Chapitre 8: Clover Paradise
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Why am I so crazy ? I am so lonely
I don't know why a part of me left that night
The truth is too big to hide but...
Le trait du pinceau de Gaïa fendit la feuille comme l'épée d'un chevalier. L'encre se répandit sur le papier. Elle peignait. D'un trait bleu ciel, elle représenta l'iris de ses yeux. Avec du gris-jaune, ses cheveux.
Gaïa plissa les yeux. Elle dessinait cette femme qui l'interpelait depuis quelques temps, comme si sa mémoire lui jouait un tour étrange. Elle repassa son pinceau sur ses yeux, captant dans l'étincelle de sa prunelle un petit quelque chose qu'elle ne pouvait qu'effleurer du doigt. Puis, elle cacha de sa main le visage d'Isolys, et écarta un peu les doigts pour ne laisser paraitre que les yeux. Elle eut une exclamation.
Elle savait d'où elle la connaissait. Le bordel...
I lost my credibility, I have no more ability
I feel so lonely, hostility, bad energy around me
Fucks with my stability, I feel vulerability, paranormal activity
Get rid of my virginity...
- Cette chanson est vraiment obscène. Tais toi.
Gaïa releva la tête en voyant Luthien rentrer dans la pièce. En premier point, cela l'agaça. La pièce était assez grande pour que le conseiller se mette autre part s'il n'aimait pas ce qu'elle chantait. De plus, elle adorait cette chanson.
- Mmph. Qu'est-ce qu'il y a ?
- Le laquais m'a dit que j'avais reçu du courrier.
Gaïa regarda autour d'elle, ne voyant pas de lettre à l'intention de son mari... Avant de voir où le regard de Luthien pointait. Le papier sur lequel elle était en train de dessiner. C'était le dos d'une lettre.
Il lui arracha des mains en fulminant:
- Tu es conne ?! Tu dessinais sur mes lettres !
- J-je n'avais pas vu, s'exclama Gaïa en rougissant d'embarras.
Il la retourna pour regarder le sceau, celui du médecin familial de la famille Lorendil. Puis, il regarda le verseau du papier, pour constater avec horreur un dessin d'Isolys.
- Qu'est-ce que c'est que cette merde ? Quelle idiote tu fais.
En lui lançant un regard dédaigneux, il ouvrit la lettre, Gaïa fixant le papier en se pinçant les lèvres, embêtée. Il lut son contenu, ses yeux se déplaçant de gauche à droite. Le silence se fit tendu et de plus en plus épais, la jeune femme se gratta nerveusement le bras.
En attendant, elle fut déconcentrée par l'arrivée d'un des serviteurs de la maison. Celui-ci apporta une gourde blanche, sûrement remplie de liqueur ou d'eau, et la posa près de Luthien.
- Elle dit quoi ?
Luthien laissa tomber la lettre au sol, le regard voilé, et s'écroula presque dans le divan en face d'elle. Inquiète, elle prit la lettre, alors que l'homme se servait du breuvage et le but cul-sec.
- J'ai... Ils n'ont pas réussi à me soigner.
- Non, murmura-t-elle, complètement atterrée.
- Des années que je prend ces putains de médicaments... Pour rien ! Ils m'annoncent que je vais mourir.
- Quand ? répondit presque immédiatement sa femme, ses yeux traduisant sa pitié.
- Je ne sais pas. Mes jours sont comptés... Sûrement quelques mois. Apparemment, ils croyaient que mon cas allait s'arranger, mais ça s'est empiré. Une maladie auto-immune, un truc dégénératif.
Il y eut un long silence durant lequel Luthien prenait son visage entre ses mains, respirant rapidement. Gaïa le fixait, ne sachant quoi dire, relisant la lettre du médecin qui lui annonçait que sa maladie lui serait fatale.
Le conseiller semblait détruit. Effondré, il se laissa le temps de savoir quoi faire.Et que faire ? Il venait de prendre une décision qui changerait sûrement la vie de beaucoup, en Bas. Il s'était imaginé aider une certaine rébellion, si rien ne changeait.Mais il ne s'était pas imaginé laisser mourir le commanditeur d'une bombe à l'intention de ses collègues conseillers.
Il releva le regard pour fixer Gaïa. Et une idée lui traversa l'esprit.
