Épilogue
La victoire fut amère. Malgré la défaite définitive du seigneur éternel du Mal, les pertes du côté des alliés avaient été bien trop importantes pour pouvoir se réjouir de la réussite de l'assaut mené contre le château. Les morts se comptaient par milliers ; sur les quinze mille soldats, un peu moins de la moitié avaient survécu. Et parmi les tués se trouvaient Astrid, dont la perte fut un véritable bouleversement pour sa jumelle. Selon les dires des domestiques, Olympe n'aurait plus été vue depuis l'annonce du décès de sa sœur. Personne, pas même sa mère et Elzier, ne sut où elle se trouvait. Mais selon son elvësch, la jeune femme vivait toujours. Quant à Pahya, sa blessure infligée par Ganondorf l'avait paralysée des membres inférieurs et l'avaient ainsi condamnée à la paraplégie. Dévastée par ce dernier présent empoisonné du Gerudo, la jeune femme fut incapable de parler les jours qui suivirent ; il lui était impossible de se réjouir de leur victoire, car le prix à payer avait été plus élevé qu'elle ne se l'était imaginé. Elle aurait préféré la mort plutôt qu'une telle malédiction.
Après la défaite du Mal, la corruption rongeant Hyrule, Aurean et les pays limitrophes, disparut. Elle ne laissa derrière elle que des terres inertes, brûlées par la malice. Personne ne savait combien de temps la Vie mettrait à reprendre sa place. Cependant, l'espoir demeurait fort dans chaque cœur, et nombreux croyaient profondément à la guérison de leur patrie respective. Ce fut pourquoi Panah, notamment, devint une terre d'accueil pour tous les réfugiés le désirant. Iris fut parmi eux, prête à œuvrer cœur et âme pour rebâtir le royaume d'Hyrule. Elle voulait faire partie des premiers Hyruliens qui reviendraient sur les terres de leurs ancêtres afin de reconstruire les villages, puis les bourgs et les villes. Après tout, elle avait une promesse à tenir, et un héritage à conserver précieusement. Après la bataille finale, on la soigna du mieux possible. Malheureusement, ses brûlures firent place à des cicatrices sur son visage et ses bras qui resteraient pour toujours. Et bien qu'elles fussent difficiles à regarder, elles portaient pourtant un espoir de vie. Bats-toi. Iris s'efforçait de se le dire dès que son regard se posait sur un miroir. Elle avait même retransmis les derniers mots de Thomas à son capitaine. Ce fut une longue conversation émouvante et éprouvante pour tous les deux. Néanmoins, elle leur était parue nécessaire car elle leur avait apporté toutes les explications qui leur manquaient depuis des semaines.
Les Soneaux et les habitants de Delteha, quant à eux, furent aussi accueillis lorsqu'ils quittèrent les tréfonds de la terre. Le Mal ne sévissant plus, certains Soneaux partisans de Ganondorf préfèrent l'exil - les autres souhaitèrent la rédemption -, contrairement à leurs congénères qui avaient combattu pour Hylia. L'adaptation à la surface ne fut guère aisée, l'environnement étant drastiquement différent et le soleil les aveuglant en permanence. Leur vue s'améliora au bout de plusieurs semaines et de quelques efforts. Malheureusement, ce ne fut pas le cas d'Omi qui se laissa lentement dépérir et mourir dès lors qu'elle apprit la mort de Lasya et de Ren, et personne ne put l'en empêcher. Pas même Zelda...
Cette dernière eut besoin de nombreux jours de repos après l'affrontement contre Ganondorf. En effet, peu après celui-ci eut lieu sa fausse-couche, et donc la perte de son fils. Cela bouleversa tant Link que la princesse hésita à lui parler de la véritable raison de cet accouchement anticipé. Cependant, cacher une telle chose lui fut encore plus insupportable, et Zelda ne tarda pas à parler de ce dernier sacrifice à son compagnon. Elle assista à son désarroi et à la peine qui marqua grandement son visage. Link fut incapable de lui en vouloir, et tous deux pleurèrent ensemble pour extérioriser leur tristesse due à la mort de nombreux êtres qui leur étaient chers. Une fois de plus, ils traverseraient cette épreuve ensemble, main dans la main, et se soutiendraient sans vaciller.
Environ un mois après leur victoire, la princesse et régente d'Hyrule demanda à Panah de prendre son royaume sous tutelle, jusqu'à ce qu'un nouveau gouvernement soit mis en place et puisse subvenir par lui-même au besoin de la population. Cette requête surprit et dérouta les neuf dirigeants qui se concertèrent de longues heures à ce sujet. Car Aurean devait aussi être pris sous tutelle, son dernier roi avait été tué et il n'avait pas de descendance directe. Malgré tout, la demande de Zelda fut acceptée, et les terres hyliennes furent cédées aux bons soins de Panah. Bien entendu, le contrat émis stipulait parfaitement qu'Hyrule regagnerait son autonomie dès qu'elle en aurait les capacités. Cette décision, bien que difficile, marquait le début d'un renouveau pour la jeune femme. En effet, après la passation de pouvoir, elle abdiqua et remit sa couronne à Pru'ha afin de la conserver précieusement. Ce fut la dernière grande douleur que ressentit l'Hylienne durant son existence. Elle eut le sentiment d'abandonner ses parents, ainsi que tout l'héritage transmis au fil des millénaires. Mais après tout, ce n'était pas une simple couronne qui le portait jusqu'à présent. Non, il s'agissait, en vérité, du cœur de chaque membre de la famille royale. Tels furent les mots de Link pour la réconforter, et cela eut le mérite de fonctionner. À présent, tous les deux pouvaient enfin vivre la vie à laquelle ils aspiraient. Une vie sans combat, sans la pression planante du Mal, sans les espoirs de milliers d'êtres à porter sur les épaules.
Leur devoir était terminé.
oOo
Onze ans plus tard
En cette belle matinée de printemps, aucun nuage ne surplombait l'océan qui se perdait à l'horizon. Parfois, un groupe de dauphins bondissait en dehors des eaux claires peu perturbées par les vagues. Un vent venait rompre cette accalmie par moments, créant une légère houle qui se brisait contre la coque d'une petite embarcation étrangère. Elle possédait une voile triangulaire, soutenue par une livarde courbée, qui se gonflait au contact de la brise, ainsi qu'une toile plus petite à l'arrière du mât. Les cordages tendus faisaient crisser les poulies, on pouvait même entendre le bois de la coque gronder à de rares occasions. Le voilier transportait de banals voyageurs venus d'une lointaine contrée. L'une d'eux, sur la proue, scrutait l'horizon avec attention. Un châle rouge habillait ses épaules pour la protéger du froid matinal tandis qu'une longue robe d'un blanc crème recouvrait le reste de son corps. Avec un calme qui lui était propre, la voyageuse huma l'air iodé en prenant une profonde inspiration, les yeux fermés un court instant. Tout cela lui rappela bien des souvenirs, son cœur se serra dans sa poitrine et parut s'alourdir lorsqu'elle rouvrit les yeux pour contempler la côte, à quelques lieues de là. De cette distance, on ne pouvait discerner que de vagues reliefs grisâtres. Il aurait été compliqué pour un quelconque étranger de reconnaître ces terres, cependant ce ne fut pas le cas de cette femme blonde.
Une brise vint soulever ses cheveux qui tombaient, en temps normal, jusqu'au milieu de son dos. Du coin de l'œil, elle vit deux bras passer de part et d'autre de son ventre avant de s'enrouler autour, puis une tête se posa délicatement sur son épaule droite.
- Quel ciel magnifique, déclara son époux qui profitait tout autant du paysage aux couleurs d'or. C'est comme si... un sentiment de nostalgie me submergeait.
- Mais il est paradoxalement accompagné d'un grand bonheur, n'est-ce pas ?
Il esquissa un sourire serein ; tous deux se comprenaient toujours aussi bien. Depuis combien de temps n'étaient-ils pas venus ici ? Les années s'étaient écoulées sans même qu'ils en eussent réellement conscience. Ce n'était que récemment qu'ils avaient enfin eu la force d'entamer cet énième voyage. Pendant que les rayons solaires réchauffaient leurs joues, ils gardèrent le silence afin d'écouter le bruit de l'océan et le chant des mouettes qui leur parvenait. Cela les apaisait et leur rappelait à quel point la vie valait la peine d'être vécue.
