Doutes (Partie 2)
— Et... Est-ce qu'il est possible pour un Inanis d'entrer ici, chez les Somnius ? demanda la jeune fille qui appréhendait la réponse du Protecteur.
— Non, répliqua Eliott, en soulevant un sourcil. Toutes les dispositions ont été mises en place pour que cela ne se produise jamais. Si telle est ta question, tu es bien une Somnius, Emma. En as-tu déjà douté ?
— Je...
La jeune fille replaça une mèche de cheveux, encore pleine de poussière, derrière son oreille. Elle baissa un instant le regard au sol, se racla la gorge et reprit, sachant bien qu'Eliott avait déjà deviné sa question :
— Ma clef, mes rêves, tout me prouve que je suis une Somnius... Si vous êtes certains que vos procédures sont fiables. Mais je ne sais plus vraiment qui sont mes parents, et...
Emma glissa sa main dans la paume protectrice de Félicie, qui, dans toute la sagesse de son âge, et dans l'empathie que la pratique de la vie lui avait permis de développer, enveloppa la noirceur absconse de ses maux dans l'intelligibilité salvatrice des mots.
— Tu te demandes si tes parents sont des Somnius ou des Inanis, n'est-ce pas ?
Tandis que la jeune fille acquiesça silencieusement, Eliott frotta sa barbe naissante et répondit :
— Nous sommes tous des humains, quelque chose entre les habitants des deux mondes diffère. Cela fait partie des secrets que nos plus grands scientifiques n'ont toujours pas résolus. Un Somnius ne peut pas plus mettre au monde un Inanis, et un Inanis ne peut mettre au monde un Somnius. Nous ne pouvons pas nous mélanger, et si un Somnius rencontre un Inanis, alors il sera impossible pour eux de mettre au monde un enfant.
— Alors, mes parents sont des Somnius, conclut l'adolescente. J'ai peut-être une famille, ici, dans ce monde, ajouta-t-elle dans un soupir.
Emma réfléchit un instant, de nombreuses questions se formant dans son esprit. Depuis qu'elle était arrivée dans ce monde, elle avait tout oublié de sa vie précédente et de nombreuses interrogations ressurgirent. Aurait-elle la possibilité, un jour, de rencontrer ses vrais parents ? Des parents qui ne l'abandonneraient pas si soudainement, sans aucune raison, avec pour seule intimité le bureau défraichi d'un directeur cupide et odieux.
La jeune fille sentit une boule se former dans sa gorge, mais alors que Félicie lui souriait tendrement et l'encourageait silencieusement à continuer, elle articula péniblement :
— Ils m'ont parlé de contrat...
Sa gorge piquait, et l'irritation remonta le long de son visage, la douleur insidieuse brûlant ses joues fiévreuse, avant d'atteindre ses yeux, étouffés sous l'eau trouble d'une pluie sensible.
— Ils savaient peut-être quelque chose. Papa et... Enfin Monsieur et Madame Dalanore. Quelqu'un a peut-être tout fait que j'entre chez les Somnius. Grâce à la demande à Porveoir. Mais si tout ça était faux, calculé depuis le début ?
La jeune fille releva ses yeux humides, noyés d'interrogations, vers ses hôtes. Les joues rosées, les iris brillants dont la teinte légèrement dorée s'amplifiait à chaque battement de ses cils, ébènes polis par les gouttes de tristesse, Emma implorait silencieusement Eliott. Le Protecteur courba lentement ses lèvres, une étincelle parcourut son regard, et ne pouvant détourner les prunelles de ce magnifique visage où candeur et détresse se livraient à une lutte paradoxale, il chuchota ces quelques mots :
— Fais-moi confiance, Emma.
