/🖤/ Harder mommy

« I'm on the hiiiiiiighwaaay to hell !

On the hiiiiiiighwaaay to hell !

Hiiiiiiighwaaay to hell !

I'm on the hiiiiiiighwaaay to hell ! »

On hurle comme des folles, les fenêtres grandes ouvertes, en roulant aussi vite que cette merde en ferraille nous le permet. Les arbres défilent à toute vitesse, ne formant plus qu'une bouillie floue et noire. Nos mains, nos pieds et nos pattes tapent le rythme endiablé sur tout ce qu'ils trouvent alors que la cassette fait trembler le van tant le volume est fort.

C'est une mine d'or qu'on a trouvée dans la boite à gants. Tout un tas de cassettes des années 60, 70 et 80 avec que des classiques ! Queen, Beatles, Rollings Stones, Elvis Presley et bien sûr beaucoup d'AC/DC ! Beaucoup de musiques que j'ai en vinyle et que j'écoute depuis mon enfance finalement.

On se regarde de temps en temps, de grands sourires sur nos visages. C'est l'un des moments qu'on ne peut réellement décrire, car ils doivent se vivre. Le bonheur se sent dans l'air, comme si nos âmes respectives se mélangent et dansent ensemble dans l'habitacle. Une synchronisation par le rythme, l'ambiance et les paroles.

L'ivresse de la vitesse, de la musique et de la liberté se mélangent pour faire un cocktail de bien-être explosif. Et lorsqu'enfin, on voit le panneau qui indique qu'on quitte Demon Wood, on ralentit certes notre allure, mais pas nos hurlements de joie.

Après que le capitaine nous ait laissées seules, on n'est pas tout de suite partis dans cette folie chantante. J'ai d'abord réussi à tirer les vers du nez de la guéparde.

« Susie c'est une femme qui est capable de dire aux adolescents en quel animal ils vont se transformer. Et là tu as deux types de personnes dans la ville : ceux qui ne veulent surtout pas qu'elle s'approche de leurs enfants pour garder la surprise. Et ceux qui veulent savoir à tout prix.

— Et pourquoi tu ne voulais pas me parler d'elle ? J'croyais qu'on arrêtait les mensonges !

— J'ai pas menti, j'en ai juste pas parlé ! Parce que le problème, c'est que les familles qui lui demandent, des fois elles apprennent que leur môme va se transformer en un truc pas terrible qui les empêcheront de vivre. Soit un animal vraiment trop grand, comme un éléphant ou une girafe. Soit un animal marin qui devra donc vivre toutes les nuits dans l'eau... Et s'ils ont pas de chance, les deux. On raconte qu'un habitant s'était transformé en baleine dans les années 60...

— Et tu as peur de ce que je vais apprendre c'est ça ?

— Déjà que tu as envie de partir alors que tu ne connais même pas ta forme animale. Alors si tu apprends que tu es une créature aquatique ou un animal qui ne peut pas vivre dans la ville, tu vas t'en aller bien plus vite. »

Quand elle m'a dit ça, je dois avouer que j'ai eu un pincement au cœur. Je me suis vu faire mes affaires et quitter la ville pour ne plus jamais revenir. J'en ai presque eu les larmes aux yeux...

« Si ça peut te rassurer... J'ai des poils.

— Bof épilée ou pas tu sais–

— EN FORME ANIMALE.

— Oh. Au moins t'es pas un animal marin alors, c'et déjà une bonne nouvelle !

— J'crois qu'ils étaient plutôt sablés... Avec des tâches peut-être ?

— Tu ne peux pas te fier aux couleurs pour le moment ni aux paternes. Ça peut encore changer. »

C'est en me disant qu'au moins je ne serai pas un poison ou un éléphant qu'on est parti sur les chapeaux de roue. Après avoir quitté Demon Wood, on s'est retrouvé sur la route 101 qui longe la côte pacifique des États-Unis où on a roulé un petit bout de temps, puis on a pris une petite sortie au milieu de nulle part. Mais le trajet est passé vite, parce qu'on a certes des goûts très différents en termes de musique, mais elle connait ses classiques. On s'est bien éclaté à s'arracher la voix sur les sons de nos enfances !

Le drap noir de la nuit commence tout doucement à être brûlé, laissant apparaître le bleu très foncé qui se cache derrière. Charly me dit qu'on est presque arrivée. Je prends un petit chemin de terre battue, sans avoir la moindre idée d'où je suis. Pendant cinq bonnes minutes, on est balancé de gauche à droite, au gré des nids de poule et des racines qui envahissent la route visiblement très peu entretenue.

« C'est un endroit que personne ne connait, comme ça on est sûres d'être seules. Mon père disait qu'on pouvait le trouver uniquement si on le connaissait quand j'étais môme. Et tu verras, ça en vaut la peine. »

Les arbres finissent par disparaître et je m'arrête sur un petit carré d'herbe.

Je vois pourquoi elle disait que cet endroit en valait la peine.

Les phares de notre van éclairent la mer dont la noirceur se mélange à celle du ciel pour créer un espace hors du temps. On se trouve sur une toute petite crique avec un bandeau de sable très fin, lui-même entourée d'une herbe d'un vert radieux. Lorsque j'éteins le moteur et que la musique se coupe en même temps, je réalise à quel point l'endroit est silencieux. Il n'y a que le bruit des vagues, mélodie naturelle bienveillante au rythme envoutant. Déjà que conduire me donnait envie de dormir, mais alors là...