La survie d'un homme se faisait par sa descendance.
- Il faut que tu soies enceinte avant que je meure, murmura Luthien, la voix chargée d'horreur.
Ils se regardèrent un moment, alors qu'elle écarquilla les yeux. Son visage semblait dire "tu n'es pas sérieux ?". Mais le conseiller était tout ce qu'il y a de plus sérieux. Il serra les machoires, lui lançant un regard qu'elle sut parfaitement interpréter. Contredire cette idée ne lui vint pas à l'esprit, bien qu'elle la choqua en premier lieu.
Et leurs yeux se croisèrent à nouveau. Les pupilles noisette du brun et ses yeux noirs traduisaient la gêne qu'ils ressentirent. Il n'y avait qu'un seul moyen pour l'engrosser. Ils le savaient tout deux. Gaïa regarda la porte de la pièce, Luthien se leva pour la fermer. Il ferma les rideaux, elle déglutit et enleva les bretelles de son haut.
Même dans la pénombre, elle détesta tout ce qui arrivait. Ses mains trouvèrent les habits de Luthien Lorendil, découvrant pour la première fois sa peau nue. L'homme prenait soin de lui, il sentait bon. Cependant, son parfum lui faisait tourner la tête, restait persistant dans ses narines. Elle effleura sa peau du bout des doigts, sa gorge nouée. Lui aussi tenta de passer ses mains sur sa poitrine, mais elle eut un mouvement de recul.
Pour une fois, il n'insista pas, elle lui en fut reconnaissante. Le silence était écrasant, faisait courber le dos de Gaïa. Elle se pliait à son devoir d'épouse, et la femme libre qu'elle voulait être se dégoutait.
Le moment fut désagréable, court, humiliant. Dès qu'il eut fini, Luthien Lorendil se releva, essuyant son nez qui coulait, et sortit de la pièce torse nu. Ni lui ni elle ne se sentaient grandis de cette défloraison grave. Gaïa se sentit étrange d'avoir cru ce moment sacré. Après tout, ce n'était qu'un hymen, qu'une première fois. Elle remit son haut en silence et reboutonna ses habits, un long frisson la prenant.
Elle resta un moment interminable dans le noir, sentant la semence s'épandre en elle. Elle gratta à nouveau nerveusement ses bras, avant de s'allonger contre le divan. Peut-être qu'en restant un peu plus longtemps dans cette pièce, respirant l'arome âcre de Luthien un peu plus longtemps, elle pourrait être un peu plus fertile. Tout ce qu'elle craignait en ce moment même, c'est de devoir recommencer la même chose, si cela ne marchait pas...
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Léah sortit de la tente et regarda l'impressionnante plateforme au dessus de ses yeux. Comme un mastodonte, la Haute-Ville surpassait la Basse, la dominait. C'était son ombre qui faisait de la Basse Ville un endroit humide et froid, sans lumière, éternellement plongé dans la confusion de l'obscurité.
You gotta lose, you gotta win
It's okay, it's alright
Come closer, just have an eye
To the clover paradise
Elle regarda de loin briller les hauts toits des grandes bâtisses, les dirigeables, les lignes de chemin de fer qui au loin pétillaient comme des bulles de champagne. Cette richesse apparente la dégoutait, faisait encore plus ressortir la pauvreté de la Basse-ville, soigneusement cachée derrière.
Elle était allée acheter des fleurs pour Jade. Il y avait un petit garçon, au rond-point d'un carrefour, qui en vendait. Il était un peu étrange, ses yeux étaient vairons, il avait un visage très plat et une jambe en bois. Léah avait appris par sa mère qu'il avait été dévoré par des corbeaux quand il était petit et que depuis "il a plus les zyeu en face des trous çlui là !" (Léah détestait la mère du petit). Il avait cultivé son jardin en parallèle d'être mineur pendant des années, et désormais c'était son métier à part entière.
Son stand était loin, mais la rose s'était sentie d'humeur à faire le trajet ce matin-là. Il était tôt, et les lueurs roses-irisées qui s'étendaient sur la Haute-ville transmettaient des lumières violettes à la Basse. Elle voulait acheter des fleurs pour la rousse, car elle savait combien son comportement l'affectait ces derniers temps.
