✨ Chapitre 33 ✨

J'émerge peu à peu. J'ai l'impression que mon esprit a quitté mon corps pendant des années. Je ne sais même pas dans quel état je me trouve. J'ai la sensation qu'on m'a droguée et que mon corps et mon esprit sont complètement séparés.

Je commence à essayer de me rappeler les événements qui sont survenus. Pourtant, sans même avoir ouvert les yeux, je sais qu'une tonne de problèmes va me retomber sur le dos. Je souhaite quand même savoir comment je me porte, physiquement. Je prends la décision de lever mon petit doigt.

« Aïe, aïe, aïe ! », je hurle de douleur dans ma tête.

C'est pas possible, je dois être dans un état lamentable ! Juste en bougeant mon auriculaire une immense douleur est survenue !

J'essaie d'ouvrir les yeux mais je les referme aussitôt. Á peine ai-je ouvert les yeux qu'une lumière forte et aveuglante m'a brûlé la rétine. Je réessaie une seconde fois et je commence à m'habituer peu à peu à cet excès de blancheur.

Oui, blancheur, car je ne vois qu'un plafond blanc. Je ne sais même pas où je suis. Je ne me rappelle pas comment j'ai fait pour atterrir ici.

Je continue à essayer de réfléchir aux éléments qui auraient pu faire que je me sois retrouvée dans... cet endroit. J'arrête instantanément mes réflexions car une douleur mille fois plus importante que la précédente vient de se faire ressentir. Je ne sais pas exactement où ? Je ne sens quasiment plus aucune parcelle de mon corps.

J'ai les yeux ouverts mais je ne peux voir autre chose que le plafond. J'ouvre la bouche et une petite lamentation à peine perceptible se fait entendre. Je sens quelque chose bouger et un visage entre dans mon champ de vision.

Un visage aux traits durs avec un côté fin. Des yeux vert émeraude sûrs d'eux et une chevelure sauvage rouge vif.

- Liya..., j'arrive à peine à articuler.

Son visage s'éclaircit en entendant son prénom dans ma bouche.

- Je suis si heureuse que tu sois vivante !

Je ne comprends pas de quoi elle veut parler. Devant mon visage qui doit être plus qu'étonné elle me demande :

- Tu te souviens de quoi ?

Je ne peux pas répondre. Juste le fait de dire « Liya » m'a endolori toute la mâchoire. Elle comprend ma détresse et appuie sur un bouton.

Quelques secondes plus tard, la salle est remplie de femmes en blanc. Elles sont affolées mais je n'ai pas la tête à me demander pourquoi. J'essaie de tourner la tête pour essayer d'entrevoir Liya, mais elle n'est pas revenue.

Les infirmières essaient de me poser des questions auxquelles je ne peux pas répondre. Une autre me pose une serviette imbibée d'eau froide sur le front.

- Va prévenir Dame Luciana ! ordonne celle qui doit sûrement être la chef à l'infirmière qui m'a mis le linge sur le front.

- Tout de suite madame, dit-elle en s'inclinant respectueusement.

Les infirmières ont l'air excité mais je ne sais toujours pas pour quelle raison. Elles sont en train de sortir un paquet de draps blancs comme neige, d'autres des tonnes de pansements. Elles ne savent plus ou donner de la tête. Mais toutes arrêtent leurs mouvements et  se prosternent quand ma mère arrive.

- Laissez-moi la voir, seule, exige-t-elle.

Personne ne réplique et la salle se vide en un rien de temps. Il y a une chaise à côté de mon lit. Je suppose que c'est là que Liya était. Ma mère y prend place et un voile d'inquiétude passe sur son visage d'habitude paisible.

- Comment te sens-tu ?

J'entre-ouvre la bouche et j'essaie de bien articuler pour qu'elle puisse lire sur mes lèvres si elle n'arrive pas à m'entendre :

- Mal...

Je gémis. J'ai moins mal que tout à l'heure mais la douleur est toujours présente.

- Pourquoi as-tu fait ça ? me gronde-t-elle.

Mes souvenirs refont peu à peu surface mais je n'arrive pas à me souvenir clairement de ce qui s'est passé pour que je me retrouve alitée.

Devant ma mine confuse, elle m'explique sur un ton bizarrement doux :

- Tu aurais pu mourir Diana.

