Police


Ma mère dépose doucement biscuits et tasses sur la table basse.
L'homme tend respectivement une poigne de main ferme à mes parents, puis à moi.

- Inspecteur Lawsford. Enchanté.
- Enchanté inspecteur.

Mon père le salue respectueusement, ma mère affiche une mine radieuse. Façade.
Il sourit, craignant de nous mettre mal à l'aise.

- Vous êtes sûrement au courant de l'affaire, leur domicile est situé à moins de 100 kilomètres de notre commune. Autrement dit, nous sommes en train de faire le tour des maisons pour nous assurer de votre sécurité.

Improbable. Le tour des maisons dans un rayons de 100 kilomètres ? Pourquoi envoyer un inspecteur ? Mes parents ne montrent rien de leur scepticisme.

- J'en profiterai pour vous poser quelques banalités. J'aimerai parler individuellement à chacun d'entre vous, si cela ne vous dérange pas.

Nous y voilà. Il attend une approbation, qui ne lui est pas refusée.
Son visage acte un semblant d'hésitation, expression calculée. Il doit déjà avoir en tête les questions à poser.

- Pourquoi ne pas commencer par Imminence ?

- Aucun problème.
Ils répondent d'une même voix, même chaleur trop irréprochable.
Mes parents sortent du salon, les effluves de thé vert flottent dans l'air, se répercutent sur les murs impeccables. Je m'assois sur la banquette de même couleur. Le cuir grince en un son désagréable.

- Surtout n'angoisse pas, ce sont des questions de routine.

J'acquiesce.

- As-tu notifié quelque chose de nouveau récemment ?

Je prends la parole pour la première fois. J'explique d'une voix empreinte d'assurance, croisant mes jambes, la concentration aiguisée.

- Des banalités de lycéenne, un nouvel élève, des évaluations et hormis la tempête d'avant hier je n'ai rien remarqué d'anormal.

- Je vois.

- Vous n'êtes pas réellement venu pour entendre ce discours, inspecteur. Abordez donc le sujet.

Je lui déclare gaiement, afin qu'il n'interprète pas ma dernière réplique comme de l'insolence.
Lawsford secoue la tête, amusé.

- On ira plus vite. Avez-vous parlé à quelqu'un du discours de votre professeure d'échec ?

- Non, quand bien même, j'ai appris la nouvelle après la réception des lettres.

L'officier de police ne paraît même pas surpris de ma réflexion.

- Woods a encore tout publié sur son site ? Un calvaire ce journaliste. Intraçable en plus.

- Il n'a pas encore posté d'analyse comportementale du tueur, tout n'est pas perdu. Dis-je sympathiquement.

Il s'enfonce un peu plus dans ses coussins, un peu moins sur ses gardes qu'au début de l'entrevue.

- Les recherches sur le personnage ne donnent rien. Son nom de famille est une référence à une ridicule histoire d'horreur pour adolescents. Un certain Jeffrey Woods devenu "Jeff The Killer".

Je ris, tandis qu'il réalise des guillemets avec ses doigts à la prononciation du nom.
Je suis mortifiée par l'horrible association à Smile qu'effectue ma boîte crânienne. Association manquant de crédibilité, un mauvais pressentiment me tord la gorge, à l'encontre de ma raison.

///

L'entretien de mes parents se prolonge.

Je me permets d'ouvrir mon ordinateur portable, tape vaguement sur la barre de recherches "Jeff The Killer histoire". L'écran liste un grand nombre de résultats, j'essaie de trier l'afflux important d'informations. Le net regorge de versions différentes, de dessins douteux, de témoignages bidons.

Je lis un premier texte, un second, bien que le trop plein de fautes d'orthographe m'inflige une insoutenable souffrance visuelle.

Un détail physique, marquant, est souligné dans chacun des récits. Des brûlures, des cicatrices.
Le visage de Smile sans son masque, désespérément cohérent avec cette description.

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