Depuis que Maddie avait été envoyée on-ne-savait-où, Léah avait été d'une humeur massacrante. Jade, qui était plus délicate et sensible qu'elle, l'avait sûrement remarqué et subissait ses regards glaçants. La rose voulait lui faire un cadeau.
Elle revint avec un bouquet de roses à la main. Il ne contenait que quatre roses, le papier était élimé, et cela lui avait couté cher. Mais Léah était contente. Elle lui offrirait certainement après l'attentat. Elle frissonna à la pensée que la pose de la bombe était le jour-même, et rougit à l'idée d'offrir le bouquet à Jade.
Il faudrait que je sache quoi lui dire. Bafouiller, ce serait embarrassant. Elle réfléchit à cela en retrouvant les grandes tentes où elle et ses amis se retrouvaient.
Sébastien, le père de Rory, et plusieurs autres adultes étaient regroupés autour de Nolan. Le jeune adolescent semblait leur expliquer le fonctionnement du lourd dispositif posé sur la table.
- Soit vous mettez un compte à rebours, soit vous le lancez sur le sol. L'impact le fera exploser. Mais vous pouvez faire les deux, aussi.
- Le problème du compte à rebours, c'est qu'il y a une infime chance pour qu'un policier se jette dessus pour l'étouffer s'il a le temps, marmonna Sébastien en réfléchissant.
- Lancer le sac sur une nacelle qui arrive, ça c'est parfait. Mais il nous faudra une personne assez vive pour le lancer sans se faire voir et se mettre hors de danger rapidement.
Les mots de Léah jetèrent un froid dans l'assemblée. Ils se regardèrent longuement avant qu'une femme aux traits tirés et à l'oeil poché marmonne:
- C'est clairement une mission suicide.
- Si on y croit pas, c'est pas la peine de le faire, grogna Léah en faisant quelques pas agressifs vers elle. Arrêtons de ce poser ce genre de questions. Ca ne fait que nous décourager. Vous savez quoi ? Je la poserai moi-même.
All that you're looking for is by your side
Don't you wanna join our paradise?
Just know that if you go in, you might not come back
That's the rules of the clover paradise
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Charlie essuya l'insigne de son blouson d'un geste machinal. Une sensation d'oppression l'envahissait : elle se sentait salie, honteuse. Son honneur venait de prendre un sacré coup. Dès qu'elle avait franchi les portes du poste, les regards accusateurs l'avaient accueillie, et la première question qu'on lui avait posée résonnait encore dans sa tête : "Pourquoi ?"
Pourquoi avait-elle agi ainsi ? Pourquoi avait-elle enfreint une règle aussi élémentaire ? Non, on ne pénétrait pas dans la cabine d'une détenue, peu importe son degré de dangerosité. Elle-même n'avait pas de réponse claire. Peut-être était-ce son imprudence. Ou son innocence. Quoi qu'il en soit, c'était son erreur, son manque de discernement qui avaient permis à Ambre de s'échapper.
Elle avait appris, une heure plus tard, que la fugitive n'avait pas perdu de temps : elle avait tasé plusieurs personnes sur la plateforme menant à la Ville d'en Bas, s'ouvrant un passage par la violence. Isolys avait raison. Ambre est et deviendrait dangereuse, imprévisible, incontrôlable.
Charlie déverrouilla la porte de son appartement d'un geste las. Lorsqu'elle entra, elle fut accueillie par un spectacle inattendu : Solange, sa colocataire, enlacée étroitement avec un homme sur le canapé. Le rouge lui monta aux joues à la vue de leurs corps entremêlés. Dès qu'elle aperçut Charlie, Solange bondit, l'air paniqué, ajustant maladroitement son chemisier froissé.
- C-Charlie ? Tu reviens si tôt ?
Son regard semblait fuyant, comme si elle avait mis des liquides sexuels sur le canapé (et donc brisé la règle numéro 1 qu'elles s'étaient fixées: pas de coït dans les pièces communes). Mais la brune aux cheveux longs poussa un simple soupir, ne s'en préoccupant même pas. Elle passa devant Solange, récupéra un sac avec des changes, un pistolet, et une bouteille d'eau.
