Chapitre 5
Léna se retourna vivement, lançant un coup d'épée précis derrière elle. La lame fendit l'air dans un sifflement. Le spectre qui avait disparu quelques instants plus tôt esquiva le coup de justesse.
Maintenant qu'elle le voyait de plus près, la jeune femme remarqua qu'il semblait porter un chapeau melon. Elle ignorait pourquoi, mais ce détail lui fit froid dans le dos. Les spectres qu'elle avait combattus se ressemblaient tous plus ou moins, à quelques détails près. C'était souvent de grande masse sombre semblable à de la fumée noire aux contours indistincts. Il arrivait parfois que ces formes aient des allures plus anthropomorphes, et que certains accessoires de leur passé se matérialisent, comme c'était le cas pour cet esprit. Léna détestait combattre ce genre de spectre, car ils ne semblaient plus si monstrueux. Pourtant, elle savait que c'était une stratégie que nombre d'entre eux mettaient en place pour tromper les chasseurs, elle l'avait appris à ses dépens. Le spectre disparu à nouveau dans la brume. Léna resta sur ses gardes, consciente que le fantôme préparait sûrement une nouvelle attaque.
Elle serra la garde de son épée spectrale dans ses mains, son poids la rassurait, elle se sentait invulnérable. Léna jeta un coup d'œil à Lucius ; ce dernier était aussi tendu qu'elle. L'aura orangée de son épée se reflétait sur sa mâchoire serrée, le chasseur paraissait à la fois concentré et calme.
Un mouvement attira le regard de Léna sur sa droite. Sans réfléchir, elle arqua le bras et la lame de son épée fendit l'air. L'arme s'abattît violemment sur le sol, et manqua le spectre de quelques centimètres. Léna n'eut pas le temps de prendre à nouveau son épée, Lucius, la devança et attaqua la silhouette émergeant de la brume. Le spectre tenta de l'esquiver, mais la lame faite d'énergie du chasseur ne l'atteignit que sur le côté gauche. Un son crissant retentit, comme si le spectre criait de douleur.
Léna pensa que Lucius avait réussi à le blesser. Le spectre disparut à nouveau dans la brume avant même qu'ils puissent en avoir le cœur net.
Léna replaça son épée face à elle, en se protégeant du mieux qu'elle pouvait. Ce spectre la déstabilisait ; il n'attaquait pas et ne faisait que disparaitre à la moindre occasion. Le stratagème qu'il mettait vraisemblablement en place fonctionnait, car la jeune femme était à la fois frustrée et tendue, aux aguets d'une possible attaque. Les jointures de ses mains blanchissaient tant elle serrait fort son arme, et elle tenta de se souvenir des cours d'escrime dont elle avait bénéficié plus jeune. Face à ce genre de spectres, elle savait qu'elle devait utiliser un coup tranchant très rapide pour pouvoir l'atteindre, comme l'avait fait Lucius.
Léna reprit sa garde, et se plaça dos à son coéquipier pour couvrir plus de terrain. Le regard de la chasseuse balaya l'épaisse brume qui recouvrait le sol, à l'affût du moindre mouvement. Elle se demanda un instant si le spectre en était à l'origine. Mais elle n'eut pas le temps d'y songer plus longtemps, car un cri fendit l'air. La jeune femme se retourna d'un bond.
Gabriel qui était auparavant caché dans les broussailles se trouvait sur le sol et tentait de fuir. Au-dessus de lui, la silhouette brumeuse et sombre du spectre s'avançait. Le visage du jeune homme était déformé par la terreur, et des larmes commençaient à former des sillons sur ses joues. L'ombre était suffisamment près de lui pour qu'il puisse distinguer son chapeau melon et l'éclat menaçant de son monocle. Un frisson d'horreur secoua l'ingénieur.
Il continua de reculer le plus loin possible de l'esprit, complètement déboussolé. Le spectre se rapprochait avec une lenteur effrayante, sa main droite tendue de façon menaçante, et Gabriel pensa qu'il prenait un malin plaisir à jouer avec lui.
Léna réagit aussi vite que son corps le lui permettait. Elle s'élança vers son ami, et asséna un coup droit en direction de l'ombre. Cette dernière esquiva une nouvelle fois, mais elle ne disparut pas dans la brume ; au lieu de ça, elle se rapprocha encore plus de Gabriel. Le spectre tendit la main face à lui, rapprochant ses doigts du visage apeuré du jeune homme. Les couleurs du visage de Gabriel commencèrent à se confondre avec l'air. L'atmosphère commença à se distordre, et l'expression apeurée du jeune homme devint floue, comme absorbée par la main du spectre.
