𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚟𝚒𝚗𝚐𝚝-𝚜𝚒𝚡

Bonne lecture !

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Spencer a dormi trois heures la nuit dernière. Et deux celle d'avant. Et quatre celle d'encore avant.

Allongé dans son lit, les yeux levés vers son plafond, il a l'impression d'étouffer entre ses draps. Toujours épais, toujours lourds : c'est comme ça qu'il les aime. Mais là, tout de suite, il a juste l'impression de se faire écraser par le plafond et par toutes les présences qu'il sent dans son appartement.

Il a envie de se lever, d'ouvrir la fenêtre, de respirer profondément. Il a envie de défaire entièrement son lit pour le refaire parfaitement et s'y glisser à nouveau ; il a envie de retourner prendre une douche pour se débarrasser de la sueur froide qui s'est installée sur sa peau ; il a envie de hurler aux voix de son salon de se taire, de se la fermer, de le laisser dormir.

Sa tête est prête à éclater. Il veut juste du silence, il veut juste qu'on le laisse fermer les yeux et partir.

Au départ, il se retenait de dormir. C'était un choix, il pensait réellement contrôler parfaitement son choix de ne pas fermer l'œil. Se réveiller plus fatigué qu'en s'endormant, retrouver des cauchemars, des voix et des fantômes qui reviennent.

Parfois, il se demande pourquoi il n'a jamais vu Tobias. Pourquoi Charles Hankel n'est jamais apparu au bout de son lit pour essayer de terminer le travail. Pourquoi le premier type qu'il a abattu d'une balle en pleine tête n'est jamais venu lui rendre visite : pourquoi tous les méchants, les véritables monstres vivants ne l'ont jamais trouvé.

Ils sont dans sa tête, tout du moins. Dès que Spencer essaye de s'assoupir, c'est eux qu'il voit. C'est encore un « Choisis qui doit mourir » qui résonne. Alors il a essayé de moins dormir. Ça a marché. Et maintenant son mal de crâne est presque quotidien et il ne peut pas fermer l'œil.

Il a même essayé de se servir de Hotch, de s'épuiser jusqu'à simplement s'éteindre. Ça a marché une fois. Il s'est réveillé quarante minutes plus tard en se sentant coupable et terrible et affreusement mal à l'aise de ne pas s'être sauvé comme à chaque fois. Des bras autour de lui, un souffle dans sa nuque.

La peur d'y prendre goût l'a simplement fait bondir, et il s'est enfui en réveillant Hotch qui, trop perturbé, n'a même pas essayé de le retenir.

Que peut-il répondre à un « Tes cernes sont noirs, Spencer », à un « T'as perdu du poids, non ? », à un « Tu parles moins, Beau Gosse, y'a un truc qui va pas ? ». Il n'arrive pas à dormir. Il n'a même pas envie de se nourrir. Il n'a même pas la force de diverger sur des sujets qui n'intéressent personne. Il essaye de moins voir Hotch, car sentir des mains calleuses s'arrêter sur les os de ses hanches, de ses bras, de ses épaules, de son bassin, et voir un air inquiet passer dans ses yeux, tout ça ça le retourne encore plus que les voix qui hurlent de plus en plus fort.

Il a l'impression que plus le temps passe, plus les fantômes sont bruyants. Il a l'impression qu'il va se faire avaler, un beau jour. Il a l'impression d'être déjà devenu l'un d'eux, de traîner son corps trop lourd au boulot chaque matin sans trop savoir quoi faire de son cerveau qui tourne presque au ralenti.

Au ralenti, sauf la nuit. Quand il veut dormir. Quand il veut juste s'éteindre et pouvoir se rallumer dans quelques heures.

— Spencer ?

La voix de Riley le fait renifler. Ses jambes tremblent.

— Spencer ?

— La ferme, Riley. Dis-leur de se taire, s'il te plaît. Dis leur d'aller ailleurs, pour une fois.

Il se tourne, enfonce sa tête dans son oreiller en fermant très fort ses paupières.

— Spencer...

Sa tête va se fendre en deux.

— Spencer !

— Putain, Riley, quoi ?

