59.

[ANGIE]

*

Lundi matin...

Assise confortablement sur le canapé, l'ordinateur sur les genoux, je continue de travailler sur mon roman, Bella Ciao*. Une tasse de café fumante à la main, je relis le dernier chapitre que j'ai écrit. Je n'ai pas eu l'occasion de me pencher sur mon manuscrit ces derniers temps et, étant donné que je suis seule à l'appartement, sans distraction et sans article à rendre pour un journal, j'en profite pour rattraper mon retard.

De temps à autre, je jette un coup d'oeil à mon portable. Bien que ma matinée soit libre, je travaille au magasin cet après-midi. Dany m'a demandé si je pouvais remplacer June durant son absence et j'ai accepté sans broncher. Même si je n'ai aucune expérience dans la vente, passer du temps avec Dany — professionnellement parlant, of course était une motivation suffisante.

D'ailleurs, en parlant de ma meilleure amie, cette dernière ne devrait pas tarder à atterrir. Je serais bien allée la chercher mais elle ne m'a donné aucun détail quant à son heure d'arrivée. Je suis tout de même inquiète, n'ayant aucune nouvelle de sa part depuis le FaceTime que nous avons partagé à son arrivée à Florence. Je lui ai envoyée quelques textos qui sont restés sans réponse. J'aime à penser qu'elle était trop occupée à s'amuser et à travailler pour me contacter. En tout cas, j'espère que tout s'est bien passé.

Je me concentre sur l'écran de mon PC. Mon héroïne, Alessia, nouvelle cheffe de la mafia, vient d'échapper à une tentative d'intimidation par empoisonnement et mène l'enquête en compagnie de son amant et fidèle second, Reggie, et de son garde du corps pour qui elle développe une attirance inattendue, Nerio, pour trouver le ou les responsables de cette conspiration. Je commence donc à installer les bases d'un triangle amoureux, entre jalousie, secrets, manigances, testostérone et trahison. J'adore les histoires d'amour compliquées, seulement en fiction. Dans la réalité, j'ai eu ma dose.

Ces derniers temps, cependant, je n'ai pas à me plaindre. Avec Dany, tout se passe bien et j'ai la sensation que nous avons enfin trouvé un terrain d'entente sur lequel avancer main dans la main. Depuis l'accident de son père, c'est la première fois que nous passons autant de temps sans nous disputer. Je me suis également rendue compte que je l'avais mal jugé au début, le comparant sans arrêt à Justin mais, au final, malgré certaines ressemblances, ils n'ont rien à voir l'un avec l'autre. Là où mon premier amour s'autodétruisait et continuait sa descente aux enfers en m'entrainant avec lui, Dany essaie de se sortir de la spirale infernale qu'il a connue toute sa vie pour entrevoir un avenir meilleur. Un avenir à deux.

Rien que cette pensée étire mes lèvres en un sourire rêveur. Pour la première fois de ma vie, je crois en un happy end pour moi. Accorder une chance à l'amour n'est peut-être pas une si mauvaise idée, après tout.

Une heure plus tard, alors que je suis perdue dans de douces pensées, entre fiction et réalité, le bruit de la porte d'entrée s'ouvrant me ramène brutalement sur terre. Je tourne ma tête et aperçois June en train de se démener avec ses deux valises sur le seuil. Un énorme sourire se dessine alors sur mes lèvres et, une fois mon ordinateur posé sur la table basse, je bondis du canapé pour venir à l'encontre de ma meilleure amie.

- Copiiiiine ! je m'écrie d'une voix stridente en courant vers elle.

Celle-ci a à peine le temps de lâcher la anse d'un de ses bagages que je l'entoure déjà de mes bras. Les siens finissent par m'étreindre à leur tour, me serrant plus fort que d'habitude.

- T'aurais dû me dire à quelle heure t'atterrissais... je serais venue t'accueillir à l'aéroport, je lui dis en m'éloignant d'elle.

Soudain, ma bonne humeur s'envole quand je remarque la mine triste et fatiguée de June. Ses yeux sont gonflés, son teint est pâlot... elle n'a vraiment pas l'air en forme.

- Ouais, euh... en fait, j'ai partagé un taxi avec Andrew, donc...

Le regard fuyant, elle ne prend pas la peine de finir sa phrase. Sa voix est éraillée, comme si elle avait beaucoup pleuré. Je devine que le séjour n'a pas dû se passer comme prévu. Je lui adresse une œillade compatissante tout en calant une mèche de cheveux derrière son oreille.

- June... qu'est-ce qui s'est passé ? je lui demande, peinée. Où est Hero ? Pourquoi vous n'êtes pas rentrés ensemble ?

A la mention du prénom du mannequin, les yeux de ma meilleure amie deviennent instantanément humides. Je comprends alors que son état est lié à ce dernier. Cette fois-ci, je passe en mode défensif.

- S'il a fait le con avec toi, s'il t'a fait du mal, dis-le moi tout de suite, je vais aller lui faire sa fête ! je lui assure, mâchoires serrées.

Les yeux fermés, June secoue la tête tout en essayant de retenir ses larmes. Elle prend une profonde inspiration avant de parler.

- Euh, non... ce n'est pas lui qui m'a fait du mal... c'est... c'est moi, finit-elle par répondre, à ma plus grande surprise. Je nous ai causés du mal à tous les deux...

