Chapitre 25 - Louis


J'ai apprécié revoir mes collègues de l'agence mais je me suis aussi rendu compte que je n'étais pas impatient de reprendre le chemin du bureau, cette routine quotidienne. Les semaines d'immobilisation et l'isolement auraient dû me donner envie de retrouver le rythme de mon quotidien, même monotone. Mais, non. Je n'y suis pas prêt et j'accueille avec plaisir ce prochain mois de repos.


Je tire une taffe sur la cigarette que j'ai allumée après avoir reçu les messages de Harry. J'avais espoir que la situation avec sa sœur s'arrange au moins un peu. Mais sa réponse négative, courte et totalement fermée à mon simple "Ca va ?" me laisse présager le pire.


Je traverse la rue totalement embouteillée à cette heure de l'après-midi et m'engage en directement de la station de RER où nous venons de nous donner rendez-vous. Ma jambe gauche me tire légèrement et m'oblige à ralentir mes pas. Je me concentre sur ma respiration pour amener l'oxygène vers mes muscles et éviter la crampe que je sens poindre.


Je bifurque dans la rue sur ma gauche apercevant à quelques mètres l'entrée de la station et Harry qui fait les cent pas devant les escaliers. Il relève la tête dans ma direction et son regard capte immédiatement le mien. Il me rejoint en quelques enjambées, glisse ses bras autour de ma taille et me serre tout contre lui, son visage tombant dans le creux de mon épaule. Je me débarrasse de la cigarette pour pouvoir le garder près de moi. Mes bras s'accrochent autour de ses épaules et mes mains glissent doucement contre son dos dans un geste que j'espère réconfortant. Je tourne légèrement mon visage et embrasse sa tempe, l'une de mes mains calée sur sa nuque.


"Ca va aller, mon cœur..., je murmure alors qu'il retient un sanglot. Ca va aller."


Il me fend le cœur. Harry m'a raconté son histoire, les relations avec sa famille qui se sont dégradées au fil du temps alors qu'il est resté égal à lui-même, décidant simplement de s'écouter lui en priorité avant les autres, refusant de dire oui quand il n'en avait pas envie.


Il relève son visage, remonte ses mains le long de mon dos, mes bras jusqu'à glisser ses mains sur mes joues. Son regard émeraude rivé au mien, les larmes au bord des yeux, il me donne un baiser tendre mais empressé.


"J'ai envie de rentrer, souffle-t-il contre mes lèvres. J'ai envie de partir et ne jamais revenir. Je sais qu'on reviendra, poursuit-il alors que j'allais le contredire. Mais là, maintenant, j'ai besoin de retrouver notre cocon."


Il ponctue sa phrase d'un autre baiser. J'embrasse ses lèvres doucement, sa joue. Je glisse ma main dans ses cheveux puis entrelace nos doigts.


"On y va alors."


Nous descendons les marches et attrapons le premier RER qui nous ramène chez moi. Sur le trajet, Harry ne mentionne pas son entrevue avec sa sœur, mais me demande de proposer à Charlotte de venir dîner avec nous, ce qu'elle accepte à la seconde où elle reçoit le message.


Lorsque nous arrivons dans mon quartier, Harry m'entraine vers la superette et fait les courses pour notre dîner. Il aime cuisiner, je pense même que ça le détend. Alors je le laisse faire, choisir ce qu'il veut selon son envie. Il ajoute dans notre panier une petite barquette de framboises et un pot de pâte à tartiner à la noisette. Son sourire espiègle sur ses lèvres quand il les dépose sur le tapis de la caisse fait monter en moi une douce chaleur.


Les mains chargées de quelques sacs, nous nous dirigeons tranquillement vers mon appartement. La fatigue me gagne au fur et à mesure du trajet. Mon bras gauche s'engourdit sous le poids de mon sac, pourtant le moins chargé, et ma jambe gauche m'oblige à boiter légèrement. Je tente de ne rien laisser paraître, mais je surprends les coups d'œil d'Harry. Il récupère le sac dans ma main et ralentit légèrement sa cadence. Il est tellement prévenant. Comment sa sœur peut lui faire tant de mal ? Parce que, s'il ne m'a rien dit encore, je vois bien les traits de son visage tirés par la peine.


