Jour 3 - Milla Jaesen.
Le Président semblait perdu dans ses pensées. Sa mâchoire était serrée. Milla était certaine de l'avoir vu cillé. Elle se demandait quel pouvait être l'objet de ses réflexions. Elle approcha sa main de ses muscles du visage et songeait à faire vagabonder ses fins doigts sur ses joues parfaitement lisses et rasées. Néanmoins, il s'aperçut de son manège et croisa finalement son regard. Elle n'attendait que cela depuis ce qu'il lui semblait un éternité.
Il lui prit sa main avide et comme par magie, leurs visages se rapprochèrent l'un de l'autre. La femme embrasse l'homme. Ou était-ce l'homme qui embrassa la femme ? Qu'importe. Ils s'embrassèrent. Doucement en premier. Avec bravoure ensuite. Puis, ils osèrent mélanger leurs langues dans un délicieux et agréable baiser enchanté. Enfin, ils se séparèrent, faussement gênés. Lui ne souhaitait que cela, elle avait repris son rôle de femme pure.
La femme redevint Milla Jaesen, celle qui devait à tout prix épouser le Président de France. L'homme fut rabaissé au niveau d'une proie, chassée sans merci.
- J'ai un cadeau pour toi, susurra t-il.
Il se détacha d'elle à contre-cœur et retourna à la table. Elle lui suivit et ils s'installèrent de nouveau. Dans la poche de sa veste, il chercha quelque chose et sortit une petite boite qu'il posa en évidence face à Milla qui sautait de joie intérieurement. Ses efforts allaient payer. Elle touchait le but. C'était bon : elle avait gagné.
- Aujourd'hui, commença t-il, hier, les jours d'avant - et je continuerai sur ceux d'après -, je me suis interrogé quant à la nature de notre relation. Je suppose que tu auras compris que tu as une place dans mon cœur. Je ne l'avais peut-être pas réellement réalisé mais je t'aime particulièrement, Milla. Tu sais également que je dois me marier sous peu, mes parents exigent. Mon choix s'est porté sur toi, immédiatement. Je n'ai pas eu à y réfléchir, j'étais sûr de moi.
Effectivement, il avait un air hautain, supérieur, comme s'il était le roi du monde. La brune ne put qu'opiner du chef, incapable de faire le moindre mouvement. Elle buvait ses paroles.
- Ouvre la boite, intima t-il.
C'est là qu'elle devait la jouer détendue. Alors, elle tendit lentement sa main jusqu'à l'écrin noir et, un sourire magnifique à ses lèvres rouges pourpres, elle l'ouvrit. Milla découvrit sans grande surprise une bague, de fiançailles, en petits diamants. Elle devait coûter une fortune.
- Je voulais te faire ma demande. Vraiment. Jusqu'à tout à l'heure.
La Vice-présidente cessa de respirer. Quelque chose n'allait pas mais elle n'arrivait pas à mettre la main dessus. Le baiser ! Peut-être l'avait-il bloqué ? Ou pas, non, elle ne savait pas.
- Que s'est-il passé tout à l'heure ? fit-elle sans parvenir à feindre sa déception.
Oui, elle l'était. Triste, déçue, désappointée. Mais elle était plus bien énervée.
- L'appel que j'ai reçu en même temps que le tien m'a appris un accident qui a eu lieu à Nymeria. Je ne pense pas qu'un mariage entre nous soit le bon moment. Tu as tes projets, complexes auxquels tu dois donner toute ton attention au risque d'échouer, et j'ai les miens. Nos vies ne sont pas encore compatibles.
Milla réprima durement, douloureusement, son emportement. Son regard avait tourné au noir courroucé et ses poings, sous la table, étaient serrés au point de lui faire mal. Elle choisit de ne pas lui répondre, de peur qu'il ne voit sa fureur transparaître, et elle l'écouta docilement.
- Ce qu'il s'est produit aujourd'hui ne doit plus arriver. Je t'ai fait confiance pour les pauvres et je te laisse encore ta chance de les gérer. En attendant, je vais informer mes parents que ma décision est prise et que je veux t'épouser. Mais pas pour l'instant.
