Chapitre 26 - Falco
Le chaos. Voilà ce qu’Irina a apporté dans ma vie. Elle y a foutu le bordel avec son tempérament de feu. Pour la première fois de mon existence, je me sens perdu. Je n’ai pas anticipé ce que notre rencontre était susceptible d’engendrer comme dégâts collatéraux. Et il s’avère qu’ils vont être terribles.
Allongé à ses côtés dans son lit, je l’observe dormir paisiblement. Une fois l’Halloween party terminée, nous sommes rentrés à l’appartement où je lui ai fait payer de la plus délicieuse des façons de m’avoir allumé durant toute la soirée. M’envoyer en l’air avec Irina, ça ne ressemble à rien d’autre de ce que j’ai connu auparavant. C’est tout aussi bestial, mais avec une saveur particulière. Je ne me lasse pas l’entendre gémir mon prénom. Je me découvre capable d’une certaine tendresse quand il s’agit d’elle. Je me retrouve à sourire parfois de ses remarques. Ma mission a toujours été de la protéger, mais aujourd’hui, je la mène pour une tout autre raison. Parce qu’Irina est importante pour moi et que je ne tolérerai pas qu’il lui arrive quoi que ce soit.
C’est plutôt ironique venant du mec qui est susceptible de lui causer le plus de mal. Elle apprendra tôt ou tard qui je suis et que je suis là depuis le début pour elle. Que je lui ai menti. Encore et encore. Comment pourra-t-elle croire qu’elle m’a réellement mis à genoux ?
Mon regard ne dérive pas de son visage. Je sais qu’elle va m’être arrachée un jour ou l’autre. Aucune issue heureuse ne nous attend. Son père va vouloir m’éviscérer quand il apprendra que j’ai osé toucher sa fille. Il n’enverra pas son homme de mains comme à la rentrée. Il s’en chargera lui-même pour s’assurer de bien me faire souffrir comme il faut. Si je parviens à y échapper, je ne devrai mon salut qu’à mon père qui devra déployer tout son talent pour les négociations. Et il me fera sûrement la peau après, mais en me laissant la vie sauve au final parce que je suis tout de même son fils.
Et comme si cette merde n’était pas suffisante, ce sera peut-être même Irina qui commencera à se charger de mon cas quand elle saura tout.
J’ai beau tourner ça dans tous les sens, je ne trouve aucune manière de gérer la situation afin que l’on puisse être ensemble. Parler à son père d’homme à homme ? Ça me fait peur. Après tout, Anton Yourenev n’est pas n’importe qui, mais pour elle, pour nous, je serais prêt à le faire. Mais encore faudrait-il que je parle avant à Irina et cela reviendrait à dévoiler ma mission. Impossible. Ça équivaudrait à trahir son père. Pas l’idée la plus intelligente si j’espère ses bonnes grâces. Et ne pas lui révéler ma véritable identité avant de m’adresser à son père, ce serait ne pas tenir compte de son avis. Dans nos familles, nous sommes du genre à ne présenter qu’une seule personne. Je ne peux pas décider à la place d’Irina si je suis cet homme-là pour elle.
J’ai hésité à en parler à mon père lors de son dernier appel. Il revenait aux nouvelles concernant le potentiel petit ami d’Irina. J’ai botté en touche en prétextant que c’était déjà fini et qu’elle était passé à quelqu’un d’autre. J’ai finalement choisi de fermer ma gueule parce qu’il serait bien capable de me faire rentrer de force en Italie et de mettre un autre gars sur le coup s’il apprenait pour Irina et moi.
Ce sentiment que tout ça se terminera en tragédie me fait penser à ma sœur, Valentina. Merde, elle file le parfait amour avec Vincenzo. Le type était flic quand même à la base ! On ne peut pas faire plus compliqué comme situation.
Avec précautions pour ne pas réveiller Irina, je m’extirpe du lit. J’enfile un tee-shirt et un bas de survêtement avant de quitter l’appartement. Une fois sur le palier, je compose le numéro de ma sœur.
— Falco ? me répond-elle, d’une voix étonnée.
— Je ne te dérange pas ?
— Jamais, tu sais bien.
— Comment ça se passe à ton nouveau travail ?