Je ne comprends exactement ce que sa réponse implique mais, connaissant ma meilleure amie, je n'imagine pas qu'elle ait pu le tromper avec ce fameux Andrew, ce n'est pas du tout son style. Je ne vois alors qu'une seule autre alternative :

- T'as rompu avec lui, n'est-ce pas ? je lui demande, tandis qu'elle retire sa veste, qu'elle pend soigneusement sur le porte-manteaux.

Elle s'arrête dans son geste en baissant la tête, lèvres pincées avant de me faire face quelques secondes plus tard. Son silence est plus éloquent que des mots. Je ferme les yeux en lâchant un soupir. Je n'ose imaginer l'état dans lequel Hero se trouve en ce moment.

- Pourquoi, June ? Je vous shippais tellement, putain ! #TeamJero all the way... Pourquoi t'as fait ça ?

June me dévisage, étonnée par le nom de ship que j'avais donné à son « couple ». Une fois l'effet de surprise passé, elle reprend rapidement son air sérieux.

- Je sais que ça ne parait pas comme ça, mais c'était la bonne décision à prendre, m'affirme-t-elle en retrouvant un peu ses moyens.

- Ça n'explique pas le « pourquoi », j'insiste. Je croyais que tout roulait entre lui et toi.

June soupire en s'emparant de la poignée amovible d'une de ses valises, me faisant comprendre que la discussion n'ira pas plus loin.

- Écoute,je n'ai quasiment pas dormi, ni mangé depuis hier matin alors... s'il te plait... je veux seulement aller me reposer, Angie, rétorque-t-elle, lasse.

Ne voulant pas la contrarier plus qu'elle ne l'est déjà, je me pousse pour la laisser passer. Avec peine, elle monte sa valise et je décide de l'aider en portant la seconde. Une fois dans la chambre, je dépose son bagage devant son lit et la regarde quelques instants.

- Tu veux que je te prépare un sandwich ou un petit truc à grignoter ? je lui propose. Tu dois être affamée si tu n'as rien dans l'estomac depuis vingt-quatre heures...

- Merci, Ang'... mais je n'ai pas vraiment faim, là... J'ai juste besoin de dormir...

Je n'ai jamais vu mon amie aussi perdue. Pourtant, cela fait de nombreuses années qu'on se connait et je l'ai aidée plus d'une fois à traverser des peines de coeur, mais là... c'est différent. Elle erre dans sa chambre telle une âme en peine. Je n'insiste pas plus et me retire pour la laisser se reposer, en lui rappelant que je ne suis pas loin en cas de besoin. Elle m'adresse un sourire triste avant de se glisser sous l'épaisse couette.

Je descends les escaliers et me dirige vers le canapé pour m'emparer de mon téléphone. Dans mes contacts, je recherche immédiatement le numéro d'Hero pour prendre de ses nouvelles. Je m'éloigne le plus possible des escaliers pour ne pas que June entende la conversation. Première sonnerie... deuxième sonnerie... troisième sonnerie... répondeur ! Je rêve ou il a décliné mon appel ?! Je rappelle une seconde fois. Les sonneries se succèdent et je tombe de nouveau sur sa boite vocale. Ce n'est pas grave, je suis têtue et tenace. Si je veux lui parler, il finira par décrocher, même si je dois l'avoir à l'usure. Je rappuie sur son prénom et, cette fois-ci, la messagerie vocale me réceptionne directement. Soit il a coupé son téléphone, soit il a bloqué mon numéro.

Hero 1 - Angie 0

Je peste un peu contre lui mais je n'abandonne pas. Je réessaierai plus tard. En plus, il est temps pour moi de me préparer pour aller bosser au « Crest Of London ».

*

Arrivée au magasin, je revêts ma tenue de petit soldat — elle est plutôt stylée dans sa coupe mais les couleurs sont dignes d'un défilé en l'honneur de la reine d'Angleterre — et file prendre place dans les différents rayons. En sortant des vestiaires, je croise Dany, posté derrière l'une des deux caisses, en train de compter l'argent engrangé dans la matinée. Je m'accoude au comptoir et lui adresse un petit sourire en coin.

- Salut, boss, je lui glisse discrètement mais assez fort pour attirer son attention, portée sur la liasse de billets entre ses mains.

Le bouclé relève ses yeux bleus vers moi et humecte ses lèvres en me détaillant de la tête aux pieds.

- J'aime te savoir sous mes ordres... et que tu sois aussi docile, lance-t-il en se penchant vers moi tout en me décochant un sourire insolent.

- Oh... mais je croyais que, de nous deux, c'était toi qui étais à mes pieds, je réplique sur le même ton séducteur.

Dany lève les yeux au ciel avant de se mettre à rire. Je ne tarde pas à me joindre à lui. Même si nous n'avons pas encore statué ce que nous sommes l'un pour l'autre, je suis soulagée de constater que nous n'avons pas perdu le piquant qui nous caractérise depuis le début. Ces taquineries, ces discours aguicheurs, nos petits jeux... tout est encore là. Comme quoi, nous arrivons à concilier tous les aspects qui nous animent dans cette « relation ».