— Non ! Cria Léna en se jetant sur la créature. Elle asséna un violent coup d'épée dans sa direction. Encore une fois, le spectre esquiva avec une rapidité surprenante avant de devenir blanc et de se confondre avec la brume. Mais Léna s'en fichait ; elle se précipita vers son ami. Le jeune homme était d'une pâleur effrayante. Son corps retomba sur le sol, inanimé.
— Gabriel ! s'écria-t-elle en accourant. Elle arriva près du corps inerte de l'ingénieur, presque invisible dans la brume. Léna souleva délicatement sa tête, espérant le voir ouvrir les yeux. Gabriel, réponds-moi ! supplia-t-elle presque. Sa voix tremblait ; jamais elle n'avait imaginé qu'il puisse arriver malheur à son ami ; elle s'était promis de le protéger. Alors que des larmes menaçaient de s'échapper de ses yeux, elle sentit son ami remuer.
— Léna... murmura faiblement Gabriel.
— Tu m'as fait peur ! s'exclama son amie, d'un ton rassuré, mais emprunt de reproche.
— Excuse-moi d'avoir été attaqué par un esprit, s'amuse Gabriel, néanmoins faible.
— Ça va ? S'enquiert Léna.
— J'ai connu mieux, rétorque son ami qui reprenait petit à petit des couleurs. Gabriel essaya ensuite de se relever en position assise, soutenu par Léna.
— Il faut que tu retournes te cacher, et repose-toi ; quand un spectre essai de t'absorber, ça peut laisser des séquelles, expliqua la chasseuse.
Elle aida ensuite son ami à se relever complètement. Elle jeta un coup d'œil par-dessus son épaule ; Lucius n'avait pas bougé, il restait sur ses gardes, observant de temps en temps la scène du coin de l'œil. Cela rassura Léna, si le spectre refaisait surface, Lucius pourra s'en charger.
Léna et Gabriel s'éloignèrent de l'endroit où le spectre se trouvait. La jeune femme soutenait son ami sur son épaule, heureusement que l'ingénieur ne pesait pas très lourd. Elle le déposa quelques mètres plus loin, suffisamment pour que le spectre soit trop occupé par elle et Lucius pour avoir le temps de venir vers Gabriel.
— Reste ici, lui intime Léna. Gabriel hocha la tête, encore trop secoué pour pouvoir protester.
Sans plus attendre, Léna laissa son ami et repartit porter main forte à Lucius. Ce dernier combattait déjà l'ombre, qui était revenue à la charge. Son épée fendait l'air avec précision, mais le spectre était beaucoup plus mouvant que tous ceux que Léna avait déjà eus l'occasion de combattre. C'était comme si le revenant était lui-même constitué de brume, il se confondait sans cesse avec le brouillard environnant, en devenant blanc. Jamais la chasseuse n'avait eu affaire à un spectre qui passait d'une couleur sombre à une transparence totale en quelques secondes.
Léna dégaina son épée, prête à intervenir. Comme à chaque fois, le revenant disparait de nouveau dans la brume. Les deux chasseurs se remettent dos à dos, sur leurs gardes.
Léna scruta la brume environnante, à l'affut du moindre mouvement.
Soudain, sans la prévenir, Lucius s'éloigna d'elle en courant. Interloquée, Léna se retourna pour tenter de mieux comprendre quelle mouche avait piqué son coéquipier.
Le chasseur courrait à travers le brouillard, visiblement à la poursuite de quelque chose, ses cheveux bruns dansant au vent. Léna resta incrédule pendant plusieurs secondes, ne sachant comment réagir. Qu'est-ce que Lucius avait bien pu percevoir ?
Elle décida de lui faire confiance et se lança à sa poursuite avant qu'elle ne puisse plus le voir à cause de la brume. Léna courait, son épée devant elle, prête à la moindre éventualité. Elle priait intérieurement pour que le comportement de Lucius soit justifié, et qu'il ne courait pas sans raison.
La jeune femme fit de son mieux pour suivre le chasseur à travers le brouillard qui se faisait de plus en plus épais.
Soudain, Lucius s'arrêta et Léna manqua de le percuter. Il leva son épée et l'abattit dans la brume. Cette dernière commença à se teinter de noir, et quelques secondes plus tard, le spectre se matérialisa. Léna écarquilla les yeux face à la scène. Comment Lucius avait-il deviné que le spectre tentait de s'échapper ?
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