Chapitre 6 : Filature et sentiments [Réécriture]



-2 ans avant L.P – saison des pluies

Malvina essayait désespérément de garder fière allure, tandis que leurs hôtes se chargeaient de leur servir du thé de plistine et des petits gâteaux secs. Elle ne pouvait détacher son regard du corps malade de son père, de son visage émacié, de ses yeux vitreux que les larmes faisaient briller sombrement... Elle ne savait si la situation lui permettait de proposer quelques décisions.

Tandis que Miranda discutait avec son fils, Malvina ne fit pas le moindre effort pour suivre leur conversation. Elle luttait contre le pressentiment qui lui tenaillait les tripes, vicieux et sans pitié. Elle se mordait la langue chaque fois que ses paroles menaçaient de fuser, prête à accabler son entourage de sa volonté. Dans un effort surhumain de bien séance, elle focalisa faiblement son attention sur l'active discussion qui ne lui semblait n'être qu'un bruit de fond.

— ... et du lait, oui tout à fait ! Ensuite au feu et c'est prêt !

Miranda était-elle vraiment en train de donner sa recette de biscuit à Athèlme ? En cette heure ? Alors même que son père dépérissait sur le sofa d'en face, à la vue de tous ?

— Miranda, nous devons emmener mon père au château.

La sentence était tombée et le ton qu'elle avait voulu calme, respectueux, avait tranché tel un couperet. Elle s'était pourtant juré de ne pas s'en mêler... elle avait une volonté bien sélective.

— Je te demande pardon ? La mère d'Athèlme s'était retournée vers Malvina, prise de cours par son interaction.

— Malvina, ma chérie ce n'est rien de grave. Tu ne dois pas t'en faire, essaya de la rassurer Edwinn en vain.

— Père, tu es souffrant. Moïe saura t'apporter les meilleurs remèdes qui soient. Il est hors de question que je continus de faire comme si tout était normal. Nous ne sommes qu'à une demi-journée de marche du palais de Sora.

Athèlme s'était doucement avancé vers la jeune femme et lui posa une main apaisante sur l'épaule. Baissant son regard vers elle il l'observa avec tendresse.

— Mina, tu es sûre que ce soit nécessaire ?

En ponctuation, Edwinn tenta d'étouffer une toux rauque et, n'y tenant plus, finit par expulser violemment tout air de ses poumons. Lorsqu'il retira sa main de sa bouche, la vue d'une paume ensanglantée fini de détruire les doutes de Malvina.

Un minois plus inquiet que jamais croisa le regard bienveillant d'Athèlme. Un minois qu'il scrutait avec attention, prêt à réagir, peu importe sa réponse.

Comme d'habitude, il était là, à ses côtés et lui montrait qu'il serait toujours présent. Qu'il la suivrait au bout du monde s'il le fallait, jusque sur les Terres Inconnues. Elle aimait son frère pour ça. Pour sa générosité et ses petites attentions. Celles-là même qui la plaçaient au centre de ses priorités. Elle l'aimait pour son âme pure et son amour, simple, mais intense.

— Père, si tu le veux bien, je vais t'examiner rapidement. Tu ne sentiras rien mais ne bouge pas.

Edwinn ne riposta rien, si ce n'est qu'il continuait vainement d'essuyer le sang sur sa peau.

Sans attendre de retour de son paternel, elle tendit ses mains qui déjà s'illuminaient d'un léger halo bleuté. Ragaillardie par la présence solidaire d'Athèlme, elle s'avança vers son père et établi le contact sur ses épaules. Les yeux fermés, le font plissé par la concentration, son travail commença. La lumière cristalline, divine, quitta les mains qui l'invoquaient et se répandit le long du corps d'Edwinn, explorant chaque recoin de sa constitution. Dans la pièce, plus personne n'osait parler, ni même respirer, mis à part le vent qu'on entendait jouer avec l'herbe haute des champs. La pièce scintillait d'énergie dorée et bleutée, comme éclairée par un millier de torches éclatantes.

