Chapitre 6 : Étrange pouvoir et réminiscences

— Si, c'est terminé, répliqua Cassandre. Je ne me laisserai plus faire.

Ça y est ! Je pensais que tu n'allais jamais te défendre face à cette horrible mégère...

Cassandre adressa une prière silencieuse à la voix dans sa tête, lui intimant de se taire. Sinon, elle ne pourrait jamais se concentrer sur ce qu'elle avait à dire...

— Vous dites que je mange à ma faim ? C'est faux. Je n'ai jamais connu le fait de ne pas avoir faim, enchaîna Cassandre, le regard rempli de peur et de défi.

Elle ne s'exprimait pas avec mépris. Sa voix était neutre, sans refléter une quelconque émotion.

— Grâce à moi, tu as un toit sur la tête, tu ne vis pas dans la rue ! tonna la directrice.

— Et à quel prix ? murmura Cassandre, comme pour elle-même. À quel prix ? répéta-t-elle d'une voix plus forte.

La directrice émit un ricanement plein de mépris en observant Cassandre d'un air hautain.

— Crois-moi, petit monstre, ce que je t'ai fait subir n'est rien face à ce que ceux de dehors te feront, lorsqu'ils verront ce que tu es.

Cassandre fut frappée par le choix des mots de la directrice. Elle avait dit "ce que tu es" et non pas "qui tu es". C'est là que la jeune fille réalisa vraiment qu'elle n'avait jamais été considérée comme une personne à part entière. Pas une seule fois. On l'avait toujours traitée de monstre, mais Cassandre avait toujours pensé qu'ils savent tous, au fond d'eux-mêmes, qu'elle était une personne, comme eux. Qu'elle était un monstre en plus d'être une personne. Mais non. Pour les autres, elle n'était et n'avait jamais été rien d'autre qu'un monstre.

Blessée, la gorge nouée, Cassandre refoula ses larmes en serrant les mâchoires. Puis elle se redressa du mieux qu'elle pour, rajusta sa robe sur son corps décharné et tendit une main, paume vers le ciel, à la directrice.

— Donnez-moi la clé.

La directrice la regarda en fronçant les sourcils. Puis elle ricana mauvaisement :

— Si tu penses que je vais te la donner et te laisser partir de cette façon, sans rien dire ni faire, tu te trompes lourdement.

Cassandre se sentit perdre patience. D'une voix ferme, elle ordonna :

— La clé.

Et le monde explosa. La directrice fut projetée en arrière tandis que Cassandre restait bien campée sur ses pieds. Elle regarda les plantes fumantes et le portail détruit d'un air horrifié, une étrange douleur irradiant de ses mains. Elle les regarda, mais ne vit rien. Cependant, elle sentit...quelque chose s'enrouler autour de ses épaules jusqu'à sa taille. Était-ce...

Elle est sûrement morte, cette horrible bonne femme !

La voix était revenue, et elle parlait avec une satisfaction évidente.

Allez, Cassandre. Sors d'ici !

— Que s'est-il passé ? murmura Cassandre pour elle-même. Je me sens...vide.

Normal, tu as épuisé toutes tes forces ! Va-t'en d'ici tout de suite !

Et la jeune fille obéit. Elle se retourna et passa le portillon réduit en cendres. Puis, sans jeter un regard en arrière, elle partit en courant dans la nuit noire.

— C'est moi qui ai fait ça ? interrogea Cassandre.

Ses mains la brûlaient encore. La voix ne répondit pas. Cassandre se doutait que c'était elle, mais elle ne parvenait pas à s'expliquer l'étrange phénomène qui venait de se produire. Comment avait-elle été capable de faire ça ? Et, si elle avait un pouvoir, pourquoi ne s'était-il pas manifesté avant, quand elle aurait pu l'utiliser pour se défendre contre la directrice ?

Cassandre n'était pas vraiment choquée d'apprendre que la magie (ou autre chose qu'elle ne pouvait pas nommer) existait. Elle avait vu des choses étranges, dans sa vie. Il y avait d'abord ces étranges marques noires indélébiles sur ses bras, qui grandissaient chaque jour un peu plus, les voix dans sa tête, les cauchemars qu'elle faisait toutes les nuits, et...la mort de ses parents, des années auparavant. Cassandre n'était pas supposée pouvoir se souvenir de leur mort, étant donnée qu'elle n'était qu'un bébé à l'époque. Cependant, malgré quelques passages flous, elle s'en souvenait. Des flammes qui léchaient le rebord de son berceau, sans s'approcher plus. Un peu comme si elles la protégeait. Ses parents qui s'étaient jetés par la fenêtre, les yeux complètement vides.

Non, il ne s'agissait pas d'un suicide. Mais d'un meurtre. Quelqu'un, ou quelque chose, avait poussé ses parents à sauter par la fenêtre. S'il s'agissait véritablement d'un incendie, Cassandre serait morte avec eux. Mais à l'arrivée des secours, elle était toujours dans son berceau, et ne présentait aucune blessure, pas la moindre petite brûlure, alors que la maison toute entière avait pris feu. Et un suicide... C'était complètement insensé. Jamais les parents de Cassandre ne se seraient suicidés. Ils auraient pu sauter par la fenêtre en découvrant le feu, mais la jeune fille savait que jamais ils n'auraient abandonné leur fille, qu'ils aimaient tant. Leur amour pour elle était tellement puissant...

Il y avait un dernier détail qui avait persuadé Cassandre que ses parents n'étaient pas morts dans un accident. Leurs corps n'avaient jamais été retrouvés. La police avait déclaré que leurs corps étaient partis en fumée dans l'incendie, mais personne n'y croyait, car Cassandre elle-même, qui dormait dans la même pièce, n'avait rien eu.

Cassandre fut placée à l'orphelinat. Des familles tentèrent de l'adopter, sans succès. Il se passait toujours des choses étranges, et tout le monde avait peur des choses étranges. Après plusieurs essais infructueux, Cassandre se retrouva dans une famille adorable, qu'elle aimait beaucoup, et qui l'appréciaient également. Jusqu'au jour où tout avait basculé. La dame faisait prendre son bain à Cassandre un soir, quand elle vit pour la première fois les filaments noirs. Pendant qu'il s'agissait de saleté, elle frotta, frotta, frotta encore, avant de se rendre compte que cette chose était impossible à enlever. Cassandre se souvenait avec amertume de toutes les fois où elle avait rencontré des médecins. Certains l'avaient charcutée, mais le lendemain, les filaments noirs avaient repris leurs droits sur la peau de Cassandre.

La famille avait rendu Cassandre à l'orphelinat, hurlant que cette enfant était un monstre.

À suivre...

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