Chapitre 39


Rien ne pourra nous délier. Tant qu'elle existera, j'existerai. Et tant qu'elle sera là...

Je le serai aussi.

oOo

-Link, tout le monde nous attend...

Tiré de ses pensées, l'Hylien se tourna vers Pahya qui l'observait avec inquiétude. Après avoir vu les Créatures Divines être menées par Thomas puis être envoyées à divers endroits de Panahpolis, il demeurait encore un peu étourdi par cette vision. Son apprenti avait un rôle majeur à jouer dans la bataille finale, telle fut son intime conviction. La tablette sheikah étant détruite, lui seul pouvait prendre le contrôle des Créatures Divines et remplacer les anciens pilotes. Il ne restait plus qu'à déterminer le rôle de ces machines immenses pour la bataille à venir. D'un signe de la tête, Link invita son amie à le suivre jusqu'à la porte à double battants, par-dessus laquelle figurait une plaquette en marbre. Cette dernière interdisait à quiconque d'y entrer, exceptés les dirigeants et les officiers de l'armée. Les gardes postés devant n'eurent qu'à voir la Lame Purificatrice pour comprendre que le Héros se tenait en face d'eux, ainsi que la magistrate adjointe du château d'Hyrule. En effet, Astrid les avait informés de leur venue et les avait priés de les laisser passer lorsqu'ils se présenteraient.

Avec humilité, les deux simples soldats s'écartèrent et poussèrent les deux battants à l'unisson, permettant aux Hyruliens de découvrir l'étendue de la Salle des Généraux qui se dévoila à eux. Il s'agissait d'un amphithéâtre semi-circulaire monté en une dizaine de rangées séparées en trois blocs distincts, délimités par les escaliers qui descendaient jusqu'à une large estrade. Une table de grande envergure se dressait sur celle-ci et était entourée par les dirigeants actuels de Panah. Quant aux restes des places dans l'amphithéâtre, elles étaient occupées par les généraux et officiers de toutes les armées alliées. En tout, une quarantaine de personnes assistaient à la réunion, cependant elles n'avaient pas pu voir l'arrivée des Créatures Divines à cause de l'absence apparente de fenêtres. Dès l'instant où Link et Pahya franchirent le seuil de la porte, l'homme qui parlait se tut et tous se tournèrent dans leur direction pour les dévisager. Peu à son aise, la Sheikah déglutit puis alla directement s'asseoir sur le siège libre le plus proche. Quant à Link, elle l'encouragea silencieusement à prendre place au niveau de rangées plus basses.

- Au risque de me répéter, je demanderais à tous mes compatriotes de parler fort et clairement afin que nos alliés de diverses contrées puissent nous entendre, énonça un homme d'un âge avancé qui parlait déjà avant leur arrivée.

En effet, les habitants de Panah étaient dotés d'une ouïe remarquable qui leur permettait d'entendre nettement, peu importe leur place dans la salle, contrairement à ceux et celles qui n'appartenaient pas à leur peuple. Suivi par de nombreux regards, le héros hylien s'assit un peu à l'écart puis il posa ses avant-bras sur la tablette en pierre devant lui. Jamais encore il n'avait vu d'endroit semblable. Lors des conseils de guerre auxquels il avait assisté, un siècle auparavant, les officiers se réunissaient autour d'une unique et grande table ronde, puis ils débattaient.

- Nos forces actuelles ne dépassent pas les quinze mille soldats, déclara le même homme nommé Alois. Le reste des soldats sont morts au combat ou portés disparus. Malheureusement, les pays de notre alliance ne sont pas assez vastes pour avoir une armée plus grande... Nous ne pourrons nous reposer que sur notre technologie ainsi que sur notre stratégie. Qui possède les dernières estimations concernant le nombre d'ennemis ?

Dans l'amphithéâtre, une femme blonde d'une quarantaine d'années se leva, plusieurs feuilles jaunies à la main, puis prit la parole :

- Nous n'avons pas le nombre exact, je m'en excuse d'avance. Néanmoins, ils seraient environ trente mille. Ganondorf ne cesse d'accroître son armée, son pouvoir s'intensifie de jour en jour.

- Et nous n'en connaissons pas toute l'étendue, soupira le vieil homme. Trente mille soldats de corruption, immortels en tout point, voilà un pouvoir bien terrifiant...

Autour de la table sur l'estrade, Olympe leva la main. En tant que nouvelle dirigeante, elle occupait ce poste avec dignité et pouvait se permettre d'intervenir autant qu'elle le souhaitait. D'un coup d'œil bref, elle regarda sa jumelle, plus haut dans la salle, puis elle reporta son attention sur l'ensemble de l'assemblée.

- Ma sœur m'a rapporté des faits qui, je le crois, méritent que l'on s'attarde dessus, commença-t-elle en posant une main sur la surface en bois. La princesse hylienne aurait béni des armes, et celles-ci auraient été capables de pourfendre les soldats du néant. Nous devrions considérer cela, ne pensez-vous pas ?

La châtaine se redressa puis plissa les yeux.

- Il serait stupide de se priver d'un pouvoir divin sous prétexte qu'il s'oppose... à nos origines. Il ne nous fera aucun mal. Ma jumelle en est l'exemple vivant.

- Et nous ne remettrons pas en doute vos propos, Olympe, reprit Alois qui s'inclina légèrement pour la remercier de son intervention. Si Son Altesse Zelda, régente du royaume d'Hyrule, accepte de bénir notre équipement, nous lui en saurons gré.

Il leva son regard vers Link qui écoutait jusque-là avec une attention poussée. Puisque tous attendaient une réponse de sa part, il se redressa et entreprit de garder un air imperturbable au vu de l'importance de la discussion.

- La princesse a besoin de repos, articula-t-il clairement pour être bien entendu. Ces dernières semaines ont été particulièrement éprouvantes pour elle.

- Mais pourra-t-on obtenir son aide ? lança un homme dans l'assemblée.

Ne sachant pas qui était l'auteur de cette question, Link tourna la tête vers sa droite et regarda un groupe d'officiers.

- Son Altesse Zelda vous aidera, soyez-en assurés. Cependant, je vous demanderais de lui accorder encore un jour de tranquillité. Elle-même vous fera savoir quand elle sera prête.

- Nous l'en remercions davantage, prononça le vieil homme en lui accordant un hochement de tête en guise de gratitude.

Alois se reporta sur le reste de l'assemblée, se racla la gorge puis croisa ses mains dans son dos. La question se tournait à présent sur les propositions de stratégie pour attaquer le château. Selon les constats des éclaireurs qui surveillaient chaque jour l'avancée ennemie, une grande partie de l'armée de Ganondorf se tenait sous le château, en parfaite position de défense. Elle l'entourait si bien qu'il paraissait difficile de pouvoir tenter un assaut terrestre pour engager le combat. Le sujet des elvëschs fut l'un des premiers évoqués ; en effet, une armée aérienne mènerait les troupes directement sur la forteresse volante et pourrait limiter les pertes. Parmi les officiers étrangers présents, certains relevèrent, à juste titre, que les forces adverses possédaient sans doute de moyen pour lutter contre une attaque venant du ciel. Et à l'heure où ils parlaient, personne ne pouvait affirmer qu'aucun dispositif de ce genre ne les attendait là-bas. De plus, les soldats de corruption au sol restaient aussi une menace si Ganondorf les rappelaient à lui pour combattre au sein même du château.

