La promesse - 25

Quelques jours ont passé nous projetant maintenant au matin de l'enterrement de Raphaël. Andrea s'est occupé de son côté du transporteur avec brio et a également repéré notre point de rencontre après l'enterrement, derniers détails qui nous manquaient. Plus le temps de faire machine arrière, nous avons travaillé d'arrache-pied pour mener à bien notre plan, il est grand temps de nous mettre en scène et de jouer notre partition.

La boule au ventre, l'anxiété aux lèvres, face au miroir je termine de me préparer. Telle une veuve noire prête à attaquer sa prochaine cible, je fixe mon reflet plus résolue que jamais, m'interdisant de rater mon coup. Les yeux fermés, je calme mon cœur qui envoie à toute vitesse mon sang se percuter contre les parois de mes veines. J'inspire et expire puis les ouvre. Je m'adresse un sourire malicieux et un hochement de tête pour me motiver. 

 Déterminée, je quitte la chambre et pars en moto accomplir ma mission.

 Après une trentaine de minutes, j'arrive sur les lieux du crime. Riche en souvenirs, la vision du manoir me renvoie plein d'images du passé comme des flash dans mon esprit. Je les chasse vite me concentrant sur mon objectif.

Je me gare et ôte mon casque puis suis quelques personnes qui sont sur le point d'entrer. Une fois à l'intérieur, je me sens frissonner, une atmosphère pesante et lugubre règne sur les lieux. Malgré les grandes ouvertures, la luminosité est faible. Lustres et appliques murales sont allumées pour ramener un peu de lumière mais malgré cet effort, la mort domine.

Je reste sagement derrière la foule apercevant déjà la chevelure dorée de notre chère hôtesse éplorée. Malgré les années qui ont passé, je reconnais instantanément son timbre de voix comme si mon esprit l'avait enregistré à jamais.

La file devant moi se réduit et très vite je me retrouve face à une Isabella déconfite. Avec un grand sourire je la salue.

— Isabella, ravie de te revoir en pareilles circonstances ! C'est dingue comme le temps sur toi n'a aucun effet, merci la chirurgie esthétique ! me moqué-je avec un sourire satisfait sur les lèvres.

— Comment oses-tu te montrer ici ?! rétorque-t-elle en prononçant chaque mot derrière ses dents.

Je me rapproche d'elle et lui murmure à l'oreille.

— Tu ne croyais quand même pas que j'allais rater ce merveilleux événement ? Je l'ai attendu depuis tellement longtemps, pas toi ? interrogé-je en me reculant les yeux verrouillés aux siens tout en souriant.

De colère elle ne sait répondre ne voulant pas attirer l'attention.

— Je vais dire un dernier adieu à mon cher beau papa adoré. Tu permets ? On se revoit après.

Je me dirige vers les portes ouvertes mais je sens un bras me retenir. Avant de me retourner, j'aperçois Andy et les trois hommes à leur postes, à leurs côtés se trouve Andrea grimé.

Suite à l'exécution du quatrième homme, nous avons dû revoir notre plan. Nous n'avons pas changé le transporteur comme prévu, nous sommes restés sur le transporteur habituel du traiteur mais nous avons dû corrompre son chauffeur pour pouvoir le détourner.

Comme pour les quatre hommes auparavant, nous avons fouillé son passé et son présent pour voir quel vice sommeillait en lui. Cette petite enflure est adepte de la pornographie, pire encore il espionne sa voisine et a un comportement plus que déviant et psychopathe. Poupées gonflables et mannequins à son effigie, une collection de carnet où il note scrupuleusement tous ses faits et gestes, des sous-vêtements et photos volés. Le genre de mec tordu et répugnant qu'on souhaite voir tomber d'une falaise. Ça tombe bien c'est ce qui l'attend à la fin de cette journée.

Même si nous arrivons à corrompre cet homme le temps de la mission, vu l'enflure que c'est, il sera impossible de lui faire confiance quant à sa discrétion. Alors nous allons gentiment l'utiliser puis débarrasser ce monde de cet être abominable.

