PARTIE II : Les Regrets Tiraillants

Tianna Dracosky de RoyCaponi avait quitté le Domaine de Tiersek, douteuse, dans l'espoir de préserver ses amis maudits par la Malédiction. Tianna, malgré qu'elle détestait Jeanne, avait été contente de la retrouver, sûrement parce que justement c'était sa mère... 

Chapitre 7: Le retour à la vie de château

...Ou s'avouer que « Le retour à la réalité n'était pas forcément une si super idée ! »

Tianna venait d'être réveillée par sa domestique, Faustine, une petite femme brune aux yeux bleus, aussi réservée que bienveillante.

Elle lui vint en aide pour l'habiller.

    Tianna reportait, depuis quelques jours, ces robes luxueuses de Noble, bouffantes ou moulantes, trop serrées bien souvent au niveau du corset, qu'elle n'appréciait guère. S'obligeant à jeter les vêtements de l'époque antérieure. Et ne parlons même pas des nombreux bijoux, bagues, colliers, bracelets, etc. qu'elle s'imposait de porter. Cela la rendait encore plus magnifique avec cette coupe blonde adéquate.

Cela la rendait, en apparence, plus hautaine et froide.

Une beauté fatale inaccessible qui ferait tout pour voir galérer les prétendants qui s'accumulaient par centaines devant ses pieds.

Tianna devenait en âge de se marier. Trevor et Jeanne – même si l'avis de sa parente était davantage subsidiaire ou superficiel, qu'autre chose –  y songeaient fortement...

    La pauvre rebelle subissait alors les terribles enseignements et corrections de la Noblesse, pour qu'elle soit bien éduquée, renseignée, pour qu'elle adopte les bonnes mœurs... pour qu'elle soit une bonne femme à marier dans la Haute Société.

Ses professeurs, réputés pour être les meilleurs qu'ils soient, tentaient de briser le côté rebelle de Tianna pour la faire rentrer plus facilement dans le moule sociétale.

En clair, qu'elle ne cesse de penser, qu'elle oublie son libre-arbitre, pour être dévouée à son futur mari et s'amuser avec les ragots et commérages de la Cour avec les autres Dames et les amourettes de passage.

    Tianna s'astreignait à porter son masque impérial, avançant avec élégance jusqu'à la salle à manger, rejoignant ses parents et d'autres personnes admirables pour le petit déjeuner, accompagnée de Faustine. Les mains croisées autour de la taille, Tianna salua ses parents en exécutant une révérence gracieuse, d'une voix transformée.

Une voix à laquelle l'on aurait retiré toute son innocence, sa pureté, son altruisme, sa compatissance et son empathie, pour les remplacer par la fierté, le mépris, l'arrogance, l'autorité, et bien sûr, le pouvoir :

- Bonjour Mère, bonjour Père. Vous êtes rayonnants aujourd'hui. C'est merveilleux.
-Ah ça, c'est peu dire, ma fille. Ta mère se remet  de ta disparition, confirma Trevor, son père, une pointe d'affection dans sa voix grave.

Son père portait un costume violet avec une chemise blanche aux détails dorés. Il avait des cheveux d'argent, coiffés de manière sage et impériale. Un personnage très charismatique, avec son corps svelte et élégant ainsi que sa barbe de trois jours et ses yeux marron pétillant de détermination.

- Oui, surtout qu'aujourd'hui, nous allons... s'enthousiasma Jeanne, sa mère.


Sa mère portait une longue robe rouge foncé aux détails argentés, très près du corps, avec un décolleté blanc qui savait grandement mettre en valeur sa volumineuse poitrine. Ses cheveux blonds-gris étaient coiffés en chignon sur un visage abusé de produits  de maquillage. Ses yeux gris pétillaient le pouvoir et son amour pour la richesse. Une apparence sévère et très superficielle.

    Trevor la fit taire d'un mouvement de main, l'air dur, il était trop tôt pour annoncer la grande nouvelle...!

- Ta mère voulait te dire qu'elle était très heureuse de t'avoir enfin retrouvée... que nous étions très heureux et surtout soulagés. Ainsi, elle est également fière que tu aies pris cette merveilleuse décision de reprendre ton éducation royaliste et cesser tes enfantillages. Et tout cela, de ton plein gré, comme quoi cette fugue t'a fait mûrir ! rectifia son père, avec une grande fierté.

Mais qu'est-ce que ses parents avaient-ils encore manigancé ? Qu'allait-elle devoir subir, encore...?