- J'appréhende notre retour, Link... confia sa femme avec peine. J'ai peur que plus rien ne soit pareil et qu'Hyrule ait été délaissée durant toutes ces années.
Il craignait aussi que leur terre natale n'eut conservé les séquelles dues à la guerre. Il se remémorait les paysages dévastés par la corruption. La Nature avait très certainement eu grand mal à reprendre ses droits.
- Panah a promis qu'elle l'aiderait à se reconstruire, la rassura-t-il avec conviction.
- Peut-être mais... Je me demande sans cesse si la corruption n'a pas tout détruit pour toujours.
Link lui rappela qu'après avoir vaincu Ganon, la malice qui recouvrait certaines parties d'Hyrule, notamment le château, avait rongé la flore, certes, mais cette dernière avait fini par repousser peu après. Les déesses veillaient sur l'équilibre, elles mettaient tout en œuvre pour que la vie reprenne et prospère. L'Hylien, maintenant âgé de trente-et-un ans, retira l'un de ses bras autour du ventre de sa femme, puis il vint se placer à ses côtés en la tenant toujours par la taille. Tous les deux observèrent la côte qui se rapprochait lentement. Ils ignoraient où leur pas les mèneraient lors de ce retour sur Hyrule. Iraient-ils d'abord vers le lac Hylia ? Avant de venir voir l'emplacement de l'ancienne citadelle, place forte du royaume d'antan, Zelda envisageait de rejoindre le village de Cocorico. Elle espérant de tout cœur qu'il fut reconstruit, elle voulait revoir Pahya et lui conter toutes les merveilleuses découvertes faites depuis ces onze dernières années.
- Et si nous bâtissions notre maison ? proposa l'ancienne prêtresse royale avec espoir. Nous pourrions avoir un véritable foyer.
Surpris, Link haussa les sourcils et adressa un regard interrogateur à sa compagne.
- Nous avons déjà eu plusieurs foyers, Zelda, souligna-t-il avec justesse.
- Ce n'est pas ce que j'essaie de te dire.
Elle esquissa un sourire chaleureux qu'elle lui offrit. Le voir sur ses lèvres provoquait toujours ces mêmes palpitations au cœur de Link, même après toutes ces années. Son amour pour elle ne tarissait pas, au contraire, il se renforçait au fil des aventures vécues tous les deux. Ils vivaient pleinement leurs rêves, leurs aspirations se réalisaient grâce à leurs efforts et à leur volonté.
- J'aimerais que nous nous installions définitivement quelque part. Si ce n'est pas Hyrule, ce sera là où nos cœurs nous mèneront. Mais ne pas avoir notre maison, cela commence à me peser. Je veux cesser d'être une étrangère au moins sur une terre.
Ses yeux se mirent à pétiller avant qu'elle ne reprenne :
- Nous pourrions posséder notre propre troupeau ! Ou des champs que nous cultiverions comme nous l'avons appris durant nos voyages. Nous pourrions toujours découvrir le reste du monde par la suite, mais nous aurions toujours un foyer qui nous accueillera à notre retour. N'en as-tu pas envie ?
L'embarras se lut sur le visage du voyageur. Le vent souleva un court instant ses cheveux mi-courts mis en valeur par une tenue qui ressemblait vaguement aux vêtements traditionnels d'Hyrule.
- Je n'y avais encore jamais pensé, avoua-t-il. Nos conditions de vie ont toujours été agréables jusqu'à présent, je n'ai pas vraiment réfléchi à les changer. Mais si tu as besoin d'arrêter nos voyages pour un certain temps, je te suivrai.
Ils échangèrent un regard intense qui leur suffit pour se comprendre. Zelda reporta son attention sur la bouche de son époux, puis elle approcha son visage du sien en fermant peu à peu ses yeux.
- Je n'en doute pas... susurra-t-elle avant de l'embrasser.
Ce contact entre leurs lèvres ne dura guère longtemps, bien qu'il fût suffisant pour les combler une nouvelle fois de joie. Lorsqu'ils s'écartèrent, Link prit le châle rouge entre ses mains et le replaça correctement sur les épaules de sa compagne. Il ne voulait pas qu'elle prenne froid. Suite à ce geste, Zelda leva les yeux au ciel car la température n'était pas si basse, elle ne la rendrait pas malade.
- Je sais que mes yeux te captivent, mais n'oublie de regarder où se dirige le voilier, le taquina l'Hylienne en tapotant son torse de son index.
En effet, Link n'arrivait pas à détacher son regard de celui de son épouse depuis leur baiser. Pris sur le fait, il détourna la tête en prétextant quelques excuses, puis il plissa les yeux en scrutant la côte lointaine. Il reconnaissait vaguement les monts discernables à cette distance, laissant présager qu'ils se dirigeaient bien vers la forêt de Firone. Même si les chances paraissaient minimes, Link espérant atteindre l'ancien port d'Écaraille dans le but d'y amarrer leur bateau.
- À bâbord ! s'exclama-t-il avec engouement en désignant de sa main la direction à prendre.
- À vos ordres, Cap'taine !
Le sourire du Héros s'agrandit en entendant cette voix fluette dans son dos. Il se retourna vers elle et dévisagea fièrement l'enfant qui tenait la barre du gouvernail. Il s'agissait d'un petit garçon de six ans au caractère bien trempé et à la longue chevelure châtaine qui virevoltait dans son dos. Il possédait de beaux yeux verts, à l'image de ceux de sa mère dont il avait hérité beaucoup de traits. Son prénom reflétait le symbole de la paix et de la sagesse, il était porteur d'espoir pour ses deux parents qui avaient refusé d'avoir un nouvel enfant pendant plusieurs années. En effet, la perte de leur premier fils avait créé un traumatisme profond qu'ils avaient eu bien grand mal à surmonter. Mais après de nombreux périples salvateurs, les deux élus avaient enfin décidé d'agrandir leur famille. En vérité, ce fut d'abord Link qui eut l'envie de devenir parent. Il désirait de plus en plus franchir un nouveau pas avec Zelda et élever un futur être aux côtés de la femme de sa vie. Même si la fin de cette deuxième grossesse avait été difficile et que l'accouchement avait connu quelques complications, rien ne fit entrave au bonheur indéfinissable qu'ils ressentirent à la naissance de leur fils.
- Oliver, bâbord signifie virer sur la gauche et non sur la droite, lui fit remarquer sa mère en remarquant la mauvaise direction qu'ils empruntaient.
Les yeux de l'enfant s'écarquillèrent, ses joues ne tardèrent pas à rougir sous l'effet de la honte. Il balbutia des excuses maladroites puis tira la barre vers lui. Le voilier vira sur leur gauche et suivit enfin la bonne route. Fiers de leur fils, les deux jeunes parents le rejoignirent à la poupe et s'assirent sur le banc qui lui faisait face, au milieu des quelques sacs qu'ils avaient emportés pour la traversée.
- Il a de l'énergie à revendre, notre brave garçon, se réjouit Link qui croisa les bras.
- Je me demande vraiment de qui il tient cela.
Le Héros, amusé, haussa légèrement les sourcils en regardant, cette fois-ci, sa femme.
- Tu ne m'as jamais connu enfant...
- Oh, mais je ne parlais pas de toi !
Face à l'expression déconfite de son compagnon, Zelda rit allègrement avant de poser sa tête contre son épaule. Lorsque son rire s'estompa, elle contempla tendrement leur enfant qui s'efforçait de maintenir le cap. Même si, au même âge, Link accomplissait déjà quelques prouesses, l'Hylienne était soulagée, d'une certaine manière, que leur fils n'eut hérité d'aucune capacité hors normes. Elle lui souhaitait une enfance des plus ordinaires et une vie paisible. Toutefois, si elle parvenait à lui transmettre le goût pour la recherche et la découverte, elle n'en serait pas peu fière. Oliver était un enfant intelligent et astucieux du haut de ses six ans.
- Y a des ours là où on va ? demanda ce dernier avec un brin d'inquiétude.
Son père sourit malicieusement.
- Oui ! Ils sont si gros qu'ils ne feraient qu'une demi-bouchée de toi. Crois-moi, personne ne...