Reprenant sa contenance et sa réserve habituelle, Eliott se leva, et se rendit dans la cuisine, visible depuis le salon, pour placer une petite casserole d'eau sur ce qui paraissait être la réplique d'un volcan effusif. Lorsque des remous agitèrent le liquide brûlant, l'homme versa avec précaution le contenu de la casserole dans une tasse remplie de plantes aux vertus apaisantes. Alors que Félicie séchait les larmes de la jeune fille, il tendit à cette dernière la boisson fumante aux arômes enivrants.
— En me rendant au Fort, j'ai fait état de toutes les accordances régissant l'utilisation de la demande à Porveoir. L'article XIV de la Loi Royale portant création et régissant l'Utilisation du Pourveoy dispose que seuls les Somnius méritant peuvent effectuer une telle demande. Pour cela, il faut être né Somnius, avoir, pendant plus de dix ans, exercé la fonction de Loyal Adjuvant du Souverain, et ne jamais avoir fait l'objet de condamnation.
— Eliott est lui-même un Loyal Adjuvant de la Reine, expliqua Félicie, tandis qu'Emma soufflait sur sa boisson. Tous les gardiens des Tigres le sont, de même que les Custodis, les membres du gouvernement, les Juges, ainsi que les Protecteurs des Rêves.
Emma releva la tête et écarquilla les yeux, sachant bien qu'elle n'était pas cette personne méritante dont la Loi faisait mention. Ses doutes, à peine apaisés par l'attention réconfortante du Protecteur, se ravivèrent douloureusement.
— Cependant, comme tu l'as remarqué, tu ne fais pas partie de cette catégorie, continua Eliott. Tu n'as donc pas pu lancer l'appel toi-même. C'est une autre personne méritante, qui, par le biais d'une dérogation t'a permis de lancer l'appel. Cette personne qui remplissait toutes les conditions pour me Porveoir, a utilisé ce que l'on appelle le Poerveoy d'Urgence et a fait en sorte que je vienne à toi.
Le Protecteur, qui avait remarqué les mains tremblantes de la jeune fille, ajouta précipitamment :
— Il y a une autre chose, pour pouvoir bénéficier du Poerveoy d'Urgence, il faut être Somnius... Je veux dire par là que, quelle que soit la raison pour laquelle tu as bénéficié de cette procédure, il n'y a pas de doute, pas de subterfuge possible.
— Vous en êtes certains ? demanda-t-elle dans un demi-sourire.
Eliott et Félicie acquiescèrent silencieusement, laissant à Emma le temps de réfléchir. Elle devait rassembler tous ces éléments pour essayer de comprendre. La personne qui avait lancé un appel à Eliott devait non seulement être un Somnius, mais en plus savoir qu'elle-même appartenait à ce monde.
— Il y a encore une chose, Emma, reprit le Protecteur, tirant la jeune fille de sa réflexion. Une personne a utilisé le Poerveoy d'Urgence pour que tu en bénéficies, mais au moment fatidique, c'est toi et toi seule qui as lancé l'appel. C'est toi que j'ai entendue, c'est encore toi que j'ai vue sur ce banc ce soir là. Si tu parvenais à te souvenir de quelle manière tu avais lancé l'appel, alors nous aurions des indices supplémentaires pour t'aider à retrouver la personne qui t'a sauvée.
Un peu confuse Emma tenta de se souvenir de cette nuit. Elle se voyait dans le bureau du directeur avec ses parents, puis elle sortit tirant sa lourde valise rouge et elle arpenta les rues pour chercher un abri. Les détails lui échappaient, elle se souvint s'être endormie, paralysée par le froid. Peut-être avait-elle rêvé ce soir là, mais aucune image ne lui revint en tête.
— Je ne sais pas... Mais j'ai ma clef avec moi, vous pourriez regarder ce qu'elle contient, et me dire qui je suis.
Félicie arbora un léger sourire et serra la main d'Emma.
— Ta clef révèle que tu es Emma Dalanore. Du reste nous ne savons même pas si Dalanore est ton vrai nom, et quand bien même il le serait, ce n'est sans doute pas ton nom complet.