Brisant le silence, Malvina sursauta et se jeta en arrière brusquement. L'ambiance féerique s'éteignit aussi soudainement qu'elle avait commencé et la crainte reprit sa place sans attendre, profitant de la nouvelle obscurité du lieu. Athèlme se précipita pour la soutenir alors que les jambes de la jeune femme menaçaient de lâcher, sous les yeux arrondis de surprise des deux parents.

— Est-ce que... c'est une réaction normale ? se renseigna Edwinn, se sentant un peu stupide de poser la question.

Sa fille semblait épuisée. Elle était adossée à un mur, les yeux dans le vide, essoufflée et trempée comme si elle venait de traverser l'océan Falïal à la nage.

— Je ne sais pas ce que c'était, articula-t-elle dans un souffle, avant de tourner la tête vers son confident. Athèlme, c'est très grave. Nous devons partir tout de suite !

N'attendant pas plus d'explication, le guerrier se dirigea vers la sortie et invita tout le monde à sortir de la petite maison rapidement. Une ombre s'éloigna prestement à l'insu de tous, en même temps que la petite famille sortait sur le perron.

— Je dois demander aux voisins de nourrir nos bêtes le temps de notre absence, s'inquiéta Miranda.

— Ne t'affole pas, je m'en charge. Accompagne plutôt Edwinn, la devança Athèlme qui courait déjà vers la première chaumière.

Il frappa rapidement à la porte de bois et, alors qu'il allait réitérer son geste, le battant s'ouvrit, laissant apparaître une petite silhouette familière.

— Athèlme ?

Trop étonné pour répondre, ce dernier se contenta de hocher la tête. C'était Kilna. Elle observait le nouveau venu avec curiosité, ses yeux illuminer d'un bonheur sans faille. Sous le choc, Athèlme ne pouvait se résoudre à quitter des yeux son petit ventre rebondit.

— Ça alors, si tu savais comme je suis contente de vous voir ici ! s'écria l'ancienne domestique qui venait d'apercevoir Malvina en se penchant sur le perron.

— Depuis quand es-tu dans ce village ? et enceinte ? la questionna-t-il, hurlant presque de surprise et de joie.

Ses émotions le submergeaient. Kilna avait été comme une grande sœur pour lui lorsqu'elle était au château. Elle l'avait aidé, défendu, accompagné lorsqu'il se sentait seul. La voir heureuse le transcendait de joie.

— À vrai dire, c'est assez récent. Après les services que Holf a rendu à Sora en me protégeant, Sar Ier nous a offert cette ferme, répondit-elle toute rougissante, faisant l'impasse sur sa grossesse.

Athèlme n'en croyait pas ses yeux ! À ce moment-là, Holf arriva derrière sa compagne et l'enlaça amoureusement.

— Je me disais bien avoir reconnu cette voix, commença le mérolt chaleureusement, en glissant un baiser dans le cou de Kilna.

— Prend-bien soin d'eux, le mérolt, lança Athèlme au futur papa dans un clin d'œil.

— Cela va de soi, j'ai commencé à prendre soin de ma femme dès la première minute ou nous nous somme croisé je te rappelle, lui répondit l'homme à la peau bleue dans un sourire ravi. Qu'est-ce qui vous amène Général ?

Rapidement il leur expliqua leur situation critique et ce fut évidemment avec plaisir que les deux fiancés acceptèrent de leur rendre service, non sans cacher leur inquiétude quant à la santé d'Edwinn.

Pendant ce temps-là, Malvina avait commencé à installer son père sur le dos de sa jument. D'un simple regard, l'animal compris la détresse de sa jeune maîtresse. Elle s'était instantanément couchée devant l'homme chétif qui pue l'enjambé sans effort. La jeune femme adressa un remerciement sincère à sa jument et fut encore une fois étonnée de recevoir une réponse, caresse de son âme, douce et apaisante. Elle regarda Galia attentivement. Celle-ci avait son regard d'ambre plongé dans le sien, plus clair que tous les mots du monde.