Il poussa une plainte étouffée quand Zelda lui donna un coup de coude dans le ventre pour le faire taire. Il était hors de question d'effrayer leur fils de la sorte avec des histoires aussi saugrenues.
- Il y avait des ours avant, c'est vrai, lui apprit-elle en optant pour un ton bien plus sérieux. Mais je ne sais pas s'ils peuplent toujours Hyrule.
La blonde posa une main sur la tête d'Oliver, puis elle le câlina affectueusement.
- Tu n'as pas à t'inquiéter. Ils ne vivent jamais dans les zones tropicales. Le seul ours que tu pourrais y trouver, c'est bien ton père.
- Je te demande pardon ? s'indigna Link qui cligna exagérément des yeux.
La remarque de sa mère fit rire le petit châtain. Il ne se priva pas d'attribuer ce nouveau surnom à son père, ce qui semblait particulièrement agacer ce dernier. Ou du moins, Link mima un semblant de moue avant d'esquisser un nouveau sourire. Il n'était pas peu fier de cette famille dans laquelle il s'épanouissait depuis bien des années. Certains jours, il regrettait que ses parents, ainsi que ceux de Zelda, ne fussent plus de ce monde pour rencontrer leur petit garçon et profiter, eux aussi, de ce bonheur.
Environ trois quarts d'heure plus tard, ils parvinrent enfin au village d'Écaraille. Ou plutôt... de ses ruines. Le village était resté désert depuis le retour de Ganondorf. De la mousse tapissait les cabanes, pourrissant leur bois. Plusieurs jeunes palmiers poussaient partout, la végétation était seule maîtresse d'elle-même au vu des nombreuses fleurs et mauvaises herbes qui s'étendaient jusqu'au moindre recoin. Dans un premier temps, Link hésita à amarrer leur voilier au vieux ponton qui grinçait au gré de la houle. Il craignait que les planches cèdent sous leur poids. Ce fut donc avec précaution qu'il enroula une large corde autour d'un poteau craquelé de l'embarcadère, puis il posa un pied hors de son embarcation. Le bois craqua, l'obligeant à se figer un instant, puis Link poussa un soupir de soulagement. Il aida sa femme et son fils à le rejoindre après qu'il eut pris les sacs et les vivres qu'ils transportaient. Tous les trois marchèrent prudemment sur le ponton pendant que les oiseaux tropicaux chantaient quelque part, dans les environs.
- Un lézard bleu !! s'écria Oliver en désignant le tronc d'un palmier.
En effet, l'un de ces reptiles se réchauffait sous les rayons de soleil matinaux. L'enfant se précipita vers lui et tenta de le capturer, mais l'animal s'enfuit en quelques secondes lorsqu'il l'entendit arriver bruyamment. Dépité, le châtain s'arrêta, les bras le long du corps, et regarda vers les buissons où le lézard s'était caché.
- La prochaine fois, sois plus discret, le réconforta Link qui vint près de lui pour poser une main sur son épaule. N'oublie pas que les animaux détestent les mouvements brusques et les bruits trop soudains.
Son fils, encore déçu, préféra garder le silence et bouder plutôt que d'écouter le conseil de son père. Pendant ce temps, Zelda observait les ruines avec attention. Savoir que des gens avaient vécu ici, puis fui le danger, cela lui serra le cœur. Elle voyait nettement les traces des départs précipités au travers des pots brisés au sol et des restes de panier près des cabanes. Dissimulés au sein de l'herbe verte, elle aperçut même quelques ossements humains dont la vision fut difficilement soutenable. Oliver ne devait pas voir une telle chose. L'Hylienne appela discrètement Link et lui montra rapidement les os. Son compagnon comprit, puis il appela leur enfant afin de passer par un chemin plus sécure et moins effrayant pour lui. Au sein de cette nature nouvelle, il fallait dorénavant parvenir à retrouver ses repères et à se diriger vers Lanelle. Le village de Cocorico, tout comme celui d'Écaraille, n'existait sans doute plus ; seules des ruines pouvaient les attendre. Cependant, Link voulait tout de même s'y rendre pour en avoir le cœur net.
oOo
Le voyage au cœur de Firone dura un jour et demi, notamment car une pluie diluvienne s'était abattue sur cette région et avait rendu leur avancée plus difficile que prévue. Néanmoins, ils parvinrent sans encombre jusqu'au lac Hylia et à son pont immense. Son architecture impressionna grandement Oliver qui n'avait encore jamais rien vu de tel. Il posa de nombreuses questions à ce sujet, comme par exemple si la déesse Hylia l'avait traversé un jour, ou bien si, à l'époque, des chevaliers le protégeaient. Sa curiosité n'avait rien de déplaisante, au contraire. Elle réjouit ses parents qui pouvaient enfin lui en apprendre plus sur leurs origines et leur patrie.
Depuis qu'il était en âge de comprendre certains concepts, les deux élus n'avaient pas hésité à apprendre les mœurs qui régissaient leur royaume d'antan : les classes sociales, les ordres, les divers peuples, la Chevalerie... Ils lui avaient aussi parlé de l'ancien titre de princesse de Zelda. Bien entendu, Oliver ne connaissait pas tout, uniquement ce qu'un enfant pouvait comprendre. Ce fut à ce moment-là que Link comprit que son fils ne suivrait jamais ses pas, tout simplement car cela ne l'intéressait pas. D'une certaine manière, cela l'attrista car sa lignée de chevaliers prenait fin. Mais d'une autre part, Oliver ne verrait jamais les barbaries de la guerre, il n'ôterait pas la vie à un être humain, et cette simple pensée suffisait à Link pour se réjouir de ne pas léguer à son fils ses premières aspirations.
Après le lac Hylia, ce furent les monts Géminés qu'ils traversèrent. Pour le moment, la famille n'avait croisé aucun Hyrulien. Chaque région traversée paraissait vide... À partir de ce moment-là, Link et Zelda commencèrent à percevoir la solitude qui les attendait au bout de ce voyage. Plus personne n'avait voulu revenir en ces terres, tout simplement car elles ne semblaient pas encore propices à accueillir de nouveau les peuples qui les habitaient par le passé. Seulement accompagnés par le bruit de la nature et des rares oiseaux qui chantaient, tous trois se dirigèrent vers le pont de Cocorico. Puisqu'il n'était plus entretenu par l'activité humaine, du lierre grimpait le long de ses parois extérieures ainsi que sur les murets. Ce passage marquait la dernière étape avant d'atteindre le village désiré. S'ils n'y trouvaient personne, alors Hyrule était désertée définitivement... Les Sheikahs étaient trop attachés aux terres de leurs ancêtre pour ne pas vouloir rebâtir leur village. D'un pas décidé, les élus s'engagèrent sur le chemin entouré par deux falaises. On pouvait encore y entendre les échos des claquements produits par les guirlandes traditionnelles du peuple sheikah. Cela donna de l'espoir à Link et Zelda.
Toutefois, la réalité les rattrapa bien durement quand ils virent l'état d'abandon de l'entrée du village. Seules quelques guirlandes, tout juste accrochées à l'entrée, animaient les lieux. Car sur la place centrale de Cocorico, il n'y avait personne. Les maisons que Link avait connues tombaient elles aussi en ruines, certains toits s'étaient effondrés sur eux-mêmes, des planches de bois éparpillées maculaient le sol. La statue d'Hylia, autrefois placée au centre d'une mare, avait basculé en avant depuis bien longtemps et des herbes hautes la masquaient presque entièrement. Ce triste spectacle noua la gorge de Zelda qui peinait à croire ce qu'elle voyait. Nier la vérité serait plus doux, mais cela lui était impossible.
- Ils ne sont jamais revenus, prononça gravement Link qui serrait les poings.
- Qui ça ? demanda Oliver en se tenant les mains.
L'air consterné de ses parents lui fit bien du mal à lui aussi, car il ignorait d'où provenait leur peine.
- Les Sheikahs, lui répondit son père. Ils étaient les plus fidèles alliés du royaume. Mais il semblerait que cette époque soit définitivement révolue.
- Peut-être qu'ils ont oublié où étaient leurs maisons ?
Le Héros souffla du nez, malgré tout attendri par cette remarque des plus innocentes.