- Je suis toute aussi ravie de vous  retrouver. Ces temps si longs, si froids, dans la Forêt de Verseck m'ont traumatisée. Et ma foi, je crois bien que cela m'a fait évoluer, cela m'a fait prendre conscience que je m'étais perdue. Que j'avais perdu de  vue mon véritable but. C'est donc après cela que j'ai décidé de revenir dans le droit chemin. L'espoir est réapparu une fois que je vous ai revue Mère. Père, votre fierté à mon égard me flatte, me ravit, expliqua Tianna, reconnaissante.

Elle les ménageait, allait dans le sens de ses parents, docile, même si elle n'en pensait pas un mot. Si ses parents sentaient de la sincérité dans ses paroles, cela signifiait que son éducation portait ses fruits.
Qu'elle pouvait davantage s'encrer dans son personnage de Noble parfaite...

- Ha, ha ! Je suis si content d'enfin te l'entendre dire ! s'esclaffa son père.

Tianna se mit alors à table, délicatement, après que ses parents l'ai soigneusement invitée.

    Faustine servit la nourriture de qualité.

    Mais vers la fin du petit déjeuner, la servante trébucha sur la jolie blonde aux yeux bleus, renversant une tasse de thé tiède, presque froide, sur elle.
    Tianna sursauta, ne s'y attendant point.

- Ohhh non ! non ! non ! Dame Dracosky, je suis sincèrement désolée ! Non ! Non ! Je suis tellement maladroite ! Non ! s'écria Fautisne, navrée, folle d'inquiétude.

La jeune servante dépliait les longues serviettes de  coton pour sécher les taches du mieux possible.
Tianna l'aidait, en s'essuyant elle-même.
Ce geste sembla décevoir : La mère dévisageait sa fille.

- Calmez-vous, Faustine, ce n'est pas grave... ce n'est que du thé, après tout. Rassurez-vous, il n'y a aucune catastrophe... répliqua Tianna, doucement, tout bas.

Trevor et Jeanne regardaient le spectacle, impassibles. Jusqu'au moment où Trevor prit la parole, agacé, en ayant assez de ce cirque.

- Mais c'est ridicule enfin ! Et vous, servante, déguerpissez de ma vue, vous et votre foutue maladresse ! Bon Dieu, mais c'est pas croyable ça ! Qu'est-ce que ces manières ?! (Son père se tourna vers elle :) Et toi, Fille, pourquoi restes-tu aussi calme face à cet affront ?! La servante t'a tachée, et tu ne dis rien ?! Mon Dieu... Je retire ce que j'ai dit, il y a encore du travail à faire sur ton éducation, ma chère. Je suis terriblement déçu par ce comportement aussi peu respectable... (Trevor frappa dans les mains:) Appelez-moi les autres domestiques, qu'on me change la tenue de cette enfant ingénue ! Et plus rapidement que ça ! s'emporta son père, renversant un pichet et un pot de confiture au passage.

Tianna n'avait plus l'impression d'avoir son père en face d'elle lorsqu'il s'emportait de la sorte. En parallèle, lorsque la véritable personnalité de Tianna refaisait surface, Trevor ne reconnaissait plus sa fille.
    Jeanne lançait des regards noirs aux deux demoiselles.
    Le visage de Tianna se durcit de nouveau, renforçant son masque impérial qu'elle se devait de porter à chaque instant.
Elle toisa, à contre cœur, la pauvre Faustine.

- Oui. Prenez congé. Laissez les autres domestiques s'occuper de ce désagrément, trancha Tianna, glaciale et lointaine.
- Ou... oui, oui... Excusez-moi, Mesdames, Messieurs, excusez mon incompétence... s'enquit Faustine, en pleurs, partant en courant.

Tianna donna son corps à trois domestiques, deux femmes et un homme, tandis que d'autres s'occupaient de nettoyer la table. Ils s'occupèrent d'elle pour la rendre un minimum respectable. Tianna portait désormais une soyeuse robe rose bouffante, toujours munie de ses plus précieux bijoux.
    Suite à cet événement, elle décida de garder son masque de Noble, s'oubliant totalement au fond de son être.

    En l'occurrence lors du déjeuner, Tianna recevait l'illustre – évidemment, ironique – Alphonse Polaruynn, son très lointain cousin, et sa famille, lors d'un grand banquet animé.

Encore un sacré moment à subir...