Son corps se relève d'un coup, avec rage, comme un véritable ressort. Riley tressaille, dans le coin de la chambre. Spencer ne lui hurle jamais dessus, c'est un peu un pacte. Mais là, soudain, son corps épuisé a envie de hurler et il ne s'est jamais senti autant en colère. Il pourrait se battre avec n'importe qui, utiliser ses poings, simplement pour évacuer la fureur qui lui brouille la vue.

Riley ne dit rien d'autre. Il se tend, son visage se froisse, et ses yeux se mettent à briller légèrement.

C'est à ce moment que Spencer entend la sonnerie de son téléphone portable.

— Merde, siffle-t-il en écartant les draps pour se lever.

Ses jambes nues manquent de s'écrouler quand il se redresse trop vite, mais Spencer secoue la tête en passant rapidement la pièce en revue. Le bruit est presque entièrement couvert par les voix dans les murs, dans les pièces d'à côté : il se dirige vers son pantalon, étalé sur le sol, et fouille les poches sans rien trouver. Son pull à côté est tout aussi vide, et plus il fouille chaque couche de vêtement qu'il porte en ce moment plus le bruit manque de le rendre fou.

Le bip-bip-bip incessant ne se calme pas.

Spencer se détourne et marche rapidement vers la porte pour sortir de sa chambre. Son épaule se cogne au chambranle en passant, et il fait un arrêt par la salle de bain en fixant étrangement le sol où il avait l'habitude de s'asseoir : il le fait toujours, même après tout ce temps.

Il fixe, fixe encore, jusqu'à ce que le bruit s'arrête. Il ne s'en rend compte que lorsqu'il reprend de plus belle, et le bip vient cette fois du salon alors il sort de la salle de bain en claquant la porte. La douleur de sa tête lui fait serrer les dents, lui donne l'impression que son cerveau se balade dans son crâne tout en se cognant trop brusquement aux parois : il traverse sa cuisine, ouvre même le frigo, gémit en le trouvant toujours autant vide, et attrape ses cheveux en tirant pour essayer de concentrer la douleur à un autre endroit.

Le bip devient de plus en plus fort.

Le couple de fantômes arrête un instant de crier et soudain Spencer plonge presque sur son sac, au sol : ses mains tremblantes attrapent son téléphone portable et la lumière de l'écran lui agresse les yeux. Les paupières plissées, les pouces pleins de spasmes, il chuchote :

— Tais-toi, tais-toi, tais-toi....

Le bouton pour le faire taire disparaît, paraît introuvable, et finalement au bout de longues secondes Spencer a simplement l'impression de s'effondrer alors il hurle :

— La ferme ! La ferme !

Le portable s'échappe de sa main et avant que Spencer ait vraiment compris ce qui vient de se passer, il balance l'objet contre le mur. Un bruit sec, des morceaux qui tombent au sol, puis le silence si soudain qu'il soupire avec tout l'air de sa poitrine.

Ses doigts essuient ses joues humides. Sa respiration haletante résonne à ses oreilles. Ses cheveux trempés de sueur tombent devant ses yeux.

Une minute passe. Une minute entière où les voix se taisent, où le téléphone n'est plus là, où Riley a disparu, et où seul le son de son propre cœur se fait entendre. Ses muscles se relâchent petit à petit, la fatigue revient, son regard se détache du mur...

Puis la réalité le frappe et il se mord la lèvre tellement fort qu'un goût de sang arrive dans sa bouche.

Son téléphone ne sonne que pour deux choses, il les a réglées lui même : le sanatorium, et le boulot.

— Putain, putain, putain....

Ses jambes tremblent encore plus quand il se déplace jusqu'à la petite table à côté du canapé. Quand il rebranche son téléphone fixe, quand il attend quelques secondes, quand il compose le numéro de téléphone d'Aaron Hotchner.

Quand une voix parfaitement réveillée lui répond, et il demande presque dans un souffle fragile :

— On a... une affaire ?

La réponse est oui.

Spencer tire tellement fort sur ses cheveux qu'il a l'impression de tomber en morceaux au milieu de son salon.

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Des bisous !

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