- Ce n'est pas aussi simple, Oliver. On ne quitte pas son village natal sans raison.
Ce fut difficile à comprendre pour le garçon. Ses parents avaient bien quitté Hyrule pour voyager. Alors pourquoi pas aussi les autres ? Oliver se demandait bien à quoi ressemblaient les Sheikahs. Est-ce qu'ils avaient aussi les oreilles pointues ? Car de son plus lointain souvenir, tous les humains qu'il avait croisés possédaient des oreilles arrondies. Alors qu'il réfléchissait, son attention fut soudainement captée par une masse orange qui bougeait en périphérie de sa vision. Le châtain tourna prestement la tête avant d'apercevoir un renard qui reculaient à cause de leur présence. Aussitôt, les yeux de l'enfant se mirent à pétiller d'émerveillement.
- Un renard ! s'exclama-t-il en se lançant à sa poursuite.
L'animal s'enfuit sans tarder vers la sortie du village, pourchassé par le petit Hylien. Ses parents lui ordonnèrent de revenir, mais Oliver ne les écouta point. Zelda regarda Link avec inquiétude, puis elle courut sur les pas de son fils. Nul ne savait si la région n'était pas dorénavant le territoire d'un quelconque prédateur. Après tout, sur le chemin, ils avaient bien aperçu des empreintes de loups...
- Oliver ! cria sa mère sur ce deuxième chemin bordé par de hautes parois.
Elle accéléra le pas et finit par attraper son fils par le poignet. Cocorico n'était déjà plus visible derrière eux.
- Ne t'éloigne plus jamais de la sorte ! le sermonna Zelda sur un ton ferme. Combien de fois t'avons-nous dit de rester près de nous quand nous traversons un territoire sauvage ?
Le châtain se fit plus petit, manifestement honteux suite à cette vive réprimande. Il ne voulait pas mettre sa mère en colère, ni même l'inquiéter autant... À vrai dire, il ne mesurait pas encore pleinement la portée de ses actes. Oliver avait encore tant à apprendre, lui dont la vie commençait à peine.
- Regardez... dit Link dans un souffle, les sourcils légèrement haussés sous l'effet de la surprise.
Sa femme et son fils regardèrent alors devant eux, là où le chemin continuait et débouchait sur le début d'une plaine. Ils aperçurent alors un léger nuage de fumée blanche qui s'élevait lentement vers le ciel. Étonnée, Zelda ancra ensuite son regard dans celui de Link afin de se concerter silencieusement avec lui ; tous les deux furent d'accord pour aller voir. En fin de compte, il s'agissait sans doute d'un feu de camp, et donc d'autres voyageurs ! Cela signifierait qu'ils ne seraient pas les seuls à parcourir les terres d'Hyrule. Le blond prit la deuxième main de son fils, de sorte que les deux parents entourent chaleureusement leur enfant, puis la petite famille se dirigea vers la fumée. Lorsque l'herbe remplaça la terre rocailleuse du chemin, ils purent nettement voir le reste de la plaine de Sahasla qui était une étendue inclinée vers le bas.
Et ils retinrent leur souffle.
Face à eux se dessina une vingtaine de maisons d'architecture sheikah, construites sur pilotis pour compenser la pente. Quelques moutons déambulaient entre elles, de nombreuses poules picoraient au gré de leurs envies tandis que des habitants se déplaçaient par endroits en tenant des paniers contre leurs hanches. Parmi les Sheikahs, quelques Hyliens se mélangeaient à ce peuple et mettaient à profit leurs compétences pour subvenir aux besoins du village. Des enfants jouaient à rouler dans l'herbe, ou bien ils se couraient après sans même avoir peur de tomber. Les champs se trouvaient en contrebas, près du moulin dont les hélices tournaient lentement pour le moment. Cette vue donna les larmes aux yeux à Zelda qui pensait alors ne plus voir de vie sur son ancien royaume.
- Y a beaucoup de vieilles personnes, remarqua Oliver qui regardait étrangement les villageois aux cheveux blancs.
Ému et soulagé par la découverte de ce village, Link hocha négativement la tête tout en souriant.
- Ce sont des Sheikahs. Ils naissent avec les cheveux blancs, ce ne sont pas tous des personnes âgées, lui apprit-il dans un calme influencé par l'atmosphère que dégageait ce lieu.
- Je peux aller les voir ?!
Gêné par une telle exaltation, Link lui chuchota de ne pas s'enthousiasmer autant et d'être plus discret. Il ne voulait pas être remarqué de cette manière, notamment car il ne savait pas si les « étrangers » étaient les bienvenus dans ces lieux.
- Link, allons voir ces gens, proposa Zelda qui sentait son cœur s'alléger de plus en plus dans sa poitrine.
Il la dévisagea un instant pour tenter de percer ses émotions à travers son regard, puis il lui montra qu'il était prêt à parler à cette nouvelle population. À trois, main dans la main, ils commencèrent à descendre la pente en prenant soin de ne pas tomber ou même de glisser. Ils ne savaient pas vers qui aller exactement, alors ils passaient devant quelques habitants qui les scrutaient avec suspicion ou bien indifférence. Il semblait pourtant y avoir... une forme de questionnement dans leurs regards. Comme si le visage des deux adultes étrangers leur était vaguement familier.
- Mais... n'est-ce pas toi, Link ? s'étonna un vieil homme sur leur gauche.
Le blond se crispa avant de regarder celui qui venait de lui parler. Il s'agissait d'un Sheikah d'un certain âge, au chignon haut placé sur sa tête et qui peignait une toile sur la terrasse de sa maison. Bien que Link le reconnût, il ne retrouva pas tout de suite le nom du villageois. Il lui fallut plusieurs secondes pour le remémorer et afficher un grand sourire.
- Kangis !
- C'est bien moi, en chair et en os, se vanta le peintre qui posa ses poings fermés sur ses hanches. Je ne pensais pas vivre assez longtemps pour revoir la princesse et le Héros ! Et...
Ses yeux fixèrent avec surprise l'enfant qui les accompagnait.
- Oliver ! lui apprit le garçon, ravi de parler avec un membre du clan sheikah.
- Par les déesses... Serait-ce le jeune prince ?
Ce titre peina Zelda qui fronça les sourcils en l'entendant. Kangis avait-il oublié qu'elle avait abandonné sa couronne ? Ou bien n'y avait-il seulement pas songé sur le moment. Quoi qu'il en fût, l'Hylienne le corrigea bien vite, et le vieil homme s'excusa platement pour sa maladresse. Lorsqu'il se rendit compte que les autres villageois les surveillaient de manière peu discrète, il invita la petite famille à entrer dans sa humble demeure pour s'y reposer et se désaltérer. Link accepta la proposition, enchanté de pouvoir prendre un peu de repos dans un lieu confortable. Cela faisait deux semaines qu'il n'avait pas mis un pied dans une maison ou dans une auberge, alors le moindre confort n'était pas de refus.
Kangis leur prépara du thé et donna du jus de carotte à l'enfant. Tout d'abord intrigué par cette boisson encore inconnue pour lui, Oliver trempa ses lèvres et but une gorgée avant de grimacer de dégoût et de tirer la langue. Link lui fit immédiatement signe de se taire en plaçant son index devant sa bouche, puis il profita que leur hôte soit de dos pour boire le jus de son fils d'une traite. Faussement exaspérée, Zelda leva les yeux au ciel face au comportement enfantin de son mari. Elle demanda à Kangis de bien vouloir servir de l'eau à Oliver, ce qu'il fit avec joie sans se poser de question.
Ainsi, lorsque le thé fut prêt, le peintre informa les trois Hyliens de la situation actuelle d'Hyrule. Il leur expliqua que le village de Cocorico avait été déplacé, car ses habitants, après la défaite de Ganon, ne voulaient plus se cacher du monde. Ils désiraient vivre comme tous les autres Hyruliens, aux yeux de tous et fiers de leur peuple. De plus, ils avaient accepté des Hyliens au sein de leur village. Dame Pahya avait d'ailleurs épousé l'un d'eux, mais ils ne réussissaient malheureusement pas à avoir d'enfant. Justement, au sujet de la cheffe du village, cette dernière était partie avec son mari à Panah, dans le but de régler une affaire démocratique avec les représentants des autres peuples d'Hyrule. Rien de bien grave, Kangis rassura rapidement ses invités. Il conta même le mérite de Pahya, elle qui n'hésitait pas à voyager malgré son handicap. Par ailleurs, elle ne rentrerait que dans deux semaines, alors il leur faudrait revenir au village à ce moment-là pour la rencontrer.