- Il faudra engager le combat sur deux fronts, énonça enfin une femme qui s'était levée pour parler dans les rangées de l'amphithéâtre. L'armée de Panah combattra dans les airs et attaquera le château tandis que ses alliés les protègeront depuis le sol.

- Cette proposition est intéressante, mais n'est-ce pas une mauvaise idée de diviser nos troupes alors que nous sommes déjà en sous-nombre ? releva Olympe, manifestement soucieuse.

Dans l'immense salle, nombreux approuvèrent sa remarque et les chuchotements ne tardèrent pas à emplir l'espace, tant et si bien qu'un des dirigeants de Panah prit la parole après avoir frappé plusieurs fois contre la lourde table devant lui.

- Si une telle stratégie est adoptée, elle comprendra de nombreux sacrifices. Mais n'est-ce pas là le propre de la guerre ? Ce dont ont besoin les combattants du ciel, c'est de temps ! Nous devons leur permettre de pénétrer le château et de vaincre le seigneur du Malin !

- Et si ce plan échoue ?! lui lança un général avec virulence. Il n'y aura tout simplement plus d'armée pour protéger Panah et les rescapés !

- Nous n'avons pas le luxe de choisir, lui répliqua le dirigeant sur un ton cinglant.

Link baissa la tête alors que ses doigts s'entremêlèrent sur ses cuisses. Il savait ce qu'impliquait le mot « sacrifice ». Des familles détruites, une armée affaiblie, la désolation, un champ de bataille dévasté et effroyable... L'odeur du sang marquait toujours les jeunes chevaliers inexpérimentés lors de leur première bataille. Elle restait gravée dans leur mémoire, associée à des scènes qui ne les quitteront que le jour de leur propre mort. Link avait été témoin du sacrifice de ses compagnons d'armes lors des combats contre les vagues de monstres, un siècle auparavant. Il avait même vu ses deux amis les plus proches se sacrifier pour que la princesse ainsi que lui-même puissent vivre. Et la douleur de leur perte pèserait sur ses épaules à jamais.

- Et comment voulez-vous attaquer les troupes ennemies disposées au sol ? rétorqua le même général avec agacement. Dois-je vous rappeler que le château se trouve au beau milieu des terres d'Aurean et que celles-ci sont recouvertes de corruption ?! Nous n'avons d'autre alternative que d'attaquer par les airs ! Vos elvëschs peuvent transporter plusieurs soldats chacun !

Sa remarque déplut à Astrid qui plaqua sa main sur la tablette de pierre devant elle. Elle se leva immédiatement et s'exclama :

- Les elvëschs ne sont pas de simples animaux ! Ils risqueront leur vie autant nous, et ils en auront conscience !

Ses compatriotes acquiescèrent.

- Vous ne savez pas ce que c'est que d'être lié avec l'un d'eux, poursuivit la châtaine avec colère. Lorsqu'ils meurent, nous le ressentons au plus profond de nous, comme si nous mourons avec eux... Alors je vous prierais d'avoir plus de considération pour ces créatures !

- Cela n'a rien à voir avec un manque de considération, général de Mauboir. Je connais votre attachement pour ces êtres impressionnants, je sais à quel point il sera difficile pour vous de les envoyer en première ligne. Mais reconnaissez qu'ils sont notre seul moyen pour gagner le château !

Astrid voulut répliquer aussitôt mais sa jumelle, en contrebas, la pria de reprendre son calme et d'écouter la suite du débat. Après tout, les elvëschs étaient effectivement les seuls animaux volants capables de porter plusieurs soldats. Néanmoins, il fut aussi mention des guerriers piafs, bien que chacun d'entre eux ne pouvait transporter qu'une seule personne pour un temps limité. Alors que les échanges continuaient, Link plongea dans ses pensées en observant la statue d'un oiseau surplombant un tableau devant lui. Elle ressemblait vaguement à la posture de Vah'Medoh après qu'il l'ait libérée de l'emprise de l'ombre de Ganon. En la voyant survoler la forêt de Panahpolis, le prodige s'était remémoré le siècle passé où Revali apprenait à manier sa Créature Divine. Si leur époque n'avait pas connu le drame qui avait suivi, Link aurait vu les quatre machines gigantesques se diriger ensemble vers le Mal pour l'éradiquer. Lentement, ses yeux s'agrandirent lorsqu'une idée naquit dans son esprit. Les Créatures Divines... Thomas les aurait emmenés ici dans ce but ? Il parut impossible au Héros que son apprenti eût pu anticiper une attaque directe contre le château. Non, son but premier était sans doute de vouloir protéger la capitale de Panah.

Et si... ? Link se retourna d'un coup sur sa droite et regarda vers le haut de l'amphithéâtre, là où s'était assise Pahya. Surprise par sa réaction soudaine, la Sheikah haussa les sourcils et lui adressa un regard interrogateur. Visiblement, son ami venait de comprendre quelque chose. Elle le vit quitter son siège puis s'adresser aux dirigeants au niveau de l'estrade :

- Je pense savoir comment épargner de nombreuses vies !

Tous ceux qui parlaient se turent et le considérèrent avec attention. Il s'agissait du Héros, l'élu des déesses. Personne n'oserait remettre en doute sa légitimité en ce lieu.

- Les Créatures Divines pourraient nous mener jusqu'à Ganondorf, dit-il gravement. Elles peuvent se déplacer dans la corruption tant que celle-ci n'atteint par leur cœur, et elles ont la capacité de l'affaiblir grandement. Vah'Ruta, Vah'Rudania et Vah'Naboris pourront être affectés au combat au sol, les soldats qu'elles contiendraient s'occuperont des êtres du néant. Le mieux serait sans doute des archers dont les flèches seraient bénites. Quant à Vah'Medoh, elle transportera des guerriers jusqu'au château, en plus des elvëschs qui porteront leur compagnon de lien.

- C'est une proposition très intéressante, l'approuva l'un des dirigeants. Mais les Créatures Divines ne situent-elles pas à Hyrule ? Plus rien ne peut les amener ici.

Link fut contraint de leur expliquer à tous ce qu'il avait vu avant d'entrer dans la Salle des Généraux. Puisqu'il n'y avait aucune fenêtre dans l'amphithéâtre, personne n'avait assisté à l'arrivée des reliques antiques. Il leur annonça, sans citer de nom, que l'un de ses compagnons avait la capacité de pouvoir les diriger en dépit de l'absence de la tablette sheikah. En disant cela, Link se rendit compte qu'il aurait dû y penser plus tôt. Thomas avait été conçu pour détruire les Créatures Divines, donc pour leur implanter des programmes nocifs. Mais rien ne l'empêchait de les programmer pour l'aider. Et si... Et s'il se servait de cette capacité pour prendre le contrôler du château ? De ce que Pahya lui avait raconté, un système de vol sheikah lui permettait de se déplacer dans les airs. En le piratant et en détruisant la deuxième tablette sheikah – dont ils ignoraient l'emplacement pour le moment – ils pourraient obliger le château à se poser sur Panahpolis et, dès cet instant, de nouvelles troupes le prendraient d'assaut. Le regard du prodige brilla d'un nouvel éclat. Voilà les bases de leur nouveau plan. Les officiers et les dirigeants lui donneraient très certainement leur approbation. Ainsi, il se hâta de leur transmettre ses nouvelles idées et de les expliciter le plus clairement possible. Dorénavant, il fallait pousser la stratégie au plus loin de ses retranchements, explorer toutes ses possibilités, toutes ses faiblesses, toutes ses forces. Et cela, ils en débattirent de longues heures durant.

