4 - Le sauvetage
Dans la classe, tout le monde a le regard rivé sur moi. Je ne comprends pas, j'ai pourtant des vêtements banals qui sont censés me faire passer incognito. Rougissante, je me faufile entre les bureaux et cours m'assoir au fond, sous les regards appuyés de mes camarades de classe. À mes côtés, une brunette monstrueuse me fait un sourire et me tend la main dans l'espoir que je la lui serre.
— Tu as cru qu'on était copines parce que je suis venue m'assoir à côté de toi?
Et je la gifle pour ponctuer mes paroles.
Je l'entends ravaler un sanglot mais je ne vais pas m'excuser : je suis trop timide pour lui adresser la parole. Croisant les mains devant moi, j'écoute d'une oreille le cours d'histoire. Je pense à cet inconnu qui m'a plaqué, je visualise ses cheveux bruns et ses yeux noirs. Et sa voix, j'en ai des frissons seulement en me la remémorant! Grave et virile, cette voix aurait pu faire trembler les plus grands de ce monde.
Mais c'est normal qu'il soit viril, c'est un bad boy.
Mon bad boy.
— Mademoiselle Shilom, que regardez-vous ?
La prof s'arrête à la hauteur de mon bureau et me transperce avec ses yeux de citrouille. Je déglutis en rougissant : oh non, je suis trop timide pour répondre. Néanmoins, je fais un effort :
— Rien madame, je suis en train de visualiser l'amour de ma vie. Je l'imagine en train de me kidnapper et de me séquestrer dans un petit cabanon. J'espère que mes rêves deviendront réels.
— Oh, parfait alors.
Je hoche vigoureusement la tête, heureuse qu'elle retourne en avant de la classe et qu'elle me laisse respirer.
— Sinon, je me nomme Mélissandre, lance ma voisine en me tendant à nouveau sa main.
— Arrête de me parler, je suis timide.
Et je la gifle encore une fois.
*
Lorsque j'arrive chez moi, je délaisse mes bottes devant la porte et m'enferme dans ma chambre. À peine ai-je fermé la porte qu'une main se plaque sur mes lèvres et je me sens attirée vers l'arrière. Mon épaule frappe violement le coin de mon bureau et je gémis de douleur en jetant un regard affolé à Rex.
Pourquoi il me fixe? Pourquoi n'appelle-t-il pas la police? Je me fais agresser devant ses yeux, bon sang!
Je fais donc la seule chose qui me vient en tête pour me sortir de cette situation : je chante du Maitre Gims.
Même si les paroles sont étouffées par la main calleuse plaquée sur ma bouche, mon assaillant semble avoir reconnu les paroles puisqu'il grogne avant de brutalement me pousser vers mon lit.
Le coquin.
Je me retourne vers lui juste au moment où il plaque ses mains sur ses oreilles. Et c'est là que je remarque je continue de chanter.
Oups.
Je ferme la bouche et me relève en chancelant pour mieux le détailler. Il a des cheveux framboise tirant plus sur le gris et de grands yeux couleur abricot. Sa carrure de brindille lui donne un certain charme. Un charme végétal.
— Salut, dis-je en souriant et en m'approchant de lui, la main tendue. Tu veux être mon ami?
Il se redresse vivement et enroule son bras autour de mon cou. Étrange, je ne connaissais pas ce jeu. Il se penche vers moi et je sens son souffle chaud comme de la braise sur mon oreille droite.
— Je ne veux pas être ton ami mais plutôt ton violeur.
— Ah d'accord, comme vous voulez, je réponds clignant des yeux.
Il recule la tête en arrière et éclate d'un rire sans joie. Son haleine fétide parvient à mes narines et je grimace en tentant de tourner vers la tête. Malheureusement, sa main enserre toujours mon cou, il est donc impossible pour moi de m'échapper.
— Qui êtes-vous ? m'étranglé-je en tentant de m'écarter.
Il me caresse la joue de l'autre main en souriant :
— Ton pire cauchemar.
Oh que non. Je refuse.
— C'est cliché, hors de question que ce soit dans ma chronique! Pourquoi pas mon ange-gardien, mon âme sœur ou alors le chat de la voisine? Vous êtes obligé d'être mon pire cauchemar? Certes vous êtes moche, et être moche c'est mon plus grand cauchemar, mais bon. Limite, quoi.
Il hausse les sourcils et recule avant de se gratter le menton.
— Si je te viole, c'est cliché?
— Oui, dans toutes les chroniques les nanas se font violer. J'aurais bien aimé, ça aurait ajouté du piment, mais bon...
Il pousse un soupir las avant de s'écrouler sur mon lit, le bras derrière la tête.
— Qu'est-ce que je pourrais être alors? Ton mari? Ton kidnappeur? Ton soumis?
Je vais m'assoir à côté de lui et écarte mes cheveux blonds de ma figure.
— Et pourquoi pas mon chien?
— Pardon?
— Bah, je te promènerais, ramasserais tes crottes, te donnerais des friandises quand je serais contente de toi, expliqué-je, toute heureuse de mon idée.
Il secoue la tête avant de passer un doigt sur ses lèvres, pensif. Il doit être en train de peser les pours et les contres à être mon chien.
— Je promets de te trouver une super niche, ajouté-je pour le faire flancher.
— D'accord j'accep...
Avant qu'il puisse finir sa phrase, la porte s'ouvre à toutes volées et le bad boy de l'école entre dans ma chambre, des frites dans ses mains. Il s'approche de mon bureau, place les frites en équilibre et saute sur mon chien. En poussant un cri, je vais me réfugier dans un coin de ma chambre et regard l'amour de la vie massacrer mon chien.
C'est de la violence animalière, je suis choquée.
Néanmoins, je ne fais aucun mouvement pour l'aider, trop captivée par les frites de mon âme sœur.
Elles sont belles.
Appétissantes.
Sur mon lit, mon chien étouffe un gémissement de douleur et j'entends quelque chose craquer. Pauvre mâchoire, j'espère que le vétérinaire acceptera de le soigner.
Enfin, mon âme sœur se lève du lit où mon chien est affalé, inconscient.
— Tu as tué mon chien, dis-je simplement en levant la tête vers lui.
— Non, je l'ai massacré. Il t'a touché, je devais intervenir.
Je penche la tête sur le côté et le regarde à travers mes cils. La bagarre l'a décoiffé et j'aimerais tellement passer ma main dans ses cheveux pour les recoiffer.
— Comment tu es rentré?
Il hausse des épaules et se laisse choir sur une chaise en s'emparant de ses frites. Il en mange une avant de me répondre :
— J'ai ta clé.
— Comment...?
— Je te l'ai volé.
Ah. D'accord, parfait. Mon âme sœur m'a pris ma clé pour pénétrer chez moi. Si c'est pas une preuve d'amour, je sais pas ce que c'est.
Je le regarde se lever et se diriger vers ma fenêtre.
— Où vas-tu? m'écrié-je, affolée à l'idée qu'il s'en aille.
Il me jette un bref regard avant de me lancer une chaussette portant son odeur. Quel homme, il m'offre des cadeaux.
— Dans ma maison top secret de bad boy. Au revoir.
Et il se jette dans le vide. Lorsque j'accours vers la fenêtre, il a disparut.
Un vrai bad boy.
Sur mon lit, mon chien gémit. Je devrais peut-être appeler un vétérinaire.
Ou sinon je vais me faire les ongles.
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