Chapitre 1 : Olenka

Olenka n'avait pas dormi de la nuit. Comme chaque année, elle stressait comme une enfant à la rentrée des classes. Mais cette année encore plus que les autres. Elle avait un mauvais pressentiment. Pour se rassurer, elle fit une dernière retouche à son maquillage et redisciplina pour la centième fois ses cheveux dorés. Peu importe la tournure que prendrait sa journée, au moins, elle serait jolie.

Olenka était obsédée par son apparence, et plus globalement par son image. Persuadée de ne pas être assez bien pour les autres, elle était adepte du contrôle de soi et tenait constamment à se montrer sous son meilleur jour. Il lui arrivait de ne pas vouloir sortir de chez elle juste parce qu'elle se trouvait laide. En grandissant, elle avait vite compris qu'en tant que femme dans une société misogyne, son physique jouait un rôle crucial dans les représentations que les autres auraient d'elle. Alors, elle était devenue obsédée par son apparence et le besoin de toujours être parfaite. Parfois, elle se sentait superficielle pour cela et s'en voulait. Mais c'était plus fort qu'elle, alors elle continuait à se plier à cette injonction sociétale qui semblait palpiter dans ses veines.

Elle était déjà fatiguée du retour de ses doutes et de ses prises de tête. Elle avait passé un été formidable et avait participé à un chantier d'actions écologiques en Italie. Elle y avait fait sans doute les plus belles rencontres de sa vie, et là-bas, elle n'avait jamais eu besoin de faire semblant : elle s'était sentie elle-même pour la première fois depuis longtemps. Elle était même sortie avec cette belle italienne, Nina. Malheureusement, elle était désormais de retour à Toulouse, loin de ces souvenirs simples et heureux. Et, à son grand désarroi, le retour au lycée marquait définitivement le retour de la Olenka anxieuse. Elle était bien trop sensible à son environnement.

Elle faisait cette année sa rentrée en première littéraire. Mais ses trois meilleures amies allaient toutes en STMG et feraient de nouvelles rencontres et soirées ensemble, pendant qu'Olenka risquait de passer l'année dans son coin. D'autant plus que ses « meilleures amies » l'ignoraient depuis son retour du chantier, il y a deux semaines. Olenka ne comprenait pas pourquoi, même si au fond d'elle, elle avait une idée. Naturellement, elle leur avait raconté pour Nina, mais elle avait senti leur regard sur elle changer après cette histoire. Comme si le fait qu'elle soit sortie avec une fille changeait drastiquement sa personne. Olenka voulait trouver une autre raison à leur rejet, mais elle n'en trouvait pas - autre que l'éternelle petite voix qui lui chuchotait qu'elle n'était pas assez bien pour avoir des amis.

Il était temps. Elle devait faire son entrée au lycée, et seule. Comme elle admirait les lycéens qui arrivaient à être seuls sans difficultés. Elle avait seulement fait cinq pas dans l'enceinte du lycée qu'elle sentait déjà le poids de sa solitude lui enserrer le coeur. Elle détestait être seule. Elle se détestait trop pour apprécier sa propre présence. Alors elle contourna les grands groupes de lycéens qui avaient envahi le hall pour rejoindre rapidement sa salle.

Malgré elle, elle repéra ses trois anciennes amies, Laure, Nina et Malika. Pendant un moment, Olenka avait espéré qu'elles s'étaient toutes éloignées les unes des autres, pendant les vacances, mais non ; elles s'étaient éloignées d'elle. Et cela faisait terriblement mal. Elles étaient entourées de leur groupe d'amis, dans lequel Olenka avait espéré avoir trouvé sa place l'an passé. Mais, elle avait passé l'été à voir les stories des activités qu'ils faisaient tous ensemble, sans elle. Elle en avait fait la conclusion qu'ils l'avaient oubliée et qu'elle ne méritait plus sa place dans le groupe.

Un des garçons lui sourit quand même, et ce simple geste lui mit du baume au cœur. Cependant, il ne l'invita pas à les rejoindre, et Olenka ne se risqua pas à le faire d'elle-même. Elle était tétanisée à l'idée qu'ils la rejettent directement. Elle avait déjà été assez blessée en voyant leur photos communes derrière son écran. Elle préférait quitter le groupe d'elle-même plutôt que de prendre le risque qu'ils l'ignorent, encore. Elle n'était pas sûre de pouvoir le supporter. Le cœur meurtri, elle s'en alla donc dans la direction opposée. Elle avait l'impression qu'elle allait exploser.

Mais si je crie, qui m'entendra ?

Elle s'efforçait de garder la tête haute mais ses genoux menaçaient de lâcher à tout moment. Fake it until you make it, qu'ils disaient. Peut-être que si elle faisait semblant, elle finirait par se convaincre qu'elle était mieux seule. Mais, au fond, elle crevait l'amour des gens. Comme tout adolescent mal dans sa peau, elle avait besoin d'attention et d'amour.

Perdue dans ses pensées, elle ne fit pas tout de suite attention au garçon qui l'appelait. Quand ce fut le cas, elle se retourna dans un soupir, s'attendant au pire.

