Chapitre 46-1

*En ligne jusqu'au mardi 02 Juin*


— Couchez-vous ! nous ordonna aussitôt une voix familière alors qu'un déluge de balles et de magie, fusait au-dessus de nos têtes.

Allongés à plat ventre sur le carrelage détrempés, nous nous jetions des coups d'œil anxieux et désespérées ne pouvant qu'attendre, impuissants et inutiles. Au milieu des cris, des râles et des odeurs de poudres et de sangs, je ne pus me résigner à rester inertes alors que les miens se faisaient peut-être massacrer à quelques mètres de là. Ne sachant pas vraiment ce que je faisais, j'essayais de focaliser toute ma rage et ma colère en une boule compacte et presque physique au centre de mon être. 

— Attention ! criai-je à mon tour, alors que d'une impulsion mentale, je l'expulsai hors de moi.

La vague de pouvoir, similaire à l'onde de choc d'une explosion, balaya tout, passant au-dessus de nous dans un souffle assourdi et nous plaquant au sol. Un flash blanc oblitéra ma vision et je crois que je perdis connaissance durant quelques secondes. Lorsque mes sens me revinrent, ma tête bourdonnait et tout me semblait irréel, surtout le soudain silence encore plus angoissant que la sirène. La peur au ventre, je me redressai lentement, terrifiée à l'idée de ce que j'allais découvrir.

— Waouh ! souffla Allistaire, à ma droite, d'une voix essoufflée. On peut dire que ça déménage ton truc !

— Tu n'as rien ?! demandai-je d'une voix hésitante en me tournant vers lui.

— Un peu sonné et à moitié sourd, mais sinon ça va nickel, me répondit-il en s'asseyant prudemment, cherchant à repérer les autres du regard.

À mon grand soulagement, tout le monde semblait indemne et commençait à émerger lentement. Encore groggy et pas très assurée sur mes jambes, je me relevai et manquai glisser sur le sol mouillé. Si l'alarme s'était tue, les extincteurs, eux, continuaient à cracher leur eau glacée transformant lentement la pièce en pataugeoire. Mais tous ces désagréments secondaires disparurent lorsque j'aperçus Nicolas en train de jeter un œil prudent à travers la porte. Dès qu'il me vit un peu de sa tension se dissipa mais il était toujours mortellement sérieux lorsqu'il traversa la pièce pour aller examiner nos agresseurs.

Deux gisaient à côté de la porte, au pieds du mur, visiblement projetés contre ce dernier avec tant de force qu'il n'y avait pas survécu. Deux autres étaient visibles par la porte désormais ouverte, gisant sur le sol face contre terre dans une mare de sang rendue rosâtre par l'eau se déversant toujours du plafond. Quant aux deux derniers, ils n'étaient nulle-part en vue.

— Bien joué, me murmura Storm en s'approchant avec Uriel. Content de te retrouver en un seul morceau.

— Où sont les autres et pourquoi l'alarme s'est-elle déclenchée ? demandai-je alors que Nicolas revenait vers nous.

— Éole et Azaldée ont réussi à maintenir le camouflage bien plus longtemps que prévu, nous expliqua Uriel. Mais une fois à l'intérieure du labo, nous n'avons pas dû prendre du bon côté et lorsque nous sommes passés sous une sorte de portique métallique, ça à rameuter toute la cavalerie.

— C'est un détecteur expérimental censé démasquer les métamorphes et les garous, expliqua ma mère, en passant une main dans ses courts cheveux trempés.

— Bon, ben, apparemment il fonctionne ! commenta Allistaire, sarcastique. 

— Oh ça oui, il fonctionne très bien. C'est l'armée qui l'a mit au point. Ils doivent en équiper tous les bâtiments publiques incessamment sous peu.  Junos s'est procuré celui-ci illégalement, il s'en servait pour tester ses cobayes.

— Dans quel but ? demanda Uriel qui avait commencé à fouiller les tiroirs pendant que Nicolas s'occupait des armoires réfrigérées.

— Vous ne devriez pas toucher à ça, le prévint ma mère, alors qu'il tirait un tiroir transparent rempli de seringue.

— C'est le sérum qu'ils utilisent pour leurs expériences ?

Elle approuva d'un signe de tête, le regard grave et passant sans cesse de Nicolas à moi, comme si elle avait compris sans qu'on ne lui dise, qu'il y avait quelque chose entre nous.

— Alors raison de plus pour en emporter avec nous. Il nous faut des preuves à montrer aux autorités humaines. Si nous pouvons prouver que les humains transformés sont le fruit d'une expérience secrète, nous pourront peut-être éviter le pire.

— Le pire ?! Vous voulez dire, une guerre inter espèce ? Mais elle est déjà déclarée et plus rien ne l'arrêtera. Vous la ralentirez peut-être mais vous ne la stopperez pas. Le but de Lupus Nostrum est de laisser les métamorphes et les humains s'entretuer pour ensuite prendre le contrôle de ce qui restera.

