Chapitre 18

Gaëtan s'approchait de son visage, doucement, si doucement, comme s'il voulait que ce moment dure le plus longtemps possible. Comme si savourer l'instant avant que leurs lèvres ne se touchent était la chose la plus précieuse au monde.

Son parfum l'envahissait, elle regrettait tout ce qu'elle avait dit. « Pardon... » murmurait t-elle à quelques centimètres d'écart de sa bouche, les yeux fermés. Gaëtan lui sourit et attrapa sa nuque de sa grande main avant de l'attirer contre lui, tendu.

Brusquement, Ornélis se redressa en tâtonnant son lit pour retrouver ses repères.

Le coeur battant, elle réalisa le rêve qu'elle venait de faire et ferma les yeux avant de donner brusquement plusieurs coups contre son oreiller.

— Putain... se lamenta t-elle en enfouissant sa tête entre ses mains.

Au fond, elle savait pourquoi elle faisait ce genre de rêves. Mais elle continuait de faire comme si elle ne comprenait pas.

C'était elle qui lui avait dit qu'ils n'étaient qu'amis, c'était elle qui l'avait rejeté. Elle se sentait si mal de continuer à penser à lui, d'observer ses moindres faits et gestes lorsqu'il se trouvait dans la même pièce qu'elle.

Son amitié envers lui s'était métamorphosée en attirance, comme ça, sans qu'elle ne s'en rende compte.

Mais ça, Ornélis refusa de se l'admettre.

Se mentir à elle même était devenu sa spécialité.


Les pas de ses bottes à lacets résonnaient dans les couloirs en un écho mélodieux, monopolisant toute l'atmosphère du gîte.

Halse marchait, les mains enfouies dans les poches de sa veste en cuir. Elle avait attaché ses cheveux en une queue de cheval ébouriffée. Chaque pas lui rappelait chaque instruction que Gaëtan lui avait énoncé la veille.

"Surtout, ne montre rien. Aies l'air heureuse avec lui."

Un rictus joueur s'afficha sur son visage. Pourquoi n'avait-elle jamais pensé à se lancer dans le théatre avant ?

"Si il découvre qu'on sait, on est foutus."

Elle craqua sa nuque en balançant sa tête de gauche à droite.

"Nous sommes une équipe, Halse. On va trouver un plan."

Halse ne s'arrêta pas, elle frémit à peine.

Chaque seconde qui passait était un gain d'assurance qui se glissait dans son jeu d'acteur. La tête haute, elle s'engagea dans les escaliers.

— Alors, prête pour le musée ? résonna une voix qu'elle connaissait très bien derrière son dos.

Elle s'était arrêtée net. Le son de sa voix lui avait coupé la respiration.

Encore lui. Lui, debout à cette heure là alors que personne n'était levé. Lui, toujours à vouloir lui parler. A vouloir en savoir plus sur elle, à lui mentir et à vouloir passer un maximum de temps avec elle.

Halse prit une profonde inspiration en se remémorant les paroles de Gaëtan.

Elle se retourna vers Christian.

— Toujours. Et toi ? Qu'est ce que tu fais debout à cette heure ci ?

À la vue de son visage qui semblait regorger de bien être, une expression de soulagement balaya le visage de Christian, qui s'avança légèrement vers elle.

Elle se retint de toutes ses forces pour ne pas reculer. Tout son corps était mobilisé pour ne pas écouter sa volonté. Il fallait penser stratégie désormais.

— Tu as l'air d'aller beaucoup mieux qu'hier soir, ça me fait plaisir. T'avais l'air vraiment pas bien.

Halse remarqua qu'il venait adroitement d'esquiver sa question. C'était le genre de détails qu'elle n'aurait jamais remarqué auparavant. Ses lèvres s'entrouvrirent pour chercher une excuse rapidement.

— Je ne me sentais pas très bien effectivement, j'avais la tête qui tournait, mais c'est gentil de t'inquiéter, remercia t-elle.

Elle se remémora qu'il avait menti la veille, à son sujet, à l'entièreté du reste du groupe. Il allait sûrement mentir encore, c'était prévisible.

— Ah d'accord, j'ai dit aux autres que tu te sentais peut être mal, ça tombe bien, l'informa t-il.

Cette phrase répandit un frisson glaçant dans le corps de l'adolescente: il assumait totalement ce qu'il avait dit.

Et si ils s'étaient complètement trompés, elle et Gaëtan? Et si Christian n'était pas un homme dangereux, juste la pauvre victime d'une succession de hasards ?

Elle se reprit aussitôt en déglutissant. Non. Il n'avait pas dit "qu'elle se sentait peut être mal" la veille, il avait affirmé qu'elle avait des vomissements qui ne sortaient de nulle part.

Autant de hasards... Halse se certifia que c'était impossible. Il mentait, point final.