oOo

Lorsque cette première réunion se termina, les horloges du palais affichaient vingt-trois heures passées et Link percevait la fatigue qui lui engourdissait les jambes et alourdissait fortement ses paupières. Sur la fin des débats, il avait peiné à garder sa concentration tant le sommeil le gagnait et manquait de l'emporter. Fort heureusement, l'un des dirigeants avait mis un terme à l'entrevue en constatant l'heure avancée. Ce fut ainsi que Link et Pahya quittèrent l'amphithéâtre et se séparèrent à sa sortie. Maintenant, il fallait rejoindre Zelda et s'assurer qu'elle se portait bien. Ou du moins, qu'elle dormait bien au vu de l'heure. Le cœur lourd malgré tout, le chevalier déambula dans le palais à la recherche de l'aile où il logeait pour le moment, tant et si bien qu'il se perdit et dut demander son chemin aux rares personnes qu'il croisait. Et alors qu'il traversait un hall du rez-de-chaussée, il entrevit Iris au loin et parlant avec un inconnu de dos. Visiblement, il s'agissait d'un homme à l'âge avancé au vu de ses cheveux blancs. Mais rapidement, sa posture laissa penser qu'il n'était pas aussi vieux qu'il le paraissait, et Link en resta perplexe.

- Capitaine ! s'exclama Iris qui l'aperçut à son tour. Nous voulions vous parler.

Nous ? Il se demanda pourquoi son apprentie était encore là alors que la nuit englobait Panah depuis quelques heures. Lorsque l'Hylien fut à quelques mètres, l'inconnu aux cheveux blancs pivota vers lui, avec honte, puis détourna aussitôt le regard. Sur le coup, le souffle de Link se coupa et sa gorge se noua brusquement.

- Thomas ? dit-il comme s'il n'arrivait pas à y croire.

Pourquoi n'avait-il plus les cheveux noirs ?! Est-ce que cela voulait dire que... Une nouvelle fois heurté, Link posa une main sur sa bouche et ne cacha pas son choc face à ce changement physique. Thomas eut d'autant plus honte de causer un tel trouble chez son supérieur.

- Par les déesses, tu vas bientôt...

- Capitaine, n'oubliez pas ce que je vous ai dit la dernière fois, le coupa immédiatement Thomas qui baissa légèrement la tête.

« Quoi qu'il arrive dans les jours à venir, ne vous préoccupez pas de moi ». À son tour, Iris se plaça à côté de son camarade puis offrit un sourire éreinté à son capitaine.

- Ne vous inquiétez pas, tout ira bien, lui assura-t-elle en pensant à l'année de vie qu'elle avait donnée.

- Alors tu es aussi au courant de l'épuisement de la pierre de Thomas.

La jeune fille ne voulut pas lui dire que, grâce à elle, ce n'était plus exactement le cas maintenant. Savoir cela causerait encore plus de soucis à leur supérieur, et Iris ne souhaitait pas l'en accabler davantage. Quand Link voulut leur demander la raison de leur présence en ces lieux, l'archer sembla lire dans ses pensées et il le devança :

- Je dois vous parler des Créatures Divines, Capitaine. J'ai délibérément choisi d'aller les chercher sans vous concerter au préalable car vous auriez sans doute refuser que je parte. Elles protègent Panahpolis pour le moment car j'ai le sentiment que l'armée de Ganondorf va bientôt se mettre en mouvement. Je les ai programmées pour qu'elles défendent la ville.

Link fut surpris par une telle prise d'initiative de la part de son apprenti le plus réservé. Il pensa même un instant avoir affaire à Altaïr et à son expérience de la guerre, mais bien vite il chassa cette idée car il reconnaissait bien le regard de Thomas. En vérité, sa chevelure blanche lui donnait une autre allure et déstabilisait l'élu qui avait l'impression de parler à une personne différente.

- Tu as agi pour le bien de tous, je ne peux pas te blâmer pour cela, déclara Link après un long silence entre eux. Sans la tablette sheikah et sans les pilotes d'origine, il est impossible de les manœuvrer.

Il passa une main sur sa nuque avant de poursuivre :

- Je suis un peu confus, diriger les quatre Créatures Divines à la fois... Je le conçois difficilement. Néanmoins, tu viens de m'offrir une clé vers la victoire.

Thomas se crispa alors que son visage s'assombrit.

- Comment ça ? demanda-t-il sur la défensive.

Son supérieur retira sa main de sa nuque puis il croisa les bras en réadoptant un air grave et sérieux.

- Avec les officiers des armées alliées, nous avons discuté plusieurs heures à propos de la meilleure stratégie pour assaillir le château et en prendre possession. Je leur ai dit que je connaissais un moyen pour parvenir à nos fins. Et si cela peut te rassurer, je ne t'ai pas évoqué une seule fois.

Link esquissa un sourire gêné qui perturba Thomas sur le moment.

- Tu es la partie secrète de mon plan. Je compte sur toi.

Les yeux de son apprenti s'agrandirent en comprenant l'ampleur de sa demande ; il se courba face au Héros puis posa une main au-dessus de son cœur avant d'énoncer avec conviction :

- Ma vie est vôtre, je ne vous décevrai pas.

Il sursauta quand Link posa une main sur son épaule afin de le redresser. Étonné par ce geste, le l'archer haussa les sourcils puis constata la fierté dans le regard de son supérieur. Une fierté qui le toucha contre son gré et qui le fit pincer les lèvres.

- Mes compagnons chevaliers auraient été fiers d'accueillir un nouveau frère d'armes pour une bataille de cette envergure.

Les yeux de l'androïde s'humidifièrent inexorablement en saisissant le sens de ces mots. Link le considérait comme son semblable, autrement dit comme un chevalier. Comme une personne respectable et reconnue pour ses valeurs ainsi que son potentiel. Par les déesses... Thomas se maudit d'être tant affecté. Sa mère et son frère auraient aussi été fiers de lui, il le savait au plus profond de son être car il voyait là la continuité de son rachat pour ses crimes. Il avait un devoir, une vraie cause pour laquelle se battre. Plus que cela, l'archer appartenait à un véritable groupe reconnu pour ses hauts faits et ses principes.

- Tu voulais devenir chevalier ? le questionna Iris avec surprise. Je pensais que tu n'appréciais pas cet ordre...

- Les choses ont changé, s'expliqua-t-il en la regardant quelques secondes. Le capitaine m'a ouvert les yeux.

Les deux jeunes hommes échangèrent un regard qui dissimulait une forme de complicité puis Link acquiesça pour l'encourager dans cette voie. Mais trêve de bavardages inutiles, il fallait maintenant lui faire part du rôle qu'il aurait à jouer durant l'assaut du château. La discussion prit une dimension d'autant plus sérieuse, accentuée par l'atmosphère nocturne et le manque d'activité humaine dans les environs.

- Thomas, j'attends de toi que tu guides les Créatures Divines lors de la prochaine bataille et que tu prennes possession du château grâce au pouvoir de ta lance. Si tu y parviens, il faudra qu'il se pose quelque part à Panahpolis, sur un lieu difficilement accessible par les troupes terrestres ennemies. Est-ce que tu penses en être capable ?

Pirater un système aussi gros d'une forteresse ? L'androïde ne connaissait pas la limite de ses capacités, donc il ne pouvait affirmer s'il pouvait contrôler le château en même temps que les Créatures Divines. Toutefois, implanter un programme automatique serait une option à ne pas écarter. De ce fait, le cœur antique du château se dirigerait tout seul en suivant une directive imposée.

