Chapitre 36 - L'assaut
Avertissement : violence, armes, mort
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Ella se lève de son fauteuil et va ouvrir la porte. Deux personnes s'engouffrent dans la pièce, presque sans un bruit, portant avec eux deux gros sacs noirs. Pascal et Diane, j'imagine. Ils sont tous les deux grands, plus grands que Chris et sont bâtis comme des athlètes. Ils semblent être un peu plus âgés qu'Ella. Entre 35 et 40 ans, sûrement. Lui, a les yeux sombres et des cheveux bruns très foncés. Son visage est buriné et creusé par les rides. Une épaisse barbe le cache à moitié. Comme tous les autres, il a l'air d'avoir vécu son lot d'horreur. Cependant, son regard est doux et il me met en confiance tout de suite. Diane est tout son opposé, elle a les cheveux roux coupés très courts, ses yeux bleus sont quasiment translucides et semblent pouvoir glacer les gens sur place. Elle respire la confiance en elle. Son sourire la trahit pourtant, sous ses airs de dure à cuire, la femme semble plutôt chaleureuse.
Lucas saute de son lit et Chris fait de même, laissant une sensation de froid sur le matelas. Les deux hommes s'approchent vers leurs amis de longue date et échangent une accolade. Tous se sourient, heureux de se retrouver. Mais leur sérieux revient vite et ils se rassemblent autour de l'unique bureau de la pièce. Diane et Pascal posent leurs gros sacs sur le meuble en bois et les ouvrent avec précaution.
Claire descend lentement de son lit et vient s'asseoir à côté de moi. Elle semble aussi perdue que moi. D'où nous sommes, nous ne pouvons pas voir le contenu des bagages. Je prends doucement la main de ma sœur et lui fait un signe de tête pour lui indiquer de se lever et de me suivre. Nous nous approchons en silence, de peur de déranger les autres. Nous sommes maintenant tous réunis autour de la besace que Pascal vient d'ouvrir.
J'écarquille les yeux, à l'intérieur se trouve une multitude d'armes en tous genres. Revolvers, fusils d'assaut, grenades, il y même des explosifs avec leurs détonateurs. Je déglutis difficilement, la peur commence à me prendre à la gorge. Tout semble bien trop réel. Pourtant, je n'ai jamais été confrontée à une situation aussi proche de la fiction. Ella prend la parole, comme à son habitude, tandis que Diane commence à distribuer les armes à chacun de nous.
— Bien, je récapitule le plan. Pascal, Diane et Lucas, vous vous occuperez de faire sortir les prisonniers et de nous couvrir. Claire, ton rôle est le plus crucial : t'infiltrer parmi les prisonniers pour permettre que notre action ait des répercussions à long terme. Quant à nous trois, la jeune blonde nous regarde Chris et moi, nous allons détruire les recherches d'Hygeia.
Nous approuvons tous, personne n'ose dire un mot. Je sécurise mon arme à ma ceinture et prends des recharges ainsi que quelques explosifs que Diane me tend. Nous commençons tous à réunir nos affaires, prêts à partir. Claire s'éclipse quelques instants dans la salle de bain pour se changer. Elle porte maintenant l'ensemble blanc propre à chaque « patient » enfermé là-bas.
Nous nous dirigeons vers la sortie de l'hôtel, mais avant que je n'ai le temps de sortir, Chris me retient.
— Attends, Lola.
Il m'attire vers lui et m'embrasse passionnément. Je ferme mes yeux avec tant de force que cela me fait mal. Mais je réponds à son baiser et espère qu'il ne s'agit pas là d'un au revoir.
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Nous nous sommes répartis dans deux voitures que Diane et Pascal ont apportées. Nous ne sommes pas loin de notre destination, l'entrée du tunnel par lequel je m'étais échappée. L'endroit est assez simple à retrouver, il suffit de longer le fleuve et celui-ci se trouve à quelques kilomètres de la capitale.