Intriguée Malvina se promit d'approfondir ce lien étrange qui la liait avec son destrier et posa une main délicate sur ses naseaux. Le cheval appuya plus fort le bout de son nez contre la paume en signe de contentement. La jeune fille rejoignit son père d'un bon gracieux, se positionnant derrière lui afin de pouvoir l'encadrer de ses deux bras. Athèlme revenait déjà et aida sa mère à prendre place sur Mirage.

— Attention à ne pas trop vous pavaner dans cette belle armure Général, vous risqueriez d'attirer l'attention, s'amusa Holf dans un geste d'adieu.

Le grand guerrier sourit nerveusement, concentré sur son destrier. Il eut comme à son habitude un léger tremblement dans la main avant de la poser sur l'encolure de son étalon. Bien que cet animal ait réussi à gagner sa confiance, sa phobie restait bien réelle. Mirage observait son maître avec une tendresse évidente. Il était le calme et la sérénité incarnée. Accueillant la charge menue de Miranda, il ne bougea pas tant que son cavalier n'avait pas pris place fermement.

— Tu es décidément un cheval formidable, j'ai honte de me méfier de toi, lui murmura Athèlme à l'oreille.

Mirage souffla dans un acquiescement on ne peut plus éloquent, tirant un sourire à son cavalier. Enfin prêt, le petit groupe se mit en marche, reprenant le chemin inverse.

— Soyez préparer pour un futur mariage ! Vous avez intérêt à contrer votre prophétie dans les temps ! hurla gentiment Kilna, secouée par sa main qui s'agitait dans l'air.

Les plaines herbeuses s'étendaient à perte de vue devant eux, tandis que la forêt bordait leur itinéraire. Les grands chênes de Sora, ancêtres immémoriaux de Brazla, dominaient le pays. Malvina aimait se sentir ainsi protégée par leur posture majestueuse. Elle observait ces nobles végétaux avec toujours la même admiration et les sentaient l'emplir d'énergie vitale.

Elle fut sortie de ses pensées par un basculement fébrile entre ses bras. Son père oscillait faiblement sur sa monture, sans force ni résistance. Les sourcils froncés, elle raffermit sa prise autour du petit corps malade. Comment, en moins d'un jour, avait-il pu souffrir autant. Elle ne supportait pas le voir ainsi, son estomac se serrait à chaque nouvelle preuve de son piteux état.

— Es-tu sûr que tu n'étais pas malade plus tôt, père ?

— C'est arrivé cette nuit, ma fille. J'en suis certain. La maladie s'est installée sournoisement en peu de temps. Mais, je n'aurais jamais imaginé qu'elle puisse prendre cette ampleur. C'est une chance que vous soyez arrivés. Jamais je n'aurais accepté la gravité de la situation si tes yeux n'avaient pas été si expressifs.

— Tu n'as aucune idée de ce que cela peut être, donc ?

— Aucune, notre vie est loin d'être tumultueuse tu sais. Les jours s'enchaînent et se ressemblent dans une routine que nous apprécions, Miranda et moi.

— Je suis heureuse que vous ayez trouvé votre bonheur à deux. Maman serait fière de toi ! répondit-elle en entendant la manière que son père avait de prononcer tendrement le prénom de sa nouvelle compagne.

Edwinn était bien heureux de tourner le dos à sa fille en ce moment. Bien qu'ayant refait sa vie et accepté une autre femme à ses côtés, le souvenir de Karence hantait ses rêves et son esprit. Il la retrouvait partout ; de l'odeur du thé le matin jusque dans le bruit familier de l'étable. Il était persuadé d'entendre parfois son rire résonner dans les prairies et devait se convaincre que ce n'était que le vent qui se jouait de lui. Mais il la sentait à ses côtés. Il savait qu'elle était là, jamais très loin, à l'observer se reconstruire du mieux qu'il le pouvait. C'était le souvenir de sa défunte épouse qui le maintenait réellement à flots, secondé par la présence de Miranda.