- Je ferai tout mon possible, assura-t-il au Héros.

- Bien. Veille aussi à ce que les Créatures Divines n'abîment pas la technologie archéonique et n'endommagent pas son cœur. Tu sais aussi bien que moi que l'explosion qui en résulterait détruirait potentiellement tout notre continent.

- J'en ai conscience...

Link en fut soulagé.

- Tu monteras dans Vah'Medoh avec toutes celles et tous ceux qui attaqueront le château. Je te laisse décider de la suite par toi-même.

D'un signe de tête, l'androïde lui montra qu'il en prendrait compte et qu'il agirait dans le but de mener à bien sa mission. À ses côtés, Iris fronça les sourcils tandis que l'indignation la gagnait peu à peu car on ne lui prêtait plus d'attention. Tous deux l'ignoraient, comme si elle n'avait pas d'importance pour la bataille qui se profilait. Elle serra un poing puis fit un pas en avant afin de s'affirmer et leur imposer sa présence.

- Je viendrai avec lui !

- Hors de question, tranchèrent-ils en même temps sur un ton ferme.

Le teint de ses joues rougit sous l'effet de la colère. Comment cela, « hors de question » ? La châtaine ne laisserait pas Thomas partir seul dans un tel combat, pas après ce qu'elle avait vu au sommet de cette colline.

- À partir de maintenant, je vous démets de votre statut d'apprenti.

- Comment ? bredouilla Iris, peu sûre d'avoir bien entendu.

Link vit son visage pâlir et se décomposer à vue d'œil. Il ne pensait pas que cela l'atteindrait autant. En vérité, il songeait depuis un certain moment à mettre un terme à leur formation à ses côtés, pour l'unique et bonne raison que Zelda abandonnerait son titre de princesse une fois la guerre terminée. Hyrule n'existait plus, il n'en restait plus rien, Ganondorf l'avait rayée de la carte...

- Iris, avec Léon, vous n'êtes pas prêts pour vous battre dans ce conflit. Vous manquez d'expérience, vous vous feriez tuer.

- Capitaine ! Je me suis inscrite dans la formation de future soldate car je voulais protéger le royaume ! s'exclama-t-elle d'une voix tremblante d'émotion. Si vous m'empêchez de me battre, à quoi toutes ces semaines auront rimé ?

Son supérieur esquissa un sourire peiné avant de poser une main sur son épaule, à son tour. Son geste dégageait une chaleur et une bienveillance telles que la châtaine se détendit et sentit son cœur se pincer fortement dans sa poitrine.

- Un jour, quelqu'un m'a dit... commença Link dans un calme presque apaisant. « Sur un champ de bataille, tu n'es qu'un homme ». Il s'agissait d'un chevalier nommé Karl. Il était mon père.

Les épaules de l'Hylien s'affaissèrent en l'évoquant.

- Je venais tout juste d'être adoubé lors de ma première bataille. J'ai vu quelles ont été les premières victimes. De jeunes chevaliers, comme moi, sans l'expérience de la guerre. Ils sont partis en croyant que leur jeunesse et leur fougue seraient la source de leur victoire.

Les traits du prodige se tirèrent en se souvenant des scènes macabres de ce jour-là.

- Et ils ne sont jamais revenus.

Les lèvres d'Iris se décollèrent bien qu'elle ne dit rien. Elle n'avait jamais eu l'occasion de voir souvent son capitaine dans cet état-là et exprimer une tristesse propre à son vécu.

- Crois-moi Iris, tu as beau être une élève studieuse et prometteuse, cela ne te sauvera pas.

Link retira sa main puis dévisagea Thomas qui affichait un air fermé.

- Je n'ai pas envie de perdre l'un de vous trois. Avoir participé à une partie de votre formation aura été une fierté pour moi, avoua-t-il ouvertement. Je ne veux pas que votre parcours s'arrête brusquement.

Iris riva son regard sur le sol, terriblement affectée et attristée de ne plus être son élève. Elle qui se réjouissait de pouvoir combattre aux côtés des élus et les défendre, elle voyait ses rêves s'effondrer. Et l'idée même de se séparer de Thomas et Léon lui noua si fortement le ventre que les larmes piquèrent ses yeux. Dans un silence lourd, elle dépassa le Héros et Thomas puis s'enfuit pour quitter le palais. Ce ne fut qu'une fois dehors qu'elle éclata en sanglots et rentra à l'auberge où elle dormait. Quant à Thomas, il n'avait pas osé la rattraper. Après une soirée aussi riche en émotions, chacun avait besoin de prendre du recul et de rester seul.

- Capitaine, vous avez prié pour moi, n'est-ce pas ?

Pris de court par cette nouvelle conversation, le blond haussa les sourcils puis vit que son apprenti observait ses cheveux avec attention. Effectivement, c'était la première fois qu'ils se reparlaient après avoir coupé sa chevelure. Thomas semblait avoir visiblement compris ce changement soudain, et cela ne sembla pas lui plaire. Au contraire.

- Lors de ma prière, un esprit m'est apparu, annonça Link qui décroisa les bras en se remémorant les rares traits de son visage. Un jeune homme que je n'avais jamais vu. Et pourtant, il s'est produit un phénomène vraiment étrange.

L'archer soutint son regard encore quelques instants puis, le supportant difficilement, finit par détourner la tête et plisser légèrement les yeux en contemplant une torche allumée.

- Quand il a touché son bras, Sokyn s'est éveillé et...

Link se tut subitement. L'inconnu avait porté sa main sur son bras droit, exactement à la même place que l'animal totem de son ancien apprenti. Cette incohérence perturba aussitôt le chevalier qui papillonna des yeux. Il ne pouvait pas s'agir de Thomas à ce moment-là, étant donné que son âme se trouvait déjà sur terre et dans un corps artificiel...

- Est-ce que c'était toi ? lui demanda Link sans savoir comment aborder ce sujet.

L'archer ferma fortement les yeux, comme s'il redoutait cette question, ce qui répondit manifestement à la question de l'élu. Mais comme cela était-il possible ? Link avait du mal à comprendre comment Thomas avait pu être à deux endroits différents au moment où il priait.

- Ai-je vraiment... touché mon bras dans votre vision ?

Pour appuyer sa question, il plaqua justement sa main au-dessus de l'emplacement de son tatouage.

- J'en suis certain. À cet instant précis, j'ai eu le sentiment que le sceau gardien nous liait.

Thomas garda le silence, ne donnant guère la possibilité à Link de savoir ce qu'il pensait sincèrement. Ses doigts agrippèrent plus fermement le bras qu'ils tenaient et témoignèrent de la réflexion compliquée de l'ancien brun. Il n'y avait qu'une seule explication à ce soi-disant lien entre eux : le jour où l'androïde avait absorbé une partie du sceau gardien pour sauver son supérieur.

- Vous cherchez à exploiter Sokyn, je me trompe ? reprit soudainement Thomas sans croiser son regard. Si vous avez assez confiance en moi, je me chargerai de l'activer pour vous au moment de votre combat contre Ganondorf. Si je ne suis pas physiquement près de vous, vous n'aurez qu'à serrer fortement le cœur. Je répondrai à votre appel.

L'expression du prodige s'aggrava.

- Quel cœur ?

L'archer esquissa un sourire qui démontra son embarras et qui rendit Link plus soucieux.

- Le mien, évidemment.

Son regard glissa sur la droite afin d'observer une horloge accrochée à une colonne soutenant le plafond. Ainsi, il évita de voir l'expression choquée et emplie d'incompréhension du prodige. Thomas ne voulut pas s'attarder sur ce point-là. Son message avait été assez clair, Link n'avait pas à recevoir plus d'explication de sa part.

