Segment 2 - Une bonne impression ?

 L'intérieur des quartiers du commandant était sobre, fonctionnel, et plus étriqué que ce à quoi Harlock s'était attendu.

Il s'immobilisa sur le seuil. En outre, il y avait plus qu'un commandant, là-dedans. Warrius Zero était entouré d'un capitaine et d'une lieutenante, ce qui, supposa Harlock, devait représenter la totalité de son état-major. Il avait l'air... abattu. Ce n'était probablement pas une bonne idée de lui proposer une cuite au whisky dans l'immédiat. Plus tard, peut-être... Warrius s'était avéré un excellent partenaire pour vider des bouteilles lorsqu'ils s'étaient croisés à l'Acastro.

Une pensée chassant l'autre, Harlock se demanda ensuite ce que les soutes de ce vaisseau contenaient comme alcools. Possédaient-ils du brandy d'Andromède, ici ? Sinon, pourrait-il convaincre Warrius d'en acheter ?

Lorsque le silence s'éternisa et que tout le monde eut bien assimilé le fait qu'Harlock n'ouvrirait pas la bouche le premier, Zero se dressa à demi derrière son bureau et le fixa en face.

— Tu es censé saluer et te présenter, soupira-t-il.
— Je l'ai déjà fait en bas, rétorqua Harlock. En plus, tu me connais.

Zero se renversa en arrière dans son fauteuil et se pinça l'arête du nez.

— Tu sais très bien ce que je voulais dire.

Oui, bien sûr. « Lieutenant-Harlock-à-vos-ordres-commandant », ânonna-t-il in petto. Ridicule. C'était beaucoup plus amusant d'observer ledit commandant enrager tandis qu'il piétinait le sacro-saint rapport hiérarchique. Attention, punition dans trois, deux, un...

— Le capitaine de La Morlaye est mon second, reprit pourtant Zero d'une voix posée, à contre-pied des prédictions d'Harlock. Le lieutenant Farrell est l'officier opérations.

Harlock cilla. Ben quoi, pas de sermon sur « les qualités nécessaires d'un jeune officier » ? Warrius souhaitait qu'il se montre davantage irrévérencieux ? Très bien, aucun problème. Va pour mettre tout de suite le whisky sur le tapis, alors...

— Si j'avais su que tu étais mon prochain commandant, Warrius, j'aurais amené une bouteille pour fêter ça. Whisky, comme d'hab' ?

La question provoqua une inspiration crispée de la part du lieutenant Farrell, et une grimace de désapprobation chez le second. Zero, quant à lui, se contenta de lever un sourcil.

— Comment ça, « si tu avais su » ? répliqua-t-il. Tu ne t'es même pas renseigné sur ton affect' avant d'arriver ?

Harlock se renfrogna. Le problème avec Warrius, c'était qu'il n'emmenait jamais la conversation où il fallait. S'il disait « whisky », cela impliquait « débat sur d'éventuels penchants alcooliques », pas... Oh, flûte.

— Écoute, j'ai appris la nouvelle il y a deux jours, grogna-t-il. On m'a littéralement jeté dans un train aussitôt après m'avoir donné mon ordre de mutation.

Il haussa les épaules.

— J'ai l'impression qu'ils étaient pressés de se débarrasser de moi.
— Pourquoi je ne suis pas étonné ? murmura Zero.

Silence.

— Commandant, intervint Farrell d'un ton pincé, selon le dossier qui nous est parvenu cette nuit, il reste encore au lieutenant Harlock vingt-deux jours d'arrêt à effectuer pour... – elle jeta un œil sur l'écran holo de sa tablette – absences répétées, insubordination, menaces, coups et blessures, et jeux d'argent clandestins.

La moue dégoûtée de Farrell était sans équivoque.

— Je pense qu'on peut y ajouter « manque de respect envers ses supérieurs » et « incitation à la débauche », termina-t-elle. Dois-je le conduire tout de suite en cellule d'isolement, commandant ?

Zero ne quittait pas Harlock des yeux.

— Non. Parce que c'est ce qu'il attend, et pour avoir fréquenté ce petit voyou je sais que je l'emmerderai davantage en ne le punissant pas.

Alors ça c'était vicieux. Et exact, en plus.

Le second resta de marbre, mais Farrell ne put retenir une expiration offusquée. Zero n'en tint pas compte et la désigna du doigt. Était-ce un sourire qui se dessinait au coin de ses lèvres ?

— Erin, reprit-il, vous vous chargerez de contrôler ses acquis, je veux qu'il soit lâché chef de quart en passerelle le plus vite possible pour soulager les équipes.
— Warrius, coupa Harlock, s'il te manque du monde je peux commencer dès maintenant, hein...
— Non. D'abord tu potasses la documentation technique, l'organisation du bord et les ordres permanents de fonctionnement. Erin va te fournir ça. Ensuite, une fois que tu as tout lu, elle te fait passer un test. S'il est validé, je te teste. Après tu iras en passerelle.

Silence.

C'était un sourire, oui. Un sourire machiavélique, plus précisément.

— Le prochain quart est dans quatre heures.

Sérieusement ?

— C'est une invitation ?

Zero hocha la tête.

— Si tu valides le test. Je contrôlerai.

Okay, deal. Où pouvait-il s'installer pour réviser ?

Harlock s'apprêtait à sortir (ou alors il attendait qu'on l'autorise à quitter la pièce, il hésitait encore), quand la porte s'ouvrit sur le gars en treillis qui l'avait accueilli. Il avait la mine sombre. C'était mauvais signe.

— Oui major ? demanda Zero.
— Commandant, la police de la station est dehors. Ils disent qu'ils viennent pour vol de véhicule avec violence et entrée par effraction dans une zone réservée.

Tous les regards se tournèrent vers Harlock. Hé, si je n'avais pas utilisé ce graviscoot j'aurais été en retard ! Il leva les deux mains en signe de conciliation.

— C'était juste un emprunt et les barrières étaient levées, se défendit-il.

Personne n'eut l'air de le croire.

Zero se massa les tempes. Migraine, supposa Harlock. Il avait toujours causé beaucoup de migraines à ses supérieurs.

— Harlock... souffla Zero. Je veux bien être indulgent pour les jours d'arrêt que tu as ramassés pendant ta précédente affectation. Je veux bien effacer l'ardoise et faire comme si je n'avais pas remarqué que tu es incapable de t'adresser correctement à un supérieur. Mais là, n'espère pas échapper au trou !
— Tout de suite, commandant ?

Le major le saisit par le bras. Durant une fraction de seconde, Harlock envisagea de se dégager, voire de balancer son genou dans les parties sensibles de ce cerbère, mais renonça. Il appréciait Warrius en tant qu'individu, alors peut-être pouvait-il y aller mollo côté rébellion ?

— Oui, tout de suite. – Zero agita la main d'un geste saccadé – Non pas que je pense que ça lui mette du plomb dans la cervelle, mais au moins je ne l'aurai pas dans les pattes pendant que je gère le bordel qu'il a foutu.

Si ça se trouvait, les cellules d'isolement étaient confortables. Et, éventuellement, équipées d'une douche ? Il n'avait pas pris de douche depuis qu'il avait quitté son précédent vaisseau, deux jours auparavant. Il aurait bien aimé un vrai repas chaud, aussi.

Et sinon...

— Ça tient toujours pour le quart dans quatre heures, Warrius ?

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