Je ne comprends pas pourquoi elle me dit ça, mais elle continue :

- Si les infirmières m'ont dit vrai, tu peux à peine parler et tu ne peux pas bouger. Mais par-dessus tout, tu ne te rappelles de rien qui précède ton coma...

Je me pince légèrement les lèvres, l'air fautive.

- Tu ne te rappelles vraiment pas ce qui s'est passé ?

- Non..., je réussis à dire.

J'arrive de mieux en mieux à dire des mots simples, avec pas trop de syllabes.

- C'est Liya qui est venue m'apprendre ce qui s'est réellement passé. Ne lui en veux pas. Elle a fait ça pour ton bien !

« Pourquoi je lui en voudrais ? », je me demande sans vraiment comprendre.

Dans ma tête, je l'implore de m'expliquer ce qui s'est passé avant ma perte de conscience. Et, comme si elle avait entendu ma prière, elle commence son explication :

- Tu as sauvé un père de famille d'une mort imminente. Mais avant ça, tu avais aussi redonné la vie à un nourrisson sous le regard apeuré et triste de sa mère.

Je l'écoute sans un mot. En même temps, je ne suis pas en bonne position pour faire des commentaires à tout va.

- Tu as aussi soigné un enfant, continue-t-elle. Il avait plusieurs brûlures et beaucoup de ses os étaient cassés.

« J'ai réussi à faire tout ça ? ». Je suis plutôt fière mais en voyant le visage contracté et impassible de ma mère je ravale mes propres commentaires.

- Une personne normale aurait pu mourir, dit-elle en déglutissant.

« Une personne normale », je pense avec un léger sourire discret.

Plus elle me raconte les événements, et plus les souvenirs resurgissent. Maintenant je sais exactement ce qui s'est passé. Au fond de moi, je m'en veux terriblement d'avoir fait aussi peur à mes proches. Que ce soit ma famille ou mes amis.

Ma mère m'apprend que je suis restée dans le coma six jours. Que tout le monde a eu très peur.

Elle s'exprime comme si elle s'inquiétait pour moi, mais Liya est venue me voir juste après ma mère et m'a appris que cette dernière n'était pas venue me voir une seule fois.

J'ai eu les larmes aux yeux en apprenant ça.

« Elle fait attention à moi, juste pour que je les sauve tous des Démons », j'en  conclus.

***

Ça fait maintenant trois jours que j'ai repris connaissance. Les infirmières m'ont appris que j'avais échappé de très peu à la mort. Elles sont même allées jusqu'à dire qu'un ange gardien veille sur moi.

Je peux reparler normalement, heureusement. Moi qui suis une pipelette née, je ne supportais pas de ne pas pouvoir exprimer ce que je ressentais.

Heureusement que Liya est là. Elle passe la plupart de son temps avec moi. Elle ne passe plus que quelques heures à l'entraînement. La journée passe très vite en sa compagnie. Elle a inventé pleins de jeux, plus farfelus les uns que les autres pour m'occuper l'esprit.

Nous nous entendons vraiment bien. Nous ne parlons pas de l'accident. Je sais que j'ai fait une grave erreur et je le lui ai avoué. Mais au fond, je suis heureuse d'être encore en vie et d'en avoir quand même sauvée une autre.

- Tu as tout ce qu'il te faut ? s'inquiète Liya.

- Oui. Ne t'inquiète pas pour moi, tout ira bien !

Je lui fais mon plus beau sourire et elle part à l'entraînement, sereine. Mais derrière ce sourire se cache de la tristesse.

Tous les gens de mon groupe, y compris Jennifer, sont venus me voir sauf Liam. Il est le seul à ne pas être venu prendre de mes nouvelles. Je m'étais énormément rapprochée de lui. Il avait été si attentionné ces derniers temps...

« Tu as encore été trop naïve... », je me reproche au bord des larmes.

Mais je ne les retiens pas longtemps et mes pleurs coulent à flots. J'ai été tellement naïve de penser qu'un garçon comme lui pouvait s'intéresser à une fille qui sacrifie sa vie pour sauver celle des autres. Une fille qui n'a plus peur du danger...

Mais mon danger c'est lui. Je n'arrive pas à croire qu'il ne vienne pas. J'attends toute la journée son passage, mais il ne vient pas. Je voudrais voir, plus que tout, son visage rieur, avec ses fossettes qui apparaissent à chaque sourire en coin, ses yeux couleurs de saphir qui se replient quand il est content.

