Chapitre 10 - Les Richesses de Sora [Réécriture]
-8 ans avant ADLP- (saison de la vie)
Au petit matin, Athèlme fut brusquement tiré de son sommeil par le chant d'un coq d'une ferme voisine. La vue encore brouillée, il vit Malvina se réveiller à son tour, apparemment dérangée elle aussi par le volatile. Elle se frotta les yeux sans ménagement. L'idée de recevoir sa première leçon d'histoire lui faisait déjà battre le cœur à tout rompre comme une bonne dose d'adrénaline. Déjà sa tête débordait d'idées et en apercevant Athèlme, ce fut avec joie qu'elle partagea toute son énergie.
- Vite ! Il faut qu'on se dépêche ! On risque d'être en retard pour notre leçon !
Dans son hystérie matinale, elle avait déjà sauté du lit et envoyait sur Athèlme pantalon, chemise et chaussettes. Quelque peu dérouté par ce réveil plutôt inhabituel, il daigna toutefois se vêtir, non sans grogner son mécontentement. Bien que d'un naturel plus calme au saut du lit, il ne pouvait s'empêcher de réfléchir déjà à ce qu'ils allaient bien pouvoir apprendre aujourd'hui. Si Moïe pensait leur apprendre la géographie de Brazla, il sera certainement étonné par son niveau déjà très avancé ! Sa mère lui en avait déjà beaucoup appris à ce sujet... sa mère. Cette simple pensée fit ressurgir en lui l'image de sa ferme, de la rivière qui s'écoule non loin et de son petit village. Son cœur se serra et l'idée que sa vie ne serait plus jamais la même embua ses yeux. S'essuyant sauvagement le coin de l'œil d'un revers de manche, il dissipa toute nostalgie et se leva avec fougue. Il ne serait pas dit qu'Athèlme Dan'Tan était un garçon pleurnichard.
Le sortant de ses pensées, un serviteur vint les chercher pour les mener aux bains chauds puis leur fournit deux belles tenues en tissu de qualité. Malvina fut enchantée de recevoir une robe de soie aussi élégante, elle qui n'avaient toujours eu que des habits de ferme. Le vêtement était pourtant des plus banaux, de couleur vert émeraude, décoré de quelques dentelles. Athèlme quant à lui, avait reçu un très bel ensemble bleu clair qui rappelait les plages de Merïa. Se sentant revigorés après les bains, ils s'attelèrent à la suite de leur toilette avec entrain. Malvina ne savait où regarder. La salle d'eau était emplie de petits pots aux multiples odeurs, de brosses, de serviettes en coton et de sels de bain divers et variés. Le tout dégageait des senteurs florales exquises. Elle se serait volontiers jetée dans la totalité de ces produits afin d'en savourer tous les effets si le temps le lui avait permis. Quittant à regret la pièce, elle emboîta le pas à Athèlme pour rejoindre le buffet.
Malvina dévorait sans prendre le temps de respirer le contenu de son assiette. Athèlme la soupçonnait de ne même pas prendre conscience de ce qu'elle avalait, impressionné par sa performance. Malvina ne pouvait résister à l'appel de son cours. Son impatience était incontrôlable et plus les minutes passaient, plus son estomac se contractait sous l'envie irrépressible de courir rejoindre Moïe. Lorsque son plat fut entièrement vide, elle observa Athèlme attaquer sa deuxième tartine, le plus tranquillement du monde, prenant le temps de bien la tartiner. Il avait déjà avalé une bonne quantité de fruits frais au vu des épluchures qui remplissaient son assiette. Malvina continuait de le regarder sans ciller, assistant à sa lente mastication. N'y tenant plus, elle se saisit de la tartine, l'avala d'un seul coup, saisit le bras d'Athèlme et le força à la suivre dans les escaliers.
- Mais je n'avais pas fini ! se plaignit Athèlme.
- Tu as déjà englouti la moitié des réserves des cuisines. C'est amplement suffisant et nous allons être en retard, répliqua-t-elle sans ralentir sa course.
Malvina qui jusque-là l'avait traîné sans ménagement, jugea qu'ils étaient à présent suffisamment loin du buffet pour lâcher son camarade. Le trajet était rempli de couloirs et les deux enfants durent faire appel à leur sens de l'orientation le plus aigu pour ne pas se perdre. La résidence de Moïe était dans la partie la plus haute du château. Après une multitude de portes, de virage et de salles traversées, ils arrivèrent donc tous deux à bout de souffle une fois les quelques vingt étages du palais gravis.
