Rodolphe (Chapitre 9)

La main de son oncle se posa sur son épaule droite en même temps qu'un robot de service venait le rejoindre en lui désignant une allée sur la gauche des premiers sièges.

-Venez, une place vient de vous être réservée par ici...

Saedor prit la parole en chuchotant à l'oreille de son neveu :

-Je n'aime pas l'idée d'être là où on nous le demande, cela simplifie les choses pour un quelconque attentat.

Rodolphe se dégagea un peu brusquement de la main de son oncle posée sur son épaule avant de répondre du même ton, vrillant son regard mordoré dans celui du régent :

-Je le sais, mais en l'occurrence vu la sécurité je doute de risquer quelque chose... Et Aileen sait que je viens défendre son frère et sa sœur. Son intérêt n'est pas de me tuer au vu et au su de tout le monde...

-Et tu as confiance en elle parce que tu l'aimes comme un fou. Evite de te briser le cœur de nouveau, Rodolphe.

Le jeune homme ne répondit rien et se détourna sur sa droite pour suivre le robot qui les guida derrière les colonnes devant les serres fleuries jusqu'à l'avant de la salle, dans l'un des bas-côtés. L'empereur n'avait pas envie de se concentrer sur les dernières paroles de son oncle, même s'il devinait qu'il avait dû faire souffrir celui-ci en refusant de même lui répondre.

Mais il ne se sentait pas dans son état normal, si proche de son fils et de sa femme...

Le robot humanoïde le tira de ses pensées en reprenant la parole d'une voix aux accents métalliques :

-Vos places se trouvent au premier rang.

À quelques mètres des marches sur lesquelles se trouvait le trône sombre, Theobald sur son coussin à côté de sa mère, et le commandant Andrei debout à la gauche de la reine...

La foule du bas côté commença à s'agiter nerveusement sur ses sièges au passage de l'empereur mais Rodolphe n'y prit pas garde, ne se retournant même pas vers son oncle pour un conseil sur la marche à suivre. Il alla s'asseoir sans un mot à la place désignée par le robot, au tout premier rang de l'assistance.

Saedor se laissa tomber sur la chaise de bois blanc la plus proche avec une grimace inquiète et le robot s'inclina avant de partir s'occuper d'autres venus prestigieux.

Une balustrade de bois amovible séparait les bas côté comme l'espace entre les colonnes de la place ménagée pour la famille royale et les avocats. Sandrine et James, les deux accusés, n'étaient pas encore arrivés mais deux sièges proches de celui d'Aileen les attendait, de part et d'autre d'elle même. La jeune femme marquait là sa volonté d'afficher son soutien et de montrer qu'ils n'étaient présents que pour lever des soupçons et non de véritables accusés...

Rodolphe se pencha légèrement en avant par dessus la balustrade, ne voyant pas le geste inquiet de Saedor qui aurait préféré lui voir conserver une attitude parfaitement neutre, et n'écoutant pas non plus tous les murmures derrière lui. Il avait l'habitude de toute façon d'être au centre de tous les regards... Mais à cet instant lui ne voyait qu'un sourire.

Car maintenant qu'il était assez près, il était indéniable que Theobald lui souriait.

L'enfant avait les yeux brillants, tournés vers lui, et un léger rire s'échappait de sa gorge en même temps qu'il regardait Rodolphe avec une amitié sincère.

La foule continuait de grossir, gagnant sans cesse de nouveaux sièges et remplissant la salle dans un brouhaha continuel, mais le jeune homme n'en avait cure.

Il ébaucha à son tour un très léger sourire, fin, franc aussi, avant de reculer pour s'adosser à son siège à regret. Son oncle se pencha alors pour chuchoter à son oreille tandis que Rodolphe ne quittait pas des yeux Theobald qui mimait à son intention avec ses doigts une tête de loup :

-Arrête de faire ça. Tout le monde te regarde...