— Jamais je ne l'oublierais. Ta mère vivra en moi pour toujours. J'espère que tu ne doutes pas de ça Malvina.

— Je le sais père.

Ce fut la fin de leur conversation, tous deux appréciant d'être invisible à l'autre en ce moment délicat, tandis qu'une petite larme s'échappaient de leurs yeux et roulaient sur leur joue dans une course miroir.

La gorge serrée, la jeune guerrière garda le dos droit et rejoignit Athèlme en quelques foulées rapides. Le petit groupe avançait sereinement, sous un regard qui ne les espionnait pas pour la première fois.

***

Luvac, silencieux comme une ombre, les suivait à distance. Il était resté camouflé derrière l'étable le temps qu'ils se mettent en route et à présent il s'assurait de rester hors de vue. Le sortilège de discrétion qu'il avait lancé sur lui et sa monture l'affaiblissait mais il se réconfortait en sachant que bientôt il serait de retour au palais. Il n'était pas invisible mais pratiquement impossible à repérer à plus de quelques pas. Satisfait de son petit tour de magie, il écoutait les conversations résonner dans la plaine. En découvrant le mal qui ronge Edwinn, il fut surpris de ressentir un pincement au fond de son estomac. Dans un souvenir accusateur, il revoyait le rapace chatoyant s'élever dans les airs, libéré de sa main. C'était cette main qui avait accueilli l'oiseau de proie. Cette main qui l'avait relâché. Il était responsable de son état, des perles salées qui maculaient discrètement le visage de la guerrière, des sillons de sel qui parsemaient ses joues roses.

Surprit, il porta une main à son ventre, piqué par la douleur et le tiraillement qui naissait dans son abdomen. Etait-ce de la culpabilité ? Si tel était le cas, il ne se serait jamais douté que cela puisse être aussi douloureux. La lame du déshonneur serpentait en lui, enflammée, coupante, destructrice.

— Tu ne sais pas ce qu'est la culpabilité et tu ne le sauras jamais. Les émotions sont destinées aux faibles, Luvac, se sermonna-t-il sans retenu.

Encouragé par ses propres paroles, il accéléra l'allure afin de dépasser le petit groupe par les bois et ignora divinement le brasier dans son ventre.

Le prisme avait bien agit. Il lui offrait ce que le monde avait de plus précieux : du temps. Ce petit bout de temps était ce qu'il lui fallait pour obtenir plus de confiance chez Athèlme et plus d'information sur la situation. Sa quête se déroulait parfaitement. Le Prisme croyait en lui, Malvina croyait en lui et d'une manière ou d'une autre, la Relique serait à lui ! Retroussant les lèvres dans un rictus de satisfaction, il savourait déjà sa future victoire et peinait à imaginer la gloire qui en ressortirait. Cependant, il lui fallait encore faire avouer le sortilège dont il était victime à Malvina. Elle devait l'en libérer et ce, à n'importe quel prix ! Trop pénible, trop douloureux, trop inutile. Les émotions ne faisaient que le retarder et le faire douter. Plus vite il serait de retour au château, mieux il se porterait.

— En avant, Cuarzo, lança-t-il doucement à sa monture qui s'ébroua.

La tour de Creïka s'étendait déjà au loin, se dessinant dans le ciel gris. Ce jour-là, elle n'illuminait pas les plaines de Sora de son halo vert. La pluie et les nuages la privaient du chatoiement solaire. Trempé jusqu'aux os, Luvac sentait son étalon s'enfoncer dans le terrain boueux et lutter pour avancer. Seules quelques heures le séparaient encore du château. Il flatta l'encolure de la bête pour l'encourager. Chaque pas émettait un bruit sourd de succion et le jeune homme se félicita encore une fois pour son sort qui le conservait malgré tout sous couvert.

— Par Mélak, je n'avais pas prévu cela, jura-t-il entre ses dents serrées.