Ma mère avait à peine terminé sa phrase que deux fusils étaient braqués sur sa tête. Elle ne cilla même pas, seule une profonde lassitude se lisait sur son visage.

— Vous êtes des leurs ? gronda Uriel, ses yeux mordorés étincelant d'un éclat meurtrier.

— Malgré moi. Ils m'ont forcé à travailler pour eux en menaçant ma fille... Rose.

Tous les regards convergèrent aussitôt vers moi, même si Nicolas avait déjà compris de quoi il retournait.

— Votre histoire est très certainement fascinante, lui rétorqua-t-il d'un ton froid mais ce n'est ni le lieu, ni le moment...

Coup du sort ou hasard mais c'est cet instant que choisit l'alarme pour se réactiver et brailler de nouveau.

« Faille de sécurité maximale – sujets et spécimens hors confinement – sécurité du personnel compromise – Danger – évacuation immédiate »

— Putain mais ils gardent quoi ici ?! s'écria Allistaire en entraînant Zal tandis que tous le monde se ruait vers la porte du fond.

La pluie artificielle s'interrompit soudain, alors que d'autres sprinklers que je n'avais pas remarqué, se déclenchaient commençant à déverser une sorte de brume gazeuse dans la pièce.

— Il faut sortir d'ici, tout de suite ! hurla ma mère alors que nous courrions déjà vers le couloir, fermant les yeux et retenant machinalement notre respiration.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? demanda Zal d'une voix essoufflée et accusatrice quelques instants plus tard, alors que ma mère refermait la porte derrière-nous.

Dès que le pêne fut enclenché, le battant se verrouilla aussitôt dans un petit bip électronique.

— Le laboratoire P4 est compromis, nous expliqua ma mère. Pour créer le sérum nous avons dû tester et essayer plusieurs virus hautement pathogènes.

— Vous voulez dire qu'un de ces trucs c'est fait la malle ?! s'écria Allistaire en virant au gris.

— Les protocoles de sécurité du labo sont strictes, normalement rien ne sortira d'entre ces murs. Nous devons rejoindre une salle de décontamination avant que le système de sécurité ne condamne tous les accès. Sinon... nous sommes tous mort !

Ne cherchant pas à comprendre comment ma mère avait pu passer de l'étude biochimique des plants de tomate à celle de la génétique et des virus mortels, je lui emboitai le pas, courant à sa suite le long des couloirs sinueux et oppressants. Durant notre fuite nous longeâmes plusieurs labos dont les parois en verre laissaient voir leur macabre contenu. Des silhouettes en blouses blanches, prostrés au sol, les yeux exorbités et une écume rosâtre sur les lèvres.

— Qu'est-ce qui leur est arrivé ? demanda Zal d'une voix blanche.

— Ils ne sont pas sortis assez vite, lui répondit ma mère en s'engouffrant dans un nouveau couloir.

— C'est le gaz, comprit Allistaire alors que nous passions une porte métallique déverrouillée munie de barreaux.

— Vous nous emmenez où, exactement ? demanda Nicolas à ma mère d'un ton suspicieux en lui attrapant le poignet.

— Vers les cellules. Leurs cobayes sont bien plus précieux à leurs yeux que leurs employés, lui répondit-elle d'une voix amère. Si nous avons une seule chance de nous en sortir, c'est par là. Par contre nous risquons d'avoir de la compagnie ! Maintenant, lâchez-moi !

Durant une seconde, ils se mesurèrent du regard. Je vis la suspicion et le mépris dans le regard de Nicolas, tandis que celui de ma mère reflétait surtout la colère et la peur. Si nous nous en sortions, ce n'était pas gagné pour que ces deux là arrivent à se faire confiance un jour. Au fond, je ne savais même pas si j'en serais moi-même capable. Tellement de chose avait changé depuis sa... disparition. Un cri me ramena abruptement à la réalité et j'eus juste le temps de voir Spéra se précipiter vers une silhouette étendue sur le sol.

En sanglotant elle se jeta au sol et prit sa fille dans ses bras, la berçant comme une enfant. Du sang maculait la tempe de la jeune fille, totalement inerte dans les bras de sa mère. Nicolas s'approcha doucement et avec des gestes lents, écarta les mèches blondes et vint poser ses doigts sur la carotide de la jeune femme.

— Spéra, elle respire encore. Tu m'entends, elle est toujours en vie, lui dit Nicolas en essayant de la forcer à se relever. Je vais la porter, mais il faut y aller.

Spéra se ressaisit aussi vite qu'elle était tombée dans le désespoir et s'écartant laissa Nicolas installer aussi délicatement que possible la jeune fille sur son épaule. La manche droite du sweat informe de la jeune fille retomba sur son poignet mais j'eu le temps d'apercevoir les traces de piqures bleuâtres au creux de son coude.

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