un coup d'œil discret en sa direction, tel un super ninja invisible aux yeux de ceux qui maintiennent l'ordre dans la société. Il continue de regarder droit devant lui. C'est assez étrange qu'il ne cherche pas à me fixer. Il en a tout le loisir, pourtant. Chercherait-il à calmer mon trouble? Ça m'étonnerait! Ce type n'est pas capable d'être sympa! C'est impossible! Je continue de le dévisager et il finit par s'en apercevoir.

-Je suis la risée des espions..., grommelé-je dans ma tête.

-Pourquoi tu me fixes comme ça?

-Je me demandais...pourquoi porter des lunettes de soleil?

Il fronce les sourcils, intrigué par ma question. Mais il retrouve bien vite son air railleur.

-Parce que ça fait classe, Gamin. Tu ne peux pas comprendre.

Très peu convaincu, je continue de le fixer.

-Ce n'est pas pour cacher ton piercing? 

Il pouffe, l'air de dire que je suis tombé sur la tête.

-Où vas-tu chercher ça?

-Je ne sais pas. Quand on se fait un piercing ou un tatouage, c'est pour l'exhiber. Les gens qui les cachent en ont généralement honte. Est-ce ton cas à toi aussi?

-Parce que tu penses que les personnes qui ont des tatouages sur le corps vont se mettre nus juste pour qu'on les voit?

-Peut-être pas pour cet exemple mais puisque c'est sur ton visage, il n'y a aucune raison de le cacher.

Il se renfrogne un bref instant puis se revêt de son masque impassible.

-Tu te trompes, Gamin. C'est tout ce que je peux t'assurer.

Je vois bien qu'il cherche à clore le débat. Cependant, je n'arrive pas à m'arrêter.

-Quand j'ai vu ton piercing, tu m'as directement demandé si ça me dégoûtait, comme si c'était une évidence. Est-ce que tu as subi des remarques blessantes à cause de ça?

-Tu ne peux pas te la fermer, Gamin? Tu commences à me donner mal au crâne.

-Laisse-moi simplement comprendre.

-Je t'ai dit de la fermer! s'emporte-t-il.

Il a haussé d'un ton et s'est penché vers moi, la main agrippant la clochette de mon collier. Je ne l'avais jamais vu s'énerver avant aujourd'hui. Est-ce qu'il déteste à ce point se montrer vulnérable?

-Je...t'ai dit...de te taire!

Il a l'air haletant. Nous sommes si proches l'un de l'autre que j'arrive à sentir son souffle sur ma peau. Doucement, il se rapproche de mes lèvres. Sans que je m'en rende vraiment compte, les miennes s'entrouvrent pour lui faciliter la tâche. 

-Je vais fermer ton clapet, tu vas voir...

Puis il m'embrasse. Lentement, mon corps retombe sur le canapé, lui au-dessus de moi, toujours ses lèvres en train de se mouvoir sur les miennes. Je me sens fiévreux, totalement dépourvu de force. Me laissant aller au désir, je me sens pousser des ailes. Nos langues s'étreignent, une boule de chaleur se forme dans mon ventre. Étrangement, je n'ai pas envie que ce moment s'arrête. Ce type me répugne, mais je pense sérieusement m'être attaché à lui.

-Imbécile! Tu vas perdre si ça continue! me reproché-je en silence.

Nos lèvres se séparent, mais nous restons reliés à un filet de bave fort peu glamour. Pendant que nous nous regardons dans les yeux, je décide de continuer de le pousser à bout. 

-Ôte tes lunettes.

-Pour te moquer de moi?

-Chacun son tour, j'ai envie de te dire.

Je lève mes mains vers son visage, prêt à exécuter ma demande moi-même. Il ne fait rien pour me stopper. Je retire délicatement ses lunettes et je suis confronté à deux grands yeux gris magnifiques.

-Sache que tu n'es pas aussi horrible que tu le penses. Moi, je trouve que ça fait un style.

Certes, ça fait mal aux tripes de voir ça la première fois. On a l'impression que son œil est infecté. Mais au bout du compte, ce n'est pas si terrifiant que ce qu'on pourrait croire.

-Je sais que tu dis ça pour ne pas me vexer et pour essayer de remporter la partie. Tu n'es pas obligé d'aller aussi loin.

Je place mes mains sur ses joues et approche mes lèvres pour embrasser son nez.

-Je ne mens pas. Je suis sincère.

Il passe son pouce sur ma lèvre inférieure, rendant cet instant fougueux encore plus irrésistible. Sur ma bouche, il dépose un délicat baiser, que je m'empresse de partager avec joie.

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*Cosplay de Lucy Heartfilia en tenue de chat, du manga Fairy Tail.

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