Il pensait qu'une fois la tension entre Merïa et Sora apaisée, les portes du palais auraient retrouvé leur habitude de rester grandes ouvertes, prêtes à accueillir visiteurs et âmes égarées. Il s'était fourvoyé. Le pont était relevé à son maximum et quatre gardes scrutaient l'horizon sans relâche.

Agacé, il se résigna toutefois à mettre pied à terre. User à outrance de sa téléportation le fatiguait et il ne savait jamais quand un autre voyage était possible. Mais sa capacité de choix était trop limitée.

— Reste ici mon grand, souffla-t-il à Cuarzo qui l'observait avec attention. Je reviens te chercher d'ici peu de temps, attend-moi.

L'animal n'eut pas le temps de se poser plus de question, déjà Luvac avait disparu sans déplacer une goutte de pluie. Loin d'en faire une affaire, l'animal baissa le museau vers l'herbe tendre qui s'offrait à lui et commença un repas qu'il jugeait bien mérité.

Luvac apparut d'un coup derrière une armoire de l'armurerie. Il se glissa dans la grande cours, s'équipa de son armure et de son épée, puis enchaîna fentes, coups d'estoc et parades sur le sable détrempé du terrain d'entraînement. Le ciel déversait ses dernières pluies avant la saison morte, trempant le sol et les hommes. Luvac continua de simuler son entraînement intensif jusqu'à l'arrivée d'Athèlme. Une fois qu'il était sûr d'avoir été repéré par le Général, il s'éclipsa en direction des écuries, contourna discrètement les nouveaux arrivants et se positionna proche de la sortie.

***

— Nous voilà enfin arrivé ! annonça Athèlme avec joie.

Tous les quatre tremblaient comme des feuilles suite aux assauts effrénés de la pluie. Les derniers mètres parurent être une éternité. Le mauvais temps les avait surpris à mi-chemin, alors qu'aucun d'eux n'étaient préparé pour endurer les assauts glacials de la saison. Malvina avait ôté sa cape pour protéger son père du mieux qu'elle le pouvait. Ses cheveux tombaient mollement dans son dos, des mèches se collaient sur son visage et dégoulinaient dans son cou. Tremblante, elle accéléra l'allure, impatiente de se sécher au coin d'un feu. Miranda ne semblait pas en meilleure forme, complètement arc-boutée contre son fils, elle tentait de rester à l'abri des gouttes du mieux qu'elle pouvait.

Moïe, ayant été averti de leur arrivée, les attendait déjà dans la grande cours, le regard inquiet. Ils n'étaient pas censés rentrer avant d'avoir récupéré la première relique et Malvina ne pouvait que comprendre sa mine déconfite.

Athèlme aperçut le jeune Luvac s'entraîner farouchement et ne put ressentir un élan de fierté pour sa recrue. Une fois la grande cours traversée, le petit groupe se retrouva devant le mage et leur roi, prêt à raconter leur dernière péripétie. C'était sans compter sur l'interruption de Luvac qui s'élançait en hurlant vers le pont.

— Cuarzo ! Revient ici tout de suite !

Il traversa le pont à toutes jambes sans cesser ses appels.

— Messire Luvac, aucun cheval n'a traversé le pont, tenta de le raisonner un des gardes, en vain.

— Bougre d'imbécile, bien sûr que si ! Vous êtes juste tous trop occuper à observer le bras droit et sa crinière blonde pour vous en rendre compte. Et quand je dis bras droit, c'est certainement pas la partie que vous lorgnez le plus ! Bande de dépravés !

Il continua sa course de plus belle jusqu'à retrouver son cheval, toujours occupé à son activité favorite. Rapidement il sauta sur la selle et regagna la grande cours, la tête haute.

— Quand je vous dis que vous ne voyez rien, vous autres, lança-t-il une dernière fois aux garde avant de rejoindre les écuries.

Malvina ne put retenir un gloussement face à la scène insolite, contrastant avec l'air béat de son frère. Il n'arrivait pas à se décider entre rire et énervement face à tant d'impudeur.