— Alors, on pourrait retrouver mon nom, dans les Archives Royales, proposa-t-elle pleine d'espoir. Je sais que c'est possible, je l'ai lu dans un ouvrage qu'Alexandre m'a fourni.
— Sais-tu combien il est difficile de se renseigner aux archives ? Chaque nom a une histoire unique, extrêmement compliquée. Tu risques d'être déçue et de ne pas trouver ce que tu cherches.
Une ombre traversa le visage du Protecteur, et Emma sentit que cette mise en garde s'adressait tant à elle qu'à lui-même.
— Pire encore, tu risques d'être déçue de ce que tu trouves...
— Mais si je n'essaie pas, je ne pourrai pas savoir. La déception est sans doute plus supportable que le remord de n'avoir rien tenté.
— Je sais que c'est important pour toi Emma, j'ai moi-même perdu mon père, je ne sais pas où il est en ce moment. Je ne sais même pas s'il est encore en vie. Je l'ai cherché sans relâche, pendant des années, jusqu'à en perdre la raison. C'est tout à fait légitime et naturel de vouloir retrouver ses parents, de vouloir connaitre la vérité, mais il faut s'y préparer. Tu n'es pas encore prête Emma. Les évènements récents sont encore trop présents dans ton esprit, et quelle que soit la réponse que tu trouves, tu n'as pas assez de recul pour prendre la bonne décision. Je te parle en connaissance de cause.
Eliott s'arrêta un instant, posa un regard d'amour sur sa mère qui elle aussi avait été confrontée à la perte d'un être cher. Emma, surprise qu'il se dévoile ainsi, resta un instant hébétée. Elle sentait qu'au plus profond de lui, le Protecteur ressentait une immense peine, un vide irremplaçable.
Elle éprouva la culpabilité d'avoir éveillé chez ses hôtes les sentiments et les maux qu'ils tentaient d'enfouir depuis des années, dans l'exercice d'un travail acharné, dans le repli d'une maison aux murs animés. Lorsque l'homme plongea son regard dans le sien, elle comprit qu'il s'en remettait à elle autant qu'elle devrait lui accorder sa confiance.
Elle le faisait vivre, il la protègerait.
— Je te propose une chose. Je ferai des recherches pour toi. En attendant, tu te concentres sur ton intégration chez les Somnius, sur tes études. Lorsque j'aurai des réponses, je t'en ferai part. Et si, dans trois ans, lorsque tu seras diplômée, je n'ai pas encore trouvé la réponse, alors tu pourras continuer tes recherches en toute autonomie.
La jeune fille réfléchit à la proposition du Protecteur, pesant le pour et le contre. Elle devinait le regard d'Eliott et de Félicie posés sur elle, elle les savait sincères, et si personne ne pouvait lui dicter l'attitude à adopter face à la perte d'une personne chère, elle leur accorda toute sa confiance.
— C'est d'accord, soupira Emma, je ne ferai aucune recherche seule.
Elle avala un gorgée du délicieux breuvage qui réchauffait encore son corps et son esprit, alors qu'Eliott se levait, désireux de mettre fin à ce surplus d'émotions qui lui pesait.
— Bien ! Demain matin, je partirai sur le Fort, pour tout y mettre en ordre avant que les épreuves d'admission à la Compériale ne commencent. Je dois m'assurer que la Tête Chercheuse soit en sécurité, et déplacer les Tigres pour qu'il n'y ait aucun accident, ajouta-t-il devant le regard interrogateur de sa protégée. Mais avant de m'en aller, j'aimerais t'offrir un présent, Emma.
La jeune fille, intriguée, s'était hâtée de terminer sa boisson avant de suivre le Protecteur jusqu'à la MagnaPolys, alors que Félicie avait décidé de rester chez elle. Arrivés en haut des marches, et après s'être frayés un chemin parmi la foule, les deux individus s'arrêtèrent devant une échoppe de bois décorée de milles couleurs et de milles sculptures. Un homme moustachu apparut alors en faisant tomber son immense toque de cuisinier.