    Dès les premiers instants, Tianna avait déjà l'envie de fuir. Mais elle ne le pouvait point, elle se devait de faire bonne figure. Constamment.
    Il y avait des tables remplies de nourritures et de vins ou un peu de jus. Il y avait des bouffons, toujours là pour amuser la galerie, des cracheurs de feu, toujours là pour épater la galerie, des danseurs, toujours là pour émerveiller la galerie. Des serviteurs apportaient des petits mets sur des plateaux d'argent, au beau milieu de ce brouhaha royaliste incessant.
    Les serviteurs avaient du boulot, ils s'occupaient de tout ! Tout le temps ! Il y avait de la musique, provenant d'un orchestre grandiose, c'était la fête !
    Un grand nombre de personnalités importantes du Royaume étaient conviées, Tianna en connaissait que très peu, même de nom. En l'occurrence, Priscille de Lyrès, sa petite cousine, cette petite enfant rousse aux yeux d'émeraude, pétillante d'innocence et de bonté, que Tianna adorait. C'était sûrement l'une des uniques personnes qui comptait pour elle dans ce vaste monde où elle ne s'y sentait aucunement à sa place...

    Malheureusement, il fallut que Tianna soit placée à la même table qu'Alphonse... Quelle horreur !
Elle allait devoir le supporter durant tout ce temps...! qui allait sûrement être  long, bien trop long !
    Alphonse était ce genre d'homme lourd qui lui faisait du pied sous la table, toujours prêt à lancer un compliment sans grande originalité, et elle n'acceptait guère cela. Surtout venant de lui....
Il lui tendait de nombreuses invitations, la complimentait sans arrêt, et ça, elle ne l'acceptait encore moins.
Et le combo qui la poussait à se retenir de le châtier, et cela serait mentir de dire qu'elle n'en mourait pas d'envie : Lorsqu'il osait poser sa main sur certaines parties de son corps comme si... elle était sa propriété.
    Tianna brûlait de l'intérieur. Si elle avait pu, elle aurait carbonisé tout l'endroit.
Mais elle ne pouvait pas, elle n'avait pas le droit. Tianna devait se contenir, subir le martyr, en se murant dans le silence...

    Toutefois, la jeune blonde parvint à s'éclipser de cet enfer. Prétextant avoir besoin d'aller aux toilettes, elle fila dans un couloir comme une ombre féline, et posa ses mains sur une porte pour l'ouvrir et s'y enfermer jusqu'à la fin, veillant à ne pas être suivie...
...Lorsqu'une voix suave, familière, quoique agaçante, la stoppa subitement.

- Dame Dracosky, la sublime parmi les sublimes, lorsque je vous ai vue partir... Je n'ai pu résister à la tentation de vous suivre...

« Oh non... pas lui ! Quiconque mais surtout pas lui !  »

    Alphonse, le roux bouclé, laid, aux yeux verts tout aussi laids, se rapprocha d'elle, se frottant à elle, posant ses mains sur les bras découverts de Tianna.

- Je suis fort impatient, Dame Dracosky, de bientôt pouvoir me délecter de vos délices... Vous voir ainsi accepter mes propositions... susurra Alphonse, d'une voix enjôleuse.

Tianna ouvrit la porte, pour essayer de s'écarter de lui.
Évidemment, il la suivit en la refermant. Et resta toujours aussi proche d'elle, continuant de lui faire des avances oppressantes.

- Et... si je refuse ? Et... si je ne veux pas faire avec  toi ? demanda alors Tianna, le plus fermement possible, tâchant de masquer sa crainte.
- Ils ne t'en laisseront pas le choix, répondit Alphonse, énigmatique.

Comment ?! Tianna rêvait ! Ils ? Qui ça, ils ? Non, impossible ! Ils ne pouvaient en aucun cas lui faire ça ! Surtout  pas ça !

    Il lui prit les mains et il la plaqua contre le mur, dansant sensuellement contre elle.
Ils semblaient tous les deux s'abandonner l'un à l'autre, fermant les yeux.
    Alphonse rapprocha son visage et déposa ses lèvres contre les lèvres frémissantes de Tianna. Et l'embrassa. 
    Alphonse rabattit les mains de Tianna contre son corps violemment. Il devenait plus brutal, ses gestes devenaient plus brusques, au fur et à mesure que son instinct animal l'appelait et grandissait.
    Mais Tianna n'apprécia pas le baiser d'Alphonse, non-partagé, non-désiré. Elle trouvait ça purement malsain d'être contrainte de la sorte.
Elle sentit le côté bestial d'Alphonse prendre le dessus et... cela la dégoûtait encore plus.
Tianna ne voulait rien avoir à faire avec Alphonse. Rien du tout.

    Indéniablement, son dégoût fut trop puissant, et la Belle se braqua.
Elle hurla, le déconcertant dans son action, pouvant ainsi se dégager de son emprise. Ensuite, elle le gifla et le poussa violemment sur le lit.