- Touché, reconnait-il en se redressant, mais ici, c'est moi le patron, comme tu l'as si bien dit... alors tu ferais mieux de te mettre au boulot avant que je te sanctionne, rétorque-t-il à la fois d'une manière autoritaire — qui excite toutefois mes hormones — et charmeuse... à la Dany, quoi.

Voilà exactement de quoi je parle...

- Si je me rebellais, quelle sorte de sanction aurais-tu en tête ? je lui demande en appuyant ma tête contre la paume de ma main tout en battant des cils.

Il regarde furtivement autour de lui avant de se pencher une nouvelle fois vers moi, assez pour que je puisse attraper le bout de sa cravate aux couleurs de notre pays et jouer avec. J'imagine alors tous types de châtiments à la « Cinquante Nuances de Grey » et j'espère que c'est son cas aussi.

- Le genre de punition qui éteindrait le feu de l'insurrection qui brûle en toi, répond-il dans un murmure qui résonne jusque dans mon bas-ventre.

- Effectivement, j'ai un feu en moi qui est en train de me consumer petit à petit et j'aurais besoin que tu m'aides à le maitriser, si tu vois ce que je veux dire, j'ajoute en tirant sur la cravate jusqu'à sentir son souffle sur moi. Genre... maintenant.

Dany ne semble pas surpris par ma proposition et scrute avec envie mon visage de ses yeux bleus. Il humecte furtivement ses lèvres, réfléchissant à ma suggestion. Alors qu'il s'apprête à répondre, nous sommes interpelés par une cliente âgée.

- Excusez-moi, je recherche le rayon des assiettes décoratives, nous demande-t-elle avec un fort accent écossais. Pouvez-vous me les montrer, s'il vous plait ?

Il fallait que cette vieille peau vienne interrompre notre petit jeu de séduction... elle a bien choisi son moment ! Bien décidée à ne pas la laisser gâcher le mood installé entre nous, je lui indique oralement la section désirée, aidée d'un geste de la main.

- Angie, tu devrais peut-être l'accompagner, me conseille Dany en faisant un signe de tête vers la cliente.

Je le dévisage en mode « Seriously ? » mais mon boss ne sourcille pas. Il semble apprécier cette supériorité qu'il a sur moi entre ces quatre murs. Je lève alors les yeux au ciel et, résignée, me retourne et affiche mon sourire le plus hypocrite que j'adresse à cette dernière. Je passe devant elle et l'invite à me suivre jusqu'au point de destination. Nous arrivons devant les assiettes — pour la plupart très moches — mettant en avant la famille royale. Après lui avoir présenté les différents produits, je rebrousse chemin vers la caisse. Seulement... la vielle n'en a pas encore fini avec moi.

- En fait, je recherche une assiette spécifique, insiste-t-elle avec son sourire de mamie gâteau. Vous voyez, depuis longtemps, je collectionne les assiettes de chaque évènement concernant la famille royale. Malheureusement, en jouant, mon petit-fils a cassé l'une d'elles, qui est celle du mariage du prince Charles et de la princesse Diana. Ça m'a fait deuil parce que j'adorais Lady Di. J'aurais voulu savoir si vous aviez ce modèle en stock.

En jetant un rapide regard sur les différentes étagères, je constate rapidement que ce mariage-là ne figure sur aucune des porcelaines exposées. Les plus récentes sont celles de William et Kate et Harry et Meghan.

- Bah non, comme vous pouvez le voir, mais vous l'avez avec Camilla, je lui réponds avec un sourire agacé, en attrapant l'assiette représentant le second mariage du futur roi d'Angleterre.

J'espère que cette pièce de collection remplacera son truc cassé. Malheureusement, la cliente s'offusque et tourne la tête en marmonnant à travers son dentier.

- Posez-moi cette horreur, s'il vous plait, m'ordonne-t-elle, sourcils froncés. Comment pouvez-vous vendre une telle ignominie ?

Je réalise que la vente n'est pas un domaine dans lequel je suis doué et pour lequel j'ai beaucoup de patience. Je lance un regard exaspéré en direction de Dany, qui semble amusé par la situation, au vu du sourire qu'il arbore.

- Écoutez, ce n'est pas moi qui m'occupe des commandes ni même du choix des articles proposés dans le magasin, je rétorque, nerveuse. Je n'y peux rien si Charles n'a pas su garder sa queue dans son pantalon à chaque fois qu'il voyait Camilla pendant son mariage avec Diana !

Choquée par mes propos et mon langage fleuri, la vielle peau, yeux écarquillés, lâche des petits cris horrifiés tout en reculant. A ce moment-là, j'entends des pas précipités derrière moi et, du coin de l'oeil, j'aperçois la chevelure blonde de Martha, la belle-mère de Dany, me passer devant et s'interposer entre la cliente et moi.

- Je suis vraiment désolée, Madame, s'excuse platement la co-directrice du magasin. Pour nous faire pardonner de cet incident, vous avez dix pour cent de remise sur l'ensemble du magasin...

Cette tentative de rattrapage se solde par le départ de la vieille qui, encore sous le choc de ma réponse, peste des mots inintelligibles contre l'enseigne. Martha, mécontente de mon léger manque de respect envers la dame, se retourne vers moi en tentant de masquer son insatisfaction.