Eliott commanda ce qu'il désirait, et le chef étala sur une planche une grande pâte qui cuisit instantanément. Puis des étincelles se formèrent, une épaisse fumée envahit l'étalage et quelques secondes plus tard deux boules de pain fumantes sortirent.
Lorsqu'ils eurent fini de se régaler de cette fameuse préparation, dont Emma jalousait le secret, ils se rendirent devant une boutique où des poupées en porcelaine étaient entreposées. Un grand écriteau marqué de lettres calligraphiées pour former le mot Edelweiss reposait sur deux grandes colonnes, où des fils multicolores et scintillants pendaient. Emma regardait cette façade avec émerveillement, devant ces couleurs qui semblaient venir tout droit d'un rêve, avant d'interroger le Protecteur :
— Un marchand de poupées ? Je suis touchée de votre geste, mais j'ai passé l'âge.
— Ce ne sont pas des poupées ! s'exclama Eliott, rieur. Ici se trouve la plus grande boutique de Nunti en France, je crois que tu n'en as encore jamais vu !
— Des Nunti ? demanda la jeune fille qui avait déjà croisé ce mot dans les livres sans en connaitre réellement la signification.
— Entrons, tu vas voir comment cela fonctionne, répondit le Protecteur en poussant la porte qui fit tinter des dizaines de petites clochettes.
Lorsqu'Emma passa le seuil de la boutique, elle eut l'impression d'entrer dans un vrai magasin de jouets. Un vieil homme, nettoyant ses étagères, les salua alors de sa voix tremblotante :
— Bonjour Eliott ! Veux-tu voir ma nouvelle invention ? C'est un Nunti encore plus performant que les autres. Il pourrait te servir pour une future mission.
— Bonjour Casimir. Cela me ferait vraiment plaisir de découvrir cette nouveauté, répondit-il dans un sourire face au regard pétillant de l'homme. Mais pour l'instant je suis venu expliquer à Emma ce qu'est un Nunti, dit-il en se retournant vers la jeune fille.
Emma, émerveillée, regardait les poupées toutes plus belles les unes que les autres entreposées sur les étagères. Il n'y en avait pas deux identiques. Certaines étaient aussi grandes que l'adolescente, d'autres tenaient dans la main. Chaque poupée portait une robe différente et le décor dans lequel elles étaient entreposées semblait s'associer à leur personnalité.
— Bienvenue, mademoiselle Emma. Voyez-vous, je fabrique moi-même ces merveilles. Elles ont chacune leurs propres prénoms, leur propre caractère et leurs propres fonctions.
— C'est impressionnant, répondit Emma en regardant l'homme qui, à peine plus grand qu'elle, portait une petite barbe blanche, des vêtements raccommodés et des souliers de bois. Alors qu'il frotta ses mains marquée par le travail et le temps, il répondit :
— Oui, c'est vraiment... magique. C'est ma passion. J'y passe mes jours et mes nuits. Pour créer un de ces messagers, il me faut environ une semaine. Mais parfois il faut ajouter des mécanismes, des détails et les plus perfectionnées de mes créations peuvent me prendre des mois de travail.
— Des messagers, vous dites ?
Casimir acquiesça et prit une toute petite poupée sur l'étagère à sa droite. Il la plaça dans le creux de sa main et chuchota quelques mots dont Emma ne saisit pas le sens. Soudain, une autre poupée beaucoup plus grande se leva et s'approcha d'Emma. Elle tendit la main et baissa légèrement la tête.
— Tu dois lui donner la permission... expliqua Eliott. La permission de te faire passer un message. Il te suffit de mettre ta clef dans sa main.