Voir Andrea aux côtés du cercueil, me rassure sur le fait qu'il a réussi à corrompre notre petit animal en rut.

Je me retourne et je fais face à Isabella plus rouge que jamais.

— Tu devrais arrêter de forcer sur le blush, on ne va bientôt plus pouvoir faire la différence entre ton rouge à lèvres et ton teint de peau. lui sourié-je.

— Sale garce, il est hors de question que tu ailles voir mon défunt mari !

Avant que je ne puisse rétorquer, elle hausse la voix pour ordonner la fermeture définitive du cercueil.

— Oh déjà ? Mais tu ne veux pas lui dire un dernier adieu à ton cher mari ?

Elle lance un regard noir et me tire pour me forcer à la suivre alors qu'elle se dirige vers la sortie.

Je me retourne pour voir la situation et découvre avec soulagement que les portes sont fermées. Je croise les doigts pour que tout se déroule selon notre plan.

A mesure que nous avançons, les gens s'écartent les yeux écarquillés. Je leur souris poliment tout en me faisant presque traîner.

Une fois à l'extérieur, je sais que je dois tout faire pour gagner du temps car tant qu'Isabella sera occupée avec moi, elle ne pourra pas s'occuper du cercueil ni de ce qu'il se passe.

— De quel droit oses-tu m'empêcher de le voir ? joue-je la comédie.

— Tu le détestais, tout comme nous te détestons ! Tu n'as rien à faire ici, ta place est dans tes misérables marais !

— Ma plage est loin d'être un marais. On sait que tu es blonde mais c'est passionnant de voir à quel point tu le prouves à chaque fois que tu ouvres la bouche.

Alors que je le pensais impossible, elle rougit encore plus à tel point qu'on croirait que ses yeux sont prêts à sortir de leur orbite.

— Tu n'es qu'une pauvre merde qui ne connaît pas le respect et qui ne pense qu'à sa petite personne. Tu ne vaux rien, tu ne sers à rien et ton petit numéro ne prend pas avec moi ! Je ne sais pas pourquoi tu es là mais ce n'est sûrement pas pour dire au revoir à Raphaël !

— En effet, je voulais voir de mes propres yeux son cadavre froid et rigide. Je dois t'avouer que l'annonce de sa mort m'a vraiment prise par surprise et aussi vraiment attristée mais pas pour la raison que tu crois. Je prévoyais de le tuer de mes propres mains et de ne pas avoir pu satisfaire cette envie... rha... je dois dire que ça m'a vraiment frustrée. C'est bizarre tu ne trouves pas ? Qu'un homme en aussi bonne forme disparaisse du jour au lendemain ?

Je sens que sa carapace se fissurer à chaque mot et qu'elle est sur le point de me sauter dessus pour me faire taire.

— Tu ne sais pas de quoi tu parles, le temps s'est écoulé depuis la dernière fois que tu l'as vu. Tu es pathétique. Proférer des menaces de mort sur mon pauvre mari défunt en ses lieux en plus. Tu es vraiment inconsciente, je peux t'anéantir en quelques secondes. Tu oses seulement me regarder, respirer mon oxygène ou me sourire, tu es morte. Tu oses insinuer que j'ai tué Raphaël alors que je l 'aimais ? Ton comportement est écœurant et déplorable. De tous mes regrets, mon plus grand est que ce soit toi qui aies survécu et non Ezio. Le monde aurait été soulagé d'une grande psychopathe !

Je ris à son nez. La nervosité prenant le dessus, je ris de plus belles sans pouvoir me contrôler. Puis au bout de quelques secondes, j'arrive enfin à me calmer.

— Oh ma pauvre Isabella, je suis peut être pathétique à tes yeux et grand bien te fasse mais tu es loin de te douter de ce qui t'attend. Ton heure n'est pas encore arrivée mais elle viendra sois en sûre.

Tout en lui ajustant le col de sa veste, je poursuis.

— Alors continue à te pomponner et à te battre contre le temps car tu n'en n'as plus beaucoup.

— C'est une menace ?

— Non une promesse ma chère. réponds-je en lui faisant un clin d'œil.