Cependant, des nouvelles plus tristes furent annoncées, comme la mort de Faras, quelques mois après la défaite de Ganon, puis celle de Pru'ha, il y avait de cela trois années. En effet, l'apparence jeune de la Sheikah n'était qu'une façade qui masquait son âge avancé. Les deux chercheurs étaient morts de vieillesse, ce qui attrista profondément les deux élus. Oliver ne comprit pas pourquoi l'atmosphère de la pièce, ni même pourquoi l'expression faciale de ses parents s'était rembrunie. Il savait juste que deux personnes avaient rejoint le monde des esprits.
Toutefois, Zelda et son compagnon furent consolés en apprenant qu'Hyrule se reconstruisait bel et bien. Certes, la forêt de Firone et le Sud en général demeuraient vides de population, pour le moment, mais ce n'était pas le cas du Nord et de l'Est. Les villages d'Euzero, Goron et Piaf s'agrandissaient de plus en plus. La Cité Gerudo, elle, n'hébergeait pas encore ses anciennes habitantes car sa restauration avait commencé quelques mois plus tôt, seulement. Quant à la citadelle d'Hyrule... Elle était la place forte du territoire. Les Hyruliens s'étaient battus d'arrache-pied pour la rebâtir en partie et relancer le commerce, bien que ce dernier peinât encore à voir le jour à cause des ressources qui se régénéraient peu à peu.
La dernière nouvelle surprit le couple lorsqu'il l'apprit. Selon les dires de Kangis, la brèche créée par le départ du château n'avait jamais été refermée. Au contraire, elle servait de point de passage entre Delteha et le reste d'Hyrule. Un pont, de fortune certes, avait été construit afin de permettre aux habitants des profondeurs de venir à la surface et de profiter de la vie extérieure. Étrangement, plusieurs villages soneaux préférèrent rester vivre dans les souterrains, même s'ils commerçaient avec les Hyruliens de temps à autres pour parvenir à leurs besoins. Cependant, d'autres habitants avaient opté pour une vie meilleure, rythmée par l'apparition du soleil et de la lune.
Cette discussion dura de longues heures, sans même qu'ils n'en eussent conscience. Quand ils eurent fini, les deux élus sortirent pour venir à l'encontre du reste de la population de Cocorico. Les villageois furent émus et ravis de revoir les sauveurs de leur terre natale, ils leur firent même des offrandes. Link et Zelda eurent bien du mal à toutes les refuser, car ils ne pouvaient pas transporter tous ces présents pendant leur voyage. Cependant, ils acceptèrent avec joie de visiter ce nouveau village en pleine expansion. Et lorsque la nuit tomba, on leur proposa de loger dans la petite auberge, au pied de la plaine de Sahasla. Cela leur permettrait de se reposer avant de reprendre leur périple.
oOo
Le jour suivant, un cheval leur fut humblement donné. Il s'agissait du seul présent que le couple d'élus accepta de la part des villageois. Cet équidé permettrait de transporter leurs quelques affaires et de rendre leur traversée plus agréable. Avant de quitter Cocorico, Zelda assura qu'ils reviendraient tous les trois dans deux semaines environ, car elle souhaitait revoir Pahya. Sur ces dernières paroles, la petite famille quitta la région de Lanelle et se dirigea au sein du centre d'Hyrule. Après quelques heures de marche, ils atteignirent le sommet d'une colline par laquelle passait leur chemin, puis ils s'arrêtèrent pour contempler la vue qui s'offrait à eux. Assis sur les épaules de son père, Oliver pointa l'horizon du doigt pendant que ses lèvres s'étiraient dans un sourire radieux.
- Un village ! s'exclama-t-il en tapotant la tête de Link.
- Ce doit être la citadelle, renchérit Zelda qui se plaça aux côtés de son époux. Elle parait si insignifiante...
Link souligna que cet effet était certainement dû à l'absence du château. De toute évidence, cette nouvelle citadelle n'était pas aussi étendue que la précédente ; il n'y avait aucun grand bâtiment. De cette distance, il leur était impossible de déterminer si les maisons avaient été construites en bois ou en pierre. Pour le savoir, il suffisait simplement de s'y rendre.
- Y a un gros trou derrière... s'inquiéta l'enfant qui perdit son sourire.
- C'est là où se tenait le château d'Hyrule, autrefois. Nous y vivions en temps de paix, lui apprit sa mère dont la nostalgie transparaissait à travers sa voix.
Les yeux du châtain s'agrandirent en l'apprenant. Ses parents avaient donc vécu là-bas ? En vérité, il ne connaissait pas encore toute leur histoire, ni même toutes les épreuves qu'ils avaient traversées. Sa mère lui avait raconté qu'elle était princesse, autrefois, mais que ce n'était plus le cas à présent. Oliver n'avait pas encore les notions de monarchie et de régence. Pour lui, tous ces titres lui étaient abstraits et sans grand sens. Roi, reine, prince, princesse... Il avait entendu ces appellations dans quelques histoires palpitantes, mais il ne mesurait pas les responsabilités qu'elles impliquaient. Oliver n'avait pas non plus connaissance des deux guerres consécutives qui avaient heurté Hyrule de plein fouet. Ganon le Fléau et Ganondorf, seigneur du Malin, étaient deux entités dont il connaissait à peine les noms. Tout ce qu'il savait, c'était que ses parents avaient grandement souffert et qu'ils avaient tout quitté par la suite. Mais cela, un garçon de son âge ne pouvait le comprendre.
- Est-ce qu'on va visiter le village ? demanda l'enfant, d'une petite voix.
Ses parents le lui confirmèrent. Tous les trois, ils restèrent immobiles en haut de cette colline, le visage tourné vers le Nord. L'air ambiant était doux, tout comme la brise qui passait de temps à autre. Dorénavant, les deux élus n'avaient plus le cœur lourd. Ils percevaient cette même sérénité qu'ils connaissaient en temps de paix. Il ressentait un bonheur pur et simple.
- On pourra avoir un chien ?
La question du garçon fit soupirer ses deux parents, ce qui lui arracha un sourire des plus innocents pour accompagner sa demande.
- Non, nous n'aurons toujours pas de chien, déclara Link qui se remit en marche. Ni demain, ni après-demain, ni la semaine prochaine.
- Mais pourquoi ?! désespéra Oliver qui plaqua ses deux mains sur le crâne de son père. Il viendra avec nous partout !
Le blond releva le menton afin de regarder son fils.
- Nous avons été clairs avec ta mère, la dernière fois. Nous n'avons pas le temps d'éduquer un chien.
« C'est déjà assez dur d'éduquer un enfant comme toi », pensa-t-il en fermant un court instant les yeux. Plus tard, peut-être, accepterait-il d'avoir un chien de berger s'ils venaient à élever un troupeau de moutons. Pour le moment, ce n'était pas leur priorité, donc son fils devait renoncer à son idée et être plus raisonnable. Sur ses épaules, Oliver bouda en gonflant les joues, mécontent à cause de cet énième refus. Il resta d'ailleurs silencieux durant le reste du trajet, rappelant à sa mère une époque où elle avait connu un certain chevalier tout aussi mutique. Nul doute que leur fils avait hérité de tous les deux, même s'il avait son propre caractère.
Ce nouveau trajet dura presque la journée, si bien qu'ils arrivèrent au pied de la citadelle au crépuscule. Quelques Hyliens revenaient avec leur charrette emplie d'outils de travail pour cultiver leurs champs, de rares voyageurs se hâtaient afin de trouver un lit pour la nuit. Rapidement, Link et Zelda s'aperçurent qu'une célébration était en cours, ce soir-là : le mariage entre un Hylien et une Gerudo. Pour l'occasion, des lanternes de diverses couleurs avaient été accrochées entre les maisons de bois - et non de pierre - tandis que des fleurs avaient été disposées çà et là pour décorer la rue principale. Les deux élus furent admiratifs devant tout le travail d'architecture effectué ces onze dernières années. La vie qui animait la citadelle les toucha tant qu'ils se prirent instinctivement la main. Ils espéraient assister à la renaissance d'Hyrule. Mais ce qui se produisait sous leurs yeux dépassait leurs espérances.