Alors que la jeune fille, intimidée, hésita, Eliott, pour lui montrer l'exemple, s'avança et plaça sa propre clef dans la main de la poupée. Cependant, celle-ci la rejeta violemment, signe de sa désapprobation.
— La poupée refuse ma clef, Emma. C'est à toi que ce Nunti veut adresser un message.
La jeune fille, tenta de contrôler ses tremblements et posa délicatement sa clef dans la main de la poupée qui s'illumina instantanément. Casimir chuchota alors quelque chose à l'oreille de sa petite poupée, et la grande, presque aussitôt répéta à Emma :
— Je te souhaite la bienvenue dans ma boutique et j'espère que mes créations te plaisent.
La grande poupée fit un clin d'œil à Emma qui comprit alors :
— Bien sûr ! Vous avez parlé à l'oreille de ce Nunti, qui a fait passé le message à une autre poupée, qui me l'a ensuite transmis !
— Tout à fait. Et seul le propriétaire du peut écouter le message qui lui est adressé parce que j'ai créé la zone de confidentialité. Les Nunti, même s'ils n'ont pas d'âme, ne peuvent pas être séparés de leur maître. La poupée et son propriétaire se ressemblent ont la même personnalité, et se comprennent.
Alors qu'Emma leva la tête pour observer les centaines de créations qui trônaient fièrement sur les étagères, et parmi elles, une seule attira son attention. Elle était toute petite, sa chevelure rousse flamboyait, ses grands yeux verts s'illuminaient dans une étincelle de détermination.
— Magnifique, tu as vraiment fait un excellent choix. Je ne t'en dis pas plus ce sera à toi de la découvrir. Elle s'appelle Eléa.
Casimir, fébrile à l'idée de dévoiler toute l'ingéniosité de son système, continua :
— Il faut que tu choisisses un signal pour qu'on puisse t'envoyer un message.
Eliott se pencha vers la jeune fille et lui chuchota :
— Le signal ressemble à un numéro de téléphone. Par exemple, si tu décides qu'il faut siffler pour transmettre un message à ton Nunti, ça sera en quelque sorte, son numéro.
Emma observa attentivement Eléa, tentant de saisir sa personnalité, comme une demande silencieuse de conseil.
— Le signal pour transmettre un message à Eléa sera... Il faudra réciter le vers d'un poème, décida la jeune fille, en sachant que son Nunti approuverait.
— Bien. Maintenant, enroule Eléa dans ce tissu violet, pour sceller votre appartenance réciproque, expliqua Casimir en tendant l'étoffe à la jeune fille.
Emma prit ce tissu doux au toucher et parfumé puis l'enroula autour de sa poupée, qui sembla soudainement prendre vie, sa poitrine se soulevant imperceptiblement, sa bouche affichant une courbe rieuse et apaisée.
Si l'adolescente souffrait de l'absence de sa famille, elle retrouvait par ce présent la certitude qu'il y aurait toujours quelqu'un auprès d'elle, à chaque seconde, pour veiller sur sa vie. C'était là, la promesse silencieuse d'Eliott, lui assurer qu'il serait toujours présent, où qu'il soit, et quoi qu'il arrive.
________________________________
Bonjour les voyageurs inter-storiques !
Alors que vous évoque cette deuxième partie de chapitre ?
Emma subit le contrecoup de l'abandon ! J'ai l'impression que parfois c'est un peu comme ça dans la vie, quand on est dans l'action, on ne laisse pas forcément la place aux sentiments, mais une fois que tout redevient calme, on prend vraiment conscience des difficultés auxquelles on doit faire face !
Pour ce chapitre, j'ai failli supprimer le passage avec les Nunti, mais peut-être que comme ça l'air de rien, il donne quelques indications pour la suite ! Alors je l'ai laissé, mais n'hésitez pas à me dire si vous trouvez que ça fait trop !
Bonne journée / Bonne nuit !
Et à plus tard pour une nouvelle publication !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top