Chapitre 24



- Jane Austen, soupira le mafieux en roulant des yeux. Pourquoi faut-il que toutes les femmes appréciant la littérature soient attirées par cette romancière ? Il y en a pourtant d'autres tout aussi douée.

Hannah se retint de sourire en abaissant son livre pour observer l'italien qui passait en revue les étagères de sa propre bibliothèque comme s'il était en train de la découvrir pour la première fois.

- Si ce livre est ici c'est qu'il y a une raison, répondit-elle en reportant son regard sur sa lecture...qui n'en était pas réellement une. Je tiens à te préciser que c'est ta bibliothèque pas la mienne.

- Je n'ai jamais mis un pied ici depuis que j'ai acheté ce yacht, lui confia-t-il en tirant un livre au hasard pour mieux le remettre à sa place avec désintérêt.

Hannah tourna la page du livre et survola les mots ce qui ne lui était jamais arrivé. Après ce baiser qui s'était révélé intense et bien plus significatif que le premier, trois jours venait de s'écouler et à aucun moment le mafieux avait tenté de recommencer. Il vouait son énergie à s'intéresser à elle et à la sortir de son monde un peu trop sage. Le bateau avait fait cape près d'une île nommée Lipari qu'il avait décidé de lui faire visiter. Un court séjour d'une journée dans laquelle Hannah avait presque oublié qui il était et quelles circonstances l'avaient plongé dans ce monde méconnu et mystérieux. Hannah avait apprécié chaque moment sur cette île avant qu'ils reprennent le cape au milieu de la mer Méditerranée.

- Ça ne répond pas à ma question tesoro, lança-t-il en l'obligeant à quitter ses rêveries.

- Eh bien j'aime cette romancière parce qu'elle nous plonge dans une époque que j'aurai aimé connaître.

Sa réponse ne tarda pas à aiguiser la curiosité du mafieux qui se retourna aussitôt.

- Je ne suis pas un fin connaisseur des romans sentimentaux tesoro mais je serais curieux de connaître les raisons qui te font aimer les années 1800.

- Pour un homme qui ne s'y connait pas tu sembles étrangement informé.

Un sourire fendit ses lèvres avec un léger soupçon d'arrogance.

- J'ai étudié comme tous le monde Hannah et la littérature Anglaise faisait partie du programme. Je l'ai que très brièvement survoler mais je sais que Jane Austen était une romancière assez connu de son temps et qui a fini par marqué son empreinte dans le monde littéraire.

- Jane n'était pas seulement une écrivaine de romans sentimentaux elle utilisait l'ironie pour critiquer de nombreux clichés de son époque.

- Et pourtant tu voudrais faire un saut dans le passé...

- Tout paraissait moins compliqué, soupira-t-elle.

- En ce qui concerne le mariage c'est certain que j'aurai fait fureur, glissa-t-il avec un sourire narquois.

Hannah ne put s'empêcher de sourire.

- Ne rigole pas trop mon ange, car à cette époque que tu sembles tant apprécié, les mariages étaient de convenances et motivés par l'argent avec une charmante dote à la clé. Une fille était rattachée à son père ou à son frère sans aucune liberté d'indépendance financière jusqu'à ce qu'elle se trouve un mari pour accéder à une place plus importante dans la société. C'était une chasse aux maris à ciel ouvert.

- Tu as raison et ce que j'aime c'est que Jane parvient à transformer cette réalité en quelque chose de plus romantique tout en portant une vision critique de son époque.

Hannah ferma le livre et le posa sur la petite console à sa droite.

- Tu es vraiment...un fin connaisseur...nota-t-elle en le regardant s'assoir sur le fauteuil face à elle. Mais rassure-toi je ne suis pas seulement attirée par les romans sentimentaux.

- Pitié cara dis-moi que tu aimes ceux qui contiennent des tueurs caché sous le lit, dit-il faussement sérieux, des lueurs amusées dans le fond des yeux.

- J'aime les polars en effet.

- Oh...et je pari que tu aimes le vilain inspecteur et son calepin chargé de mener l'enquête, chuchota-t-il en plissant les yeux.

Hannah se retint de rougir en se souvenant du dernier polar qu'elle avait lu soit deux mois plutôt et de cet enquêteur mystérieux qui l'avait captivé et tenu en haleine jusqu'à la dernière page pour découvrir que c'était lui l'assassin...

Hannah rougit en détournant le regard mais ce fut assez pour que l'italien aiguise un peu plus son attention sur elle.