" Petit être ingrat ! " hurla t-elle intérieurement.
- Regrettes-tu ? questionna t-elle, abrupte. D'avoir accepté mon projet.
- Je ne le regrettes pas car je n'en ai nullement la raison.
- Mais tu ne l'approuves pas réellement, supposa t-elle.
Elle avait vu correct. Il baissa la tête, ce qui voulut tout dire.
- Ecoute, Milla, je te fais confiance. Je te connais et je sais que tu les disciplineras. Toutefois, j'admets que des pauvres se baladant librement dans l'enceinte de ma ville ne me ravit pas. Je suis persuadé que tout ira mieux dans quelques jours.
Des insultes à perpétuité se formèrent dans sa tête, elle les tua une à une mais pensa qu'il serait bien de les lui crier. Ses efforts furent très éloignés de son bon sens quand elle gronda sourdement :
- Je ne suis pas Dieu ! Je n'agis pas sur eux ! Il se peut que tu reçoives ce genre d'appel toutes les semaines, mais ce ne sera pas de ma faute. Le conçois-tu, au moins ?
- Je ne te tiens pas responsable de leur comportement. Ils n'ont jamais été habitué à la civilisation et...
- Des bêtes sauvages ! Est-ce qu'ils sont pour toi ?!
Milla ne pouvait plus s'arrêter. C'était là un de ses plus gros défauts. Une fois que la machine était en marche, on ne pouvait plus rien faire. Le soupir contrarié du Président n'arrangea rien.
- Ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit, pria t-il. Cependant, il faut voir les choses telles qu'elles sont. Les pauvres sont... Ils sont pauvres ! Pas d'éducation. Pas de maison. Un foyer bancal. J'aimerais les aider moi aussi, mais c'est impossible. Le projet MJ ne mène à rien, c'est idiot. Ils sont trop différents. Comme veux-tu qu'ils s'intègrent à nous ?
Cette dernière phrase lâcha le fauve dans l'arène. Milla ne fut plus maître d'elle-même à partir de là. Sa main alla seule chercher la bouteille de vin ; ses jambes seules se levèrent et marchèrent jusqu'à ; et son poignet seul pivota pour libérer le liquide violacé sur sa chemise blanche. Le Président eut un geste de recul mais, voyant qu'elle n'abandonnait pas, il l'observa verser une bouteille entière de l'alcool le plus cher de ce restaurant sur lui. Sans bouger. Vidée, elle la jeta au travers de la pièce et elle s'écraser contre un des piliers au centre.
- Tu n'es pas Président des riches ! Tu es le Président de France, pauvre..! Andouille !
Oui, elle venait de se contrôler du mieux qu'elle le put pour ne pas sortir une autre insulte moins jolie.
- Peu importe. Peu importe ! Je trouverai un autre époux ! Parce que, toi, je ne te supporte pas !
Ce n'était pas la première fois qu'il tenait un discours de ce genre au sujet des pauvres. Il l'avait toujours agacé mais jamais au point de réagir ainsi. Aujourd'hui, elle implosait car elle était vexée. De une, ses efforts n'avaient guère payé et elle devrait encore en fournir. De deux, il l'avait rejeté pour un infime prétexte. De trois, il se servait d'elle pour que ses parents lui fichent la paix. Milla étant Milla, il était hors de question qu'elle se laisse faire.
- Je refuse ta "demande en mariage, mais pas vraiment" et je te dis bon vent !
La Jaesen prit fièrement ses affaires et sortit au pas de course du restaurant. Peut-être l'appela t-il, peut-être pas. Possiblement fut-il misérable après son départ à regretter ses paroles, possiblement pas. Tout ce dont elle était sûre était qu'elle allait trouver un autre mari pour compenser et qu'elle recommencerait tout à zéro. Une Jaesen retombait toujours sur ses pattes.
- De toute manière, il était pas une si bonne option sachant que j'ai plus d'argents que lui ! bouda t-elle en montant dans sa voiture. Le plus loin possible d'ici, chauffeur.
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