Nous atteignons mon immeuble et pénétrons dans mon bâtiment. Dans l'ascenseur, Harry s'approche de moi et glisse ses lèvres sur les miennes, chastement. Mes joues s'échauffent sous cette tendresse, cette proximité. Il sourit contre ma bouche et mon cœur s'emballe. Il mérite tant d'amour.


J'ouvre la porte de mon appartement et soupire d'aise à l'idée d'être rentré. Harry dépose les sacs sur le plan de travail et s'active à ranger les courses dans le frigo.


"Je peux t'aider à faire quelque chose ? je l'interroge en me servant un verre d'eau au robinet.

- Oui

- Dis m'en plus, je réponds en riant.

- Enlève tes baskets et va dans la chambre...

- Harry ! je feins de m'offusquer. On a le dîner à préparer et...

- Le dîner ne sera pas long à cuisiner, fais moi confiance, m'interrompt-il. Pour le moment, même si tu caches bien ton jeu, je te vois en souffrance et j'ai envie de m'occuper de toi.

- Harry... ça va, je t'assure, je tente de le rassurer. C'est à moi de m'occuper de toi après cet après-midi, non ?

- On s'occupera de l'un l'autre... File, je te rejoins dans deux minutes."


Harry glisse ses mains sur mes hanches et m'oblige à reculer pour me faire sortir de la petite cuisine. Ses lèvres déposent un baiser sur le bout de mon nez puis mes joues avant de capturer mes lèvres. Je ne me fais pas prier et m'exécute. Je sais pertinemment que moi aussi, j'arriverai à mes fins.


Je me débarrasse de mes chaussures dans l'entrée et me dirige vers ma chambre. J'enlève mon pantalon et mes chaussettes pour n'être qu'en caleçon et t-shirt, et me laisse tomber sur le lit. Je dois bien avouer que retrouver le confort de mon matelas est salvateur. Nous n'avons pourtant pas beaucoup marché comparé à nos longues promenades sur la plage, mais nous nous sommes laissés happer par le rythme des citadins. A l'agence, je suis resté longtemps debout, accoudé à une des tables hautes de la salle de pause, discutant avec mes collègues.


Je ferme les yeux quelques secondes, appréciant cet instant de repos, juste avant d'être rejoint par mon amant. Il dépose sur le lit un petit flacon et, comme moi, se déleste de son pantalon, son pull léger et ses chaussettes. Je me délecte de son corps sculpté qu'il cache trop souvent sous son sweat. Il s'agenouille sur le lit et remonte jusqu'à mon visage qu'il embrasse doucement, d'abord mes joues, la ligne de ma mâchoire puis ma bouche. Sa langue caresse mes lèvres, quémandant un accès pour un baiser plus intense. Je passe mes bras autour de son cou et écarte légèrement mes cuisses. Il s'installe entre mes jambes alors que je rapproche son corps du mien. Je crochète ma jambe droite autour de sa taille. La chaleur monte entre nous. Harry dévie ses baisers dans mon cou, tire sur le col de mon t-shirt pour embrasser mon épaule tandis que sa main se faufile sous mon vêtement. Je me cambre sous le plaisir qui s'insinue dans toutes les parcelles de mon corps.


Harry m'abandonne l'espace de quelques secondes, provocant un frisson le long de mon échine. Il récupère le petit flacon d'huile qu'il réchauffe entre ses mains. Je place mes bras sur mes yeux, je sais ce qu'il s'apprête à faire et malgré les semaines qui se sont écoulées et l'amour que nous avons pu partager, je suis toujours gêné d'être tant à nu face à lui. Pourtant, alors qu'il glisse ses mains autour de mes poignets pour dégager mon visage, son regard sur moi est toujours doux et son sourire réconfortant. Il embrasse mes lèvres et verse quelques gouttes d'huile dans ses mains. Il se redresse complètement et pose ses mains sur ma jambe gauche, la massant avec juste ce qu'il faut de pression pour détendre mes muscles sans me faire mal, passant sur mes cicatrices pour les atténuer en les hydratant. Ses gestes sont sûrs, maîtrisés, doux. Il met en application les conseils d'Elin, ma kiné au centre de rééducation.