- J'ai raison ? À moins que le tueur te passionne davantage.

- Pas du tout ! S'exclama-t-elle vivement, ce que j'aime c'est l'enquête et trouver qui est le tueur.

Mais les rougeurs persistantes sur son visage lui firent plisser les yeux.

- Et parfois cela nous amène à d'étranges surprises n'est-ce pas cara ? S'enquit le mafieux qui savourait le moment.

En effet, songea-t-elle sans le lâcher du regard. Ce polar lui avait enseigné que le tueur ne se trouvait pas forcément là ou nous le pensions. L'enquêteur dans ce livre se présentait comme un bel homme sérieux et désireux de protéger sa ville. Son acharnement à élucider le mystère l'avait charmé et elle lui avait offert sa confiance en portant ses doutes et ses méfiances sur d'autres protagonistes avant que son vrai visage se révèle dans le dernier chapitre.

Ce n'était pas si différent de la réalité qu'elle vivait à quelques exceptions près...

Lazaro Santi n'avait pas caché son identité ni même le sang qui avait coulé sur ses mains et qui continuera de couler.

- En effet c'est une belle leçon de lire des polars, on y apprend que tu peux tomber sur un gentleman beau et séduisant mais qui cache une sombre façade, répondit-elle sèchement en étirant un sourire crispé.

- Tu marques un point bella, les apparences sont parfois trompeuses mais dans mon cas il me semble que j'ai été honnête dès le départ.

- Tu marques un point, lui dit-elle en retour.

- Pourquoi je sens de la frustration et de la colère dans ce petit corps si fébrile hum ? Vous avez quelque chose à vous reprocher madame Santi ?

Hannah fit mine de ne pas comprendre.

- Je ne vois pas de quoi tu parles...

- Vraiment ? Tu as l'air en colère contre toi-même.

- Je ne suis en colère tu te trompes, mentit-elle à nouveau.

En colère d'être attirée par le mauvais garçon ! Elle si sage ! Songea-t-elle les dents serrées.

À son plus grand soulagement il ne semblait pas vouloir insister alors qu'elle était consciente qu'elle s'aventurait dans des eaux de plus en plus dangereuses.

- Et aucune autre catégories de romans ? L'interrogea-t-il en se levant soudain pour rejoindre les étagères.

- Non, enfin si...j'ai déjà lu d'autres catégories évidemment.

- La catégorie...érotique ? S'enquit-il aussitôt en la laissant se liquéfier sur le fauteuil.

Elle ne répondit pas, cherchant dans sa tête une excuse, n'importe laquelle pour se sauver.

- Je devine que oui, soupira-t-il légèrement amusé en lui tendant un bouquin d'un geste désinvolte. Ce silence assez expressif parle pour toi cara.

Hannah prit le bouquin mais son regard lui, était levé sur le mafieux.

- J'aurai dû me douter que ce sujet délicat allait tôt ou tard se glisser dans cette charmante discussion, lâcha-t-elle en marmonnant.

- Ce n'est pas une honte, répliqua-t-il en tapotant de son index le couverture du livre. Tu devrais lire ceci, ça pourrait t'intéresser.

- Merci mais non merci, dit-elle si vite que son embarras ce fit sentir.

- Je t'assure que si, insista-t-il en caressant son menton avant de se pencher en avant de sorte d'atteindre sa joue. J'ai deux ou trois choses à régler, cela te laisse le temps de bouquiner un peu, poursuivit-il de sa belle voix virile. Tâche de ne pas faire trop de bêtise en mon absence.

Hannah resta immobile, sensible à l'effleurement de sa bouche sur sa joue.

- Qu...quelles bêtises ? Bafouilla-t-elle alors qu'il s'était déjà effacé dans le couloir.

Les lèvres pincées elle fixa un long moment la sortie qu'il avait emprunter puis baissa les yeux sur ce livre dont la page de couverture était sans titre. La texture était lisse comme la soie et de couleur marron foncé.

Elle hésita mais la tentation de l'ouvrir eut raison de sa volonté à le garder fermer. Les pages étaient assez abîmées, comme si quelqu'un avait passé des heures à le lire.

Hannah se passa la langue sur les lèvres en lisant la première phrase qui très vite donnait le ton à l'histoire. Son cœur s'emballa, et le feu qui dormait en surface se réveilla à mesure de la lecture.