« Hé, tu sais où est cette maudite salle 117 ? J'ai fouillé tous les couloirs, j'y comprends rien, se plaignit le garçon.
- Euh, ouais. Je suis à côté, tu peux me suivre, si tu veux.
- Super ! »

Alors qu'Olenka détaillait son interlocuteur, elle se surprit à rougir bêtement. L'assurance qu'il dégageait le rendait intimidant. Il faisait au moins un bon mètre quatre-vingt et sa carrure assez imposante lui donnait un air plus âgé. Cependant, cela tranchait avec la douceur qui émanait de ses yeux verts pétillants, et de son grand sourire encadré par ses cheveux frisés. Comme elle restait immobile, Olenka tenta de se reprendre et s'écria d'un ton peu naturel :

« La salle est par là, viens ! Tu es nouveau, ici ? ajouta t-elle en le voyant afficher une moue perdue.
- Ça se voit tant que ça ? rit-il.
- À peine. Si tu portais une casquette avec écrit « je suis perdu », ce serait pas choquant, quoi. »

À peine ses mots eurent-ils franchi sa bouche que Olenka eut envie de disparaître sous terre. Ses touches d'humour douteuses avaient le don de ressortir dans les moments de stress. Heureusement, et c'était peut-être par politesse, il rigola. Soulagée, Olenka ne put s'empêcher d'être étonnée d'elle-même. D'habitude, elle ne parvenait pas vraiment à être aussitôt elle-même avec les gens qu'elle ne connaissait pas. Les gens disaient souvent qu'avec son physique de « barbie », Olenka paraissait très froide et superficielle au premier abord. Alors, qu'au fond, elle avait juste besoin qu'on lui adresse un sourire pour se sentir apaisée. Mais, là... Elle avait cette délicieuse sensation de ne pas avoir à jouer un rôle.

Elle était cette fille paradoxale qui après plusieurs années d'amitié ne parviendrait pas à être totalement elle-même avec quelqu'un, mais qui pouvait l'être avec une personne qu'elle venait de rencontrer. On lui avait collé l'étiquette de la fille timide à cause de sa gueule d'ange et de ses bonnes notes. Elle l'avait acceptée car après tout, que pouvait-elle y faire ? Elle ne pouvait pas contrôler ce que les autres pensaient d'elle. Tout ce qu'elle pouvait faire, c'était se contrôler, elle, pour renvoyer la meilleure image possible. Elle se raccrochait à ça pour tenir bon.

Le garçon finit par lui demander :

« Comment tu t'appelles ? Non, attend, laisse-moi deviner. Alexandra !
- Olenka, le contredit-elle. Presque. Fin, on enlève toutes les lettres, on recommence et t'y es quoi.
- Ah ah, très drôle, madame la ministre de l'école du rire. C'est joli, c'est de quel origine ?
- Mes deux parents sont polonais, sourit-elle. Et toi ?
- On m'appelle Matth.
- « On m'appelle », excuse-nous la star. Et puis, c'est le diminutif de quel prénom pourri ça ? le taquina t-elle alors. »

Bizarrement, il ne répondit même pas et changea rapidement de sujet. Elle fronça les sourcils mais ne fit aucune remarque, ne tenant pas à se mettre à dos quelqu'un avec qui la communication était si simple. Cependant, son cerveau fourmillait déjà de questionnements. Qui était vraiment ce Matth, derrière son sourire ravageur ? Que cachait-il derrière son masque ?

« Tu es en quelle classe, au fait ? reprit Olenka, en espérant secrètement qu'ils se retrouveraient ensemble.
- Première ES. Toi ?
- Première L, répondit-elle en baissant les yeux, un peu déçue.
- Bon, eh bien, c'est là que nos chemins se séparent, conclut-il d'un air théâtral.
- Quel dommage. Tu vas réussir à survivre sans ta superbe guide ?
- Je pense que je devrais me débrouiller ! Mais je ferai appel à tes services pour trouver le chemin de ton cœur, dit-il en s'éloignant d'un air mélodramatique avant de rire. »

Olenka rigola, incapable de le prendre au sérieux. Il est bête. Mais elle l'aimait bien.

« À bientôt, peut-être, lança t-il avant d'aller vers son couloir sans se retourner. »

Elle ouvrit la bouche pour répondre, mais aucun son n'en sortit. Il se passa bien deux minutes avant qu'elle ne se détourne à son tour. C'était quoi, ça ? Son ventre était délicieusement serré mais sa tête pleine d'étoiles. Ce garçon aux yeux brillants avait réussi à la faire oublier ses problèmes. Elle se sentait étrangement légère et avait comme un regain d'optimisme. Elle se rendit dans sa salle, encore sonnée. Cette année ne serait peut-être pas si catastrophique.

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Bonjour ! J'espère que vous allez bien 😘

Cette histoire traitera donc de l'adolescence (youhouh). À travers ces six personnages et leur histoire, je vais essayer de retranscrire l'adolescence sous toutes ses coutures. Ça va être étrange de faire tourner tous ces points de vue, mais j'espère que ça vous plaira. N'hésitez pas à me dire vos impressions, ça me ferait super plaisir :) ❤️ et belle journée !

8 juillet 2018.

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