Mais Charlie ne sembla pas s'en formaliser. Elle poussa un soupir las et marcha droit vers sa chambre. Solange la suivit des yeux, intriguée, alors que sa colocataire farfouillait dans ses affaires. Elle en ressortit rapidement, armée d'un sac contenant quelques vêtements, un pistolet, et une bouteille d'eau.
- Tout va bien ?
- Je ne rentre pas avant un bout de temps, répondit Charlie, laconique. N'oublie pas de nourrir les poissons.
- Hey ! Pars pas comme une voleuse ! protesta Solange, se levant précipitamment. Tu vas où, si tôt le matin ?
- Traquer une fugitive avant qu'elle n'essaie de tuer quelqu'un, expliqua Charlie, déjà sur le pas de la porte. Je vais probablement me retrouver dans la Basse Ville, alors on ne pourra pas s'appeler.
Sans laisser le temps à Solange de répondre, elle referma la porte derrière elle.
La première étape de Charlie fut les nacelles : d'immenses structures métalliques, grinçantes et usées par le temps, qui transportaient les voyageurs entre les niveaux de la ville. Suspendues au-dessus du vide, elles paraissaient intimidantes, surtout dans les lueurs mourantes du soir.
Charlie avait faim, mais elle ne savait ni où ni quoi manger. En vérité, elle n'en avait pas vraiment envie. Elle avait retiré son blouson rouge et ses armes de service pour ne pas attirer l'attention, optant pour une tenue plus passe-partout : un haut décontracté au décolleté en V et un pantalon cargo pratique.
Dans cet accoutrement, elle se fondait dans le décor. Du moins, c'est ce qu'elle espérait. Pourtant, la Basse Ville semblait avoir une volonté propre, comme si elle voulait volontairement déstabiliser les étrangers. En moins de dix minutes, Charlie s'était déjà perdue.
Elle avait un plan à la main en arrivant, mais celui-ci s'était avéré aussi inutile que sa boussole intérieure. Lorsque, dans une dernière tentative, elle montra le portrait d'Ambre à un homme dans la rue, celui-ci tenta de la mordre avant de se lancer à sa poursuite.
Paniquée, Charlie courut à perdre haleine jusqu'à trouver refuge dans un campement isolé. L'endroit était entouré de barbelés et semblait désert. L'air y était étrangement plus léger, et elle s'y sentit immédiatement soulagée. Soufflant un instant, elle posa son plan sur une vieille table rouillée pour reprendre ses recherches.
À côté du plan, un bouquet de roses défraîchies attirait son attention. Les pétales étaient ternes, un peu froissés, mais l'ensemble dégageait un charme mélancolique. Elle saisit délicatement le papier kraft qui les entourait, se demandant à qui cela pouvait bien appartenir.
Soudain, une voix rauque la tira de ses pensées :
- Hé ! Touche pas ça toi, c'est à moi !
Charlie sursauta, lâchant aussitôt le bouquet. Une femme s'avança d'un pas sec et le récupéra, ses yeux gris lançant des éclairs. Ses cheveux teints en rose détonnaient dans le décor sombre, et son blouson noir complétait son allure intimidante. Charlie la reconnut immédiatement : la jeune femme qui hantait les récits des habitants de la Basse Ville.
- Excusez mon indiscrétion, balbutia Charlie, déstabilisée.
La femme la toisa, son regard dur et méfiant.
- Qu'est-ce que tu fous là ? Vous deviez pas être à la mine ?
Charlie tenta un sourire, serrant discrètement le plan derrière elle.
- Je... Je m'y rendais, mentit-elle. Puis, espérant tirer quelque chose de cette rencontre, elle brandit le portrait d'Ambre. Tu connais cette femme ?
La femme aux cheveux roses plissa les yeux, analysant brièvement l'image avant de secouer la tête.
- Nan.
Et sans ajouter un mot, elle contourna Charlie, son bouquet dans une main, un sac lourd dans l'autre. Charlie resta interdite. Elle avait entendu dire que les habitants de la Basse Ville étaient des sauvages, mais cette femme était différente. Elle avait quelque chose de plus terre-à-terre malgré son hostilité apparente.
Alors qu'elle la regardait s'éloigner, un soupir contraint échappa à Charlie.
- Tant pis, murmura-t-elle pour elle-même.
Elle replia soigneusement son plan, jeta un dernier coup d'œil à la silhouette de la femme, puis décida de la suivre.
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