Je repense à tous ses petits traits de caractères et je commence à tomber peu à peu dans la mélancolie. Je veux que Liya revienne. Mais je sais pertinemment qu'elle ne viendra pas avant une ou deux heures. Et puis elle ne restera pas longtemps après. Elle retourne dans sa chambre le soir.

Ma chambre, à l'infirmerie est plutôt petite. Quand on y entre, à gauche, on voit directement mon lit. Ensuite derrière il y a un peu d'espace et c'est le mur de la fenêtre qui est au fond. Á droite, ce sont les deux armoires qui contiennent les médicaments et les linges ainsi que le matériel médical.

Une infirmière déboule dans la petite salle aux murs immaculés qui me sert de chambre.

- Qu'y a-t-il ? dis-je en me mettant sur les coudes.

- J'ai complètement oublié votre piqûre quotidienne ! s'exclame-t-elle, complètement affolée.

- Oh. Ce n'est que ça !

Je n'aime pas les piqûres même si je sais que c'est grâce à elles que je me soigne plus rapidement malgré que mes pouvoirs en font une grande partie quand même.

Elle prend une seringue dans l'armoire et la remplit d'un liquide vert, très répugnant. Cette infirmière est ma préférée. Elle oublie toujours quelque chose mais elle me tient souvent compagnie quand elle n'a plus personne à soigner. Elle est très grande, perchée sur ses hauts talons blancs. Elle est blonde et ses cheveux lui arrivent aux épaules. Elle a des yeux bleus foncés, très perçants. Aujourd'hui elle porte des boucles d'oreilles en forme de soleil qui lui vont merveilleusement bien. Son nom est Safia. Sa peau est couleur or et elle est habillée de l'uniforme traditionnel des infirmières de cette école, soit une longue robe blanche cintrée à la taille par une petite ceinture en cuir tressée.

- Qu'est-ce qui s'est passé cette fois pour que tu oublies de me faire cette fameuse piqûre ? je la questionne sur le ton de la rigolade.

- Oh la la, tu ne peux pas savoir tout le boulot que j'ai, Diana !

Elle pose la main sur son front et a l'air éreinté.

- Tu sais, l'homme que tu as sauvé vient de reprendre connaissance, continue-t-elle. J'ai deux fois plus de travail moi maintenant.

C- 'est pour ça que tu me rends de moins en moins visite, je conclus.

Elle se rapproche de moi tenant la seringue entre ses doigts parfaitement vernis de rouge.

- Crois-moi, j'en suis la première désolée.

- Tu n'as pas à t'excuser. C'est normal que tu aides tout le monde.

- Oui. Bon, tu es prête ? me demande-t-elle en approchant la seringue de mon bras droit.

- J'ai pas vraiment le choix... Donc oui.

Elle verse le liquide dans mon bras. Je ne regarde jamais car ça me donne des remontées gastriques et je n'aime pas ça. Je n'ai pas mal quand elle me la plante mais c'est juste psychologique.

- Je peux aller voir l'homme ? je lui demande, le regard suppliant.

- Je ne sais pas si tu peux sortir de ton lit..., répond-elle hésitante.

- Ça fait neuf jours que je suis dans ce lit. Si tu veux, j'essaie juste de me lever et de marcher, pour voir.

- D'accord.

Dans mon lit, je peux bouger mon corps comme je veux. Mais ça fait plus d'une semaine que je suis dans ce maudit lit.

Je me lève et m'assoie sur le rebord du lit. Je souffle et respire doucement pour pouvoir y arriver. Je pose un premier pied par terre, puis le deuxième.

Safia entoure ma taille de son bras gauche et m'aide à me tenir debout.

C'est vrai que j'ai un peu de mal à répartir mon poids sur mes deux jambes mais c'est beaucoup moins pire que ce que je pensais.

Je fais quelques pas maladroits. Mais après quatre allers-retours, je marche seule. C'est vrai que ça me fait tout drôle de marcher après être restée neuf jours cloîtrée dans un lit.

- Finalement, tu n'auras pas besoin de moi, s'exclame Safia.

- Oui, mais merci quand même pour ton aide.

Je me dirige vers la sortie et Safia ne bouge pas. Elle me regarde en souriant. On dirait qu'elle veut exploser de rire mais qu'elle se retient.

- Qu'y a-t-il ? je lui demande en fronçant les sourcils.

Elle ne dit rien et baisse les yeux sur ma tenue. Et oui ! J'ai complètement oublié que je portais la tenue des malades. Cette robe, à moitié en papier qui arrive juste en-dessous des fesses.