- Bienvenu les enfants, vous avez bien dormi ?
- Bonjour professeur, répondit Malvina, oui très bien je vous remercie.
Elle n'attendit aucune invitation de la part de Moïe et se jeta sur la table la plus proche de lui. Athèlme, encore frustré par la fin trop hâtive de son petit déjeuné se contenta de grogner une vague approbation et prit place, à l'opposé de Malvina.
- Bien, ravi que vous soyez satisfait de l'accueil de notre monarque, répondit Moïe en jetant un coup d'œil curieux en direction d'Athèlme. Aujourd'hui je vais vous enseigner la géographie de notre continent.
Athèlme retrouva le sourire à cette idée. Il allait pouvoir clouer le bec de Malvina en étalant tout son savoir et Moïe le féliciterais abondamment pour sa culture. Oubliant toute frustration, il était à présent concentré uniquement sur la prochaine question que Moïe allait leur posé. Il était hors de question qu'il laisse Malvina lui voler la vedette.
- Bien, commença Moïe, vous connaissez sûrement déjà quelques royaumes. Pour commencer, combien y en a-t-il ?
- Il y en a sept, affirma Malvina en se remémorant les quelques sources de culture que lui avait transmises sa mère.
Athèlme qui avait déjà ouvert la bouche pour répondre, lui lança un regard noir, furieux de s'être laissé devancer. Il se pencha plus en avant sur sa table, comme si cela lui permettrait de gagner en vitesse.
- Très bien jeune fille. À part Sora, pouvez-vous me citer d'autres royaumes ?
- He bien il y a... commença Malvina
- Merïa ! ... et Creïa ! hurla presque Athèlme en coupant Malvina dans son élan.
- On dit Creïka, sinon oui c'est une bonne réponse, affirma Moïe, quelque peu interloqué par le duel qui lui faisait face. Il y a aussi le peuple de Merïa, « mer d'acier » en notre langue, appelé les Mérolts, et pour Creïka, voulant dire « épée du lac », ce sont les Cavaliers Creïs. Il y a aussi Flendïa, la forêt des elfes, surnommée « forêt de lumière », et enfin Ninetïa, le royaume des nains. On peut aussi parler des terres désolées, peuplées de tribus nomades et pour finir la forêt d'Imalt. Qui sait quelque chose sur cette forêt ?
Malvina allait prendre la parole, quand dans un débit ultra rapide, Athèlme monopolisa la parole.
- La forêt d'Imalt est prénommée ainsi car Imalt était un sage qui contrôlait la force de la terre et était en accord avec la nature. Il n'appréciait pas la façon dont les terrestres exploitaient les richesses de cette forêt et décida de la sacrer puis de rendre son accès interdit à toutes les races du continent. À présent, personne ne sait comment forcer l'accès ni même ce que contient la forêt.
- Très bien répondu Athèlme. Je suis fier de toi. Demain nous verrons les fleuves et les montagnes. Je vous laisse un petit temps de répit. Rejoignez-moi dans la cours d'ici un moment.
Malvina se leva d'un bond et alla se dresser face à Athèlme, les mains sur les hanches.
- Qu'est-ce que tu fais ? demanda-t-elle sèchement.
- Rien du tout, répondit-il en adoptant un faux air innocent et surpris.
- Tu es ridicule, tu le sais ça ?
En lançant cette dernière insulte, Malvina tourna le dos d'un geste théâtrale, fouettant Athèlme au visage avec ses cheveux. Elle quitta ensuite la pièce sans l'attendre d'une démarche volontairement furieuse.
- Athèlme ?
Il se retourna vers Moïe, arborant son regard le plus angélique.
- Ne fait pas semblant. Je vois bien que tu essayes de te mettre en avant...
- Non je...
- Je n'ai pas terminé, le coupa Moïe. Ton ambition te mènera loin Athèlme, elle fait partit de ce que tu es et elle te rendra pratiquement invulnérable. Mais tu dois l'utiliser à bon escient, avec les bonnes personnes et de la bonne manière.
- Mais je...
- Ne proteste pas. Écoute plutôt ce que je t'explique, c'est également une leçon. Malvina et toi êtes liés désormais. Vous devrez être solidaires si vous voulez réussir. Te mettre en avant, aux dépens des autres, n'est pas chevaleresque et tu mérites bien mieux que cela. Réfléchit bien à ça. Maintenant tu peux disposer.