- Je sais que vous n'êtes pas une employée régulière mais vous ne pouvez pas vous permettre de parler aux clients de cette façon, me réprimande-t-elle avant de passer la tête par-dessus mon épaule. Et toi, tu la laisses faire sans rien dire ?

Cette dernière question est destinée à Dany, resté derrière le comptoir. En guise de réponse, ce dernier se contente de hausser les épaules, ce qui exaspère sa belle-mère.

- Puisque la gestion des clients, ce n'est pas votre fort, peut-être que vous allez mieux vous en sortir avec l'inventaire de la réserve, me dit-elle en dégainant un sourire sadique avant de regagner son bureau à l'étage.

L'inventaire ? Putain, mais je vais en avoir pour des heures ! Le magasin est hyper grand, avec son lot d'articles divers et variés... et je vais devoir répertorier tout ça ?! Toute seule ?! Je regrette un peu mon manque de sang-froid avec la cliente, maintenant...

Défaitiste, je me dirige vers la caisse, d'où Dany me regarde avec compassion.

- Ah bah là, le feu est complètement éteint ! Ta belle-mère est pire qu'un tsunami ! C'est un peu vache de me coller à l'inventaire, non ? je me plains en arborant une moue triste. Y'a quoi... plus de deux cents articles ? Je croyais qu'elle m'aimait bien...

Le bouclé se décide à sortir de sa caisse, faisant le tour du comptoir pour venir me prendre dans ses bras.

- Elle ne t'aime pas... elle t'adore, me rassure-t-il en caressant mes cheveux. Pour elle, t'es la belle-fille rêvée ! Mais dans le cadre professionnel, je pense qu'elle ne veut pas décevoir mon père... ce que je peux comprendre, connaissant son caractère de merde.

Ses propos ont du sens. N'ayant eu qu'un faible aperçu de l'aigreur et de la méchanceté qui caractérisent Henry Sharman, je comprends la pression que peut ressentir Martha. Je mets fin à l'étreinte de Dany et lui adresse un sourire, lui faisant comprendre que sa tentative de réconfort a fonctionné. Il dépose un doux baiser sur mon front avant de regagner la caisse.

- « Belle-fille rêvée », hein ? je répète avec un sourire en coin tout en me dirigeant vers la porte menant à la réserve, se trouvant au sous-sol du magasin.

Dany sourit et secoue la tête avant de se reconcentrer sur ses comptes. Je descends les quelques marches menant au dernier niveau du magasin. Devant moi, des étagères remplies de cartons contenant les différents articles en nombres multiples... Et dire que je vais devoir compter tout ça, un par un... c'est vraiment inhumain !

Une tablette, servant spécifiquement à l'inventaire et connectée en Wi-Fi pour que les informations soient directement envoyées au bureau de la direction se trouve sur un petit bureau dans l'angle de l'immense pièce, faisant la même superficie que l'étage supérieur. Au lieu de m'apitoyer sur mon sort, je devrais plutôt me mettre au travail. Cependant, avant de me déclencher la migraine du siècle avec tout le comptage qui m'attend, je m'accorde une « pré-pause » pour prendre des nouvelles de June. Je décide de lui envoyer un texto car, si elle a réussi à trouver le sommeil, je veux éviter de la réveiller.

« J'espère que tout va bien à l'appartement. Si t'as besoin, tu peux m'appeler. Je suis de corvée d'inventaire... je vais m'éclater ! 🙄😒😭 xxxx »

Bien que je n'ai que très peu de réseau, mon message arrive à s'envoyer. J'espère sincèrement avoir un appel de ma meilleure amie, rien que pour me distraire du futur calvaire qui m'attend. Je fais un tour sur moi-même, histoire d'évaluer l'ampleur de la tâche. Je ne sais même pas par où commencer !

Deux heures et un Doliprane plus tard, j'en profite pour faire une pause. Pour l'instant, je me suis cognée les articles les plus chiants et les plus nombreux à compter et à trier : les porte-clefs, les stylos, les magnets et les cartes postales. Les boules de neige m'ont également donné du fil à retordre, entre les monuments qu'elles renferment, leurs tailles et leurs formes... Je ne rêvais que d'une chose : les exploser contre le mur !

C'est vraiment un boulot de merde... je comprends que June veuille s'en aller !

En parlant d'elle, j'ai consulté mon portable plusieurs fois depuis l'envoi de mon SMS et n'ai eu aucun retour de sa part. Je préfère penser qu'elle dort profondément et que tout va bien. Alors que je déambule dans les différents rayons, à la recherche des nouveaux produits à trier et compter, mes yeux rencontrent une petite radio archaïque mais en état de marche. Quoi de mieux que de travailler en musique ? A l'aide de la petite mollette, je trouve rapidement une station qui diffuse une musique entrainante. Malgré les grésillements, je reconnais « Colors » de Halsey, une artiste que j'adore. Je monte le son et me mets à me déhancher au milieu d'un rayon tout en fredonnant les paroles. Je me laisse complètement entrainer par le flow de la mélodie et en oublie pendant quelques secondes l'endroit où je me trouve.

- C'est comme ça que tu fais l'inventaire ? m'interpelle Dany par-dessus la musique, me faisant sursauter par la même occasion.