Quant à Oliver, cela faisait quelques temps qu'il n'était plus sur les épaules de son père. Il découvrait aussi l'ambiance festive et éprouvait du plaisir à écouter les musiciens qui jouaient avec engouement et bonne humeur. Avec ses parents, il marchait au centre de la rue principale et écoutait les habitants rire et chanter. Un mariage annonçait un avenir encore meilleur, il témoignait du climat de prospérité qui régnait et qui incitait pleinement à vivre. Le châtain n'avait pas assisté au mariage de Link et Zelda, tout simplement car il n'était pas né à ce moment-là. Et ce soir-là, il eut la surprise de ressentir du regret. Il ne savait pas ce qu'était ce sentiment qui lui noua le ventre, cependant il le trouvait désagréable.
Alors que l'enfant marchait, le regard rivé au sol, il y eut un mouvement de foule et l'intensité sonore s'intensifia, créant des bourdonnements peu appréciables dans ses oreilles. Il s'empressa de rejoindre sa mère pour ne pas la perdre de vue au milieu de cette assemblée croissante. Apparemment, les mariés appelaient à se rejoindre sur la place centrale, d'où cet afflux de personnes. Du coin de l'œil, devant une ruelle adjacente, Oliver aperçut un chien hylien au pelage rouge merle et aux yeux marron. Son cœur bondit de joie en le voyant, si bien que le garçon poussa une exclamation aiguë.
- Papa, Mama, venez voir ! dit-il s'en même se rendre compte que sa voix était couverte par les cris des citadins.
Oliver joua des coudes en grognant, il se déplaçait difficilement parmi toutes ces personnes qui le bousculaient sans prendre garde. Et lorsqu'il parvint enfin devant le chien, ce dernier bondit pour rejoindre son maître dans la foule. Chagriné, le petit Hylien sentit ses yeux le piquer sous l'effet des larmes qui montaient jusqu'à eux. Il serra les poings tandis que sa lèvre inférieure sortait davantage pour démontrer sa déception et sa tristesse quant au départ de l'animal. Lorsqu'il se retourna pour rejoindre ses parents, ceux-ci avaient disparu. Il ne restait plus aucune trace d'eux. Seuls des inconnus marchaient et criaient face à lui. Aussitôt, un sentiment de panique naquit brutalement en lui et le tétanisa. Les bruits s'accrurent encore plus, comme s'ils venaient percuter le jeune garçon, et l'effrayèrent encore plus. Où étaient ses parents ?! Cette question se répétait sans cesse dans son esprit.
- Tout va bien, petit ? demanda une voix nasillarde derrière lui.
Oliver se retourna puis poussa un hurlement de terreur en découvrant une vieille femme qui le regardait avec attention. Ses cheveux secs et abimés, ses rides et ses dents noires la rendirent effroyable sur le moment ; le châtain pensa qu'il s'agissait d'une sorcière qui souhaitait l'enlever pour lui jeter un mauvais sort. Affolé, il s'engouffra dans la ruelle alors que les larmes de peur commençaient à rouler sur ses joues rougies. Il fallait retrouver son père et sa mère. Mais comment s'y prendre ? Sans eux, il se sentait terriblement seul et perdu... Et s'ils avaient disparu pour toujours ? Peut-être même qu'ils l'avaient abandonné... Oliver ne réfléchissait plus, seules les mauvaises pensaient le submergeaient et lui laissaient miroiter le pire.
- Maman ! Papa !! hurla-t-il désespérément d'une voix tremblante.
Plus il avançait dans la ruelle, moins la lumière des lanternes lui parvenait et éclairait son chemin. La tombée de la nuit rendait l'atmosphère encore plus inquiétante pour l'enfant, présageant la venue de sorcières comme celle dans la rue principale. Machinalement, il tourna sur sa gauche, là où les maisons aux façades de bois étaient encore un peu éclairées. Tout au bout, il discerna vaguement une placette dont le centre était occupé par une petite fontaine. Oliver courut aussi vite qu'il le put, il déboucha enfin sur ce nouveau lieu délaissé par les Hyruliens en fête. Malheureusement, il n'y avait pas ses parents. Découragé et à cours de solution, le châtain ralentit son allure, puis il tomba à genoux avant d'éclater en sanglots. C'était la première fois qu'il ressentait une telle détresse et un tel vide. Oliver avait peur, le moindre bruit inconnu le terrifiait et le forçait à se recroqueviller davantage sur lui-même. S'il possédait le courage de son père, il serait sans doute retourné dans la foule, mais la présence de tous ces inconnus l'en dissuadait.
- Qu'est-ce qu'il fout tout seul, ce mioche ? On dirait qu'il chiale, con...
Oliver sursauta. Il tourna la tête sur sa droite et aperçut un groupe de quatre personnes en armure intégrale, portant également le heaume. Le fait de ne pas voir leur visage convainquit le garçon qu'il s'agissait d'assassins venus le kidnapper ou le tuer. Dans un élan de peur, il se jeta vers la fontaine et se plaqua contre le muret de pierre en se cachant derrière ses mains.
- Pierre, ferme-la un peu, tu veux ? Tu lui as fait peur.
Cette femme avait la voix grave, ce qui rassura encore moins le jeune garçon.
- Quoi ? Il chiale pas, là, peut-être ? Ose me dire que j'ai de la chiasse aux yeux, con !
- Ne t'énerve pas, t'as l'accent d'chez toi qui r'ssort, Pierrot, ajouta un autre homme.
- Goderick, t'es pas le mieux placer pour parler... soupira la première femme. Poussez-vous, je vais m'en occuper.
En l'entendant approcher, Oliver ferma les yeux et poussa une plainte étouffée en priant pour qu'un miracle se produise. Ses parents arriveraient d'un instant à l'autre pour le sauver et écarter ces bandits. Ils... Ils les terrasseraient, n'est-ce pas ?
- Eh, gamin, l'interpela la femme d'une quarantaine d'années. Tu t'es perdu ?
- Partez, monstres ! s'écria-t-il sans même oser les regarder.
Les deux hommes ricanèrent, cette accusation leur était particulièrement absurde.
- Il est définitivement perdu, soupira l'inconnue en croisant les bras. On ne va pas te faire de mal, petit. Si tu as perdu tes parents dans la fête, nous pouvons t'aider à les retrouver.
- Pardon ? s'indigna Goderick, outré par cette prise de décision. Nous sommes des ch'valiers, pas des nourrices !
- Ça te coûte tant que ça d'aider un gosse ? Bon sang, pourquoi dois-je me coltiner des crevards pareils... Grunberg va m'aider, dans ce cas. Je suis certaine que le sergent sera ravi de savoir que seules les chevaleresses accomplissent leur devoir !
Ses deux compagnons grommelèrent de mécontentement tandis que la deuxième femme ne dit rien. Cela ne la dérangeait pas d'aider un enfant, même si elle ne savait pas comment s'y prendre. Son armure ne laissait voir qu'une peau blanche au niveau de ses poignets, contrairement à sa compagne d'armes dont la peau était mate, comme les Gerudos. Il s'agissait d'ailleurs de l'une d'entre elles, bien qu'elle fût plus petite en taille.
- Comment tu t'appelles ? demanda la première chevaleresse.
- O... Oliver...
- Parfait, je vais aller voir si des parents cherchent un enfant qui s'appelle comme ça. Eh, Grunberg ! Reste avec lui en attendant.
L'autre chevaleresse roula des yeux, ce qui fut masqué par son heaume. Son devoir était de protéger le village des bandits environnants. Elle ne pouvait pas arrêter sa ronde alors que cette partie du village était désertée... Visiblement, elle n'eut pas son mot à dire car ses autres compagnons quittèrent la placette pour rejoindre la fête. L'Hylienne pensa que le mieux serait de prendre l'enfant avec elle et de chercher ses parents tout en continuant à surveiller les environs.
- Viens avec moi, tes parents ne doivent pas être bien loin. Où les as-tu perdus ?
