Ça ne peut pas être toi...
"And this secret's all that we've got so far.
The demons in the dark, lie again,
Play pretend, it's like it never ends,
This way no one has to know."
Speeding Cars - Walking On Cars.
Elle
Une goutte d'eau trace une ligne transparente le long de la buée qui s'était formée sur la vitre de la porte que je n'ai toujours pas poussée et je soupire. Ma main fine se referme sur la poignée, puis je l'abaisse sans réfléchir, sans penser, sans me laisser le temps de renoncer. Un bar. Je ne suis pas sûre que ce soit ce qu'il me faut, mais c'est la seule chose que j'ai trouvée pour oublier et basculer dans un monde brumeux où de doux nuages m'emporteront loin de la réalité. La porte s'ouvre, une chaleur étouffante agresse mon visage, pourtant je reste impassible. Mes membres inférieurs me traînent à l'intérieur, tandis que je réduis mes pensées au silence avec une force que je ne me soupçonnais pas. Est-ce que je suis en train de me défiler ? Est-ce que je me dissimule derrière un mur alcoolisé pour me convaincre que tout va bien ? Probablement, mais ce n'est que provisoire.
Les paupières closes, je me familiarise avec la liqueur brûlante qui descend le long de mon œsophage. Le deuxième verre est plus agréable que le premier et je crois que malgré le brouhaha ambiant, malgré l'odeur de sueur accentuée par l'atmosphère fiévreuse, malgré les hommes aux yeux vitreux qui me fixent sans arrêt, je commence à apprécier cet endroit. L'apprécier pour un temps arrêté, déterminé, calculé. Je m'accorde simplement un moment pour oublier la moindre petite contrariété, pour me jeter à corps perdu dans les bras du bonheur artificiel nageant dans la bouteille de Gin déjà à moitié entamée.
Quelques notes de musique retentissent et mon rythme cardiaque s'accélère, autorisant les battements de mon cœur à se déposer sur cette mélodie que je ne connais que trop bien. Les lampes s'éteignent pour accueillir des ampoules colorées qui parsèment l'espace d'une ambiance feutrée, presque rassurante, et je me sens mieux. Quelqu'un fait sonner les touches du piano à queue noir au fond de la salle, et un halo blanc surgit du plafond pour faire apparaître une silhouette masculine qui ne regarde pas la foule. Je me laisse flotter en profitant de la chanson que j'ai aimée plus que je n'aurais dû, puis fredonne les paroles avant même que l'inconnu n'ouvre la bouche.
« You'll go back to him and then I'll go back to her... »*
(Tu vas retourner vers lui et après je retournerai vers elle...)
Cette phrase s'échappe de mes lèvres entrouvertes dans un chuchotement à peine audible, largement couvert par les sons et les mélodies qui fourmillent autour de moi. Pourtant, elle réveille mes souvenirs comme si je venais de la hurler au monde entier. Les flashs de la tornade qui aurait pu renverser mon équilibre si parfait refont surface. L'intensité de mes sentiments passés flambe de nouveau en moi, comme des flammes victorieuses. Celles qui ont bien failli ravager ma vie, mais qui, l'espace d'un instant, m'ont rendue vivante. Le temps d'un souffle, d'un infini bien plus court que les autres, mais qui restera ancré en moi pour l'éternité.
Un timbre doux retentit enfin pour magnifier le morceau de piano qui ne durait pas aussi longtemps dans la version originale et tout mon corps se met à trembler. Les symphonies se mélangent et s'entremêlent dans une voix éraillée remplie d'émotions bien trop puissantes pour ne pas submerger chacune des personnes présentes ici.
Un bouleversement que je connais par cœur me transperce, la musique me déchire et ma mémoire me rappelle à quel point ce garçon fracassé avait pu déchaîner ma vie avant d'être à deux doigts de l'anéantir.
— Ça ne peut pas être toi...
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*Paroles de Speeding Cars par Walking On Cars.
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