Je me retourne soudainement, mon coeur ayant fait un pic à mille battements par seconde. Mains dans les poches, sa grande silhouette longiligne s'approche de moi avec nonchalance tandis que je tente de me remettre de mes émotions.

- T'es con, j'ai failli faire une crise cardiaque ! je l'engueule.

- J'aime bien te prendre en flagrant délit... et puis, la vue sur ton cul en train de se tortiller sous mon nez n'était pas déplaisante, ajoute-t-il alors qu'il s'arrête à moins d'un mètre de moi, un sourire en coin.

- Donc, t'étais en train de me mater ? je lui demande sur le même ton taquin. Pervers, va !

Le bouclé se met à rire et continue de s'avancer dans ma direction, sans me quitter des yeux. Je me sens soudainement toute chose sous son regard et me met à reculer. Il arbore cette expression carnassière que je ne connais que trop bien désormais. Ses iris clairs me dévorent littéralement de la tête aux pieds. Mon attention est concentrée sur ses fines lèvres sur lesquelles il fait rouler sa langue de temps à autres.

- Boss, vous savez que vous n'avez pas le droit de vous comporter ainsi avec vos employées, je le sermonne d'une voix niaise tout en jouant les innocentes effarouchées.

- J'adore tellement quand tu m'appelles comme ça... « boss », répond-il d'une voix plus grave que d'habitude, réveillant mes hormones déjà sur le qui-vive.

Mes zygomatiques se contractent pour réprimer un sourire face à son commentaire. Alors que nous continuons de déambuler dans le rayon, mon dos finit par heurter une étagère sur laquelle se trouvent des bubble heads. Le choc de ma colonne vertébrale contre le bois où sont posées les figurines fait s'agiter les têtes surdimensionnées de la Reine d'Angleterre, de Mr. Bean et autres figures emblématiques de notre pays. Je tourne dans le coin de la section, qui se trouve être un cul-de-sac. Je suis prise au piège de mon prédateur.

Dany me dévisage avant de réduire l'espace entre nos deux corps. Ma respiration s'accélère mais j'essaie de rester dans mon rôle. Ses mains viennent s'appuyer sur le rebord d'une étagère, de part et d'autres de ma tête et se rapproche jusqu'à ce que nos visages ne soient plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre.

- Tu n'as pas été une bonne employée aujourd'hui. Tu parles mal aux clients, tu te plains des ordres et, en plus, tu te permets de prendre du bon temps au lieu de travailler... Qu'est-ce que je vais faire de toi ? me dit-il sur un ton à la fois autoritaire et séducteur, tout en caressant mon visage.

Je suis ravie de constater que nous reprenons les choses là où nous les avions laissées, à la caisse du magasin, avant que la vieille peau vienne nous interrompre. Son pouce passe doucement sur ma lèvre inférieure, geste qu'il suit intensément du regard.

- Je ferais tout ce que vous voulez, je feins de le supplier d'une voix pleurnicharde, en baissant le regard, telle une victime. Je veux que vous soyez content de moi, que vous soyez satisfait de mes... performances.

Je relève volontairement les yeux vers lui en prononçant le dernier mot, un lueur provocatrice animant mes iris. Dany ne manque pas de le remarquer et penche la tête sur le côté, intrigué par la tournure de notre jeu.

- Très bien, acquiesce-t-il. Deux choses : pendant les prochaines minutes, dès que tu ouvriras la bouche, tu ponctueras tes phrases par « boss », et maintenant... mets-toi à genoux.

Je crois que le feu en moi est reparti !

Je hoche la tête et m'exécute, mes genoux heurtant la dureté et la froideur du béton. Une fois en position, mon visage arrive pile à la hauteur de l'énorme bosse déformant le pantalon de Dany.

- Jouer les petits chefs vous excite beaucoup, boss, je lâche tout en abaissant la fermeture éclair du pantalon.

Je relève le visage vers lui en lui adressant un sourire insolent alors que mes doigts viennent trouver l'ourlet de son boxer. La bouche entrouverte, il me fixe avec envie. Mes mains se baladent sur le tissu du sous-vêtement, ce qui fait gémir Dany. Ses yeux se révulsent et sa tête part en arrière jusqu'à toucher l'une des poutres des étagères. Je finis par descendre le pantalon et le caleçon en même temps, le découvrant entièrement. Mes doigts viennent s'enrouler autour de son membre en érection et entament de lents va-et-vient, pour le plus grand plaisir du bouclé.

- Ça vous plait, boss ? je lui demande d'une voix innocente, en battant des cils.

- Putain, ouais... lâche-t-il dans un soupir. Mais tu sais ce qui me plairait davantage ?

- Je crois que j'ai une petite idée... boss, je lui réponds en le prenant dans ma bouche.

Pour la seconde fois en mois de dix secondes, Dany échappe un juron suivi d'un gémissement. J'aime le mettre dans cet état. Même si je suis celle qui se retrouve à genoux à cet instant, c'est lui qui est complètement à ma merci. Les yeux fermés, la bouche entrouverte, je sens monter le plaisir en lui. Ses paupières se plissent de temps à autres, mouvement généralement suivi par un léger râle, m'encourageant à poursuivre mes efforts.