Elle lui adressa tendrement un regard affectueux.

— Merci d'être là, feignit t-elle.

Il la prit dans ses bras et déposa un baiser sur son front.

Ne pars pas, ne pars pas, se hurlait t-elle à elle même.

— C'est normal. Je commence vraiment à m'attacher à toi, Halse. C'est sincère, murmura Christian.

Ces paroles lui firent monter les larmes aux yeux. Des larmes de terreur. Dans les bras de quelle genre de personne se situait-elle exactement ?

Elle espérait bientôt en être sûre. Gaëtan lui avait affirmé qu'il allait s'atteler à trouver un plan, et vite. Elle lui faisait confiance.


Le petit groupe se baladait d'un pas ennuyé dans les couloirs du musée.

Christian se tenait tout derrière avec Halse, la main affectueusement posée sur sa taille. Devant eux, Gaëtan, Iris et Constant regardaient quelque chose sur le téléphone de ce dernier en s'esclaffant.

Le reste de la colonie n'était pas plus enchanté de cette sortie, une immense majorité du groupe trainait des pieds d'un air las.

— Plus jamais je te suis, Constant, avec tes idées de merde, marmonnait Ornélis en trainant des pieds, n'ayant qu'une seule envie à présent : rentrer au gîte, s'affaler sur son lit, et dormir.

L'animateur se glissa à ses côtés et lui lança avec enjouement "le vocabulaire, Ornélis !" ce qui la fit soupirer bruyamment. Elle allait avoir dix huit ans, ou quatorze ? À ce moment là elle n'en était pas vraiment sûre.

En une heure, la seule chose relativement intéressante qu'ils avaient observé dans ce musée était une mascotte en forme de madeleine qui distribuait des bonbons aux visiteurs.

Tout le reste était à propos de l'histoire des premières patisseries et sa diversité dans les différents pays du monde. Autant dire que le sujet de l'exposition ne pouvait pas être pire aux yeux du petit groupe d'amis.

— Elle a raison, souligna Gaëtan. C'est franchement nul.

Constant s'arrêta de marcher, agacé.

— Ça y est, vous vous êtes enfin réconciliés, ça va se retourner contre moi ?

Les deux concernés sourirent exactement au même moment sans oser s'échanger un regard.

Ornélis se demanda pourquoi leur relation était si compliquée, pourquoi ils ne pouvaient pas juste se contenter d'être amis et de se parler ? Pourquoi à chaque fois qu'ils s'apercevaient, ils étaient obligés de se détester ? Pourquoi tout était si gênant, si implicite ?

Un peu plus loin derrière, Halse était fébrile dans les bras de Christian. Ils n'avaient jamais été aussi proches, pourtant elle n'avait jamais autant détesté cela.

Elle cherchait constamment le regard de Gaëtan pour se rassurer, mais il était trop occupé à parler avec les autres. Et il avait raison, la regarder toutes les deux secondes aurait paru suspect.

Christian ne cessait ne lui demander si ça allait. Il lui déposait des baisers sur le front et elle fermait les yeux pour ne pas apercevoir son visage, autrement elle craquerait.

— J'ai une surprise pour toi, Halse, lui annonça t-il fièrement.

Elle fit mine de sourire, tremblante. Elle avait mal à la tête et au coeur, tout son corps était déréglé. L'absence d'Alison et sa mort lui revenait toujours en tête, et la frappaient comme un boomerang.

Il fallait que Gaëtan trouve vite un plan, c'était urgent, elle n'allait plus tenir comme ça bien longtemps.

Christian s'arrêta brusquement, et bouscula un homme qui se tenait à côté d'eux.

Il s'excusa poliment avant de regarder Halse dans les yeux.

Qu'est ce qu'il se passe ? songea t-elle, paniquée, en balayant du regard la pièce d'un air affolé. Cela ne sentait pas bon.

Son genou gauche se posa à terre, et il attrapa délicatement la main de la jeune fille. Le coeur d'Halse battait bien trop fort, elle ne contrôlait plus rien. La situation lui échappait irrémédiablement.

Elle parvint enfin à capter l'attention de Gaëtan, à quelques mètres de là, et une lueur apeurée prit immédiatement place dans les yeux de celui ci. Quelque chose allait mal tourner.

À travers le brouhaha des visiteurs qui discutaient, Christian s'éclaircit la voix :

— Halse Vivemont, je suis heureux avec toi. L'autre jour, tu t'inquiétais et tu pleurais. Tu pleurais car tu ne voulais pas que notre histoire se finisse et que je retourne là d'où je viens. Je ne partirai pas, je reste. Nous sommes jeunes, et pourtant je me vois vieillir avec toi. Accepte tu d'être ma promise, et de devenir ma fiancée lors de ton prochain anniversaire ?

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