Chapitre 8 - En Chemin

Après encore une bonne demi-heure de route, nous arrivons dans la ville voisine. Chris ralentit et se gare sur le parking vide d'un ancien magasin d'électroménager à l'abandon.

— La gare est à moins de 2 kilomètres. Le mieux, c'est que nous laissions la voiture ici et que nous continuions à pied.

Nous traversons la zone industrielle en silence. J'ai abandonné mon déguisement devant la première poubelle sur notre route. Il ne faudrait pas qu'Hygeia reconnaisse la voleuse du restaurant. Nous arrivons à la gare vers 15h00. Pendant que Chris achète nos billets, je regarde le tableau des départs en me demandant quelle sera notre prochaine destination. Comme s'il avait lu dans mes pensées, Chris revient vers moi et me dit :

— Nous prenons le train de 15h43 pour la capitale. C'est là-bas que se trouve notre refuge. Tu as faim ? On n'a rien mangé depuis ce matin et on a au moins 3h de train avant d'arriver.

J'acquiesce et nous nous dirigeons vers le snack de la gare. 20 minutes plus tard, nous attendons le train sur le quai n°4 un sandwich à la main.

— Où se trouve la base dans la capitale ? J'ai vu sur le site d'Hygeia que leur siège s'y trouvait aussi. Ce n'est pas trop risqué d'être si près d'eux ?

— Ne t'inquiète pas. On est assez loin pour qu'ils ne nous repèrent pas et assez près pour pouvoir les espionner si besoin. Ça fait un moment qu'on n'a pas changé de refuge. Si on voit que ça devient trop suspicieux, on bouge. Mais tu sais, notre groupe grandit de mois en mois et ce n'est pas si simple de trouver un local pour loger tout le monde.

— Hmm. Je vois. Vous êtes combien ? Je demande, pensive.

— Sept pour le moment, huit avec toi.

— Et comment sont les autres. Aussi aimable que toi ? Lui dis-je en souriant et en lui donnant un léger coup de coude.

— Je te laisserai juger quand tu les verras... Le train arrive. Viens, on va prendre nos places.

Nous prenons place à l'arrière du train. Une fois installé, Chris baisse la tablette devant lui et pose la mallette dessus. Je m'attends à ce qu'il l'ouvre pour consulter les documents tant recherchés, mais il n'en fait rien. Au contraire, il sort son téléphone, écrit un SMS - probablement à Ella - et ensuite se met à jouer sur son smartphone. Je le regarde abasourdi.

— Tu ne vérifies pas si nous avons récupéré les bons dossiers ?

— J'ai déjà jeté un coup d'œil à la mallette pendant que tu étais au restaurant, et ce sont les bons.

— On ne les étudie pas alors ? Je fronce les sourcils.

— Non. Répond-il simplement.

Pourquoi ? Je peux les lire ?

— Non.

— Et pourquoi pas ? Tu sais ce qu'ils contiennent pourquoi je ne pourrais pas le savoir.

— Je sais de quoi ils parlent, je ne connais pas leur contenu exact... Pas encore. Pour le moment, ni toi, ni moi ne pouvons les lire. On doit attendre d'être avec les autres. Et même...

Il ne finit pas sa phrase et semble gêné.

— Oui ? J'insiste.

— Je suis désolé Lola, mais même une fois à la base, il est fort possible qu'on ne te laisse pas consulter le contenu des dossiers.

Je fronce les sourcils et m'apprête à rétorquer, mais Chris lève la main pour m'indiquer de le laisser continuer.

— Les autres ne te connaissent pas encore... Il leur faudra un peu de temps pour te faire confiance. Mais promis, je ferai de mon mieux pour plaider ta cause.

J'essaye de tenter une autre approche pour en savoir plus. Ma curiosité est piquée au vif et je n'aime pas le fait d'être exclue, d'autant plus que j'ai contribué à récupérer les documents !