Elle se surprit à se faire happer par l'histoire. Il y avait de l'érotisme certes, beaucoup même et parfois très ardent, mais il y avait aussi une histoire entre une jeune femme prête à sacrifier sa vie par amour et un homme solitaire, sombre, dont l'âme était brisée. Ils n'étaient pas fait pour se rencontrer et pourtant, le destin avait réuni cette jeune serveuse qui avait fui son passé et cet homme reclus dans un monde sombre et mystérieux. Cette histoire devenait bouleversante à mesure qu'elle lisait. Fascinée, Hannah dévora le livre attirée par la complexité des deux personnages livrés à des luttes si différentes. L'un se réfugiait dans le sexe sauvage et la solitude, l'autre devait lutter contre l'amour naissant mais impossible à révéler à cet homme enveloppé dans une noirceur dramatique.

Le cœur battant, elle lisait attentivement les dernières pages du livre avec le sentiment de se reconnaître dans ce personnage principal qui par amour avait lié son âme à l'âme sombre de Lazaro sans attendre d'être aimée en retour. La fin était si émouvante qu'elle en oublia presque qu'il s'agissait d'une sombre histoire d'amour érotique.

- Il est tard cara...

Elle sursauta en relevant la tête alors qu'elle venait tout juste refermer le livre avec une larme au coin de la joue.

Hannah frissonna en baissant les yeux puis les releva à nouveau sur l'italien qui par une coïncidence indescriptible ressemblait fortement au protagoniste masculin.

- Alors j'avais raison, glissa-t-il doucement en avançant vers elle. Tu as aimé.

Hannah le dévisagea, incapable d'exprimer ce qu'elle ressentait là tout de suite. Des émotions contradictoires étaient en train de l'engloutir sans qu'elle parviennent à les contrôler.

- Il la quitte, il l'abandonne alors qu'elle a tout sacrifié pour lui, elle lui donne son corps et son âme.

- Et ensuite ? S'enquit-il en levant un sourcil de circonstance car il manquait la suite.

- Ensuite il réalise des semaines plus tard que la solitude n'est plus ce dont il a besoin. Il l'a quitté parce qu'il refusait de ressentir les émotions qu'elle faisait naître en lui. La noirceur de son âme à pétri la sienne et il se rend compte trop tard qu'elle a tout sacrifié pour lui.

Hannah secoua la tête puis reprit :

- Il parvient à la récupérer avant qu'elle ne fasse une erreur et il la sauve à son tour.

- C'est une héroïne tu ne penses pas ?

Choquée, elle releva les yeux précipitamment.

- Oui, elle le sauve de sa noirceur au prix de nombreux sacrifices.

Il se contenta de la regarder, impassible, les yeux marqués par une lueur ombragée.

- Pourquoi m'avoir fait lire ce livre ?

- Ma mère adorait ce livre, elle me montrait cette page de couverture et me disait " Ce livre parle d'une jeune femme qui sacrifie tout pour sauver un homme de sa propre noirceur et elle lui apprend à s'en servir d'une autre façon afin qu'il puisse voir enfin un peu de lumière dans son âme "

- Est-ce que tu l'as lu ?

- Jamais, répondit-il aussitôt.

- Dans ce cas comment savais-tu qu'il s'agissait d'un livre érotique ? S'enquit Hannah les sourcils froncés.

Un vague sourire se dessina sur ses lèvres puis s'effaça.

- Parce que ma mère m'avait mis en garde qu'il ne tombe jamais dans les mains de ma sœur qui adorait fouiller dans les tiroirs et à l'époque elle m'avait quelque peu éduquer sur le contenu.

Hannah se mordit la lèvre désormais gênée d'être la seule dans cette pièce à avoir lu ce livre.

- Chaque histoire à une morale, as-tu trouver la sienne ? Reprit-il en s'installant dans le fauteuil.

- Chaque sacrifice à son mystère...

- Chaque femme à sa part d'héroïsme, renchérit le mafieux d'une voix sombre.

Hannah cessa de respirer, happé par les yeux intensément braqués sur elle.

Un sacrifice avait toujours une raison, un but, par exemple sauver une vie, mais avec ce livre, Hannah avait réalisé que dans certains cas le sacrifice comportait aussi une part de mystère que seul le sacrifié en connaissait les raisons.

Sarah Jacobs s'était sacrifiée par amour mais au début, l'un de ses tout premier sacrifice ne concernait en rien ses sentiments mais un désir pur de s'évader dans le péché...

Hannah sentit son cœur marteler sa poitrine en se demandant si son sacrifice pour sauver sa mère n'avait pas une part de mystère bien plus grande que celle de Sarah Jacobs...

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