Alors que ma main le caresse toujours de manière régulière et cadencée, renforçant ma poigne autour de son membre, j'accélère la cadence avec ma bouche glissant sur sa peau fine, le prenant plus profondément à chaque va-et-vient.

- Oh, Angie...

Je le sens se raidir sous la torture que je lui inflige. Un sourire étire furtivement mes lèvres, occupées à le sucer un peu plus fort jusqu'à la libération, qui ne tarde pas à arriver. Une fois mon devoir accompli, je me relève sous les yeux d'un Dany haletant et dans un état d'extase. Les paupières mi-closes, il ne nous laisse pas le temps de récupérer qu'il plaque sa bouche contre la mienne, tout en prenant mon visage entre ses mains. Il nous fait pivoter jusqu'à ce que je me retrouve à sa place : contre l'étagère. Il finit par décoller ses lèvres des miennes et esquisse un sourire satisfait.

- Je peux dire qu'après ça, vous êtes remontée dans le classement de l'employée du mois, lance-t-il, encore essoufflé, poursuivant notre jeu de rôles. Et comme tout effort mérite récompense...

Ses doigts fins et longs se concentrent sur les boutons de mon chemisier, qu'il défait un par un, dévoilant mon soutien-gorge noir. Je me laisse entièrement faire, ma poitrine montant et descendant avec frénésie. Ses yeux se baladent sur le haut dénudé de mon corps et l'expression qu'il arbore ressemble à celle qu'il avait la première fois qu'il m'a vue aussi peu vêtue.

- Putain, qu'est-ce que t'es belle...

Sa phrase s'évanouit dans un demi-murmure. Une nuée de papillon prend son envol dans mon ventre face à son compliment. Je n'ai jamais eu autant envie de lui qu'à cet instant.

- Venez prendre ce qui est à vous, boss, je lui réponds de manière provocatrice. Dites-moi ce que vous voulez que je fasse...

Dany passe rapidement son pouce sur sa lèvre inférieure dans un geste super sexy. Son regard ne quitte pas mon corps une seule seconde.

- Défais ton pantalon... doucement, m'ordonne-t-il tandis que ses yeux se posent en dessous de mon nombril.

Je m'exécute sans un mot et mes mains viennent se poser sur le bouton de mon pantalon, que je prends le temps de sortir de son trou et je finis par abaisser la fermeture éclair, faisant apparaitre ma culotte assortie à mon soutien-gorge. Je suis contente de ne pas avoir dépareillé ma lingerie !

Dany se délecte du spectacle que je lui offre et, de mon côté, j'aime me sentir aussi désirable sous son regard.

- Baisse ton pantalon et ta culotte, commande-t-il en suivant chaque mouvement que je fais.

Sans protester, je commence par dénuder mes cuisses jusqu'aux genoux et m'attaque à ma culotte qui suit le même chemin. Dany s'approche alors de moi et pose une de ses mains sur mon bas-ventre. Ses doigts frôle ma peau sensible et créent des frissons à sa surface.

- Vous me rendez toute moite, boss, je lance alors que je pose ma main sur la sienne pour le guider vers mon intimité.

Son regard plongé dans le mien, ses doigts commencent à me caresser et, déjà haletante, je ferme les yeux en laissant échapper un gémissement de plaisir. Tout comme le bouclé auparavant, je m'agrippe des deux mains à une étagère, mes jambes se transformant petit à petit en bâtons de coton. Sa seconde main vient se poser sur mon visage tandis que sa bouche vient épouser la mienne avec perfection.

- Oh, Angie... murmure-t-il contre mes lèvres alors qu'il enfonce un doigt en moi.

Cette pénétration m'arrache un petit cri qui le fait sourire contre mon visage. Il entame alors plusieurs va-et-vient en moi, faisant grimper le plaisir un peu plus à chaque fois. J'abandonne l'étagère pour m'accrocher à lui, une main allant se nicher dans ses cheveux et l'autre venant s'appuyer sur son épaule. Sa bouche quitte la mienne tout en m'embrassant jusqu'à atteindre mon cou. Je me perds complètement dans les sensations qu'il me fait ressentir. Un second doigt entre en moi, intensifiant le tourbillon d'émotions dans lequel je suis complètement aspirée.

- Angie ? Angie ? m'interpelle une voix féminine.

Mes yeux s'écarquillent alors avec violence. Dany s'arrête également et tourne brusquement la tête vers la provenance de la voix.

- Merde, c'est Mercy, chuchote-t-il en retirant rapidement ses doigts, créant une impression de vide entre mes jambes.

Il se rhabille à la va-vite, tout comme moi, bien que déboussolée par tout ce qui est en train de se passer. J'ai toujours un pied dans ce monde de délices mais j'en ai été trop vite arrachée. C'est comme un réveil brusque, sans savoir si nous sommes encore endormis ou bien dans la réalité. Je reboutonne ma chemise et remonte ma culotte et mon pantalon. Mercy insiste toujours en m'appelant. Ignorant la dégaine que j'ai, je décide juste de sortir la tête de mon coin.

- Hey, Mercy ! je me déclare d'une voix trop aiguë.

Cette dernière tourne alors son visage vers moi et me gratifie d'un sourire. Étonnamment, Dany décide de ne pas se manifester. Elle avance vers moi d'un pas enjoué.