On sort en même temps. Je ne sais pas si c'est grâce à la lumière de la lune, des étoiles ou au soleil qui se réveille doucement, mais j'arrive vraiment bien à observer ce qui nous entoure. La plage est vraiment toute petite, à peine 50 yards. On est entourée de part et d'autre de falaises rocheuses qui nous bloquent complètement, tandis que dernière nous, les arbres remplacent rapidement l'herbe pour construire un mur naturel dont la seule échappatoire est le chemin que nous avons emprunté.

« Tu vas voir dans une petite heure, c'est super beau ici !

— Un petit peu oppressant aussi...

— Le jardin d'Eden aussi avait ses frontières.

— ... C'est presque beau ce que tu dis, qu'est-ce qui t'arrive ?

— J'sais pas, p'tet la nostalgie. C'est exactement comme je m'en rappelle...

— D'ailleurs pourquoi t'es encore une guéparde toi ?

— J'imagine que l'influence de la ville met un peu de temps à partir. Je sens que ça me picote par moment, donc j'vais redevenir humaine, t'en fais pas. Comme ça tu pourras profiter de mon–

— CHUT ! Ne finis pas cette phrase.

— MAIS J'AI RIEN DIS !

— C'EST BIEN MIEUX COMME ÇA, p'tite chat-loperie ! » dis-je un sourire sur les lèvres.

***

L'eau est fraiche, mais rien d'insurmontable après avoir sauté d'une falaise. Je trempe juste les jambes, pour éviter que ma blessure au ventre s'infecte avec toutes les saloperies de l'océan. Bien que l'eau semble étonnamment propre ici. Charly aussi se baigne. C'est adorable sa manière de nager. C'est bien le premier chat que je vois qui apprécie l'eau. Perso, je garde mon t-shirt dont le bas se mouille au gré des vagues. Je n'ai absolument pas pensé à prendre un maillot et je refuse catégoriquement de finir en sous-vêtement à côté de cette perverse. J'ai pris suffisamment de t-shirts pour tenir des jours, je peux bien en utiliser quelques-uns dans la mer. Même s'ils risquent d'être foutus...

Il fait quasiment jour. Les étoiles ont disparu pour laisser place à ces énormes nuages blancs qui naviguent au fil des vents, sans réelle destination ni but, si ce n'est apporter un peu d'ombre de temps à autre. On ne voit pas le soleil pour le moment, mais sa présence se fait sentir et me vivifie. Mais il a un tout autre effet sur Charly qui se met à courir hors de l'eau.

« Je revieeens ! Et ne regarde pas ! »

Elle fonce derrière le van. Mais ma curiosité m'oblige à la suivre du regard. J'observe au travers du pare-brise, espérant apercevoir une bribe de réponse par les vitres arrière teintées du van.

Et je vois quelque chose. Une bribe de lumière. Non, c'est plutôt un reflet noir qui m'éblouit et me... traverse.

Je...

...

Woah.

Je ne comprends pas... C'est... Je ressens des choses. Une palette d'émotions me transperce. Ouais, transpercer c'est le bon mot. Elles sont subites, violentes et tranchantes. Certaines sont douloureuses. Un profond mal-être m'attaque. Je me sens... seule ? Comme si toutes les personnes sur terre avaient soudainement cessé d'exister. Comme si elles n'avaient jamais vraiment été là en premier lieu.

Il y a autre chose. J'ai l'impression. L'impression de pourrir. Pourri de l'intérieur. C'est atroce. C'est sans même me contrôler que je commence à me gratter, comme si mes ongles essayaient de retirer un venin qui coule sous ma peau et le consume.

Je ressens aussi une haine. Une haine si profonde et noire. Si malveillante. Si mauvaise. Si intense.

Mon âme se déchire en deux.

Je hurle. De douleur. De tristesse. De haine.

Je hurle à la mort alors que je sens ces émotions me recouvrir un petit peu plus à chaque vague, prêtes à me submerger d'un instant à l'autre. Je suis envahie d'une tristesse et d'une noirceur qui a débarqué dans mon corps avec la puissance d'une bombe. Et je lute tant bien que mal alors que cette violence essaye de m'écraser. De m'anéantir.

Je souffre.

Je veux juste que ça s'arrête.

Je sens une autre puissance m'attraper. Physiquement cette fois. Charly me tient par les épaules et me secoue en hurlant des choses elle aussi. Je ne sais pas quoi.

Je la hais.

Mes mains agrippent son cou et le serrent. J'essaye de le briser. Mes pouces s'enfoncent dans sa gorge alors que la sensation me fait planer. Je me sens si forte. Si invulnérable.

Elle me donne une droite, mais ça ne fait qu'alimenter la bête qui me consume.

Je crois qu'un sourire se dessine sur mon visage. Il ne m'appartient plus vraiment. J'ordonne à mon corps d'arrêter, mais rien ne se passe. Je reste là. Debout. En train de tuer mon amie.

Ses mains utilisent une tout autre approche. Elle les pose sur mes hanches. Puis elles glissent sur mes lombaires et remontent le long de mon dos. Je sens un changement. Mes muscles se détendent petit à petit. Ses doigts passent sous mon t-shirt et arrivent au niveau de mon cou. Nos deux corps se touchent.

Les larmes coulent alors que je vois la vie quitter ses yeux.

Qu'est-ce qu'il se passe. Qu'est-ce que je suis en train de faire. Qu'est-ce qu'il m'arrive.

Je sens sa chaleur. Mes mains ne serrent presque plus désormais, mais toujours assez pour bloquer son souffle.

Elle jette sa tête vers moi et–

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