À nos prochaines rencontres 2
Le Seigneur chargea ses quelques besaces sur son cheval et patienta un moment dehors, rejoint par le Jeune Maître. Wulong demeurait longtemps dans sa chambre et ils déduisirent la cause de ce retard, puisque Yichen était aussi introuvable. Ils profitèrent du silence longuement, respirant pour les dernières fois les parfums sobres du Talion Infernal. Par ailleurs, un souvenir parcourut l'esprit du fidèle de Hù lǐ, appuyé sur sa monture qui broutait l'herbe des jardins.
— Vous ne présentez pas vos adieux à la septième Jeune Maîtresse, cela m'étonne du gentilhomme que vous vous vantez d'être. Elle vous attend probablement, désespérant de déposer un quelconque baiser sur votre joue ou de vous offrir un mouchoir en gage d'affection, et vous dire qu'elle rêvera de votre future union !
— Très honnêtement, nous savons tous deux que je n'en avais cure de la courtoisie de cette jeune femme, clama Xian, recevant un gloussement moqueur de son ami. Qu'elle espère. De toute façon, si un jour je me fiance, ce ne sera sûrement pas à elle.
— Xian-Xian, vous me décevez ! Quel piètre prétendant ! Laissez-moi vous dire une chose ; même quand elles ne sont point à votre goût, gardez-les proches de vous... Juste au cas où !
— Impertinence ! accusa l'aîné, sous un regard faussement outré du Seigneur. Je ne m'habituerai jamais à votre arrogance sans faille... Cela constitue votre charme, je suppose.
— Vous avouez donc que je détiens un charme indéniablement séduisant et ravageur !
— J'aurais vraiment dû vous noyer dans cet Assaut du Diable ! répliqua l'aîné. J'aurais enfin eu la paix !
— En revanche, vous auriez perdu un fidèle compagnon que vous adorez tant !
— Qui ? Vous ? Moi, je vous adore ? Je crois que vous confondez, petit effronté !
Le Seigneur rit de bon cœur. Ces chamailleries lui manqueraient le plus ! Chez lui, les hommes le traitaient soit avec dédain, soit avec haine, mais il ne disposait d'aucun véritable ami. Même Soora finira par l'abandonner. Quelques-uns l'accompagnaient dans ses farces et ses enfantillages, mais il favorisait Xian à n'importe lequel d'entre eux.
Ce Jeune Maître le suivait dans ses bêtises à reculons, en lui lançant des répliques acérées qui lui arrachaient toujours un franc désir de rire. Avec lui, il s'esclaffait et il chérissait cette ambiance détendue, en dépit de leurs rangs.
L'héritier, lui, affectionnait en particulier ce Seigneur grossier pour cet humour décalé qu'il ne connaissait pas auparavant et qu'il avait appris à tolérer en sa présence. Le naturel, sans fioritures, sans faux-semblants. Il se désappointait encore de ces âneries, mais ne s'en offusquait plus autant qu'à l'époque. Il souriait facilement et s'adonnait à des jeux idiots, soufflant un peu entre deux obligations officielles.
— Qui aurait prédit cela ? demanda, pensif, Xian-Jun.
— J'admets que je n'aurais jamais parié sur nous.
— Moi non plus.
Pendant que l'atmosphère devenait nostalgique à l'extérieur, l'alchimiste caressait avec bienveillance les joues de Yichen qui baignaient dans les larmes. Il avait craqué. Bien sûr, qu'il avait craqué ! Le jeune de Jiǎo huá se rendait compte de son réel attachement envers son aîné. Il l'aimait plus qu'il ne le présumait et se découvrait une passion terrifiante pour lui. Il n'arrivait pas à le lâcher. Pourtant, il s'efforçait de ravaler son angoisse et de desserrer ses mains qui empoignaient les hanches de Wulong, l'empêchant de s'échapper.
— Au contraire de Zhī dào ou de Mó fǎ, Hù lǐ n'est pas si éloignée de Jiǎo huá, tenta le blond peroxydé. Lorsque tu te languiras, je t'ouvrirais la porte de ma demeure. Tu l'aimeras, elle est correcte et humble... Yichen ? Est-ce que tu vas mieux ?
Absolument pas ! Mais il opina du chef, reniflant bruyamment. Il essuya les perles salées de ses joues, frotta ses yeux, il paraissait en colère contre lui-même ; il flanchait devant son alchimiste, il lui dévoilait toutes ses faiblesses. Il brutalisait son visage pour effacer les traces de sa tristesse.
Wulong lui sourit derechef, mais ne pouvait pas engendrer de miracle. Qu'importe ce qu'il ferait, le benjamin désirerait le retenir. L'alchimiste se retira de l'étreinte et prit ses bagages. Il gagna sa monture et coinça ses deux besaces dans les sangles. Puis, il pivota vers son semblable qui remarqua sa détresse. Hiwang et Xian l'attendaient pour se mettre en route, il devait se dépêcher.
— Un moment, je vous prie, intima-t-il. Je...
— N'en dites pas plus ! rassura le Seigneur, complaisant. Saluez-le correctement, nous patienterons.