- Je crois qu'il est l'heure pour vous d'aller vous reposer, Capitaine.

Sur ce, l'androïde partit à son tour sans même attendre la moindre remarque du Héros. Il n'avait vraiment pas envie de s'expliquer, notamment car Link essaierait de l'arrêter dans ses plans. Thomas n'accepterait pas que l'élu se mette au travers de son chemin, car il avait placé entre ses mains le sort du château et de nombreux combattants alliés. Dorénavant, cette mission qui l'incombait lui était primordiale ; elle lui permettrait d'arriver au bout de ses desseins et de mettre à contribution ses dons.

Lors de l'enterrement de Lasya, après que Zelda lui ait parlé, Thomas avait compris de nombreuses choses, dont l'une qui attestait sans conteste que les élus ne gagneraient jamais avec leurs armes actuelles. Le cycle des réincarnations... Comme le laissait entendre ce nom, il s'agissait d'une boucle infernale qui se répétait sans cesse car rien ne pouvait la briser. Pour Thomas, il était clair que le sceau divin et la Lame Purificatrice n'avaient jamais été les solutions pour vaincre définitivement Ganondorf. Ils ne permettaient que de sceller le seigneur du Mal, et jamais de le détruire complètement. Pourquoi Hylia avait-elle réellement conçu Sokyn ? Pour pallier la faiblesse du sceau divin ? Ou bien pour en faire une arme qui dépasserait la boucle des réincarnations ? Jusqu'à présent, aucun enfant gardien n'avait réussi à se servir de Sokyn, et aucun élu n'avait pu véritablement vaincre Ganondorf...

Tout simplement car ils ne possédaient pas la Clé avec eux.

oOo

Le jour suivant, Zelda se leva après de très longues heures de sommeil. Elle eut le plaisir de constater la présence de Link à ses côtés, après toutes ces semaines séparés et à se réveiller seuls, loin de l'autre. Elle prit soin de ne pas le déranger puisqu'il semblait éreinté à cause de la réunion de la veille, puis elle quitta la chambre et demanda à prendre un bain. Une domestique la conduisit à la salle d'eau de l'étage et lui proposa ses services, ce que la princesse accepta volontiers. Hélas, à peine eut-elle mis un pied dans l'eau chaude que les douleurs dans son ventre se manifestèrent à nouveau et firent paniquer la servante, cette dernière pensant qu'il s'agissait d'une fausse couche. Mais fort heureusement, malgré l'intensité saisissante des maux, ceux-ci se calmèrent plus vite que l'Hylienne ne l'aurait imaginé. L'eau chaude y était peut-être pour quelque chose car on lui prêtait la vertu d'adoucir les douleurs. Après cette courte frayeur dont elle s'était habituée avec le temps, Zelda avait posé sa main sur son ventre légèrement arrondi. Elle ne sentait pas son enfant bouger, tout simplement car il était encore trop tôt dans sa grossesse pour qu'il le puisse. Ce changement physique ne la déstabilisait plus maintenant, à part peut-être l'augmentation progressive du volume de sa poitrine.

Une fois le bain terminé, la princesse s'habilla grâce aux habits mis à disposition puis elle alla petit-déjeuner puisqu'il n'était pas encore midi. Ce ne fut qu'une fois après cela qu'elle décida d'aller prier afin de réapprovisionner son sceau en pouvoir. Ce même sceau qui avait mis tant de temps avant de se manifester. Alors qu'elle se perdait dans le palais, Zelda croisa le chemin d'Astrid tout à fait par hasard, ce qui permit à cette dernière de s'assurer que l'élue se portait bien. Par la même occasion, elle lui autorisa à prier dans le temple réservé habituellement aux dirigeants, ce lieu que Link avait aussi foulé la veille lorsqu'il avait voulu prier pour elle et pour son apprenti. La prêtresse royale la remercia puis suivit les indications qui la mèneraient au temple en question.

À première vue, comme l'avait constaté Link, c'était un lieu singulier et apaisant, accompagné par le bruit de l'eau au pied de la statut d'Hylia en son centre. Zelda jeta un regard circulaire autour d'elle dans le but de détailler cette pièce unique et empreinte de spiritualité. La prière y serait plus simple, en particulier car personne ne viendrait la déranger durant sa session. Concentrée sur son unique objectif, elle se plaça devant la statue au milieu du petit bassin, posa ses genoux à terre en dépit du manque de confort puis elle joignit ses mains. Il lui était dorénavant moins compliqué d'entrer en transe. Toute la difficulté résidait dans le fait d'obtenir une connexion avec le monde spirituel. Car pour que le sceau se régénère, il lui faudrait l'aide de ses ascendantes. Jamais encore Zelda n'avait véritablement essayé de communiquer avec elles. Durant son enfance, elle avait voulu revoir sa mère de cette façon, mais elle n'y était jamais parvenue. Car seul l'Alpha décidait quels esprits avaient le droit de s'adresser aux vivants, et sous quelle forme.

Plongée dans sa méditation, le temps ne semblait plus avoir d'impact sur elle, les sons que la vie produisait ne lui parvenaient plus. Seul un sentiment réconfortant et empli de quiétude la berçait tant et si bien qu'elle percevait les forces mystiques entrer en contact avec elle. Ainsi, plusieurs heures s'écoulèrent sans que Zelda ne s'en aperçoive. Ce fut l'écoulement lointain d'un cours d'eau qui attira son attention dans un premier temps et qui, peu à peu, parut s'approcher d'elle. Intriguée par ce bruit extrinsèque au lieu où elle se tenait normalement, la prêtresse royale rouvrit les yeux et se pétrifia en découvrant un environnement drastiquement différent du temple. En effet, elle se trouvait à présent à Delteha, au centre d'une placette en ruine depuis des centaines voire des milliers d'années. À quelques mètres de là, une rivière coulait dans son lit.

- Tu es parvenue à nous rejoindre. Bienvenue, articula poliment une voix féminine et posée qu'elle ne connaissait pas.

Surprise, Zelda se releva d'un coup et se retourna en fronçant les sourcils sous l'effet de l'inquiétude et de la peur. Elle découvrit une femme relativement jeune, âgée entre trente et quarante ans, portant une robe très raffinée et tombant jusqu'aux chevilles. L'inconnue lui apparut sous forme spectrale et de couleur verte translucide. Aussitôt, la princesse comprit que ce monde n'était pas réel.

- Où sommes-nous ? demanda-t-elle en scrutant attentivement les alentours.

L'inconnue esquissa un sourire léger.

- Le Guide a déjà mentionné cet endroit. Ce sont les Ruines des Tourments, répondit-elle sur un ton presque mystérieux. Notre ancêtre est venue ici, autrefois.

- Alors vous êtes bien de ma lignée...

La femme hocha la tête, puis elle entreprit de contourner la princesse actuelle avant de s'arrêter près d'une ancienne colonne sculptée qui s'était écroulée sous la force des affres du temps.

- De nombreuses interrogations te tourmentent, déclara son aïeule qui gardait le même calme reposant. Nous sommes là pour y répondre.

- « Nous » ? répéta Zelda avec étonnement.

Son interlocutrice posa une main au-dessus de son cœur tandis que son sourire s'agrandit.

- Oui, toutes les descendantes de la déesse Hylia parlent à travers moi. Je ne suis qu'une messagère autorisée à communiquer avec toi.