Avant qu'elle ne puisse rétorquer, Andy vient vers nous et s'adresse à Isabella d'une voix forcée. Étant elle aussi grimée, Isabella ne la reconnaît pas.

— Madame, nous sommes prêts à emmener le corps pour la cérémonie.

Tout en reprenant ses esprits et en ajustant sa tenue, elle répond:

— Parfait allons-y nous vous suivons.

Andy me fait un clin d'œil puis retourne dans le bureau. Quelques secondes plus tard, l'armée de croque-mort nous passe devant, chargée du cercueil vide ou plus précisément du mannequin.

Je m'apprête à descendre les marches quand Isabella me retient de nouveau.

— On n'en a pas fini toutes les deux.

— Oh j'espère bien. lui dis-je avec un grand sourire.

— May, ne t'avise pas de suivre le corbillard, si je te vois à la cérémonie ou à la mise en terre tu es une femme morte. menace-t-elle.

Je lui affiche mon plus beau sourire puis pars retrouver ma moto. Avant de démarrer, je vois le camion du traiteur me dépasser avec à son bord le chauffeur. C'est un homme d'une quarantaine d'années avec le look du métier. Un vrai bon camionneur repoussant. Je grimace à sa vue. La simple pensée de son esprit répugnant recouvrir le sol de sa charpie sanguinolente au fond d'un ravin suffit à m'apaiser.

Ton compte est bientôt bon petit porcinet. 

Me moquant totalement des menaces d'Isabella, je prends place à la fin du triste cortège.

Arrivée à destination, j'ignore la boule au ventre qui se forme quand je vois se dresser devant moi une magnifique église au style baroque sicilien. Je ne veux pas laisser l'influence de mon père s'immiscer dans mon regard sur le monde. Et pourtant je ne peux nier son existence. Féru de l'histoire de l'Art, c'est à travers ses yeux que je contemple l'imposante façade. Empreinte de flamboyance et de théâtralité, elle nous offre un spectacle envoûtant grâce aux effets clair-obscur.

Conférés par le jeu de lumière et d'ombre, n'est-ce pas papa ?

Je m'attarde ensuite sur les détails car ils sont "l'écrin de la richesse de l'architecture", résonnent ces mots déguisés de sa voix dans mon esprit. 

Une profusion de courbes et d'ornements subliment la façade qui prend la forme d'une arcade. A son sommet trône un clocher couronne qui abrite sous leur propre arc, trois cloches. Au pied de l'église se déploie un long escalier rectiligne qui accentue la majestuosité de l'édifice.

Le tintement des cloches me fait sortir de mon émerveillement, car je dois bien l'admettre, même si nous étions très peu en accord, notre goût pour l'architecture nous rapprochait. C'était d'ailleurs tout ce que nous avions en commun.

Guidée par l'irritation de son souvenir, je me dépêche de gravir les marches pour rattraper mon retard et rejoins les derniers arrivants. En entrant, je me rends compte que l'intérieur est aussi magistral que l'extérieur.

Le travail soigné de la pierre sur les murs habille le bâtiment de sculptures et de décorations uniques. Des colonnes individuelles ornées de dorures viennent contraster avec le marbre coloré incrusté dans le sol.

J'ai beau détester Isabella et Raphaël mais je dois bien avouer qu'ils ne font jamais les choses à moitié et trouvent toujours le meilleur pour leurs événements peu importe leur nature.

Je détache mon regard de l'architecture et mon esprit du souvenir de mon père pour me concentrer sur le monde autour de moi. Chacun trouve sa place et s'installe dans un bruit disgracieux de grincement de bois en attendant que la cérémonie commence. Je fais de même et me place au dernier rang à côté de l'allée principale.

Je remarque que le cercueil trône déjà devant le prêtre et que d'imposants bouquets de fleurs ont été ajoutés. Une grande photo de Raphaël ornée de fleurs a été installée sur le côté. Rapidement, leur vue s'efface pour céder la place à celle de deux familles s'installant devant moi. Je ne tiens pas compte d'eux jusqu'à ce que j'entende le nom d'un des chefs de famille.

Feniosso. Je jurerais avoir entendu ce nom quelque part.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top