Sept heures après le décollage du vol AF011 de l'aéroport John F. Kennedy International Etats-Unis, l'A380 venait d'entrer en contact avec le tarmac de l'aéroport Paris Charles de Gaulle. Il était 12h20, heure locale.

Un peu bousculé par l'horaire avancé, Paul fila droit vers la navette pour Orly. Il avait les fesses dans un avion depuis la veille au soir, et tout ce qui lui tardait était de se dégourdir un peu les jambes avant de prendre sa correspondance.

Une heure après le Boeing 737 toucha le sol Creusois, et dès sa sortie de l'aérodrome, Paul sauta dans un taxi pour rejoindre le bureau au plus vite.

Toute la journée, il avait eu le coup de barre et maintenant que l'après midi touchait à sa fin et qu'Olivier lui faisait le point sur les rendez-vous, il commençait à s'éveiller. Le sujet vira sur la santé d'Amandine et son hospitalisation du matin. Il essaya de nouveau de contacter Marc, mais toujours sans résultat. Celui-ci ne décrocha pas, sans doute trop occupé à errer dans les allées du salon New-Yorkais.

Devant la mine défaite de son collègue, Olivier proposa à Paul de le ramener chez lui après un détour par l'hôpital pour voir Amandine. Il accepta volontiers. Paul appréciât de se laisser conduire et, bien lové sur le siège passager, s'assoupit même un instant. Olivier l'observait d'un œil et coupa la radio pour préserver son sommeil. Il n'avait nul besoin que de terribles pensées le submergent, sur ce trajet trop souvent emprunté, dans un passé trop récent.

Les portes coulissantes de l'entrée laissèrent échapper leur chaleur stérilisée, sur les deux garçons et ce vent tiède enveloppa Paul de souvenirs douloureux et loin d'être cicatrisés.

Le même couloir, les mêmes ascenseurs... Tout lui revenait en pleine figure. Manquerait plus que ce soit la même infirmière...

Un grand infirmier, bâti comme un boxeur, prit la peine de faire le tour de son comptoir pour leur indiquer la direction à suivre, pour rejoindre la chambre d'Amandine.

C'est une pneumonie qui avait clouée la jeune femme sur ce lit d'hôpital. Cas suffisamment rare pour son âge pour être de nature à interpeller les médecins.

Les deux collègues s'avançaient en direction de la chambre de la jeune femme mais, en arrivant près de la porte, Paul eut un mouvement de retrait. Les souvenirs, qu'il croyait effacés par son court voyage à l'étranger, revenaient tel un boomerang impromptu et annonçaient un malaise imminent.

Olivier perçut son trouble et entra en premier dans la chambre, abandonnant son collègue sur le pas de la porte.

La forte fièvre qui terrassait la jeune femme rosissait le haut de ses joues en formant deux petits ronds rouge comme une poupée Russe maquillée outrancièrement. Lorsque les quintes harcelaient sa poitrine, la toux caverneuse ébranlait son frêle corps tout entier qui semblait alors être possédé par ses délires.

L'infirmière, qui les avait accompagnés, les rassura. Les médecins n'étaient pas inquiets, elle réagissait bien aux antibiotiques et un sujet jeune et en bonne santé comme elle, représentait autant de possibilités à se remettre dans de très courts délais. Par contre, elle allait devoir abandonner définitivement la cigarette.

L'infirmière n'avait pas mâché ses mots.

Olivier était rassuré. Paul, dubitatif, restait un peu sur sa réserve. Le passé lui avait, hélas, appris que même une situation bénigne n'était pas synonyme de guérison.

Les deux garçons laissèrent Amandine se reposer, chouchoutée par la bienveillance de son infirmière. Paul marchait tête baissée. Des souvenirs intolérables le taraudaient et figeaient ses mâchoires. Olivier lui tapota l'épaule et maintint la pression jusqu'à ce qu'ils sortent de l'ascenseur. Son ami était épuisé et les émotions recréées, dans ce milieu régénérateur de souvenirs lancinants, étaient sur le point de le dévaster.

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