Son ascendante perdit son sourire puis reprit :

- Un grand esprit m'a guidée jusqu'ici et me permet enfin de parler avec une femme de ma lignée, de son vivant.

Les yeux de la prêtresse royale s'écarquillèrent davantage alors qu'elle demeurait sans voix. Elle peinait à croire qu'elle s'adressait à l'une de ses ancêtres. Celles-ci devaient être si nombreuses, et elles allaient lui parler à travers cette messagère.

- Je suis la toute première femme ayant répondu au nom de Zelda. Je suis le début de ce que tu appelles « le cycle des réincarnations ».

Sidérée, sa descendante fut prise de vertiges qui l'obligèrent à se tenir aux ruines qui se présentaient à ses côtés. Elle pressa son front de sa main et inspira profondément pour reprendre ses esprits. Cette situation lui paraissait surréaliste, et pourtant elle la vivait. Zelda était parvenue à contacter l'une de celles qui avaient porté le sceau de la déesse.

- Ma mère est-elle aussi présente ? demanda la jeune femme d'une voix tremblante.

Son aïeule acquiesça pour le lui confirmer, ce qui la réconforta. Elle pourrait peut-être lui laisser un message avant de revenir à elle, à la réalité. Zelda devait lui faire part de son parcours, de tous les obstacles qui l'avaient entravée. Et elle voulait lui dire à quel point elle lui manquait. Mais avant cela, il y avait des sujets bien plus importants à traiter comme, par exemple, son pouvoir hérité de la déesse Hylia.

- J'ai besoin de votre aide, reprit la prêtresse royale qui posa une main au-dessus de son ventre. Comme vous le savez certainement, j'ai usé de tout mon pouvoir pour sceller le Fléau, Ganon. Par la suite, j'ai même perdu la capacité d'entendre la voix de l'épée de légende... Et aujourd'hui, j'ai de nouveau besoin du sceau divin.

Elle marqua une pause en observant la réaction de son interlocutrice. Comme espérée, cette dernière comprit ce que souhaitait sa descendante : savoir si elle pouvait éveiller son pouvoir une fois de plus, et à temps. La première Zelda émit un soupir empli de tristesse et de regrets puis elle fit quelques pas en direction de la jeune femme.

- À travers tes prières, nous, tes ancêtres, avons appris ta volonté de mettre un terme au cycle des réincarnations. Malheureusement, sans aide extérieure, il est impossible pour le sceau divin et l'épée de légende de le briser.

La prêtresse royale retint sa respiration et sentit son cœur se serrer douloureusement dans sa poitrine. Elle s'attendait à cette réponse.

- Si ton souhait est d'user à nouveau de ton pouvoir, nous pouvons te le permettre. Toutefois, tu dois avant tout savoir que son emploi te demandera un grand sacrifice.

Les doigts de la jeune femme se crispèrent.

- Un très grand sacrifice, renchérit son aïeule d'une voix plus grave. Comprends-tu de quoi il est question ?

Les yeux de Zelda s'humifiaient pendant que sa gorge s'asséchait de manière désagréable et inconfortable. Elle n'eut pas la force de répondre à cette interrogation, seul son hochement de tête exprima le fond de sa pensée.

- L'enfant que tu portes est voué à mourir dès l'instant où le sceau d'Hylia sera exploité au plus haut de sa puissance. Ton fils ne pourra survivre à un tel dégagement de magie.

Rien ne le sauverait. Zelda n'avait d'autre alternative que celle d'user du sceau divin à son plus haut potentiel. Le libérer jusqu'à ce qu'il disparaisse à tout jamais. C'était le seul moyen pour affaiblir Ganondorf et espérer que cela le scelle à jamais. Là résidait leur ultime chance, ils ne pouvaient se permettre de la laisser passer.

- Je ne sais... si je serai capable de sacrifier la vie d'un être aussi innocent, bredouilla l'Hylienne en frémissant d'horreur. Cet enfant n'a jamais demandé à naître et il sera tué par sa propre mère...

- La vie nous confronte à des choix injustes, hélas, déplora son ascendante en baissant la tête. En tant que femme, je comprends la douleur que tu ressens en ce moment même. Mais sauver ton fiancé, ainsi que ton peuple, sera ton unique consolation.

Son bébé ne mourrait pas en vain, Zelda en avait conscience. Une profonde tristesse l'envahit définitivement et lui donna l'envie de pleurer, bien qu'elle tâchât de rester forte pour son enfant. Qui était-elle pour avoir le droit de vie ou de mort sur quelqu'un ? Sur un être qui n'avait pas encore vu le jour ? Un tel dilemme la perdait, tant et si bien que la princesse ne savait plus si elle était encore elle-même. On la verrait comme un assassin sans scrupules. Peut-être même que Link n'accepterait jamais qu'elle ait tué ainsi leur enfant. Et il la quitterait... Ce futur probable terrifia la jeune femme qui ne supporterait pas de vivre autant de pertes.

- Es-tu prête à procéder à cet ultime sacrifice pour le bien de ce monde ?

Zelda inspira avec profondeur de sorte de contenir au mieux les larmes qui venaient poindre dans ses yeux. Elle ne ferait pas marche arrière, sa réponse serait irréversible.

- Oui... murmura-t-elle douloureusement en fermant les yeux, bouleversée par son choix.

- Dans ce cas, permets à ton cœur de s'ouvrir à toutes tes ascendantes. Accepte le pouvoir de leur esprit, elles te donneront toutes leurs dernières forces héritées de la déesse Hylia. Que leur essence se lie à la tienne.

Son aïeule leva les mains vers la voûte pendant qu'elle entrait à son tour en état de transe. Prise de court, l'Hylienne l'observa avant de ressentir une chaleur étrangère en son sein, cette dernière se transformant en sensation de pouvoir grandissant. Ce phénomène fit écho au jour où elle avait éveillé le sceau divin pour la première fois, lorsque Link était en danger de mort.

- Une fois que tu scelleras Ganondorf, le pouvoir disparaîtra à tout jamais, énonça la première Zelda dont la voix résonna anormalement au milieu des Ruines des Tourments. Si tu échoues, notre monde connaîtra un chaos prochain et irrévocable. Ne l'oublie jamais...

Durant un court instant, la princesse d'Hyrule vit la Triforce complète apparaître sur le dos de sa main droite avant de s'effacer presque aussitôt. Submergée par un afflux de pouvoir trop soudain, Zelda sentit que son état de méditation s'apprêtait à prendre fin contre son gré. En dépit de son trouble et de son choix difficile, elle déglutit, posa une main au-dessus de son cœur puis s'adressa à son interlocutrice au travers d'une voix tremblante et emplie d'émotions :

- Je veux en prie, avant mon départ...

Son souffle lui manqua subitement à cause de la rétention d'un sanglot qui lui noua la gorge. Son ascendante baissa ses mains, jusqu'alors tournées vers la voûte, puis elle dévisagea la jeune femme avec attention.

- Dites à ma mère que je n'ai jamais cessé de l'aimer et de penser à elle, réussit à articuler Zelda en se forçant à sourire. J'ai tâché de suivre ses enseignements pour honorer sa mémoire. Et j'espère qu'elle et Père... ont pu se retrouver.

L'esprit lui sourit en retour avec bienveillance et tendresse, ce qui eut pour effet de réchauffer le cœur de la jeune femme.