    Puis, elle s'enfuit le plus loin possible de la salle du banquet, préférant se réfugier en dehors du château, dans la cabane du forestier.
Un endroit où elle pouvait être seule, où elle pouvait être sûre qu'elle ne serait jamais dérangée.
Elle resta là jusqu'à la fin du banquet, sans que personne ne  s'aperçoive de son absence, et revint au château une fois calmée.

    Tianna ne voulait pas croiser ses parents, ni même qui que ce soit. Elle avançait, discrètement, en direction de sa chambre.

- Tianna Dracosky de RoyCaponi ? apostropha son paternel, sur un ton prévisible. 

Vous connaissez ce ton, ce ton qui signifie qu'on ferait mieux de se faire tout petit parce que ça sent la poudre ! Une dispute sentie à des kilomètres à la ronde !

- Euuuuh, oui. Qui a-t-il ? lança Tianna, faiblement, de la voix la plus blanche possible, tout en présageant le pire.

Trevor contournait la table, les mains croisées dans le dos, l'air confiant et plus ou moins calme. Mais le fait de paraître calme chez son père ne pouvait être qu'une simple façade, alors il fallait se méfier...
    Puis, il arriva auprès de sa femme, s'entourant de leurs bras.

- Ma fille, nous avons quelque chose d'important à t'annoncer, commencèrent les deux parents, en même temps.

Les paroles de son lointain cousin prenaient alors tous leurs sens...

- Pardon ?! Alors, Alphonse ne mentait pas ? Vous comptez vraiment me marier avec lui ? Alors c'est à lui que vous me prépariez depuis tout ce temps ? s'élança Tianna, surprise.

- Aaaahh... Tu es au courant... murmura Trevor, se mordant les doigts.

-Oui ! Tianna, ma fille, l'origine de ce banquet de courtoisie était, en réalité, un prétexte pour achever les négociations entre nos deux familles. Alphonse a un père si riche, quel héritage tu pourrais faire acquérir à notre famille ! affirma Jeanne, aussi ferme que contente de sa décision.

- Mais... vous n'avez pas osé ! s'écria Tianna, au bord des larmes, pour la seconde fois. Vous le saviez, vous auriez pu me choisir qui vous vouliez ! Mais, mais pas lui !

- J'ai essayé de convaincre ta mère, mais elle a eu le  dernier mot, murmura Trevor, compatissant pour sa fille, les yeux fuyants. Les propositions du père d'Alphonse étaient plus qu'acceptables, pour l'avenir de notre descendance, la préservant ainsi, de source sûre, de la nécessité élémentaire...

- Tianna, tu dois d'abord penser à nous. Et surtout à tes futurs descendants. Et pour ça, il faut s'intéresser aux profits des alliances pour que notre famille puisse perdurer dans le temps. Notre nom doit encore faire écho durant de longues décennies !
» En outre, Alphonse t'a toujours désirée, il t'a toujours voulue pour lui, pour lui seul. C'est assez rare qu'un garçon éprouve un tel intérêt pour une fille, je t'assure.
» Tianna, ne te torture pas l'esprit, ne lutte pas, ne te pose pas trop de questions. Nous avons pris la meilleure décision, pour toi, pour l'avenir, ton avenir, pour nous, pour notre descendance, expliqua Jeanne, doucement.

La mère tentait de bercer sa fille dans ces histoires idéalistes et familiales pour la manipuler, pour qu'elle accepte plus facilement la terrible décision définissant ainsi son avenir. À jamais.

- Tianna, c'est notre décision. Et même si tu ne veux pas, tu n'as pas le choix. C'est tout, renchérit Trevor, durement. La discussion ne t'est pas permise. Allez, file dans ta chambre.

- Bien Père, bien Mère. Je suivrai vos décisions sans discuter. Ah, eh... Père, de toute façon, vous êtes le seul à pouvoir décider de mon avenir. Vous êtes le seul détenteur de la vérité, de ce qui est favorable pour mon développement et mon épanouissement, se contraignit Tianna , respectueusement.

    Puis elle fila à toute vitesse dans sa chambre.
    Elle avait donné toute sa force psychologique pour rester « forte » et pour parler « bien » face à ses parents, pour ne pas se décomposer sur place.
    Désormais, elle allait pouvoir se morfondre sur son triste sort.
    Dans sa chambre, le seul endroit où elle pouvait être elle-même, où elle pouvait retirer son masque impérial...

Au nom de Dieu, qu'est-ce qu'il lui avait pris de quitter le si merveilleux Domaine de Tiersek... ? D'avoir troqué sa liberté pour son destin de damnée...?

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