Tous les jours, avant d'aller au collège, nous allons chercher une copine de Mélina. Elle y va toute seule et je l'attends toujours au coin de la rue. Tout en l'attendant, je me remémore mon fabuleux rêve, et si mon réveil n'était pas venu interrompre le merveilleux moment que j'étais en train de passer avec ce jeune homme, j'aurais sûrement fait le plus doux des songes. Je repense à ce garçon. Je sais qu'il a des yeux d'un bleu éclatant, qu'il a les cheveux plutôt foncés et une bouche sans pareil. Je ne l'avais jamais vu auparavant, mais il m'a promis qu'on allait se revoir...

- Bonjour Selena, s'écrie Angèle, la meilleure amie de Mélina.

Angèle est petite et blonde, elle ressemble beaucoup à ma sœur, mais elle n'a pas les yeux verts mais bleus très clairs. Quand elle est énervée, ils deviennent gris. De quoi vous donner la chair de poule, non ?

- Bonjour Angèle, tu vas bien ?

- Oui et toi ?

- Oui, oui, je lui dis en lui offrant mon plus beau sourire.

On commence à marcher et j'entends Mélina qui chuchote à Angèle :

- Tu as oublié ou quoi ? Elle a quatorze ans aujourd'hui !

- Oh non, c'est pas vrai et j'ai oublié ça ! répond Angèle en mettant ses deux mains devant sa bouche.

- Je vous ai entendu..., j'interviens.

Il y eut un petit blanc comblé tout de suite par Angèle.

- Je suis vraiment navrée, j'ai complètement oublié... Je m'en veux énormément.

- Mais non, ne panique pas, ce n'est pas grave du tout.

Je lui fais un petit clin d'œil et nous continuons notre route jusqu'au collège. Sur le chemin, il n'y a pas grand chose à part des maisons et des arbres. Ça devient lassant au fur et à mesure des années.

Quand je franchis le portail, que j'entre et que je vois tous mes amis juste devant moi, je me dis que ce n'est vraiment pas bon pour moi.

J'ai eu raison de mes soupçons car même pas deux secondes plus tard ils sont tous sur moi en train de me souhaiter un bon anniversaire et de chanter en chœur « Joyeux Anniversaire... ». Les surveillants et le principal nous regardent ainsi que beaucoup d'autres élèves. Je les remercie tous et tout le monde a le sourire aux lèvres.

Je les embrasse tous et je me rends compte que tout le monde n'est pas souriant. Julien, le garçon qui est, depuis un moment maintenant, mon meilleur ami, ne sourit pas du tout. Il est à l'écart des autres et n'a pas l'air dans son assiette. Pourquoi faut-il qu'il fasse la tête le jour de mon anniversaire ?

Je m'approche de lui et tout d'un coup, l'envie de me gratter me reprend. C'est insupportable. J'essaie de garder la douleur pour moi en serrant les dents. J'ai mal. Très mal. Mais je me retiens afin que personne ne voie cela, sinon ils vont tous me prendre pour une galeuse. Je m'approche donc pour lui dire bonjour mais il me repousse brutalement. Tout le monde voit cette scène et reste bouche bée car tous connaissent le lien d'amitié qui nous unit Julien et moi.

Julien est un garçon plutôt grand mais pas très musclé. Il est fin mais pas maigre. Ses cheveux bruns sont toujours coiffés avec style et ses yeux marrons chocolat sont juste magnifiques. C'est un garçon très beau et intelligent aussi. Nous sommes comme les cinq doigts de la main. Enfin, là, je ne sais pas si c'est toujours le cas...

Je le regarde pendant un moment espérant que ce soit une petite blague, mais non, il me regarde l'air sérieux. Je prends vraiment mal le fait qu'il m'ait rejeté devant tout le monde. Je commence à bouillir au fond de moi mais j'essaie de ne rien laisser paraître.

Je le défie du regard et il ne baisse nullement les yeux.

- Je vais te poser une question, une seule, lui dis-je en croisant mes bras sur ma poitrine. Es-tu vraiment sérieux ?

J'espère vraiment qu'il va me sauter autour du cou et me crier « Bon Anniversaire » ! Mais non, il reste planté là à ne rien dire, il me regarde mais ne fait rien. En tournant la tête pour partir le plus loin possible de lui, je croise son regard, mais quelque chose m'intrigue. Je le connais depuis la maternelle déjà et je connais la couleur de ses yeux bruns. Là, ce n'est pas du tout leur couleur, ils sont marrons certes, mais ils ont une lueur qui n'était pas là avant... Je le regarde plus fixement et je remarque que ses yeux ont baissé d'une teinte mais qu'en plus, ils ont un contour orangé. C'est vraiment bizarre, mais je n'y prête plus attention du tout. Je suis tellement remontée devant son comportement inapproprié le jour de mon anniversaire que je passe à côté de lui en l'ignorant. Il me déçoit vraiment.