Le jeune homme répliqua du même ton, avec une certaine douceur cependant, regrettant déjà son attitude blessante des minutes précédentes :

-Tout le monde voit que je m'entends avec le petit prince. Ils en déduiront tous que j'essaie de gagner son influence et son amitié en pensant à l'avenir... qui imaginera seulement la vérité alors que...

Les yeux de Rodolphe s'assombrirent lorsqu'il vit le commandant d'Aileen quitter son siège pour rejoindre Theobald et lui faire gentiment signe de cesser de fixer l'empereur du regard.

-... son père officiel prend si bien soin de lui. Ne vous inquiétez pas mon oncle, tout va bien.

Saedor garda encore un instant son regard fixé sur Rodolphe, triste de voir la peine déferler sur le visage du jeune homme, visible uniquement pour lui qui le connaissait si bien.

-D'accord, alors fais ce que tu veux. Profite du moment... mais essaie de garder à l'esprit que tu ne peux rien faire de plus pour lui que sourire.

Rodolphe ne répondit rien, songeant que c'était trop dur. Trop dur de lui demander de tout sacrifier à une cause, un pays... Oh si Aileen avait pu soudain proposer de rendre Astra à ses habitants ! Alors, il aurait pu proposer la réconciliation... Mais l'AM.Erica n'accepterait jamais aussi facilement de perdre sa prise de guerre.

Ce fut à cet instant que la foule commença petit à petit à se taire. Quatre gardes venaient de refermer les lourdes portes de la salle et des lampes en haut des colonnades avaient été allumées pour palier à l'absence de lumière naturelle provenant de l'ouverture des battants. On avait tout de même l'impression d'y voir comme en plein jour, sans une once d'obscurité, et grâce aux serres sur les côtés, une douce odeur de fleur et d'herbe verte planait dans l'atmosphère, adoucissant un peu la nervosité des personnes présentes qui ignoraient tout des raisons poussant Rodolphe à venir au procès.

En haut du grand escalier à la gauche du trône apparurent alors trois soldats soulevant un fauteuil roulant avec à l'intérieur le prince James. Même de loin, Rodolphe devina combien l'épreuve devait être dure pour celui-ci. Apparaître dans cet état en public n'avait pas l'air de lui plaire...

L'empereur songea à ce qu'il avait lu sur son écran aux informations quelques heures plus tôt à ce sujet. James était allergique à certains médicaments et les médecins avaient été obligés de mettre hors circuit ses jambes pour le sauver... des blessures causées par les enfants d'Astra à l'enlèvement de Theobald.

Qu'aurait ressenti Rodolphe à sa place ? Il se le demandait mais n'était pas certain de vouloir connaître la réponse. De la colère, de la haine, du désespoir aussi...

Mais le visage de James se rapprochant, marche après marche, ne reflétait qu'une profonde peine non feinte et ses traits paraissaient ravagés par sa douleur intérieure.

Toute la salle s'était tue, et Rodolphe pensa que défendre le prince eriquien allait être plus facile que prévu. Il était presque impossible de mimer une peine pareille... L'empereur ne douta brusquement plus de son attachement à sa secrète demi-sœur. Visiblement, jusque ici, il n'avait pas complètement cru Orys sans pourtant en avoir conscience...

Rodolphe détourna son regard du jeune homme brisé en fauteuil pour le reporter plus haut. Sandrine venait d'apparaître elle aussi. Elle était vêtue d'une longue robe mauve foncé, serrée et décolletée, à l'opposé de ce que portait Aileen. Elle portait également des escarpins, et était parfaitement maquillée.

Contrairement aux cheveux en petard de son frère et à la chemise mal boutonnée de celui-ci, Sandrine paraissait parfaite, un peu pâle seulement, et Rodolphe comprit instinctivement qu'elle était du genre à tout faire pour cacher ses émotions. Elle aurait dû comprendre pourtant que dans un tel procès elle avait intérêt à les montrer...