— Tu as dit que tu savais de quoi les documents parlaient même si tu n'en connais pas le contenu exact... Je peux au moins avoir une idée du sujet ? Histoire d'être au même niveau d'information que toi ?

Chris soupire et ferme les yeux. Il a l'air tiraillé entre l'envie de m'en dire plus et la peur de trahir ses compagnons.

— Tu me dois bien ça... Je t'ai aidé pour la mission et puis tu me fais confiance toi... Non ? je continue.

— Oui, oui, je pense que tu as prouvé que tu es digne de confiance...

Chris se tourne vers moi et me regarde droit dans les yeux. Un léger frisson parcourt mon dos.

— Le dossier parle de l'expérience qui a le mieux réussi... Pour le moment, on ne sait pas si c'est dangereux ou pas. On espère avoir plus d'informations grâce à ces documents. Le Dr Laurence devait faire le point sur la situation de cette expérience lors de la conférence d'aujourd'hui... C'est d'ailleurs en ayant eu connaissance de cette réunion que nous avons su où et comment récupérer les documents. Je ne peux pas t'en dire plus... Désolé.

— Merci...

Une secousse m'indique que le train part de la gare. Je me tourne vers la fenêtre et regarde le paysage défiler tandis que le train prend de la vitesse.

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Ça fait une heure que nous sommes partis. Chris, épuisé, s'est endormi à côté de moi. Je vérifie mon portable. Aucune nouvelle de Claire... J'espère que tout va bien de son côté.

Le temps passe et mes pensées dérivent vers les dossiers que j'ai lus hier soir. Un fait en particulier me hante :

Patient n°420 - échec

Les mots et la photo sont gravés dans ma mémoire. Cette petite fille aux boucles brunes assise au bord d'un lit d'hôpital. Pendant mes études, j'ai eu un stage en pédiatrie. On voyait passer plein d'enfants malades... On pouvait voir la tristesse dans leurs yeux. C'était vraiment un stage difficile, surtout quand un enfant mourait, il m'arrivait souvent de rentrer en pleurant le soir. J'ai mis du temps à réussir à séparer vie professionnelle et vie privée. L'expérience, il paraît...
Mais cette petite fille sur la photo ! Il n'y avait pas de tristesse dans ses yeux. Elle avait un regard vide. Comme si elle savait ce qui l'attendait, comme si elle savait qu'on lui avait volé sa vie et que rien ne pouvait la sauver. Elle n'avait qu'à attendre que la mort vienne la délivrer.

— Lola... Ça va ? Tu pleures.

Je sursaute et essuie rapidement la larme qui avait coulé sur ma joue. Pourquoi faut-il que Chris se réveille à ce moment-là ?! Je lui souris maladroitement.

— Oui, oui, ça va. Excuse-moi, j'essaye juste de gérer le trop-plein d'émotions... Il y a 48h ma plus grande préoccupation était de trouver du temps pour déjeuner avec ma petite sœur et en fin de compte je réalise que plus de deux mois sont passés et qu'une bande de fous furieux sont à mes trousses !

— Je comprends, ça prend du temps pour se faire à cette idée. Crois-moi quand on est dans leur labo... Tout semble irréel. Je n'aurais jamais pensé que des scientifiques iraient aussi loin pour répondre à l'utopie de multimillionnaires en quête d'immortalité. La pilule est vraiment dure à avaler.

— C'était comment là-bas ?

Je me mords la lèvre. Merde ! Je ne voulais pas poser une question si indiscrète, mais ma curiosité a eu le dessus. Chris repose sa tête contre son fauteuil et ferme les yeux. Je ne m'attends à aucune réponse de sa part. Pourtant...

