Du coin de la cour, dissimulé derrière ses amis, Mathis observait Eve. S'il pensait réussir à changer son avis, il courrait vers elle et s'excuserait d'être aussi bête, il se mettrait même à genoux s'il le fallait. Mais pas de retour en arrière possible, cette fois-ci, il était allé trop loin. Il avait délaissé celle qu'il aimait, et en la laissant loin derrière lui, il avait fini par la perdre. Fierté oblige. Quand on est un garçon, il faut toujours être fort, costaud, avec des grands airs, et avouer ses sentiments à une fille passe mal auprès des autres garçons. Car quand on est un garçon, on ne vous demande pas d'être sensible, on juge mieux de shooter dans un ballon. Alors il avait joué l'indifférent, lançant parfois à Eve un discret "je t'aime", alors qu'il avait tant de choses à lui dire. Il lui avait fait croire qu'elle n'était pas si importante, alors qu'elle était la seule pour lui. En réalité, il l'aimait tellement que ça lui fendait le cœur. Mais, pour assurer son égo masculin, il n'avait rien laissé paraître. Et ça avait explosé, un jour de pluie, elle l'a plaqué. Il n'a pas revu le soleil depuis.

Il avait beau sourire à ses amis, il était si triste en vérité. Alors le voilà, à observer sa bien-aimée en cachette. S'il en avait le courage, il la supplierait de lui redonner une chance, il lui dirait qu'il ne recommencerait plus, que ça y est, il avait compris la leçon, et que désormais, il tâcherait de l'aimer correctement. Il lui avouerait même que l'automne était sa saison préférée car elle lui faisait penser à ses cheveux.

Mais ces pensées n'étaient que du vent, jamais il n'oserait lui reparler, effrayé par l'avis que ses amis auraient de lui.

- Tu mates la rouquine ? fit Max, le tirant de sa rêverie.

- Pff, tu rigoles ! Elle ressemble à une citrouille écrasée. Tu crois que marraine fée pourrait l'arranger ? répondit-il en riant.

Puis il se baissa, secoué par des éclats de rire factices, et fit mine de lasser ses chaussures, pour que Max ne voit pas qu'il avait les larmes aux yeux.

Car les garçons ne pleurent pas, c'est bien connu.