5. L'HORIZON

Comme pour souligner le symbolisme de l'instant, un soleil des plus rougeoyants se couchait sur les contrées du Far West, balayant de ses rayons embrasés et baignant d'une voluptueuse nuance crépusculaire les terres désertiques, tout en apportant à ce début de soirée une atmosphère des plus douces. Un vent d'une délicieuse tiédeur courait sur les plaines, soulevant sur son passage grains de poussière et volutes sableuses dans une valse avec les éléments de la nature, avant de venir subtilement caresser le visage des deux êtres se faisant face, tandis que le halo orangé baignait leur épiderme cristallin de sa douceur vermeille.

- A peine revenu, tu nous quittes déjà, souffla la jeune femme aux mèches rosées avec une certaine pointe de tristesse teintant sa voix.

De ses pupilles d'encre, le chasseur de prime sonda les traits fins peints avec une rare subtilité sur l'épiderme velouté de son amie et se vit touché par l'attention qu'elle lui portait. Cette dernière se tenait devant lui, les mains croisées derrière le dos, mais n'osait guère le regarder directement dans les yeux, préférant plonger l'émeraude de son regard vers les plaines ocres se chevauchant à l'horizon. En cet instant, la jeune femme arborait un air angélique des plus beaux ; elle avait revêtu une ample robe ivoire dont les longs pans ondulaient gracieusement au rythme du vent, tandis que ses fines mèches rosées, qu'elle n'avait pas prit la peine de peigner, ondoyaient au gré des doucereuses rafales du zéphyr - ne faisant qu'accentuer la candeur de son profil. Murmurant plus pour elle même que pour le chasseur de prime, sachant qu'une excuse pareil était plus qu'insignifiante pour le jeune homme, elle tenta tout de même :

- En plus, tu es encore blessé..

En effet, la confrontation avec l'Akatsuki ne datait que d'à peine une semaine auparavant et, si cela avait été suffisant pour remettre le jeune homme sur pied, la médecin mais aussi amie en elle ne pouvait s'empêcher d'éprouver une certaine inquiétude en sachant la plaie meurtrissant son abdomen toujours présente. Le cowboy ne répondit rien, laissant le chuchotement de la brise s'exprimer à sa place, mais porta sa main gantée d'un cuir brun à son indétrônable chapeau qu'il ôta. Laissant ses mèches ébènes flotter au gré du souffle chaud, il combla les quelques pas le menant à la médecin et déposa alors le Stetson sur la chevelure de cette dernière. Surprise, Sakura redressa ses iris aquarelles vers le visage clair du Uchiha et n'eut le temps de réagir qu'il lui déclara :

- Je te le laisse, tu me le rendras quand on se reverra. Une prochaine fois.

Agrippant les rebords du chapeau ivoire de ses phalanges graciles afin de le positionner correctement, la jeune femme hocha doucement la tête alors qu'un délicat sourire venait fleurir sur son visage opalin. Le voyageur reprit à nouveau sa place aux côtés du destrier et rajusta la bride de l'animal tandis que Naruto, qui était resté un peu en retrait, s'avançait aux côtés de la médecin. Les deux compagnons observèrent Sasuke parer sa monture avec sa sempiternelle minutie, et, une fois l'équidé parfaitement équipé, le brun passa le pied à l'étrier pour s'installer sur la selle au cuir usagé, masquant par la même occasion une légère grimace voulant s'immiscer sur ses traits en raison de la douleur émanant de sa récente blessure. Le cowboy adressa un dernier salut au duo à terre en hochant respectueusement la tête, et pressa légèrement ses éperons contre les flancs de sa monture qui s'engagea alors dans un pas serein vers l'extérieur du village, en laissant derrière elle l'emprunte de ses sabots ferrés dans la terre sableuse qui continuait à émaner une certaine chaleur causée par les températures de la journée. Une fois le Uchiha raisonnablement éloigné, la jeune femme ne put s'empêcher de lâcher dans un soupir :

- Pourquoi se sent-il toujours obligé de fuir ?

Naruto lui jeta un regard du coin de l'œil alors qu'elle ne quittait pas la silhouette à l'horizon du regard, et se contenta de déclarer en plongeant à nouveau l'azur de ses iris vers les plaines ocres :

- Je pense qu'il a encore besoin de temps pour faire la paix avec ce qu'il s'est passé récemment.

A l'entente des paroles du shérif, la jeune femme songea en premier lieu au précédent affrontement face au groupe de mercenaire - laissant les flashs de cette terrible rencontre assaillir ses pensées - pour finir par prendre conscience que les dires de son ami faisaient en réalité référence à l'aveu dévoilé par un des bandits à propos de l'aîné de Sasuke - aveu que ce dernier n'avait pas démenti, prouvant ainsi à tous qu'il avait bel et bien ôté la vie du porté disparu. Par la suite, une fois de retour à Konoha, le chasseur de prime s'était résolu à vider son sac, déversant le tumulte de ses états d'esprits à ses deux compagnons, ainsi qu'à révéler la vérité à sa famille par rapport au cowboy ayant quitté leurs rangs.