Oliver renifla maladroitement en relevant la tête. Il posa ses yeux verts larmoyants sur le heaume de la femme dont on pouvait à peine apercevoir les iris marron cachés derrière. Cette femme ne paraissait ni dangereuse ni méchante. En fin de compte, sa situation n'était pas si dramatique que cela... Le châtain eut honte de son comportement. Des adultes essayaient de l'aider, il n'était plus tout seul. Il se releva et resta un peu à l'écart, les épaules en avant.
- Vous... Vous êtes une chevaleresse ? l'interrogea-t-il d'une petite voix.
- Oui, depuis maintenant quelques années.
- Mon papa, c'est aussi un chevalier... Même qu'il est très fort.
La dénommée Grunberg se mit en route sans plus attendre. Si parler pouvait rassurer ce garçon, soit.
- En tout cas, il n'est pas très attentif, soupira-t-elle. Je vais lui en toucher deux mots.
N'était-ce pas l'une des premières valeurs du chevalier que de protéger sa famille et de veiller sur elle ? Quant à la mère de se garçon, elle avait aussi sa part de responsabilité. Dans une fête comme celle qui se produisait à ce moment-là, il fallait garder un œil sur un enfant de cet âge... Sinon un incident pour se produire.
- À quoi ressemblent tes parents ? demanda-t-elle par la suite afin d'avoir une image plus précise de leur visage.
- Ils ont les cheveux blonds. Papa a les yeux bleus et Maman a les yeux verts.
Les traits d'Oliver s'adoucirent.
- Elle est très belle, ajouta-t-il en sentant son cœur se réchauffer. Elle a même dit que mon papa, c'était un ours.
- Drôle de comparaison, rit légèrement la chevaleresse tant elle trouvait cela inattendu. Ton père possède donc une barbe touffue ?
- Non, il aime pas ça ! J'ai pas bien compris pourquoi maman l'a traité d'ours...
Il avait beau chercher une explication, rien ne lui venait en tête. Tous deux traversèrent quelques ruelles pour se rendre sur la place principale. Petit à petit, Oliver se sentait plus en confiance auprès de cette inconnue. Au moins, elle paraissait plus gentille que les trois autres chevaliers. Ils parvinrent à la place en question, là où s'était réuni le reste des habitants de la citadelle venus fêter l'heureux événements. L'assemblée était si dense que la chevaleresse perdit un peu ses moyens sur le moment ; elle se demandait comment elle pourrait retrouver deux Hyliens parmi cette centaine de personnes attroupées. Elle savait seulement qu'ils avaient les cheveux blonds, mais cette information s'avérait insuffisante.
- Si tes parents te cherchent, je doute qu'ils soient au milieu de tout ce monde, conclut la femme en regardant l'enfant.
Elle ne pensait si bien dire. Il ne fallut que quelques instants pour que quelqu'un criât le prénom d'Oliver. L'Hylienne tourna la tête sur sa gauche, elle aperçut les deux parents en question qui accouraient hâtivement vers les enfants. Leur visage exprimait une inquiétude manifeste mêlée au soulagement de revoir leur garçon.
- Maman ! Papa ! s'exclama le châtain en se précipitant vers eux, les bras largement ouverts.
Il sauta dans ceux de sa mère qui s'était accroupie pour l'étreindre et murmurer à quel point elle avait eu terriblement peur. Seul Oliver pleura un peu en s'excusant de s'être perdu. Ses parents le rassurèrent aussitôt, bien qu'ils le sermonnassent en le priant de ne plus partir tout seul sans les prévenir clairement. Si la foule n'avait pas produit autant de bruit, plus tôt dans l'heure, ils auraient pu entendre Oliver qui les invitait à venir voir le chien hylien, et personne n'aurait paniqué par la suite. Après avoir grondé son fils, Link reporta son attention sur la chevaleresse qui les fixait sans rien dire.
- Merci de l'avoir raccompagné jusqu'ici, la gratifia-t-il en inclinant légèrement la tête. Nous veillerons à ce que cela ne se reproduise plus.
Link avait honte de ne pas avoir su surveiller son fils. C'était bien la première fois qu'il perdait Oliver, lui qui était toujours à côté de ses parents.
- Vous êtes... prononça la chevaleresse dont la voix trahissait l'incrédulité.
Le Héros haussa les sourcils, puis il sourit avec embarras. Il savait bien que quelqu'un finirait par les reconnaître, lui et Zelda. L'apparence physique ne changeait pas drastiquement en onze ans, en particulier lorsque l'on se trouve dans la fleur de l'âge.
- Par les saintes déesses, je ne pensais pas... reprit l'inconnue d'une voix, cette fois-ci, tremblante.
Sa réaction rendit Link et sa femme perplexes. Zelda se releva en dévisageant celle qui venait de ramener leur fils. Elle vit la chevaleresse poser une main sur son plastron, puis la porter vers son heaume.
- C'est moi...
Elle retira son casque et dévoila le visage d'une femme ayant quelques années de moins qu'eux. Ses cheveux châtains étaient coupés courts et apportaient à son visage une certaine maturité. Tandis que ses iris marron ressortaient plus maintenant que sa peau s'était éclaircie au fil du temps. À vrai dire, le soleil brûlant d'Écaraille n'était plus là pour lui donner un teint mat, comme à l'époque. Quant à son visage, il était marqué par les cicatrices d'anciennes brûlures, témoignages d'un combat violent.
- Iris Grunberg, termina-t-elle avec émotions.
Les larmes aux yeux, elle souriait à son ancien capitaine et à la dernière princesse du royaume. Le souffle de Link se coupa en la reconnaissant aussitôt. Jamais il n'aurait cru revoir son apprentie, et encore moins dans une tenue de chevalier. Heurté de la voir ainsi, il posa une main sur sa bouche et recula d'un pas. Il ne sut exactement quelles émotions l'animaient à cet instant-là, mais nul doute qu'il était particulièrement ému.
- Tu es... devenue chevaleresse ? dit Link comme s'il ne parvenait pas à y croire. Tu ne m'as jamais dit, à l'époque...
Il ne réussit pas à terminer sa phrase tant la surprise était grande. Iris hocha la tête pendant qu'elle essuyait ses yeux du bout des doigts.
- Il y avait un rêve que je devais accomplir, Capitaine, lui confia-t-elle fièrement. Panah m'a permis de l'atteindre.
Ce titre déplut à Link qui reprenait lentement ses esprits.
- Je ne suis plus ton supérieur, tu peux me tutoyer, maintenant.
- Mais vous êtes...
- Un simple voyageur. Tout comme mon épouse, Zelda.
La blonde, qui tenait son fils par les épaules, offrit un sourire encourageant à Iris qui peinait à assimiler ces changements. Il était vrai que la princesse avait rendu sa couronne. Mais aux yeux de l'ancienne apprentie, elle n'avait pas perdu son titre.
- Oliver... est donc votre fils ? comprit-elle finalement en écarquillant des yeux.
Elle se montra bouleversée. Il n'était évidemment pas leur premier enfant, puisque celui-ci était mort dans une fausse-couche. Oliver représentait une forme d'espoir et de vie, et cela serra si fort le cœur d'Iris que ses larmes coulèrent véritablement sur ses yeux joues. Ses lèvres se pincèrent, puis elle demanda à Link si elle pouvait parler à son fils. Ce qui accepta, bien évidemment. La chevaleresse vint dont auprès de l'enfant, elle posa un genou à terre et délaissa son heaume. Elle regarda le jeune garçon avec émotions avant de lui prendre les mains. Sentir leur chaleur noua la gorge d'Iris qui ferma quelques secondes les yeux. Elle leva finalement la tête vers le ciel et prononça :
- Vois ce que tu as permis... Tu peux être fier de toi.
Link n'eut aucun mal à comprendre que ces mots ne lui étaient pas adressés. Il regarda Iris se relever et approcher une main de son cou. Elle en sortit un collier fait d'une ficelle et d'une pierre ovale de couleur verte.
- Je la garde en permanence avec moi, lui apprit-elle avec une certaine humilité. Elle est tout ce qu'il me reste de Thomas et de Léon.
Le Héros se souvenait très bien du jour où il avait remis la pierre d'énergie à Iris. Il l'avait fait lors de leur dernière discussion, avant qu'il ne quitte définitivement Panah avec Zelda. C'était le dernier présent qu'il pouvait offrir à sa dernière élève en vie. Il connaissait l'importance de cette pierre aux yeux d'Iris, il ne pouvait que la lui remettre pour qu'elle veille dessus.