— Eh bien ! Il semblerait que notre jeune recru ait gagné en assurance, s'amusa Sar Ier, bousculant dans une franche accolade un Moïe pétrifié par tant d'audace

— Monseigneur, nous sommes revenus afin de présenter mon père aux bons soins de Moïe. Il est atteint d'un mal qui le ronge et nous n'avons eu d'autres choix que de faire demi-tour.

— Emmenez le tout de suite à l'infirmerie ! ordonna ce dernier à deux gardes. Malvina et Athèlme, courrez vous sécher ! Nous ne pouvons risquer que vous attrapiez la mort à votre tour.

Il courut ensuite, dans le claquement des tissus mouillés de sa tunique, rejoindre l'infirmerie, une mine inquiète gravée sur son visage habituellement si serein.

Miranda avait également suivi son amant tandis que les deux jeunes gens, obéissants, rejoignirent une des salles du château dans laquelle brûlait un grand feu de cheminée. Bien malgré la scène burlesque à laquelle il s'était adonné, Athèlme avait pu apercevoir Luvac s'entraîner. L'étonnement de lui découvrir un caractère aussi persévérant avait été intense. Il n'avait jamais soupçonné que sa nouvelle recrue continue sa formation pendant son absence.

Dans un soupir de bien-être, il se laissa aller en même temps que Malvina au coin du feu, savourant le tapis moelleux qui l'accueillait. Des vêtements secs leur avaient été apportés et déjà leurs cheveux commençaient à s'alléger de toute l'eau accumulée. Enroulée dans une couverture, Malvina faisait face aux flammes, laissant danser le feu dans ses yeux songeurs.

— De quoi te soucies-tu, Mina ? Ton père est en sécurité ici.

— Sa maladie est étrange. Cela ressemble à un mal qui se serait immiscé à l'insu de tous, le rongeant petit à petit. Jusqu'où cela aurait-il été si nous n'étions pas allés les voir ? Combien de temps aurait-il survécu ? À quel prix ?

Elle s'était exprimée d'un ton vibrant d'émotion.

Athèlme ne sut que répondre, mais alors qu'il sentait sa sœur sur le point de craquer il la prit dans les bras. La jeune fille s'effondra dans son étreinte, laissant sortir toutes ses peines et ses craintes enfouies pendant si longtemps. Sanglotant, elle s'abandonna dans la puissante étreinte de son frère. Jamais il ne l'avait sentie aussi fragile, sensible et il la sera encore un peu plus fort contre lui. Au bout d'un moment, un petit bout de nez rougi sorti de son cou et Malvina l'observa avec reconnaissance. Ses yeux étaient encore embués de peine, mais la détresse qu'elle ressentait un instant auparavant semblait s'être envolée.

— Je te demande pardon, Elme... et merci.

— Rien de plus normal, ma sœur, je serais toujours là pour toi et tu le sais.

Athèlme desserra un peu sa prise et lui adressa un sourire plein de réconfort. Jamais son amie ne l'avait remercié pour sa présence. Cette petite phrase, c'était plus qu'il n'espérait. Plus puissante que l'amour, il se rendit compte que leur amitié fraternelle surpassait tout le reste et il dû donner raison à Moïe : Ils étaient vraiment des âmes sœur.

Brisant le silence apaisant qui s'était installé, la porte s'ouvrit pour laisser entrer Luvac.

— J'ai entendu dire que vous étiez rentrés. Est-ce que tout va bien ? demanda-t-il innocemment.

Se levant, Athèlme abandonna Malvina et se rapprocha de Luvac. Il apposa une main amicale sur son épaule.

— Je vous laisse un peu tous les deux, je pense que ma sœur a besoin de toi. Mais je ne veux plus jamais t'entendre t'adresser ainsi à nos confrères, bien que la scène ne fût pas dénuée de tout humour. Est-ce clair ?

Luvac accepta d'un hochement de tête et rejoignit Malvina tandis qu'Athèlme disparaissait derrière la grande porte de bois. 

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