Le jeune homme sentit alors peser sur lui un regard et il détourna les yeux vers le trône, affrontant l'image de la femme qu'il adorait.

Elle le regardait bel et bien. Ses pupilles étaient insondables, fixées ainsi sur lui, et il resta de même de marbre alors que son cœur se mettait à battre soudain un peu plus rapidement dans sa poitrine et qu'une violente envie de se transformer le démangeait brusquement.

Quelqu'un d'objectif l'aurait trouvée moins belle que sa sœur Sandrine. Mais pas Rodolphe. Il la préférait mille fois avec ses cheveux laissés libres dans son dos, ondulés, son fin diadème, seule concession à son statut, mais sa simple tunique et son pantalon blanc. Ses pieds étaient chaussés de chaussures orientales pâles, serrées, probablement d'origine de Nepsys. Et son regard... Lorsqu'il croisa celui de Rodolphe, celui-ci eut envie de bondir par-dessus la balustrade, de tout oublier pour aller la serrer dans ses bras.

Ce fut elle qui se reprit la première et du haut de son trône, rompit leur échange. Le jeune homme sentit avec force alors le vide habituel lui étreindre la poitrine, malgré le sourire que risqua alors Theobald dans sa direction. Si seulement il avait pu être plus fort, plus froid, plus détaché de cette seule passion...

Sandrine et James venaient cependant d'arriver à leur place, le fauteuil du frère d'Aileen poussé à sa gauche en contrebas et sa sœur assise à sa droite. La reine se leva alors dans un complet silence après un regard à son commandant, probablement interrogateur.

-Mesdames, messieurs, vous êtes venus aujourd'hui pour assister à la disculpation de Sandrine et James d'Erica. Oui, disculpation ! Je ne comprends même pas l'accusation qui plane contre eux... La perte tragique de Cyndie Astra nous a tous touché... elle a grandis à mes côtés ces dernières années, comme à ceux de mon frère et ma sœur ! Elle avait été adoptée par notre père, elle était des nôtres. Je tenais à vous dire que je l'ai pleurée sincèrement, et que je sais que cela a également été le cas pour Sandrine et James ici présent. De plus, d'un point de vue de froide observation, tenter d'assassiner la princesse de Sagan en précipitant leur vaisseau sur la planète du même nom ne peut être vu comme une possibilité crédible, car c'est un miracle en vérité qu'ils aient eux réussi à survivre. Je n'aurais pas voulu réunir aujourd'hui d'avocat, de juge, de témoins... Il y en a, mais je préférerais dans un premier temps les voir garder le silence. Je tiens simplement à laisser à mon frère et ma soeur le droit de prendre la parole, ainsi qu'à quelques personnes qui souhaiteront prendre leur défense. Après cela, vous ici présent, je vous demanderai de choisir si oui un non un procès doit être intenté contre eux. Je ne crois pas que cela soit nécessaire...

Aileen avait parlé avec la voix du cœur et Rodolphe vit qu'elle avait ému tout le monde en prenant la défense de son frère et de sa sœur, lui le premier. Et c'était remarquablement intelligent à elle d'éviter un procès dont l'issue aurait été beaucoup plus incertaine avec de possibles dangereux accusateurs.

Rodolphe songea soudain que si Aileen avait prévu cette manière d'agir, c'était probablement pour le court-circuiter lui. Elle n'aurait jamais prévu qu'il ne l'attaque pas mais vienne au contraire défendre James et Sandrine... Cela amena une douleur sourde dans le cœur du jeune homme qu'il tâcha de contrôler pour écouter ce que disait James qui venait de prendre la parole.