- Tu as raison, je ne peux pas sortir comme ça, j'acquiesce. Mais je n'ai aucune affaire ici.

- Si, Liya en a apporté plusieurs, j'espère qu'elles t'iront.

- Pourquoi je ne peux pas mettre mon uniforme habituel ? je lui demande en prenant les vêtements qu'elle me tend.

- Il n'y a que ceux qui s'entraînent qui peuvent le porter, m'explique-t-elle.

- D'accord, je dis en hochant doucement la tête.

J'enfile les vêtements et ils me vont comme un gant. Liya m'a ramené un pantalon plutôt moulant en cuir noir avec une chemise blanche que j'ai entrée dans mon pantalon. Avec tout ça, elle m'a ramené des bottines ébènes à talons, mais je ne les mets pas étant donné que je vais juste dans la salle à côté.

J'entre en faisant le moins de bruit possible dans la salle adjacente à la mienne. Elle est aussi petite mais il y a deux lits au lieu d'un seul.

Le père en occupe un et son fils l'autre. J'entre sans faire de bruit et le petit garçon me regarde avancer. Son visage reflète son étonnement, car il était inconscient quand je l'ai guéri.

- Qui es-tu ? me demande-t-il, méfiant.

- Je suis celle qui a sauvé ton père d'une mort certaine..., je lui réponds avec un petit sourire en coin.

Je me tire une chaise et me place à côté du lit de l'enfant, côté fenêtre.

- C'est donc de toi que tout le monde parle ! C'est toi qui m'a soigné aussi ?

- Oui, c'est moi. Mais je ne savais pas que l'on parlait beaucoup de moi.

- Tu es mon héroïne !

Il me tend ses bras et je viens le serrer dans mes bras. Ce garçon est trop mignon. Il est brun, de taille moyenne pour son âge, qui doit être de neuf ans. Il porte le même uniforme médical que j'avais il y a quelques minutes.

- Tu es restée combien de jours endormie ? me demande-t-il.

- Six jours, c'est long.

- Ouaip !

- Dis-moi, comment tu t'appelles ?

- Luzo ! me répond-il fièrement.

Nous continuons à faire connaissance quand un bruit se fait entendre derrière nous. Je lève la tête et je vois que le père de Luzo vient d'ouvrir les yeux. Je prends ma chaise et la pose maintenant entre les deux lits.

- Comment allez-vous ? je m'enquiers.

- J'ai toujours mal un peu partout, mais je vais beaucoup mieux, merci. Vous êtes ?

« Lui au moins, il peut parler. Moi je n'ai pas pu parler pendant un jour et demi », je pense, jalouse.

- Diana, porteuse du pouvoir du Dragon, qui a perdu connaissance pendant six jours entiers pour vous sauver la vie ! je dis en rigolant.

- Vous auriez pu mourir, me prévient-il, mais je ne vous remercierai jamais assez pour ce que vous avez fait pour moi et pour ma famille.

- Je sais que j'aurais dû mourir en faisant ça mais...

Je me pince les lèvres. Je suis en proie à un mal de crâne qui survient petit à petit.

- Mais... quand j'ai vu le regard suppliant de votre femme, je me suis dit qu'il fallait absolument que je fasse l'impossible pour vous sauver...

- C'est un risque énorme que vous avez pris. Si vous aviez perdu la vie, c'était toute la planète qui mourait !

Je ne dis rien. C'est vrai que j'ai été légèrement égoïste sur le coup. D'un côté je ne supporte pas que l'on se serve de moi pour sauver cette planète, à moitié anéantit. Mais d'un autre côté, si je ne me bats pas, des millions d'innocent mourront.

Il continue toujours à me parler, mais je suis concentrée sur autre chose. Mon mal de crâne s'amplifie, mes jambes tremblent fortement, je commence à voir les choses en double. Ma vue commence à devenir floue.

Le père a l'air de le remarquer et me demande :

- Vous allez bien ?

Je me lève pour me diriger vers la sortie. J'ai une envie de vomir. J'ai un goût de bile dans la bouche, c'est horrible.

Je fais trois pas en direction de la sortie mais ma vue se brouille. Mes idées sont floues. Je n'arrive plus à avancer. Je vois cette porte, mais je ne peux plus l'atteindre. Mon crâne me fait souffrir. Et c'est sur cette dernière souffrance que je perds connaissance...

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