C'est ainsi que, la veille au soir, dans un cadre on ne peut plus privé, une poignée de silhouettes s'étaient retrouvées - toutes de noir vêtues - afin de raviver la lueur de quelques cierges pour accorder une dernière pensée au membre de leur famille qui n'était plus. Le corps de leur fils, leur ami, leur frère reposait quelque part dans l'immensité désertique, au fin fond d'un lieu bien trop perdu parmi les innombrables dunes sableuses et dont seul le plus jeune des Uchiha avait connaissance. Le modeste hommage au défunt cowboy s'était déroulé avec un nombre de personnes endeuillées si faible qu'elles se comptaient sur les doigts d'une seule main, mais l'authenticité des sentiments les reliant au jeune homme demeurait d'une telle force qu'ils en oubliaient son statut de hors la loi. Le temps de cette soirée, on ne parlait plus d'Itachi comme ce mercenaire ayant fui sa terre natale des années auparavant, comme ce traître s'étant allié au fameux groupe de brigands terrorisant les villages par dizaines ; non, durant cette poignée d'heures, on s'accordait à se remémorer la fierté de l'avoir eu pour fils, la gratitude d'avoir pu le considérer comme ami, l'honneur d'avoir pu faire parti de sa vie. Toutefois, l'être dont il avait été le plus proche n'était guère d'humeur à verser ne seraient-ce la moindre larme en ressassant les brides de souvenirs lui rappelant les douces années de son enfance, préférant alors quitter la modeste chapelle dans laquelle les quelques membres de la famille Uchiha s'étaient réunis en ce soir là pour s'asseoir sur les marches du bois grinçant menant au perron de la vieille église. Une fois seul, il entreprit de récupérer une cigarette précédemment roulée par ses soins et qui résidait actuellement au fin fond d'une de ses poches, ainsi qu'une allumette qu'il craqua contre une des poutres en bois soutenant la structure de la chapelle. Une fois le petit bout de bois embrasé, il laissa la flamme prendre vie une fraction de seconde durant afin que celle ci soit assez ardente pour ne pas s'éteindre au moindre courant d'air, puis embrasa l'extrémité de son bâtonnet de tabac qu'il tenait pincé entre ses pâles lèvres tout en inspirant la volute grisâtre par la même occasion, avant d'effectuer un geste sec de la main tenant l'allumette pour éteindre la flamme résidant au bout de celle-ci. Il laissa la fumée voguer dans sa bouche, et progresser dans sa gorge, puis recracha après quelques secondes une bouffée cendrée qui se dissipa instantanément dans l'air frais de cette soirée d'été, tout en appréciant le fait de se retrouver - comme à sa grande habitude - seul.

Toutefois, le deuil que le brun n'avait jamais accepté de faire commençait à peser sur sa conscience, et si jusqu'ici il n'avait agi que dans le déni de ses actes - de l'instant où il avait appuyé sur la détente aux plus récents évènements - de multiples émotions avaient transpercé le jeune homme de toutes parts depuis la semaine passée. Une immense colère teintée d'une amer tristesse avait coulé dans ses veines, se mêlant à cette hémoglobine emprunte de l'aigre sensation de la mort, et avait fait battre son cœur dans la plus funeste des mélodies. Telles étaient les pensées ondoyant dans son esprit alors qu'il contemplait l'astre lunaire orner le firmament de son halo bleuté, accentuant le chatoiement de la voie lactée sur les nuances nocturnes de ce ciel d'été ; il détaillait la lune avec une telle minutie que chaque cratère en devenait perceptible.

- J'ai entendu dire que tu repartais demain, Sasuke ? prononça une voix dans son dos.

Sans avoir besoin de se retourner, le chasseur de prime se représenta parfaitement la lueur brillant dans le regard souligné de l'homme venant de l'interpeller ainsi que le discret sourire venant courber ses lèvres. Des bruits de pas grinçants s'approchèrent dans le dos du brun, amenant avec eux une lueur orangée émanant de la bougie que tenait le nouvel arrivant, et ce dernier vint alors prendre place aux côtés du plus jeune. Il déposa entre eux le petit récipient contenant le cierge dont la flamme vacillante faisait fondre la cire avec une infinie lenteur, créant ainsi un point de lumière chaleureux dans la pâleur de la nuit, puis plongea à son tour ses pupilles d'encre dans le divin empyrée. Les deux hommes restèrent ainsi quelques minutes durant, sans qu'un mot ne soit prononcé, avec pour compagnie le chant des grillons qui venait caresser leur tympans et les exhalaisons tabagiques de Sasuke. Détournant son attention des parures célestes, ce dernier vint finalement briser le mutisme :

- Pourquoi es tu venu ce soir, Shisui ?

L'interpellé glissa ses iris ébènes vers le cadet de la famille, le dévisageant un sourcil haussé, tandis que ce dernier avait, lui aussi, quitté l'astre lunaire du regard pour fixer les quelques pierres jonchant la terre sableuse d'un œil vitreux. Tapotant indolemment le bâtonnet du bout de l'index pour faire chuter la cendre consumée, le cowboy poursuivit avant que le plus âgé n'ait le temps de prendre la parole :

- Pourquoi es tu là, à côté de moi ? Pourquoi tu ne m'en veux pas ? J'ai tué mon propre frère, j'ai tué cet homme qui était ton frère à toi aussi, ton frère d'arme.