Depuis deux mois, elle bosse pour un site internet qui teste et donne des notes aux restaurants. Je me rappelle à quel point elle était heureuse de décrocher ce job.
— Je m’éclate.
— Tu m’étonnes. Tu manges à l'œil.
— Oui, ben quand tu le fais dans un endroit douteux, crois-moi, ce n’est pas une partie plaisir, mais peu importe. Qu’est-ce que je peux faire pour toi ?
— En réalité, j’aurais aimé parlé à Vincenzo.
— Pourquoi ?
— Disons que je suis dans une merde qui lui rappelera certains souvenirs et que je ne suis pas contre quelques conseils.
— Si tu es tombé amoureux d’une flic, c’est de mes conseils dont tu vas avoir besoin, me charrie-t-elle en riant.
— Maintenant que tu me dis ça, je me demande si ça n’aurait pas été préférable, lui rétorqué-je en méditant au fait qu’une famille de policiers voudrait juste me voir au trou et pas dans une tombe.
— Si tu me disais clairement quels sont tes problèmes, je pourrais mieux t’aider.
— Faut que tu me jures de n’en parler à personne.
— Je suis une Alario, je n’ai qu’une parole, me promet-elle.
— Je me tape Irina.
— La fille Yourenev ? s’étrangle-t-elle. Mais tu es un grand malade ! Y’a pas assez d'étudiantes à Princeton pour que tu sautes sur celle que tu ne dois surtout pas toucher ?
— Irina les surpasse toutes de loin, m’entends-je lui confier, réalisant en même temps à quel point elle se démarque à mes yeux à bien des égards.
— Attends là ! Qu’est-ce que ça veut dire exactement ? Tu te tapes Irina ou tu as une relation avec elle ?
— On s’en fout de ça, Valentina !
— Mais pas du tout ! Ça change tout. Est-ce que tu es amoureux d’elle ?
— Sérieux ? J’en sais rien putain !
— Donc la réponse est oui, se réjouit-elle en poussant un cri de joie. Fais chier, je ne vais même pas pouvoir le dire à Francesca !
— Val, l’interpellé-je pour lui rappeler que je l’entends.
— Pardon, s’excuse-t-elle dans un petit rire, mais c’est tellement inattendu.
— Crois-moi, je suis le premier surpris, raillé-je en ne pouvant plus nier l'évidence.
— Tu dois parler à son père.
— As-tu la moindre idée de qui il est ? C’est le parrain de la mafia russe à Milwaukee. On ne plaisante pas avec ce genre de mec.
— Et tu es le fils de son égal chez nous. Tu devrais au moins prévenir papa pour qu’il réfléchisse à comment arranger les choses.
— C’est trop tard pour ça. Je suis trop engagé.
— Tu comptes faire quoi alors ?
— La livrer aux mexicains et m’en laver les mains ? ironisé-je car si je l’appelle, c’est bien parce que je n’ai aucune foutue idée de comment procéder pour que tout se passe au mieux.
Un bruit discret me surprend. Je me tourne aussitôt en direction de la porte de notre appartement, mais il n’y a personne. Des voix provenant d’un étage plus bas retentissent ensuite. Du calme, mec, putain ! Vous n’êtes pas seuls dans cet immeuble.
— Ton humour est toujours au top niveau à ce que je vois.
— Quand on est parfait, on ne change pas.
— Si tu étais si exemplaire, tu n’aurais pas joué au docteur avec la poupée russe.
— Touché !
— Le meilleur conseil que je puisse te donner est de ne pas penser que c’est perdu d’avance. Si vous vous en donnez les moyens, vous pourrez être ensemble.
— Comment est-ce que tu peux posséder autant de naïveté en étant née dans notre famille ?
— J’appellerai plutôt ça une force de caractère et il faut croire que j’en ai plus que toi.
Un ricanement mauvais m’échappe. Ma sœur est ressortie de prison plus vaillante qu’avant d’y entrer, mais elle restera toujours ce petit oiseau fragile.
— Je vais y penser alors.
— Ouais, c’est ça, fais gaffe quand même. Faudrait pas que tu nous fasses un AVC.
Je ne me donne même pas la peine de lui répondre. Je lui raccroche au nez, pas plus avancé qu’avant notre conversation.
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