- « Je veille sur toi en permanence, ma fille. Nous serons auprès de toi jusqu'à la fin. »

Les yeux de Zelda s'écarquillèrent en comprenant que sa mère venait de s'adresser à elle à travers leur ancêtre. Bien qu'elle fût émue par cette manifestation, cette dernière phrase la heurta. Jusqu'à la fin... Comme si cela sous-entendait que, dès l'instant où le sceau ne serait plus déployé, sa mère disparaîtrait. Un frisson glacial parcourut la peau de l'Hylienne lorsqu'elle saisit l'ampleur de ces mots et de ceux de la messagère plus tôt. Sa prise de conscience fut vertigineuse. Ce nouveau pouvoir... venait du sacrifice de toutes les femmes de sa lignée. Sacrifier leur âme d'héritage divin pour en créer l'essence nécessaire au sceau. Si ce dernier venait à expirer suite à son usage irréversible... toutes les Zelda précédentes disparaîtraient à tout jamais, ne connaissant plus le repos éternel auprès de leurs proches.

- Non... Attendez ! s'écria-t-elle avec effroi en regardant la messagère.

L'esprit commença à se dissiper en même temps que l'environnement ambiant. Le bruit de la rivière s'éloignait de nouveau pour laisser place au silence pesant qui régnait au début de sa méditation.

- La vie nous confronte à des choix injustes, répéta son ancêtre. Mais ce n'est pas toujours à toi d'être à l'origine de ces décisions.

Les ténèbres englobèrent Zelda, hantée par ces dernières paroles. Quelques instants plus tard, elle rouvrait subitement les yeux et se confrontait à la statue de la déesse au centre du petit bassin. Sa respiration saccadée et sifflante résonnait entre les parois du temple dont la température semblait avoir drastiquement chuté. La prêtresse royale ne pensait pas que cette session de prière connaîtrait une tournure aussi dramatique et sombre. Pour vaincre, elle devrait sacrifier son fils et l'âme de ses ancêtres. Cela ne ferait qu'accroître sa solitude... Qui lui resterait-il ? Link ? Et s'il mourrait en accomplissant son devoir ? Il n'y aurait plus personne... Une fois de plus, tous auraient disparu par sa faute. Même dans l'Au-Delà, elle arracherait sa mère à son père. Zelda aurait aimé que sa génitrice se présente à elle et soit la messagère. Elle lui aurait confié tout ce qui pesait sur son cœur, tous ses doutes et toutes ses peines. Sa mère l'aurait sans doute réconfortée comme elle savait si bien le faire par le passé.

Encore en état de choc et toujours agenouillée, Zelda se pencha sur le côté jusqu'à ce que sa hanche droite prenne appui sur le sol glacé. Les nouvelles larmes, qui coulaient sur ses joues, lui importaient peu. Seule la Mort planant à ses côtés lui ouvrait les bras en guise de consolation mortelle. Plus aucun retour en arrière n'était possible.

oOo

Le jour suivant fut décidée la mise à mort de Soran ; des soldats de Panah le cribleraient de carreaux d'arbalète jusqu'à ce que mort s'ensuive. Telle avait été la sentence prononcée à son encontre. Pour cela, un groupe de cinq soldats d'élite devait le mener dans la cour au centre de la prison, de sorte qu'il soit exécuté à l'abri des regards des civils. Il mourrait dans l'ombre et l'insouciance. Les cinq hommes montèrent au dernier étage, là où étaient enfermés les prisonniers condamnés à mort. Ces temps-ci, seul Soran occupait l'une des cellules lugubres et mal entretenues. L'hygiène y était déplorable, tant et si bien qu'au moment où le petit groupe arriva devant le détenu, il y découvrit un homme allongé au sol et souffrant. Son teint maladif, ses cheveux mouillés de sueur et collés contre son front ne les trompèrent pas : l'assassin couvait une maladie. Il n'était pas rare que les condamnés à mort présentent ces symptômes lors de leur séjour dans ce couloir. Les soldats le voyaient respirer difficilement et regarder dans le vide, comme s'il n'était pas réellement parmi eux.

- Il croyait peut-être qu'il serait traité comme un prince, le railla l'un des hommes qui tira le trousseau de clé de sa sacoche. La suite ne le décevra pas.

Ses compagnons ricanèrent, certains croisaient les bras et d'autres se contentaient d'attendre que la cellule soit ouverture. Deux d'entre eux y entrèrent puis s'accroupirent auprès du meurtrier qui ne réagit aucunement à leur présence.

- 'Paraît que le héros du royaume voisin est v'nu le voir, commença l'un des soldats restés en dehors de la geôle. Ça lui a foutu un sacré coup au moral, à c't'assassin. Doel m'a dit qu'il n'a plus rien bouffé depuis et qu'il parle même plus.

- On va pas se plaindre, au moins il n'a pas l'air d'opposer la moindre résistance, répondit son camarade dans la cellule. Regardez ça...

Il donna un coup de pied dans le buste de Soran qui poussa une plainte rauque en se recroquevillant sur lui-même.

- Il est devenu une loque en l'espace de quelques jours. J'avais encore jamais vu ça. Ça me donnerait presque envie de le laisser crever la bouche ouverte.

- Même les rats ne voudraient pas d'une ordure pareille, renchérit celui qui l'accompagnait. Les autres gars s'occuperont de lui comme il faut, ils se débarrasseront facilement du corps.

Tous les deux prirent le prisonnier sous les épaules puis le soulevèrent de force. Le brun se laissa porter ainsi, les pieds traînant au sol car il n'avait visiblement plus la force de marcher. Les cernes violets sous ses yeux amusèrent les soldats qui l'attendaient dans le couloir. Il fut tiré en dehors de sa geôle puis présenté aux trois autres hommes peu apitoyés sur son sort.

- On lui met de nouvelles menottes ? demanda l'un d'eux qui regardait les précédentes, inexorablement restées accrochées au mur.

- Oui, c'est la procédure obligatoire. Peu importe son état physique, lui rétorqua celui qui tenait Soran sous son épaule droite. Aymeric, tu vas lui mettre celles que tu as.

Le dénommé Aymeric, celui au fort accent de l'ouest de Panah, grommela pour témoigner son mécontentement.

- Vous savez bien qu'les miennes sont dures à mettre, ronchonna-t-il en s'emparant d'une petite clé au fond de sa poche.

Il déverrouilla le mécanisme des menottes accrochées à sa ceinture tandis que ses compagnons lui répétaient qu'elles étaient les plus sûres et les plus efficaces. Il roula des yeux puis fit le tour de ceux qui tenaient le condamné à mort. Pour un homme supposément dangereux, il se trouvait dans un piteux état. À première vue, il ressemblait plutôt à un vagabond mourant que la vie n'aurait pas gâté. Le brun ne tenait même pas debout tout seul. Sa maladie était sans doute due à l'eau croupie qu'on lui donnait chaque jour.

- Alors ? Vous m'passez ses mains ou...

Devant lui, Soran dégaina soudainement la dague du soldat sur sa droite, sanglée à sa ceinture, puis il vint la planter sous la mâchoire de l'homme qui le tenait à gauche. Pour tous, le temps parut se suspendre tant la surprise et l'incompréhension furent totales. Le militaire attaqué ne put pousser un hurlement de douleur tant le coup fut fulgurant ; Soran retira son arme, la changea subitement de sens dans sa main en la faisant tourner puis il la planta dans la gorge de son véritable propriétaire. Les mains, qui le maintenaient fermement, ne tardèrent pas à le lâcher et à le libérer de leur emprise.

- Sale enfoiré !! rugit Aymeric qui lâcha les menottes.