Nous nous garons à une certaine distance, pour ne pas nous faire repérer. Nous abandonnons les voitures le long de la berge et continuons notre voyage à pied. Après moins d'une heure de marche nous arrivons enfin à destination. L'endroit est désert mais je ne m'y fie pas, nos ennemis sont sans doute à l'aguet à l'intérieur du tunnel.
Chris et Pascal s'approchent de la trappe, tandis que Diane se tourne vers nous.
— Soyez prêt. Dès que les garçons auront ouvert la trappe, il faut s'attendre à une attaque. Lucas ? Tu as les fumigènes ?
Lucas acquiesce et s'approche, prêt à lancer le fumigène une fois l'entrée ouverte. Nous nous avançons tous et nous réunissons, arme au poing. Ella lève une main et fait le décompte avec ses doigts. 3.2.1...
Ensuite, tout va très vite, Chris et Pascal ouvre la trappe, au même moment Lucas balance le fumigène à l'intérieur. Sans même attendre les réactions de nos adversaires, Ella et Diane ont déjà ouvert le feu. Très vite, des cris se font entendre et les détonations pleuvent.
Nous nous engouffrons tous à l'intérieur, nous protégeant les uns les autres des balles qui pourraient nous atteindre. Au moment où vient mon tour de descendre, je me laisse glisser le long de l'échelle – le tunnel est beaucoup moins profond que dans mon souvenir.
Une fois arrivée en bas, je me mets en position devant Claire prête à la protéger. Elle doit absolument sortir indemne de tout cela si nous voulons que notre plan fonctionne, je ne me le pardonnerais pas s'il arrivait quelque chose à ma petite sœur. Si je n'avais pas persisté à vouloir rester en contact avec elle malgré les avertissements de mes amis, Claire serait probablement en sécurité aujourd'hui.
Je sens soudain une main me tirer en arrière. Je me retourne et vois Chris qui me fusille du regard m'attirant derrière lui utilisant son corps comme un bouclier pour me protéger.
— Qu'est-ce que tu fais ?! je lui chuchote.
— Reste derrière. Tu t'es déjà assez mise en danger comme ça !
— Non, je le bouscule et reprends ma position initiale, je fais aussi partie du groupe ! Il est hors de question que je reste en arrière !
Chris m'attrape par le bras avec tellement de force que je manque de tomber. Ses yeux brillent dans la pénombre et il se penche vers moi, son visage déformé par la colère à quelques centimètres du mien.
— Et il est hors de question qu'il t'arrive quelque chose ! Je ne le permettrai pas !
Sa voix est ferme et ses yeux me lancent des éclairs. Pourtant, je peux facilement y percevoir autre chose. De la peur, du désespoir. Je repense aux mots qu'il m'avait dits quand nous étions seuls dans l'hôtel quelques semaines plus tôt, sur sa peur de perdre encore des proches.
Je me mords la lèvre, je ne sais pas quoi répondre. Je comprends ses inquiétudes et je les partage avec lui. Moi non plus, je ne supporterais pas de le perdre. Ni lui, ni aucun autre membre du groupe. La perte de Carole et l'absence de Max sont déjà assez pénibles, je ne sais pas si notre petite famille survivra à une nouvelle perte. Ella passe devant nous et s'arrête à notre hauteur :
— Chris a raison, Lola. Reste derrière, nous avons encore besoin de toi, tu es la seule à connaître l'emplacement de leur pièce secrète.
Elle lance ensuite un regard lourd de sous-entendus à Chris qui hoche la tête, reconnaissant. Chris s'éloigne, me laissant là, les bras ballants. Que vient-il de se passer ? Était-ce encore un coup tordu d'Ella ou souhaite-t-elle protéger son ami en me demandant de rester à couvert ?
Quoi qu'il en soit, n'ayant pas trop le choix, je me fraye un chemin jusqu'à Claire, au milieu des autres. Cependant, je garde mon arme bien serrée dans ma main, sachant que je peux avoir besoin de m'en servir à tout moment.