- Dis-moi, tu n'aurais pas vu mon frère ? me demande-elle en tournant sa tête blonde dans tous les sens, certainement à la recherche du bouclé.

Je me retourne vers l'intéressé qui, secouant la tête, me fait comprendre de répondre par la négative.

- Euh... non. Je ne sais pas du tout où il se cache...

- C'est bizarre, souligne-t-elle en fronçant les sourcils. Il n'est pas en haut, ni dans les bureaux. Et, comme tu es ici, j'ai pensé que...

Alors que je m'apprête à répondre, je sens les mains de Dany m'attraper par la taille et défaire le bouton de mon pantalon, le bas de mon corps étant dissimulé derrière une partie de l'étagère. Un vent de panique traverse mes yeux mais je tente de garder mon calme pour ne pas me trahir face à sa petite sœur. J'espère qu'il n'a pas en tête ce que je pense qu'il a en tête...

- Bah, non, il n'est pas là ! je m'exclame en lâchant un petit rire nerveux alors que mon pantalon et ma culotte se baissent de nouveau.

Non, pitié, non... ça va être vraiment la honte !

Mercy fronce de nouveau les sourcils mais, cette fois-ci, tout en arborant un sourire entendu.

- Je vois... « Quand tu le verras », réplique-t-elle en mimant des guillemets avec ses doigts, tu diras à Dany que maman le cherche partout.

Une moue malicieuse sur le visage, elle se retourne et quitte la réserve, à mon plus grand soulagement. Le pantalon et la culotte au niveau des genoux, je me retourne de manière plutôt disgracieuse — et furibonde — vers Dany, tout en me rhabillant.

- Mais t'es un grand malade ! T'allais vraiment me faire... tu sais... devant ta petite sœur ?! Elle sait que t'étais là... et elle sait ce qu'on était en train de faire !

Dany ne semble pas plus vexé ou offensé que ça par mes accusations. J'envie parfois son « je-m'en-foutisme » extrême mais, dans des situations comme celle-ci, il a le don de particulièrement me taper sur les nerfs.

- C'est une manière de parler à son patron ? lance-t-il en guise de réponse, ne semblant pas avoir quitté son rôle. De plus, je n'aime pas laisser une tâche inachevée...

- Je suis sérieuse, Dany... c'est ta sœur, merde ! Je vais passer pour quoi, maintenant ? Une nympho ? Une dépravée ?

Sans me laisser le temps de protester plus, il me plaque de nouveau contre l'étagère, me dévisageant avec intensité, comme il sait si bien le faire.

- Pour Mercy, ne t'en fais pas. Elle n'a peut-être que dix-neuf ans mais il en faut plus pour la choquer. Et pour ce qui est de ton image, ne t'inquiète pas non plus. Elle doit sans doute jubiler de me voir heureux avec toi que d'être malheureux dans mon coin...

Mon agacement s'estompe immédiatement face à sa confession. Je suis touchée et abasourdie par ses mots.

- Je... je te rends heureux ? je bégaie en souriant, les larmes aux yeux.

- Bien sûr, répond-il, surpris par ma question. Je n'ai pas souvenir d'avoir connu autant de joie depuis la mort de ma mère... Comme je te l'ai déjà dit, je n'ai jamais rien attendu de la vie, tant elle m'a chié à la gueule, et je n'imaginais pas une seule seconde tomber sur quelqu'un comme toi. Il a suffi que tu m'ouvres ta porte, puis tes cuisses et maintenant... ton coeur ?

Le bouclé marque une hésitation sur la fin de sa phrase, qui s'est désormais transformée en question. Je suis complètement bouleversée, à présent. Suis-je prête à m'abandonner corps et âme à cet homme, à cet amour ? Suis-je prête à lui accorder entièrement ma confiance et mon coeur ? La dernière fois, je me suis totalement brûlée les ailes et ai failli y laisser ma peau.

- Je ne te demande pas de me répondre quoi que ce soit, et je ne veux pas te brusquer, poursuit-il. Je veux simplement que tu saches que...

Il lâche un petit rire en évaluant le cadre dans lequel nous nous trouvons, son regard se baladant sur les différentes paires d'yeux en plastique qui nous dévisagent avant de reporter son attention plus que sérieuse sur moi.

- Je ne pensais pas te dire ça ici, entouré de bubble heads de la Reine d'Angleterre et de Mr. Bean... mais, peu importe, ce n'est pas tellement le lieu ou les circonstances qui comptent mais la personne qu'on a en face...

Je retiens mon souffle.

- Je t'aime, Angie.

Ses yeux sondent mon visage à la recherche d'une réaction. Mes mains se posent sur ses joues et je lui renvoie la même intensité dans mon regard. C'est un moment décisif pour moi, pour lui... pour nous.

- Je t'aime aussi, Dany, je lui réponds le plus sincèrement et le plus sereinement du monde.

Un énorme sourire étirent ses lèvres, qu'il ne tarde pas à écraser sur les miennes. Je suis moi aussi emportée par un tourbillon de bonheur. Ses bras encerclent ma taille et il me fait tournoyer contre lui. Je ne peux réprimer un rire de joie.

Dany finit par me poser au sol, encore dans un état second.

