Chapitre 8-1




À peine avais-je refermé la porte derrière moi, n'aspirant qu'à épouser mon matelas, que Nicolas se retourna, m'emprisonnant de ses bras.

— Ah, ce n'est pas la réaction que j'espérais, rigola-t-il doucement la tête nichée dans le creux de mon cou, à l'entente du long soupir, tout sauf romantique, qui s'échappa de ma bouche.

— Tu n'es pas fatigué ?! gémis-je exagérément en me laissant aller mollement contre lui.

— ça te dérange de ne pas être mariée ?

Son ton était doux et prudent, pourtant sa question me percuta comme un uppercut à l'estomac.

— Tu... tu as écouté notre conversation ? lui demandai-je en me dégageant de son étreinte, étrangement gênée.

— Entendu, nuance, et seulement la fin. J'ai surtout ressenti ton trouble lorsque Lyn a évoqué le sujet. Avec tout ce qu'il s'est passé, c'est vrai que nous n'en avons jamais parlé et...

— C'est exactement cela qui m'a troublé ! compris-je soudain en entendant Nicolas l'évoquer. Je ne comprenais pas ma réaction. Mais en fait, avant que Lyn n'en parle, je n'y avais jamais pensé, verbalisai-je d'une voix reflétant ma surprise et aussi un léger soulagement.

— Et tu penses que nous aurions dû ? Toi ou moi ? me demanda-t-il prudemment en allant s'assoir sur le lit, avant de m'ouvrir les bras en une invitation plus que tentante.

— Si cela ne nous a pas effleuré l'esprit, ni à l'un ni à l'autre, ce doit être le signe que non.

Tout en lui répondant je me glissai dans ses bras avec un soupir de contentement cette fois, me lovant dans sa chaleur.

— Les évènements passés et actuels n'étaient pas vraiment propice à ce genre de réflexion mais maintenant que nous en parlons... j'adorerai que tu portes mon nom.

La surprise me saisit pour la seconde fois en quelques minutes, mon cœur s'emballant rien qu'à l'idée qu'il me demande ma main, là, maintenant.

— Je ne connais même pas ton nom ! réalisai-je dans un souffle.

— Lequel ?

— Parce que tu en as plusieurs ?!

Il me fixa d'un regard rieur, un léger sourire aux lèvres. Son ton espiègle et ses yeux pétillants le métamorphosaient, le rajeunissant d'au moins dix ans. Ce n'est qu'alors que je me rendis compte du lourd tribut que la mort d'Aaron et les évènements récents avaient prélevé sur nous tous mais en particulier sur Nicolas. Ces moments de légèretés et d'insouciances se faisaient rare, voir quasi inexistant et le voir de nouveau sourire me faisait prendre conscience qu'il ne le faisait plus souvent.

— Trois, me répondit-il en me caressant doucement le bras.

— Trois ?! Lyn avait tort, alors ! Tu n'es pas un super héros mais plutôt un agent secret. Ne me dit pas que tu t'appelles Bond ?!

En riant, il m'attira contre lui et nous fit rouler sur le matelas avant de m'enlacer tendrement.

— Rien d'aussi exotique, je te rassure. Il y a mon identité d'emprunt, Nick Young, franchement ils ne se sont pas foulés, ironisa-t-il son haleine caressant doucement mes cheveux. Mon nom de baptême, Nicolaï Orlov...

— Tu es Russe ? m'exclamai-je de nouveau, n'en croyant pas mes oreilles. Mais tu n'as aucun accent !

— D'origine, seulement, par mon père. Nous avons toujours vécu ici, aux États-Unis et ma mère était Américaine. Comme j'étais le premier né, ma mère, pour honorer les traditions du peuple de mon père, à tenu à ce que j'ai un prénom russe, mais en réalité, ils m'ont toujours appelé Nicolas.

— Et le troisième, c'est quoi ?

— Celui que j'ai porté presque toute ma vie... Sheenann, le nom de Aaron. C'est maintenant qu'il n'est plus là que je me rends compte de l'honneur qu'il m'avait fait en m'intégrant à sa famille, ajouta-t-il dans un soupir triste.

Nous restâmes enlacés sans rien dire durant de longues minutes. Je le sentais perdu dans ses souvenirs, cherchant à faire la paix avec lui-même et la culpabilité qu'il ressentait. Bien à l'abri de ses bras, je sentais le sommeil m'envelopper, cherchant à m'entraîner dans son sillage calme et attirant.