Claire me sourit faiblement, elle semble contente de me voir se joindre à elle. Nous continuons d'avancer en silence, il semble n'y avoir plus que nous dans le tunnel. De temps en temps, je peux apercevoir que ma petite sœur lance quelques regards inquiets en direction de Lucas.
— Ne t'inquiète pas, je tente de la rassurer, Lucas va s'en sortir, c'est un coriace.
— Merci. Alors, ça ne te dérange pas que je sorte avec lui ?
Sa remarque me fait rire. Le son de ma voix ricoche contre les murs et je me tais, embarrassée. Ce n'est pas le moment de se faire remarquer. Je baisse la voix pour répondre à Claire.
— Pourquoi ça me gênerait ? Au contraire ! Lucas est devenu l'un de mes meilleurs amis, je suis ravie que vous vous soyez trouvé, et je sais que je peux lui faire confiance.
Le sourire de Claire s'agrandit et elle semble soulagée. Ma gorge se serre, j'espère que tout se passera bien, mais il faut voir la réalité en face, il y aura sans aucun doute des pertes. Je respire un bon coup et prends la main de ma sœur.
— Tu sais Claire, il pourrait se passer n'importe quoi aujourd'hui. Il... il faut que tu gardes ça en tête.
— Je sais, Claire semble soudain avoir perdu sa joie de vivre, qu'est-ce qu'il va arriver à Maman après tout ça ?
Je soupire. Bonne question, je n'en ai pas la moindre idée. J'essaye donc d'envisager la meilleure option.
— Elle va sûrement aller en prison. C'est le meilleur scénario que je puisse imaginer.
Claire hoche la tête. Je sais bien que ma réponse ne la satisfait pas, mais nous ne pourrons plus jamais avoir une relation normale avec notre génitrice. Pour moi, ma mère est morte le jour où j'ai appris sa vraie nature. C'est un deuil long est difficile, mais cette femme, Elsa, n'est pas la mère que j'ai connue.
Nous arrivons enfin près de la lourde porte qui sépare le tunnel du labo. Ça y est, nous y sommes, la dernière ligne droite, la dernière bataille. Je regarde ma sœur, sachant que c'est peut-être la dernière fois que je la vois.
— Peut importe ce qu'il se passe, pense toujours à te protéger ok ? Lucas sera près de toi la plupart du temps, écoute ce qu'il te dit, il a l'habitude de ce genre de situation. Ça va bien se passer.
Je dis cette dernière phrase plus pour moi que pour ma sœur.
— Je sais, me répond-elle dans un murmure.
Je lève la main pour la poser sur la joue de ma sœur et je me mords l'intérieur de la bouche pour ne pas pleurer.
— Je t'aime, Claire.
Je peux voir ses yeux s'écarquiller, et les larmes arriver. Elle ouvre la bouche, mais n'a pas le temps de me répondre. Les portes de métal viennent d'être ouvertes et Lucas lance un second fumigène dans l'ouverture. Nous nous précipitons tous à l'intérieur, profitant de la fumée pour nous mettre à couvert. Des coups de feu résonnent déjà dans la pièce et le chaos commence à régner. Des prisonniers se bousculent, essayant d'éviter les balles. Nous ne visons que les membres armés d'Hygeia, mais ceux-ci s'en fiche et tirent sur tous ceux qui passent à leur portée. Au loin, je vois Claire se faufiler à travers les gens pour se mêler aux autres prisonniers. Lucas ne la lâche pas des yeux et je soupire de soulagement.
Je me retourne, restant aux aguets et vois une silhouette tourner au bout du couloir, puis disparaître. Je n'ai aucun doute sur l'identité de cette personne et commence à la suivre. J'arrive dans un nouveau couloir, désert cette fois-ci. Je me mets à courir sans faire de bruit après ma cible. Quand je suis assez proche, je lève mes bras pointant mon arme sur la femme qui est dos à moi.
— Arrête-toi, Elsa. Retourne-toi doucement vers moi.
Ma mère m'obéi et lève les bras en signe de reddition. Comme à son habitude, elle porte un tailleur blanc, ce qui lui permet de se fondre dans la masse au milieu des couloirs de la même couleur. Une fois qu'elle me fait face, je reprendre la parole.