Les trois hommes restants tirèrent leur épée de leur fourreau puis se précipitèrent sur le Soneau malgré l'étroitesse du couloir. Soran se jeta vers les jambes d'Aymeric puis trancha l'arrière de son genou non protégé par la genouillère. Le soldat hurla de douleur pendant qu'il perdait l'équilibre ; le meurtrier passa pleinement derrière lui puis lui asséna un coup pied dans son dos pour le projeter sur ses deux compagnons. Il se pencha ensuite pour ramasser l'épée qui venait de chuter puis il fondit sur ses proies. Leur cotte de mailles les protégeait des épaules au hanche, seuls leur tête et leur cou demeuraient les zones sensibles pour les tuer. L'un des soldats s'était accroché aux barreaux d'une cellule pour ne pas tomber suite à la perte d'équilibre. Soran fracassa son épée contre son crâne, projetant du sang sur le sol de pierre et sur son propre visage, puis il laissa s'écrouler le cadavre défiguré devant lui. Aussitôt, il se retourna et lança la dague, tenue par sa main droite, dans la gorge du deuxième homme déséquilibré. Ce dernier tomba à genoux, les yeux écarquillés à cause de la douleur qui le foudroyait, avant de heurter les dalles de pierre de tout son corps.

Soran examina silencieusement ce nouveau massacre. Seuls les râles d'Aymeric lui parvenaient, accompagnés de leurs échos au sein de ce dernier étage. Les iris verts et légèrement luisants du brun se posèrent sur lui et le pétrifièrent d'effroi. À cet instant-là, Aymeric pensa ne voir aucune humanité à travers ce regard, uniquement un mépris incommensurable à son égard. Depuis sa sortie de Delteha, après des millénaires hors du temps, toutes les victimes du Soneau le regardaient ainsi avant de mourir. Il s'y était habitué, en particulier car on le dévisageait déjà de cette manière durant l'époque où vivaient sa sœur et Orazio. À ses pieds, Aymeric lui demanda pitié d'une voix tremblante et étranglée. Il avait essayé de se redresser mais sa jambe meurtrie ne lui permit pas de se tenir à genoux. Soran ne lui accorda pas cette faveur, il l'acheva sans hésitation avec l'épée émoussée qu'il tenait toujours. Il n'avait pas eu d'autres choix que de lui ôter la vie. En la lui laissant sauve, d'autres soldats auraient été alertés rapidement et ils auraient retrouvé le condamné en peu de temps. Cependant, cela lui accordait à présent l'opportunité de se fondre parmi les habitants de cette ville et de disparaître.

Ainsi, Soran vola les habits d'un des soldats morts puis il emprunta les escaliers qui reliaient les deux derniers étages. Au niveau d'une fenêtre, il aperçut un toit à quelques mètres de là et il sauta aussitôt dessus. Le brun se cacha derrière un conduit de cheminée assez large pour dissimuler tout son corps face aux ouvertures de la prison. Il resta caché là de nombreuses minutes, le visage blême et en sueur à cause de la maladie qu'il couvait. Il avait parfaitement feint d'être mourant pour parvenir à s'échapper. Cependant, dorénavant, trouver un remède devenait sa priorité. Soran n'avait jamais abandonné l'idée de se racheter auprès de sa sœur, il fallait donc réfréner la maladie pour y parvenir. Après sa discussion avec Link, il le haïssait davantage, d'autant plus car il était le père du futur enfant de la princesse hylienne actuelle. Le Soneau serra les poings et inspira longuement dans le but de refouler la colère qui le submergeait. Sa patience serait récompensée, il en avait l'intime conviction.

oOo

En fin d'après-midi de ce même jour, Astrid et Olympe marchaient le long du chemin du parc situé au pied du palais. Elles discutaient encore de la stratégie et de chacune des conséquences engendrées par l'action des armées. Toutes deux n'hésitaient pas à remettre en cause certaines décisions qui seraient prises, et cela resterait entre elles. Même s'il était question de l'avenir des pays de leur continent, elles privilégiaient malgré tout le futur de Panah, unique territoire encore vivable en dépit des terres de l'Ouest et du Nord-Ouest, sèches et stériles à cause de la corruption. Tout reposait sur leur territoire qui, après une victoire fort souhaitée, accueillerait toutes les familles sinistrées et dévastées par la guerre. Mais si elles s'installaient toutes à Panah, la nourriture viendrait à manquer un jour ou l'autre. Alors que les deux jumelles se concertaient avec inquiétude, un soldat messager accourut dans leur direction en les hélant. Il s'excusa platement de les déranger, puis il prit la parole en dépit de son souffle court :

- On m'a demandé de vous transmettre deux nouvelles ! Malheureusement, aucune d'elles n'est bonne...

Soucieuses, toutes deux échangèrent un regard sombre puis Astrid prit la parole :

- Commencez par la moins grave.

Le jeune homme, à peine plus âgé qu'elles, hocha la tête puis riva son regard sur la terre à leurs pieds.

- Le... Le condamné à mort s'est échappé ce matin même. Les corps des soldats chargés de l'escorter ont été retrouvés trop tard. L'assassin aurait dérobé un de leurs équipements avant de s'enfuir. Des recherches ont été lancées tout l'après-midi en espérant le retrouver. Hélas, ce n'est toujours pas le cas...

- Peu importe, cet homme n'a plus d'importance à nos yeux, rétorqua durement l'officier. Faîtes seulement renforcer la surveillance dans les quartiers où logent les deux élus. Tout intrus devra être arrêté, voire tué s'il s'agit bien de cet assassin.

Sa jumelle ne comprit pas une telle décision. On lui avait parlé de Soran, ce meurtrier qui avait sévi au château d'Hyrule en tuant de nombreux civils dans le but d'assassiner le Héros.

- Astrid, cet homme veut tuer Link, souligna la châtaine en lui prenant l'avant-bras. Nous ne pouvons pas le laisser agir à sa guise en toute impunité.

Astrid soupira fortement puis s'arracha à son emprise, d'un geste brusque.

- Je t'aurais donné raison dans un autre contexte. Nous nous préparons à lancer une offensive majeure, je ne peux pas demander à nos soldats d'abandonner leurs préparatifs pour rechercher un seul homme dans la nature !

- Une poignée aurait suffi, rétorqua froidement la jeune dirigeante en fronçant les sourcils.

- À ... À propos de l'offensive... bredouilla le soldat qui n'osait pas intervenir pour délivrer le reste de son message.

Les deux sœurs tournèrent la tête vers lui, ce qui le fit se crisper. Il pâlit à vue d'œil et croisa ses mains dans son dos pour cacher leurs tremblements.

- Des éclaireurs en provenance d'Aurean sont rentrés. Ils ont... Ils ont annoncé que l'armée de Ganondorf s'était mise en route vers Panah et qu'ils avaient traversé notre frontière en tuant les soldats qui tâchaient de la protéger... Le château se déplace aussi, il serait escorté par... par des dragons de corruption, selon les dires de nos éclaireurs, et une armée terrestre ravagerait nos terres sur son passage. Ils ont même estimé que l'ennemi serait là...

Il avala difficilement sa salive en constatant que les deux visages face à lui se décomposaient.

- D'ici demain midi...

L'air autour des jumelles se densifia tout à coup et les empêcha de respirer durant de longues secondes pendant que leur sang paraissait se figer. Leur plan venait de voler en éclats, emportant avec lui tous leurs espoirs. La lumière qui veillait sur eux jusqu'à présent... venait de disparaître, remplacée par des ténèbres certaines et irrémédiables. 

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