Wulong versa une unique larme qu'il sécha instantanément. Il s'obligeait à ne pas se lamenter sous les yeux du benjamin pour ne pas le blesser davantage, mais il ne voulait pas partir non plus. Hiwang saisit le message et tapota son épaule, lui transmettant un peu de réconfort. Xian se contenta d'un bref encouragement verbal, et il rejoignit sa chambre où Yichen n'avait pas bougé. Il le fixait de ses orbes désormais impassibles. Ses sanglots s'étaient évaporés, il admirait seulement son alchimiste qui se posta debout, à quelques pas de lui.
— Il est temps, devina le jeune homme, défait, et se levant pour être à sa hauteur. Je compte bien respecter tes conseils. Dès que tu me manqueras, je voyagerai jusqu'à Hù lǐ et je te harcèlerai nuit et jour pour que tu te préoccupes de moi ! Ne m'oublie pas, sinon je te punirai... Compris ?
Un frisson crispa l'alchimiste qui acquiesça avec vigueur, d'instinct. Le jeune posa ses longs doigts de chaque côté de son visage, refroidissant ses joues rougies, et il rapprocha leurs bouches. Wulong recula par automatisme et se buta rapidement au mur. Une main effleura sa mâchoire et le haut de sa nuque, l'autre frôla les courbes de son bassin. L'alchimiste se figea et ne se souvint plus de comment respirer. D'une délicatesse inattendue, Yichen couvrit ses lèvres des siennes en un chaste baiser ; il le savoura avec légèreté ; il eut besoin de plus.
Il l'embrassa à pleine bouche et l'échange se transforma en un combat féroce duquel le jeune homme triomphait. Wulong suivait le mouvement, perdu par ce rythme effroyable. Son esprit ne réfléchissait plus. Il perçut les bruits de succion créés par ses propres lèvres, et il ne s'en offensa pas. En fait, les baisers de son cadet l'apaisaient, comme un serment qu'ils se reverraient bientôt. Yichen lui démontrait qu'il ne s'était pas moqué de lui toute cette semaine et qu'il ne s'amusait pas avec ses sentiments, car il éprouvait les mêmes.
Il déploya sa langue à l'intérieur de la cavité buccale en un geste suave, ouvrant sa bouche en appuyant sur le menton de l'alchimiste, et il rencontra un univers humide et chaud où il s'enfonçait volontiers. Wulong écartait de plus en plus ses lèvres, incité par les caresses osées sur son torse et sur ses hanches. Que personne ne l'ait un jour touché de la sorte et que ce jeune homme soit le premier, cela ne le dérangeait pas du tout ! Yichen mordilla sa peau, baisota ses joues, son menton, et ne délaissa pas ses clavicules qu'il trouva fascinantes.
Le benjamin revint vivement à ses lèvres et tandis que Wulong passa ses bras autour de lui et que Yichen relevait une de ses jambes, ainsi entrelacés contre un mur, ils s'embrassèrent de la plus sensuelle des manières. Des sons explicites s'élevèrent dans la pièce, mais ils ne se séparèrent pas avant d'en avoir cruellement besoin. Essoufflés, leurs expirations se mélangeant, l'alchimiste prit conscience de la position lascive dans laquelle Yichen le maintenait. Il s'empourpra violemment. Alors que sa bouche était entrouverte sous le choc, le jeune la dévora de baisers voluptueux, se délectant des soupirs d'aise de sa chère proie.
— Comment me lasser de toi ? fit Yichen. Tu es trop parfait pour que je me détourne de toi, Long-Ge. Retrouvons-nous sous peu. D'accord ?
L'alchimiste hocha de la tête avec empressement et le plus jeune consentit à relâcher sa prise sur sa jambe qui regagna le sol. Il le garda un instant dans ses bras, le gâtant de nombreux baisers amoureux. Wulong, par cette cadence lente, put répliquer et l'embrasser avec autant de passion que lui.
À leur grand dam, Yichen se détacha de lui et lui saisit la main, pointant d'un geste empli de regrets la porte. Son aîné lui sourit, fidèle à son habitude, avec une bienveillance et une tendresse inouïe.
Le guerrier de Jiǎo huá l'escorta dehors et se moqua des sourcils froncés des deux autres à leurs mains emmêlées. Il se confortait en sentant les yeux cajoleurs de l'alchimiste focalisés sur lui. Près de la monture, Yichen les stoppa et il se pressa une dernière fois contre Wulong, son comportement enfantin ressortant au dernier moment. Son aîné plaqua sa bouche sur sa joue et lui adressa le plus de sentiments possibles en une poignée de mots. Enfin, ils se dirent au revoir et le plus jeune l'aida à grimper sur la selle de son cheval, lui tendant les rênes. Hiwang et Xian l'imitèrent. Les voilà sur la ligne de départ.
— Ne doute plus de mes intentions, reviens quand tu le souhaiteras et rêve de moi...
Sur un ultime sourire rougissant de Wulong, ils se quittèrent. Les trois chevaucheraient plusieurs jours, surtout le Jeune Maître qui finirait le trajet sans compagnie.
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