Confus, Athèlme se leva et suivit les pas de Malvina. Toute fierté venait de lui être enlevée en seulement quelques phrases et il détestait ce sentiment. Frappant le sol à chacun de ses pas, il ruminait les paroles de Moïe, cherchant par tous les moyens de se justifier face à lui-même. Mais plus il y pensait, plus il revoyait le visage furieux de sa camarade et la déception qu'il y avait lu. D'un autre côté, elle n'avait qu'à répondre plus vite. Après tout, ce n'était pas de sa faute s'il était plus rapide !
Tandis qu'il était en voie de se convaincre, il se retrouva dans la cours, face à Malvina assise sur un banc, le regard baissé et les yeux attristés. Cette vue fini de briser les dernières justifications qu'il se trouvait. Lui, Athèlme Dan'Tan, venait de rabaisser sa seule amie présente pour briller à ses dépens... Peu fier, il se dirigea vers sa camarade et vint s'asseoir à ses côtés.
- Je suis désolé, bredouilla-t-il dans sa barbe.
Ne s'y attendant pas, Malvina doutait de n'avoir pas bien entendu.
- Quoi ?
- Ne me le fait pas répéter Mina...
Demander pardon une fois était une chose, mais se répéter dans son excuse était un exercice qu'Athèlme ne pouvait se résoudre à passer. Pour toute réponse, Malvina posa une main délicate sur le bras d'Athèlme. A ce moment-là une servante se précipitait vers eux, apparemment furieuse.
- Les enfants ! cria-t-elle de loin. Je vous préviens, le roi sera vite informé de votre insolence !
Ne comprenant pas ce qui se passait, Athèlme et Malvina se contentaient de regarder la domestique s'égosiller sur eux, les yeux ronds et la bouche ouverte.
- Ho ne faites pas les innocents ! J'ai retrouvé des traces de votre passage dans le lavoir ! Quand on veut faire des bêtises, il faut savoir être discret...
Toujours à court de mots, les deux enfants restaient penauds, craignant à présent d'être coupables sans le savoir.
- Bien, apparemment vous avez besoin qu'on vous rafraîchisse la mémoire ! cracha la domestique qui leur jeta un drap malodorant, humide et taché de traces marrons.
- Madame... je suis désolée mais je ne comprends pas... essaya de répliquer Malvina.
- Holala pas de ça avec moi jeune fille. Ceci était à côté du lavoir, dit-elle en montrant bien haut une petite fleur attachée à une ficelle. Tu vas me dire que ce n'était pas dans tes cheveux, hier soir?
- Si mais... à présent Malvina était au bord des larmes et ne savaient plus quoi faire.
- Et tu vas me dire que c'est une coïncidence qu'on retrouve par la même occasion de l'eau remplie de bouse ? L'eau du lavoir ?
- Mais nous...
Cette fois c'était Athèlme qui tentait de venir au secours de Malvina, sans succès.
- Ha donc il y a bien un "nous"! rugit la servante en se tournant vers Athèlme. Évidemment qu'il y a un "nous", on ne vous voit jamais l'un sans l'autre! Sachez que le roi sera informé de votre mauvaise farce les enfants. Que ceci vous serve de leçon, la prochaine fois il y aura des représailles !
Une fois sa colère passée, la domestique reprit le chemin inverse et disparut dans les couloirs du château.
Athèlme, le cœur serré et ne sachant que dire ou que faire, se tourna vers Malvina et aperçu de grosses larmes rouler sur ses joues.
- Tu as vraiment rempli de bouse le lavoir ? demanda-t-il, une pointe d'amusement dans la voix.
- Bien sûr que non ! Et toi? Tu as voulu me faire accuser en plus de vouloir faire ton intéressant ?
Athèlme, surpris par ce revirement de situation, resta muet.
- Maintenant je vois ! hurla Malvina, en proie à une crise d'hystérie. Tu veux que je m'en aille ! Tu ne veux pas partager la mission... Tu veux être tout seul pour t'attirer tout le mérite ! Tu sais quoi ? Reste tout seul et ne compte plus sur moi !
Malvina, qui sanglotait à chaudes larmes cette fois, partit en courant dans sa chambre, laissant Athèlme sur place, trop ahuri pour bouger.