- Elle n'a pas perdu de son éclat, remarqua Link qui éprouvait un certain soulagement. Quant à toi, tu es devenue une jeune femme impressionnante. À vrai dire, je ne m'attendais pas à te revoir un jour...
- Ce ne peut qu'être l'œuvre des déesses ! Elles ont entendu mes prières.
L'air heureux d'Iris se renforça davantage.
- J'ai tant de choses à vous raconter, Capi... Je veux dire Link...
Décidemment, elle ne s'y ferait pas ce soir-là.
- Après votre départ, j'ai intégré l'armée de Panah. Les neuf représentants proposaient aux étrangers qui le souhaitaient de devenir soldats, voire chevaliers. Vous savez, quand je l'ai appris, je n'ai pas réfléchi...
Elle rit avec gêne en passant une main sur sa nuque.
- Je voulais respecter une promesse, énonça-t-elle en souriant et en regardant sur le côté. Pendant cette nouvelle formation, j'ai parfois été envoyée à Hyrule pour aider à rebâtir la citadelle. J'ai rencontré beaucoup de personnes au cours de mon apprentissage. Mais personne n'avait un cœur aussi noble que le vôtre.
Cela valait aussi pour Zelda. Iris leur cacha qu'elle avait pleuré lors de son adoubement, tant ce moment comptait pour elle et signifiait qu'elle conservait l'héritage de ses deux compagnons. Par la suite, elle avait décidé de venir vivre à la citadelle et de la protéger des brigands qui rôdaient sur Hyrule. En effet, des personnes mal intentionnées profitaient de la situation délicate de l'ancien royaume pour piller les honnêtes gens. Iris avait déjà engagé plusieurs fois le combat contre eux, mais leur organisation criminelle n'était jamais entièrement défaite.
Mis à part cela, elle vivait seule. Depuis la mort de Thomas, elle avait définitivement perdu toute capacité à éprouver des sentiments amoureux pour qui que ce soit. La perte de son premier amour l'avait bien trop traumatisée, et jamais elle ne pourrait s'en remettre de façon complète. Toutefois, cette vie solitaire lui convenait, même si elle souffrait de l'absence de ses plus proches compagnons. Il arrivait que Taïla, sa jumelle, vienne lui rendre visite, mais leurs liens fraternels demeuraient toujours aussi fragiles. Quant à sa grand-mère, celle qui l'avait élevée à Écaraille, cela faisait maintenant onze ans qu'elle avait rejoint l'Autre Monde.
- Si vous l'acceptez, je me ferai une joie de vous accueillir chez moi pour la nuit, reprit Iris pour changer de sujet. Nous aurons tout le loisir de raconter nos différents parcours. Qu'en dites-vous ?
- Comment refuser une telle offre ? C'est un honneur pour nous d'être accueillie de la sorte, affirma Zelda qui jeta un coup d'œil à son mari.
Link l'approuva. Il était ravi de pouvoir passer un peu de temps avec Iris et de connaître tout son cheminement depuis leur séparation. Il envisageait de rester à la citadelle quelques jours, en logeant dans une auberge pour ne pas trop importuner son ancienne élève. Cela lui donna du baume au cœur, notamment quand Oliver commença à questionner Iris sur son rôle de chevaleresse et sur l'armure qui la protégeait. Link détourna la tête pour papillonner discrètement des yeux et en chasser sur le surplus d'humidité.
- Je vous en prie, profitez encore de la fête. Il y a tant de choses que vous devez voir, ce serait bien dommage de les manquer ! argua Iris dont l'enthousiasme était partagé. Donnons-nous rendez-vous devant la poste à vingt-deux heures. Je finirai ma ronde à ce moment-là.
- Entendu, lui accorda Link qui hocha la tête pour appuyer sa réponse. À tout à l'heure, et prends bien soin de toi.
Flattée par cette attention de sa part, Iris sentit ses joues se réchauffer. Elle leur souhaita la même chose à tous les trois avant de partir dans la direction opposée. Elle se sentait inhabituellement légère, une douce forme d'alacrité l'habitait. Exceptionnellement, la jeune femme se déroba à son devoir pour quelques instants. Elle se dirigea vers la sortie de la citadelle, empruntant des ruelles calmes et peu animée à cette heure de la soirée. Dans sa main droite, elle maintenait la pierre verte contre le haut de son plastron tandis qu'un sourire persistait sur ses lèvres. Revoir les élus avait manifestement embelli sa semaine, voire le restant de ses jours, elle qui ne s'attendait pas à les revoir. Les savoir heureux et véritablement parents lui suffisait pour accepter, encore plus, que la bataille contre Ganondorf avait eu un sens malgré la mort de ses deux camarades.
Silencieusement, elle quitta l'enceinte de la citadelle et se trouva pleinement sur la plaine d'Hyrule. L'air, en cette saison, restait toujours agréable malgré la nuit tombante et la baisse progressive de la température. Le vent qui créait des vagues sur l'herbe mouvait à peine la chevelure courte de la châtaine. Incontestablement, ce moment était des plus agréables. Iris prit une profonde inspiration avant de soupirer. Elle avait ressenti tant d'émotions en l'espace de si peu de temps... Il lui fallait avoir un moment pour elle afin de pouvoir poser correctement des mots sur ce qu'elle venait de vivre. La chevaleresse marcha jusqu'à un jeune arbre où elle vint s'adosser contre le tronc. Elle n'eut guère à attendre très longtemps : une lueur bleutée apparue sur sa gauche, ce qui attira son attention. Son regard se posa sur un rumy qui s'approchait prudemment d'elle, il gardait ses oreilles en arrière pour capter les bruits étrangers et environnants. Ce n'était pas la première fois qu'un tel être spirituel venait rendre visite à Iris. À vrai dire, il en venait un tous les deux à trois mois, cela dépendait des périodes de l'année.
- Bonsoir, Thomas, le salua Iris dont le sourire ne fit que s'agrandir. Je crois que le message d'aujourd'hui... sera plus long que la dernière fois.
Bien que la boucle des réincarnations fût brisée, tout n'était que cycle. N'est-ce pas ?
FIN
Bon, c'est la fin x') J'espère qu'elle ne vous décevra pas trop... Avant de faire deux ou trois annonces, je tenais à vous remercier pour votre fidélité, vos commentaires et vos encouragements ! Cette histoire a été particulièrement longue. C'est la plus longue de toutes mes fanfics publiées jusqu'à présent et ça a été parfois compliqué.
J'ai pris un réel plaisir à faire évoluer les personnages, même si ça n'a pas toujours été facile. Le cas de Thomas en particulier... J'espère que cela s'est senti durant la lecture !
Évidemment, je serai ravie de recevoir votre avis général. Évitez juste les phrases uniques comme « J'ai aimé l'histoire ! » parce que ça m'aide pas trop à savoir ce qui vous a plu ^^' Je risque de vous voler un peu de votre temps mais nous sommes en vacances héhé
Bref, les annonces !
1. Il y aura la fameuse partie Bonus qui regroupera mes anecdotes, quelques questions rapides pour vous et mon ressenti sur l'histoire.
2. Il y aura une partie bonus sur la vie de Caï, qui parlera de son parcours peu avant sa mort, puis de ce qu'elle a vécu en tant qu'androïde.
3. Il y aura une autre partie bonus qui regroupera les scènes que j'ai écrites mais que je n'ai jamais publiées pour X raison. Ça vous donnera un aperçu du chemin que j'avais emprunté à la base mais dont je me suis déviée !
4. Rien n'est encore sûr, mais je réfléchis à un spin-off qui retrace un peu les aventures de Link et Zelda durant les onze ans d'ellipse ! J'aurais aimé intégrer les scènes dans l'épilogue mais ça aurait été beaucoup, beaucoup trop long hélas... Donc c'est tout bénef pour vous ! Ça vous fera une mini histoire supplémentaire. Ne me demandez pas quand elle sortira... J'aimerais d'abord écrire tous les chapitres en avance (Il y en aurait trois minimums) avant de publier.
Bref, encore merci pour tout, et à très bientôt pour les premiers bonus !
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