-Sandrine et moi voulions partir pour commencer une nouvelle vie sur Figos. Une vie avec Cyndie à nos côtés... J'avoue avoir rêvé de fuir la réalité et de cacher à une partie de l'univers que j'avais perdu mes jambes et que je n'étais désormais qu'un handicapé en plus d'être un prince parfois impopulaire de l'AM.Erica. Cyndie... Cyndie était pour moi comme une sœur, une enfant adoptive mais aimée de mon père. C'était une enfant brisée et hantée par son passé et j'ai rêvé en m'aveuglant moi-même au passage de pouvoir la rendre heureuse. Je voulais que sa vie à nos côtés soit lumineuse, merveilleuse, et lui fasse oublier tout ce qui la déchirait. Je lui ai appris à piloter le vaisseau, pour lui donner un centre d'intérêt pendant le voyage, j'ai tenté d'être toujours présent pour elle...

La voix de James dérapa sur les derniers mots et il baissa les yeux sur le sol, épuisé et vaincu par ses émotions. Rodolphe sentit un début de respect sinon d'amitié le saisir pour le prince ennemi qui termina d'une voix rauque dans son micro portatif pour la foule présente :

-Si j'avais su ce qu'elle ferait, jamais je ne l'aurais laissée seule en vue de la planète Sagan. J'ai cru que ce serait un spectacle qu'elle ne voudrait pas partager avec un eriquien, mais je n'ai pas imaginé qu'elle détournerait la route de notre vaisseau...

James parlait avec une franchise perceptible et une douleur visible, et douter de ces paroles était presque impossible. Il releva d'ailleurs les yeux vers sa sœur à sa gauche et Sandrine prit à son tour la parole.

Calmement, se contenant beaucoup plus. Seule la légère rougeur de ses joues opposée à sa pâleur précédente permettait de comprendre qu'elle n'était pas aussi maîtresse de ses émotions qu'elle voulait bien le faire croire.

-J'avais proposé à Cyndie de rester avec elle en vue de Sagan mais elle a refusé. Je le regrette maintenant. Je me suis réveillée brusquement quelques heures plus tard en sentant le vaisseau tanguer de part en part... J'ai compris immédiatement qu'elle avait fait une bêtise. Peut-être qu'au fond de moi j'avais peur en la laissant seule, je ne sais pas...

Les yeux de Sandrine étaient devenus lointains, et sa voix plus rauque à elle aussi tandis qu'elle continuait.

-Je me suis précipitée dans le cockpit, James est arrivé un peu plus tard. J'ai tout de suite vu à travers la vitre que nous nous dirigions droit sur Sagan... Il fallait reprendre les commandes pour au moins tenter de maîtriser l'atterrissage. C'est ce que j'ai fait... J'ai crié à James et Cyndie de s'accrocher à quelque chose parce que je savais que le choc allait être rude.

Les princes eriquiens étaient tous entraînés au pilotage de vaisseaux spatiaux, et Rodolphe songea que cela leur faisait un point commun. Lui aussi avait eu l'habitude dans son enfance des leçons de vol dans les simulateurs, des catastrophes à gérer, plus encore dans les souterrains où le programme s'était intensifié parce qu'il fallait absolument un maximum de jeunes capable de piloter ce genre d'appareil.

James reprit alors la parole devant la foule émue, silencieuse, après un nouvel échange de regards avec sa sœur aînée.

-Cyndie ne s'est accrochée à rien. Elle a été propulsée violemment en l'air à notre atterrissage... et s'est cognée la tête en retombant. Nous n'avons rien pu faire. Je crois... Je crois qu'elle voulait mourir. Depuis longtemps... Depuis qu'elle avait dû quitter Sagan en fait.

Il se tut ensuite. Rodolphe ne prit pas tout de suite conscience du fait qu'une larme avait roulé sur sa joue, jusqu'à ce que son oncle lui serre doucement la main d'un geste de consolation alors qu'il devait ressentir la même chose que lui. Pendant tant d'années ils avaient écarté l'enfant de leurs pensées... une traîtresse, rien de plus.