— Voilà, tu sais tout, ajouta-t-il finalement d'une voix légèrement ensommeillée en embrassant tendrement mes cheveux.

— Niveau exotisme, je crois que tu as largement dépasser James Bond, parvins-je à annoner, déjà à moitié endormie. Mais tu sais, nous sommes au vingt et unième siècle, ce sera peut-être à toi de prendre mon nom ? ajoutai-je dans un léger sursaut de vivacité.

— Je ne serais sûrement pas progressiste à ce point-là ! s'esclaffa-t-il d'une voix douce, en nous couvrant de la couette grise roulée au pied du lit. Dors mon ange, me murmura-t-il à l'oreille tandis que je me laissais sombrer avec bonheur dans une douce torpeur.

— Mais sache que si tu acceptais jamais d'être ma femme, je serais le plus heureux des hommes.

Le souffle à peine murmuré paru effleurer ma conscience avant de se dissoudre dans le brouillard embrumant déjà mon esprit tandis que je plongeais pour de bon dans le sommeil.

***

Je me réveillai inondée par le faible soleil matinal, mais seule. Comme à son habitude Nicolas avait dû se lever aux aurores, me laissant dormir. Un peu honteuse d'être restée au lit et de ne pas l'avoir entendu partir, je me levai rapidement et filai sous la douche. Un bref coup d'œil à l'horloge murale de la salle d'eau m'apprit qu'il était déjà neuf heures du matin. Je redoublai donc de célérité, évitant de me prélasser sous le jet brulant même si j'en mourrais d'envie. Une fois propre et habillée, je rejoignis la salle principale où une alléchante odeur d'œufs et de pain grillé m'accueillit.

— Oh mais c'est Rose la marmotte ! me salua Lyn de derrière les fourneaux où elle était occupée à faire rissoler des œufs dans une poêle.

Pour toute réponse je lui jetai un regard mauvais avant de me diriger vers la bouilloire.

— Rassure-toi hormis Nicolas et Storm, qui soit dit en passant ne doivent pas être normalement constitués, tu es parfaitement dans les temps. Shay n'est même pas encore levée et le petit dej sera servit dans quelques minutes.

— Où sont passé tous les autres dans ce cas ? demandai-je, surprise de ne pas trouver tous ses ventres à pattes au garde à vous devant le plan de travail.

— Nicolas a dû aller relever Grant et le persuader de laisser partir Jenny sans lui, ce qui lui a prit une bonne heure. Puis Cooper est arrivé, ils sont en train de le briefer et, je cite, toutes ces bonnes odeurs les déconcentraient. Pff... ces hommes, aucune volonté !

Nous nous regardâmes quelques secondes avant d'éclater de rire et de fondre sur le panier de brioche grillé avec un bel ensemble. Nous en étions déjà à notre deuxième tranche lorsque la porte extérieure s'ouvrit sur une horde de loup affamés. Presque tout le monde était là, Nicolas fermant la marche. Au lieu de se ruer sur le buffet improvisé, comme les autres, il me rejoignit effleurant mes lèvres d'un baiser.

— Bien dormi ?

— Plus que toi, apparemment.

— Il fallait que je voie Grant et que je discute avec Cooper. Heureusement d'ailleurs, car du coup, il y a un changement de programme. On part dans trente minutes.

Surprise par une telle précipitation, le départ étant initialement prévu en début d'après-midi, je me tournai vers Cooper occupé à dévorer ses œufs avec appétit.

— Je connais ce quartier, m'expliqua-t-il entre deux bouchées voraces. Le moment où il y a le moins de contrôle c'est entre onze heure et midi.

— Tiens, mangez-ça les supers détectives, nous dit Lyn en nous fourrant deux assiettes remplies à ras bord dans les mains.

Avec un petit sourire nous allâmes rejoindre les autres autour de la table et commençâmes à manger. La perspective de sortir du domaine et de pouvoir enfin me rendre utile me grisait. La nourriture paraissait avoir meilleur gout sous ma langue et je me sentais optimiste pour la première fois depuis longtemps. Pourtant, une petite part de mon esprit ne pouvait s'empêcher de cogiter et de s'inquiéter. Qu'allions-nous découvrir là-bas ?

J'étais en train de terminer ma tasse de thé avant de la déposer dans le lave-vaisselle, prête à partir, lorsque le téléphone d'urgence qui ne quittait plus la poche de Nicolas, se mit à sonner.

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