J'inspire fortement. Je ne peux pas nier que ça me fait un bien fou et que mon corps réclamait ses minutes de massage. Harry s'applique, concentré sur sa tâche. Il s'occupe de moi et évite de trop penser à sa propre situation. Je suis bien, détendu. Alors je place mes mains sur ses hanches et l'incite à remonter vers moi. J'embrasse sa joue, sa tempe, glisse mes doigts dans ses cheveux et murmure à son oreille :


"Merci."


Il répond par un baiser et même si j'aimerais que ce moment se transforme en quelque chose de plus charnel, je le garde contre mon corps. Je bascule sur le côté et embrasse sa joue, offrant à Harry la tendresse et le réconfort qu'il mérite aussi. Je le sens se détendre alors que je caresse son dos. Soudain, il s'accroche à moi avec force tandis qu'il inspire dans mon cou. Son corps tremble légèrement entre mes bras et je comprends qu'il baisse enfin la garde.


"Raconte-moi, je murmure à son oreille.

- Elle a été odieuse. Hautaine comme je m'y attendais, souffle-t-il. Je m'étais préparé, enfin j'ai cru que je m'étais préparé, mais ses mots ont encore réussi à m'atteindre.

- Je suis désolé.

- C'est comme ça, ajoute-il en haussant les épaules. Je lui ai dit ce que je pensais. Au moins, elle ne peut plus dire que je fuis."


Sa voix s'étrangle sur ces derniers mots et ça me fend le cœur.


"Tu ne fuis rien du tout Harry. Au contraire, tu as choisi d'avancer. D'avancer pour toi.

- Oui. Mais jamais je n'aurais cru qu'on en arriverait là. J'étais loin d'imaginer qu'un jour, nous nous tournerions le dos. C'est trop fort, mais là, tout de suite, je la déteste."


Les larmes commencent à s'échapper, silencieuses, mais l'une d'elle coule jusque dans mon cou. Je resserre mon étreinte autour de son corps, parsemant son visage de baisers légers.


"C'est difficile mais il faut laisser passer du temps, je commence. Pour tous les deux. Je ne connais pas ta famille...

- A ce rythme, tu risques de ne jamais les rencontrer, m'interrompt-il dans un rire jaune, reniflant légèrement.

- Je suis certain que ta sœur regrettera son comportement. Même si vous ne retrouverez pas votre complicité, vous parviendrez à réinstaurer un dialogue, même s'il est juste poli, pour vos parents. En tout cas, j'ai envie d'y croire pour toi.

- Je ne sais pas si, moi, j'en ai envie.

- Pas aujourd'hui, c'est normal. Il faut du temps. Le temps ne guérit pas tout mais il atténue les douleurs.

- Comment tu fais ? me demande-t-il en se redressant, passant sa paume sur sa joue humide. Comment tu fais pour toujours garder espoir ?

- J'ai envie de croire qu'il y a toujours un peu de bon dans le cœur des gens. Ta sœur ne peut pas être quelqu'un de tout à fait différent de celle que tu as toujours connue. Elle est blessée, moralement. Mais cette blessure finira pas cicatriser. Je lui souhaite de trouver quelqu'un qui prendra soin de ses cicatrices comme tu prends soin des miennes. C'est à ce moment-là qu'elle se rendra compte de ses erreurs et qu'elle reviendra.

- Peut-être...

- Je sais que c'est difficile et je ne cherche pas à minimiser ta douleur, loin de là. Si elle était devant moi à cet instant, je serais capable de lui hurler dessus et de lui dire à quel point elle devrait avoir honte de te traiter de la sorte. Mais, je pense que tu dois garder au fond de toi un peu de place pour elle, pour ta famille."


Cette fois, c'est Harry qui resserre son étreinte autour de moi. Je le laisse se raccrocher à moi et j'espère être autant un soutien qu'il a pu être, qu'il peut être, pour moi. Je reste persuadé que le destin nous a mis sur la route l'un de l'autre pour une bonne raison. J'ai failli tomber en dépression mais Harry est arrivé au bon moment, m'aidant à sortir la tête de l'eau. J'espère devenir celui qui lui permettra de reprendre goût à la vie.


Ensemble, nous pourrions composer la vie dont nous avons besoin, celle dont nous rêvons.


*

*  *


Je n'avais pas écrit un chapitre aussi rapidement depuis longtemps, alors j'ai voulu vous le partager tout aussi vite.

J'espère qu'il vous aura plu.


Je vous embrasse.


Mimi


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