Au loin, derrière une des colonnes de marbre, il aperçut un petit garçon qui l'observait, l'air satisfait. Se voyant découvert, il prit rapidement la fuite et disparut. Bien que l'instant fut bref, Athèlme aurait juré avoir vu un air de satisfaction se dessiner sur les petites lèvres de l'enfant. Il ne pouvait se permettre de perdre l'amitié de Malvina deux fois dans la même journée... Le cœur serré il partit à sa recherche, décidé à lui faire entendre raison, et à lui parler de l'enfant qu'il avait vu l'espionner.
Athèlme errait dans le château, admirant tout ce qui s'y trouvait. Après avoir étudié minutieusement chaque tapisserie rencontrée en cours de route, il ouvrit finalement une immense porte de bois de chêne. La pièce qui se découvrit alors était stupéfiante. Il ne remarqua même pas Malvina, attablée au fond de la salle.
Les murs racontaient le passé sans limite d'un continent mythique. La pièce était un livre géant remplie de savoir et de sciences incontestables, l'histoire de toute une ère, de toutes sources de vie depuis la création de cette terre qui était la leur. Tant de connaissances, contenues dans quelques mètres. La bibliothèque se dressait noblement, joyaux du savoir. Son aspect faisait honneur à sa renommée. La bibliothèque de Sora était connue sur tout le continent. Son plafond, soutenu par de sublimes colonnes en pierre sculptées provenant du royaume de Creïka, étaient entièrement peint par l'artiste le plus reconnu de Brazla : Mischkilo di Yamsah. Les dessins représentaient l'évolution complète du continent, sa faune, sa flore et ses formes. Les étagères, sur lesquelles de merveilleux livres à la tranche en fils d'or étaient disposés, avaient été taillées dans les bois les plus précieux, en grande majorité dans le shakam*, le plus rare de tous. Le sol, lui, avait la même apparence que les murs, en pierre des druides, la roche la plus pure que l'on puisse imaginer. Assez reluisante et brillante pour renvoyer un reflet, contenant des filaments d'or qui courent sous sa surface translucide, elle était aussi impressionnante qu'on le disait. Il était dit de cette pierre qu'elle avait la capacité de chauffer tout un domaine lors des grands froids de décembre ainsi que de le refroidir l'été. Cette pièce était de loin la plus belle vue qu'Athèlme n'ait jamais eu l'occasion de voir. Superbe, luxueuse, royale, merveilleuse... rien, aucun mot connu du Sorien n'était à la hauteur de la description de cette bibliothèque. Il y avait des échelles d'or qui longeaient les façades hautes de plusieurs mètres pour permettre l'accès aux ouvrages se trouvant au sommet. Un rayon de soleil qui venait de percer les énormes vitraux vint chauffer la joue d'Athèlme qui sortit alors de sa contemplation pour découvrir Malvina un peu plus loin.
- Cette pièce est un véritable trésor à elle toute seule ! tenta-t-il pour engager la conversation.
Malvina resta silencieuse, s'essuyant encore une fois le coin de l'œil du dos de la main et reniflant profondément.
- Mina, je te promets que je n'ai rien fait... mais quelqu'un nous observait pendant qu'on se faisait gronder...
La fillette releva ses yeux tout rouge et gonflés vers Athèlme, ne pouvant empêcher une pointe de curiosité percer son regard.
- C'était un petit garçon... Il avait l'air très satisfait de la situation.
- Plutôt petit et les cheveux foncés ?
- Je crois bien oui, il n'était pas plus grand que toi en tout cas...
Athèlme n'était pas très physionomiste et préférait alors ne pas s'étendre sur des détails incertains, de peur d'accuser un innocent. Il préféra changer de sujet.
- Et tu sais quoi Mina ? Je suis persuadé qu'elle recèle un secret cette pièce... Reste plus qu'à le dénicher !
- Notre première aventure ? questionna Malvina, le regard brillant.
- Qu'est-ce que t'en dit ? demanda Athèlme, satisfait d'avoir réussi à rétablir le dialogue.
- Ba j'en dis... En avant !
Sur cette joyeuse promesse, les enfants se précipitèrent à leur lieu de rendez-vous avec leur tuteur, oubliant rapidement leurs petites querelles.
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Lexique:
- Le shakam: Arbre magnifique d'une extrême rareté. Son bois contient des filaments aux apparences d'or et d'argent. On lui attribue des pouvoirs fabuleux capables de soigner n'importe quelles blessures ou maladies du moment que l'arbre vivent encore lors du prélèvement de son écorce. Ses feuilles sont toutes en or fin mais capable de résister à des charges très lourdes et des chocs très violents.
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