Un énorme bruit tire Isaac du sommeil, résonnant dans sa boîte crânienne. Il met plusieurs secondes à identifier le son : il s'agit des cloches de la cathédrale, dont le son retentit avec force dans la nef. Isaac se redresse et observe les centaines d'élèves réunis dans la salle se réveiller tour à tour. La fatigue et l'inquiétude est marquée sur tous les visages. Le garçon chausse ses lunettes et cligne des yeux pour tenter en vain de chasser le sommeil. Il se lève, chancelant, et manque retomber en se retrouvant nez à nez avec Elizabeth. La surprise rosit ses joues et il cligne deux fois des yeux.

« Hum, salut, salut, Elizabeth, marmonne-t-il.

– Salut. On doit aller voir Miss Peregrine. Avant que les cours commencent.

– Miss Peregrine, Miss Peregrine ? »

Isaac la regarde avec perplexité.

« À propos de... ce qu'on a découvert.

– Ce qu'on a... oui, oui, ce qu'on a découvert, bien sûr. »

Elizabeth lève un sourcil.

« Eh bien... dit-il, incertain. Allons-y ? »

Elle acquiesce et fait volte-face. Miss Peregrine se trouve déjà à sa place habituelle, sur l'autel, surplombant l'ensemble de la salle. Bien qu'Isaac suspecte qu'elle n'a pas fermé l'œil de la nuit, aucune trace de fatigue ne marque son visage. Son aura intimidante semble devenir de plus en plus forte à mesure qu'ils s'approchent d'elle, si bien qu'Isaac est forcé de s'arrêter à plus de deux mètres de distance. Semblant enfin les remarquer, la directrice pose sur eux un regard neutre.

« M. Blackburn, Miss Delaney ? Une question ? »

Elizabeth fait un pas en avant.

« Nous aimerions vous parler en privé, Miss Peregrine », dit-elle d'une voix assurée.

Une lueur de curiosité s'allume dans les yeux de la directrice. Après quelques secondes, elle se lève et fait signe aux deux élèves de la suivre. Elle les mène au fond du chœur.

« Qu'avez-vous à dire de si important qui nécessite autant de précautions ? » demande-t-elle d'une voix intriguée.

Elizabeth et Isaac échangent un regard. Le garçon l'encourage d'un signe de tête.

« Nous avons... nous croyons savoir qui est le détraqueur.

– Qui est le détraqueur ? répète la directrice, incrédule.

– Enfin... je veux dire...

– Ce qu'elle veut dire, enchaîne Isaac en prenant son courage à deux mains pour affronter le regard de Miss Peregrine, c'est que nous croyons que le détraqueur est un Particulier, un Particulier.

– Certes, tous les détraqueurs étaient autrefois des Particuliers. Vous ne m'apprenez rien. »

Isaac secoue la tête.

« Non. Nous voulons dire que le détraqueur est à la fois un Particulier et un détraqueur. Un Particulier qui prend occasionnellement la forme d'un détraqueur. »

Un demi-sourire fend le visage de la directrice.

« Et qui serait ce... Particulier-détraqueur ?

– Miss Grimmalkin. »

Miss Peregrine s'esclaffe, remplissant les deux élèves de désarroi.

« Quelles absurdités ! Miss Grimmalkin, un détraqueur !

– Mais nous l'avons... commence Elizabeth.

– Ah, vous l'avez vue ? Mais les détraqueurs sont invisibles, donc vous ne pouvez l'avoir vue, n'est-ce pas ?

– Si, nous l'avons... »

Isaac interrompt Elizabeth d'un léger coup de pied. Celle-ci se mord la lèvre, réalisant son erreur.

« Miss Grimmalkin était avec moi au moment où la seconde attaque a pris place. Elle faisait cours quand la première est survenue. »

Les deux élèves restent sans voix. Le ton de Miss Peregrine a changé, se teintant de colère.

« Vos accusations sont absurdes. Ne venez plus jamais perdre mon temps avec ça.

– Vous verrez, Madame, reprend Elizabeth. Il y aura une nouvelle victime, dans la nef...

– Assez ! »

Des éclairs dans les yeux, la directrice fait volte-face et retourne s'assoir sur l'autel.

« Tu crois qu'elle a raison, en disant que Miss Grimmalkin ne peut être responsable des attaques, des attaques ? » demande doucement Isaac.

Elizabeth pousse un long soupir et plante ses yeux dans ceux du garçon.

« Je n'en sais rien. Je ne sais plus rien. »