Ledit Shisui expira un léger souffle, légèrement surpris que le cadet exprime ses remords avec une telle facilité, avant de répondre avec la plus grande des bienveillances :

- La seule personne à qui je peux en vouloir est moi-même pour n'avoir jamais réussi à comprendre la décision Itachi. Mais Sasuke, le fait que tu sois ici, en vie, prouve qu'il avait ses raisons et qu'il ne voulait pas nous nuire. Même si on ne sait pas pourquoi il est parti, il vaut mieux qu'on ne le sache jamais. Mettre la vérité en lumière est trop douloureux parfois, et si Itachi a préféré agir dans l'ombre, c'est qu'il jugeait que c'était mieux ainsi.

Sans pour autant n'esquisser un semblant de réponse ou laisser transparaître la moindre émotion sur son portrait de glace, Sasuke prêtait une grande attention aux dires du plus âgé, bien que le stoïcisme emprunt sur ses traits indiquait le contraire. Les paroles prononcées infiltrèrent ses pensées et commencèrent à s'immiscer dans les remous de son esprit, se mêlant à cette colère prédominante au sein de son âme afin de l'apaiser, et faisant alors naître l'ébauche d'une nouvelle vocation pour ses années à venir : la rédemption. Bien que le chemin allait s'avérer long, ces quelques paroles qu'on lui avait soufflé à cet instant furent le point de départ de cette quête de paix. Récupérant le Stetson qu'il avait disposé aux côtés de ses bottes poussiéreuses, le chasseur de prime détailla le chapeau de son regard onyx, faisant tourner ce dernier entre ses mains comme pour l'analyser sous toutes ses coutures. L'unique souvenir qu'il conservait de son aîné résidait entre ses deux paumes, et Shisui - ayant reconnu le couvre-chef dont son ami ne se séparait jamais à l'époque - comprit bien cela ; il posa alors une main sur l'épaule du cadet qu'il pressa doucement, avec réconfort, avant de se relever du perron. Laissant Sasuke avec ses songes et la douce lueur de la bougie qu'il n'avait pas reprit, le plus âgé retourna à l'intérieur de l'église, après avoir glissé au brun une dernière parole :

- Il est temps d'avancer, cowboy.

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Et c'est ainsi que Sasuke Uchiha, le chasseur de prime le plus redouté de l'Ouest, repartit d'un pas serein sur son plus fidèle destrier vers de nouvelles contrées dont il ignorait, pour l'heure, jusqu'à l'existence même. Malgré toutes les souffrances endurées, venait à présent l'heure de la rédemption afin de cesser d'ignorer les faits pour faire face à la réalité. Si jamais il ne comprendrait les raisons ayant poussé son frère aîné à devenir un des hors-la-loi les plus recherchés de l'Ouest, cette méconnaissance ayant fait surgir maintes sensations plus douloureuses les unes que les autres, le Uchiha entamait un nouveau chapitre de sa vie à présent. La page était blanche, mais la plume chargée d'encre, prête à faire pleuvoir de ses nuances ébènes sur la surface immaculée de nouveaux contes et légendes signés Sasuke Uchiha.

Sachant pertinemment qu'au fond une destination inexplorée l'attendait, il se dirigea dans le plus grand des apaisements vers les innombrables territoires restant encore à découvrir. De riches forêts luxuriantes, des villes prospères, des plaines enneigés, des montagnes infranchissables, des lacs de feu, des continents de glace, d'innombrables étendues de sable : l'inconnu lui tendait les bras. Pour l'heure, il se laissait alors bercer par la marche soporifique de l'étalon avec pour compagnie l'écho des sabots frappant la terre aride, la brise tiède du désert se faufilant au travers de ses mèches de jais et cette douce sensation de légèreté glissant sur ses épaules. Le shérif ne put s'empêcher de souffler un discret « Reviens nous vite Sasuke » lorsque, aux yeux de ses deux compagnons, le chasseur de prime n'était devenu qu'une lointaine silhouette ; il n'était à présent plus qu'une tâche sombre qui se fondrait bientôt dans la nuit tombante, ne faisant que s'éloigner vers le soleil couchant avec, pour unique destination, l'horizon.



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Yooo

Voici enfin la fin de cette petite histoire que j'ai beaucoup aimé écrire *verse une ptite larme*, je voulais vous remercier vous qui êtes arrivés jusqu'ici et qui commentez activement à chaque fois, ça me tellement fait plaisir, vous imaginez pas ! Je m'attendais pas à ce que vous soyez aussi présents, j'ai été tellement touchée par vos retours donc juste MERCI DE TOUT MON COEUR

Un autre univers alternatif sur Naruto est en cours d'écriture, cela se déroula dans les 60s/70s où se mêleront hippies, junkies et l'effervescence du rock, j'ai beaucoup trop hâte de vous montrer ça !! Petit preview (je suis une bille en cover rip) :

coming pas très soon, mais coming quand même..

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