Ils avaient été aveugles, ne devinant pas la détresse et la souffrance d'une petite fille qui n'avait plus rien. La détermination de Rodolphe de défendre les seules personnes qui avaient tenté de rendre à Cyndie un sourire n'en fut qu'affermie et il se leva sans attendre de son siège. Son geste attira les regards vers lui et bientôt il eut attiré suffisamment l'attention pour pouvoir commencer d'une voix forte sous le regard inquiet mais rassurant de Saedor :

-Je me suis déplacé ici en tant que représentant des astrayens... Cyndie était ma cousine, je l'ai vu grandir, j'ai connu ses parents, son enfance à Sagan, ses tristesses dans les souterrains... Je suis venu prendre la défense du prince et de la princesse eriquienne. Je connaissais l'enfant qu'était Cyndie, bien que j'ignore encore tout de l'adolescente. S'il y a bien quelque chose en quoi elle tenait cependant, c'était sa planète... En tant qu'empereur d'Astra, je viens vous dire au nom de tous les miens que nous ne les croyons pas coupables. James et Sandrine d'Erica ne seront jamais accusé par Astra d'avoir tué l'une de nos princesses... et si nous les croyons, quel eriquien pourra les accuser ? Cyndie nous était proche, c'est à nous aujourd'hui de juger la situation. Et la seule chose que j'ai à dire, c'est un merci pour avoir tenté de rendre ma cousine heureuse. Je n'aime pas avoir de dettes... Je suis venu payer la mienne en prenant publiquement votre défense.

Le silence retomba alors dans l'immense salle aux colonnades. Saedor paraissait ému, James et Sandrine sous le choc, et Aileen... son regard était toujours aussi insondable mais sa main était crispée sur l'épaule de Theobald venu la rejoindre, debout à côté d'eux.

Alors, la foule rendit son verdict. Elle éclata soudain en un tonnerre d'applaudissement et des centaines de personnes sautèrent par dessus les balustrades de sécurité malgré les gardes vite débordés pour venir congratuler les deux jeunes gens qu'ils étaient près à tuer quelques minutes auparavant.

Rodolphe leva alors de nouveau la tête vers Aileen, et il vit alors distinctement celle-ci former un mot silencieux sur ses lèvres avant de désigner la serre juste derrière le jeune homme. Retrouve-moi.

Il tourna la tête vers l'endroit désigné, le cœur battant, tandis que la foule le bousculait avec de grands sourires, le félicitant au passage de son discours, avant de se diriger vers James et Sandrine d'Erica.

Aileen, aidée de deux gardes et d'Andrei, se frayait un passage pour se diriger vers l'endroit où elle venait de donner rendez vous à Rodolphe...

Le cœur au bord des lèvres, celui-ci se retourna alors pour commencer à s'y diriger, lorsqu'un bras de fer l'arrêta net, l'empêchant de faire un peu de plus.

Le jeune homme voulut se dégager brusquement, avant de croiser le regard brûlant d'inquiétude de son oncle qui secoua la tête avant de murmurer quelques mots seulement perceptibles pour le jeune homme malgré la foule qui les entourait de tous côtés :

-Non. N'y va pas, ne commets pas cette imprudence !

Rodolphe glissa un regard à son oncle, puis murmura soudain du même ton avant de se décider à se dégager :

-Vous avez un jour aimé mon oncle. Laissez-moi être fou au moins une fois dans ma vie, avant de redevenir votre petit empereur parfait.

Et il s'enfonça sans attendre à contresens entre tous ceux qui se précipitaient pour venir porter en triomphe James et Sandrine, laissant son oncle désemparé derrière lui.

Il n'avait pas envie de réfléchir, de penser à sa couronne, à tous ceux qui comptaient sur lui. Pour une fois, il voulait être un homme libre, avec pour seule obligation d'oublier quelques secondes le monde dans lequel il vivait, pour risquer sa vie pour une entrevue.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top