Un cauchemar... Je pense que mon cerveau a essayé d'effacer cette expérience de ma mémoire. La plupart du temps, tout est flou. Je me rappelle surtout de la douleur, comme si mon sang brûlait dans mes veines. Ils nous inoculaient des virus plus ou moins graves et voyaient comment notre système immunitaire réagissait. La plupart du temps, nous étions cloués au lit avec de la fièvre. Et dès que l'un de nous essayait de se rebeller, il avait le droit à une bonne dose de calmants.

Sa voix tremble à l'évocation de ces souvenirs douloureux. Je ne peux qu'imaginer la terreur que tous ces "patients" doivent ressentir. Une colère immense monte en moi. Nos métiers sont censés être liés. Tous les scientifiques et soignants dévouent leur vie à sauver leurs patients, pas à les torturer !
Je prends doucement la main de Chris pour tenter de le rassurer.

— C'est fini, tu es en sécurité maintenant, et nous allons trouver une solution pour que cela n'arrive plus jamais à personne. Déjà aujourd'hui, nous avons fait un pas de plus en volant ces documents.

Chris se tourne vers moi et me sourit. Ses yeux sont tristes et je ne pense pas que mes mots l'ont vraiment aidé.

— Merci Lola... Pour ton écoute et ton aide. Et tu as raison ! Nous avons progressé aujourd'hui. Il ne sert à rien de se lamenter sur le passé ! Essaye de te reposer maintenant, il nous reste encore de la route avant d'arriver.

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Quand nous sortons de la gare, il fait déjà nuit. Les gens se hâtent dans les rues pour rentrer chez eux après leur journée de travail. Chris m'a prévenu qu'il nous restait quelques kilomètres à parcourir à pied.

Je suis fatiguée et j'ai froid, le vent me gèle le visage. Après presque 45 minutes de marche, nous arrivons dans le port fluvial de la ville. Chris nous fait passer par de petites allées pour éviter de nous faire repérer par les derniers travailleurs encore présents.

Arrivés devant un hangar qui semble abandonné, Chris se retourne vers moi.

— Nous y voilà. Nous allons entrer, mais je préfère te prévenir maintenant, je ne te garantis pas un accueil chaleureux.

J'acquiesce un peu stressée. Chris pousse les grandes portes du bâtiment qui s'ouvrent dans un crissement métallique et nous entrons. À mon étonnement l'endroit est plutôt bien aménagé, voire même presque cosy. Une grande table en bois trône au milieu de la pièce et des poufs et fauteuils en tout genre sont répartis un peu partout dans la salle. Des feux brûlent dans de gros bidons ce qui rend la température agréable.

Soudain, un bruit de pas se fait entendre au niveau du balcon qui surplombe la pièce principale et une femme apparaît. Grande, élancée, elle s'avance vers nous d'un pas assuré. Je suis sûre qu'il s'agit d'Ella. Ses cheveux blonds sont attachés en une queue-de-cheval qui lui tombe sous les épaules et son visage sans aucune imperfection en rendrait jalouse plus d'une... Dont moi, je dois l'avouer. Elle me toise de ses yeux bleus cristallins avant de prendre la parole.

— Chris, bienvenue à la maison. Je vois que tu ne viens pas les mains vides. Parfait. Allons dans mon bureau pour jeter un coup d'œil à cette mallette. Toi, la nouvelle, trouve toi un coin tranquille et ne nous embête pas. Je vais demander à Lucas qu'il vienne te surveiller, je n'ai pas envie que tu fouines là où tu ne devrais pas.

Son ton sec est méprisable me laisse pantoise. Je crois que je viens de me faire une nouvelle amie. Je me mords l'intérieur de la joue pour ne pas l'envoyer balader. Il ne sert à rien de faire un scandale dès mon arrivée. Je soupire et croise les doigts pour que les autres soient plus sympas.

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Comme promis, j'ai pu sortir ce chapitre assez rapidement. Il y a un peu moins d'action, mais j'espère qu'il vous a plu.

Le temps des rencontres est arrivé avec les autres membres du groupe. Pensez-vous que Lola va réussir à se faire des amis parmi eux ?

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