Je sursaute quand une main se pose sur mes épaules. Je lâche un petit cri de surprise et me retourne. C'est encore Julien, il s'approche de moi et me chuchote à l'oreille :

- Oublie moi, ça vaudrait mieux pour toi...

Ce n'est pas sa voix habituelle que j'ai entendu. Il y avait un son métallique, comme un robot.

Après ses paroles, je suis plus énervée que jamais et Claire, ma meilleure amie, ma confidente, mon double et ma moitié, se précipite vers moi.

Je connais cette jeune fille aux yeux verts perçants et toujours curieux et aux cheveux blonds très pâle et bouclés depuis notre plus jeune enfance. Elle a l'air inquiet et me demande :

- Qu'est-ce que t'a dit Julien ? J'ai vu la scène et ça avait pas l'air d'être le grand amour...

Elle dit toujours les choses comme elles viennent. Claire peut des fois blesser des gens sans s'en rendre compte. Souvent, d'ailleurs, sa parole dépasse sa pensée.

J'ai envie de tout lui raconter sur le rêve bizarre que j'ai fait, le comportement étrange de Julien, la lueur orangée que j'ai vue dans ses yeux ainsi que sa voix de robot. Mais quelque chose au fond de moi me dit qu'il ne faut pas que je le dise à n'importe qui, même Claire. Je ne sais plus quoi faire et je lui réponds :

- Oh non, rien d'important, t'inquiète... Il s'est juste levé du mauvais pied.

Je lui mets une petite tape sur l'épaule, l'air de rien pour essayer de ne pas montrer mon mécontentement. J'ai l'impression d'avoir été trahie et c'est dur de l'avouer, mais ça me fait mal... Pourtant je ne suis pas non plus le genre de fille qui va aller supplier une personne de lui parler. Si Julien ne veut pas me parler, ce sera tant pis pour lui, même si je souhaite avoir une explication avec lui.

Elle met son bras autour du mien et nous nous avançons vers la salle de français quand elle s'écrie :

- En fait, je ne t'ai pas dit ! Comment j'ai pu oublié !

- Qu'est-ce qu'il y a ? je lui demande en me dégageant de son étreinte.

- Il y a un nouveau dans la classe ! Il est super canon !

- Tu l'as vu ? Il s'appelle comment ?

- Ouais je l'ai vu, mais je ne lui ai pas demandé son prénom. En plus il était trop loin. Tu viens ?

- Ouais j'arrive.

« Dring ! », la sonnerie qui annonce le début des cours de huit heures. On commence la semaine par le cours de français. J'adore le français, c'est ma matière préférée, en plus, le prof est super intéressant ! Malheureusement, étant dernière de la classe par nom de famille en ordre alphabétique, je me retrouve au fond de la classe toute seule. Je pense aussi que le prof a profité de cette excuse pour ne plus que je bavarde en cours. Bavarde, oui c'est le mot ! J'adore parler et c'est plus fort que moi...

Nous nous installons et le professeur commence :

- Bonjour tout le monde, je vais commencer par l'appel.

Il appelle tous les élèves et étonnamment aujourd'hui personne n'est absent, pas même Arthur Meyer.

Arthur est un garçon plutôt baraqué et qui n'a pas de très bons résultats scolaires (si vous voyez quel genre de garçon c'est).

Il continue l'appel et juste avant qu'il m'appelle, quelqu'un frappe à la porte de notre classe.

- Entrez, s'écrie M. Colin, notre professeur de français.

Le proviseur entre et nous nous levons tous. Il s'éclaircit la voix avant de commencer :

- Bonjour à tous et à toutes. J'espère que vous avez passé un bon week-end...

Non, non, pas maintenant ! Et voilà que mon envie de me gratter me reprend comme tout à l'heure. Je regarde sur ma gauche et sur ma droite, personne ne me regarde. Ils sont tous concentrés sur le discours du principal.

Je commence à faire des va-et-vient avec mes ongles. Mais même en me grattant, la douleur devient insupportable. Mais le plus bizarre c'est que ce n'est que sur mon avant-bras droit que ça me gratte. J'essaie d'écouter le principal, même si je sais qu'il est venu pour nous présenter le nouveau venu. Je n'écoute que son discours à moitié et je ne le regarde même pas. J'observe mon bras, rouge vif et gonflé. Que j'ai mal !

- ...j'espère que vous l'intégrerez dans votre classe comme il se doit. Tu peux entrer...

Quand le jeune garçon entre, je lève la tête. Mais j'arrête automatiquement de me gratter. Non pas parce que ça ne me fait plus mal, mais parce que le garçon qui vient de faire son entrer dans notre classe n'est autre que le garçon qui était dans mon rêve cette nuit !