- Je devrais peut-être remonter, lance-t-il en passant une main distraite dans ses cheveux. A moins que tu veux que je finisse...

Au lieu de terminer sa phrase, ses yeux se reportent entre mes jambes.

- Je pense qu'on a tout le temps du monde pour s'adonner à cette activité, je lui réponds en posant mes mains sur son torse pour le faire reculer. Maintenant, arrête de me distraire et laisse-moi compter les grosses têtes flippantes !

Dany opine du chef mais, avant de quitter la section des bubble heads, il donne un petit coup de poing dans l'étagère, faisant agiter les têtes des figurines autour de moi dans le sens d'un hochement.

- Regarde, la Reine en personne nous donne sa bénédiction ! plaisante-t-il en pointant du doigt un des cartons renfermant la miniature caricaturée de notre monarque.

Je ne peux m'empêcher de rire tandis que le bouclé s'éloigne de moi en direction des escaliers menant au magasin. Désormais seule, je me repasse en boucle les dernières minutes qui viennent de s'écouler et mon coeur s'affole complètement.

Après avoir fini de compter la section porcelaine et verre — assiettes, vases, verres, mugs, tasses à café — et envoyer mes chiffres à la direction, je décide de m'arrêter là pour aujourd'hui. De toute façon, c'est bientôt la fin de ma journée. Je remonte et, en franchissant la porte de la réserve, j'aperçois Dany — en habits civils — Mercy et Martha en pleine discussion. Je choisis de ne pas les interrompre et d'aller directement me changer au vestiaire. Une fois prête, je jette de nouveau un coup d'oeil à mon portable et constate rapidement que June ne m'a donné aucun signe de vie depuis mon SMS. Je suis quelque peu inquiète mais serai bientôt de retour à l'appartement. Je décide tout de même de l'appeler, pour m'assurer que tout va bien. Évidemment, elle ne décroche pas.

Je sors des vestiaires et rejoins le trio, toujours en train de discuter. Je me joins discrètement à eux, espérant ne pas les déranger ou interrompre une réunion de famille. Martha me remarque et m'adresse un chaleureux sourire.

- Angie, j'avais une question à vous poser concernant June, me dit-elle. Savez-vous quand elle compte reprendre son poste ?

Je jette un rapide coup d'oeil vers Dany avant de reporter mon attention sur sa belle-mère. Il n'est pas au courant du retour de June, ni même de ce qui s'est passé à Florence entre elle et Hero.

- Elle est rentrée ce matin de son weekend en Italie mais... euh, nous n'avons pas eu l'occasion de parler du travail.

- Dites-lui qu'elle passe me voir dans la semaine pour qu'on discute de son avenir au sein du magasin, ajoute-t-elle avec bienveillance.

Je hoche la tête en lui assurant de lui passer le message.

- Et moi aussi, j'avais une question à te poser, m'interpelle Mercy avec beaucoup — trop — d'enthousiasme. J'ai déjà demandé à Dany mais il m'a dit de voir directement avec toi. J'aurais voulu savoir si je pouvais passer la soirée avec vous. T'es la cop... pardon, « colocataire » de mon frère et j'aimerais qu'on fasse un peu plus connaissance... enfin, si ça te dit...

Je balance une nouvelle œillade à Dany, qui tente du mieux qu'il peut de réprimer un sourire en baissant la tête. Comment refuser une telle proposition ?

- Bien sûr que je n'y vois aucun inconvénient, je lui réponds avec un grand sourire. Tu peux même dormir à la maison, il y a une chambre de libre.

Mercy écarquille ses yeux et se met à sauter tant ma réponse la ravit. J'ai évidemment une pensée pour Jade, en évoquant son absence. Je n'ai toujours aucune nouvelle de sa part. Sa rancune doit être sacrément tenace, cette fois-ci.

- Oh, merci, merci, merci ! s'exclame-t-elle en me prenant dans ses bras. Faut juste que je passe à la maison prendre des affaires de rechange.

- Je pense qu'on a tout ce qu'il faut à l'appartement. June et moi, on te prêtera tout ce dont tu auras besoin, j'ajoute.

Mercy me dévisage comme si j'étais une créature magique. Elle se tourne vers Dany, la moue exaspérée.

- Honnêtement, big bro... qu'est-ce que t'attends pour l'épouser ? lui demande-t-elle, comme si c'était l'évidence même.

- Bon, on va y aller, annonce ce dernier en plaquant ses mains sur les épaules de sa petite sœur pour la pousser vers la sortie du magasin, malgré les protestations de celle-ci.

Je les suis en riant, leur complicité étant vraiment touchante et rafraichissante à voir. Martha nous regarde nous éloigner, tandis que la nouvelle équipe de vendeurs se met en place.

Nous traversons la place pavée en direction de l'arrêt de métro de Tower Hill. Alors que Mercy et Dany continuent de se chamailler au milieu de la foule de touristes, je les rattrape et entrelace mes doigts à ceux du bouclé qui, d'abord surpris, finit par relever la tête vers moi en souriant. Nos regards plongés l'un dans l'autre, j'ai, pour la seconde fois de la journée, la conviction que tout va bien se passer entre nous et qu'il est finalement peut-être le bon...

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* "Bella Ciao", fiction d'@AJM-BIENAIMEE, disponible sur Wattpad.

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