— Bien, donne-moi ta broche maintenant.
— Ma broche ? Mais pour quoi faire ? répond-elle dans un rire. Tu veux garder un souvenir de famille ?
— Ne te moque pas de moi ! j'essaye d'avoir un ton menaçant, je sais très bien ce que tu caches dans ta broche. Donne-la-moi et je ne te blesserai pas.
— Oh ma pauvre enfant, ce que tu peux être naïve. Tu ne pense tout de même pas que je te laisserai faire ? Et comment comptes-tu me blesser avec ton nouveau joujou ? Sais-tu au moins comment t'en servir ?
Je fronce les sourcils et enlève la sécurité de mon arme afin qu'elle comprenne que je ne plaisante pas. J'espère ne pas avoir à m'en servir, mais s'il le faut, je le ferai.
Au même moment, Grégory apparaît derrière ma mère, son habituel sourire sadique pendu à ses lèvres.
— Ravis de te revoir patient n°1. Crois-moi, cette fois-ci, je ne te laisserai pas t'échapper.
En disant cela, l'homme se met à me menacer avec son arme, visant directement ma tête. J'essaye de ne pas me laisser impressionner. Après tout, comme je suis le "patient clé", s'ils me tuent, leurs espoirs meurent avec moi.
— Tu bluffes Grégory, je sais bien que tu n'as pas l'intention de me tuer.
— Oh, mais nous n'avons jamais parlé de te tuer...
C'est ma mère qui répond, et sa phrase résonne comme un signal. Grégory baisse son arme et vise mon genou. Je vois son doigt se fixer sur la détente. Je commence à paniquer, que dois-je faire ? Tirer ? Le tuer ? Mais c'est trop tard, je n'ai pas réagi assez vite et une détonation se fait entendre.
Je m'attends à une douleur immense, mais non, ce n'est pas Grégory qui a tiré. L'homme a maintenant un trou entre les deux yeux, son regard est vide et du sang coule sur son visage. Il tombe au sol devant moi, face contre terre. Mort.
Elsa a les mains levées devant sa bouche, sous le choc. Son tailleur blanc a été éclaboussé par le sang de son garde du corps, laissant apparaître sur elle les traces de ses erreurs, de sa monstruosité.
Je me retourne, Chris se tient derrière moi le regard plein de haine son arme fumante toujours pointée vers l'endroit où se tenait Grégory quelque temps plus tôt. Ella le rejoint vite, un sourire satisfait aux lèvres. Elle pointe son arme sur ma mère :
— Bonjour, Madame la Directrice. Si vous voulez bien nous montrer le chemin ?
Son ton est on ne peut plus sarcastique et je peux la sentir jubiler intérieurement. Ma mère avance stoïquement et nous la suivons. Je surveille ses moindres mouvements, mais elle semble avoir l'intelligence de ne pas nous berner. Nous arrivons bientôt devant l'ascenseur camouflé dans le mur. Je la vois hésiter.
— Que comptez-vous faire une fois que vous aurez accès à la pièce ?
— Ça ne te regarde pas ! Ella lui lance, mais Elsa l'ignore.
— Vous allez tout détruire, c'est bien cela ? Briser le travail d'une vie ? Vous savez, j'aurais pu changer le monde, sauvez des vies. Vous agissez comme des criminels !
— Arrête de raconter des conneries, Maman !
Les mots m'échappent, je n'en reviens pas moi-même et je me mords la joue à l'idée d'avoir appelé cette femme « Maman ».
— Allez, dépêche-toi !
Je saisis sa main et la colle contre le mur, comme je l'ai vu faire des jours plus tôt. Les portes de l'ascenseur s'ouvrent et je la pousse à l'intérieur. Nous restons silencieux jusqu'à ce que nous arrivions enfin devant la porte du laboratoire secret. Je prends la broche de ma mère, toujours accroché à sa veste et l'ouvre. J'ai maintenant entre mes mains la clé qui mettra fin à toute cette histoire.
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