Chapitre 36
– Je t'écoute fiston.
Noah Stilinski était assis sur une chaise, son menton reposait sur une de ses mains tandis que l'autre serrait celle de Stiles. Malgré ses efforts, la voix du jeune homme restait bloquée dans sa gorge. Tremblant, il joua machinalement avec le triskel pendu autour de son cou. Étonnement, ce simple geste lui donna assez d'énergie pour prononcer quelques mots.
– Tu te rappelles de notre discussion sur la parentalité, quand je t'ai demandé ce que ça faisait de devenir père ?
– Bien sûr.
– Hum… Et bien… Je t'ai posé toutes ces questions après que Derek…
– Je suis papa, intervint l'alpha. D'un petit garçon.
Le shérif les fixait l'un après l'autre. Son visage était impassible, son fils cherchait vainement à trouver la moindre trace d'émotion dans son regard. Derek, conscient que la confession pesait sur son petit-ami, se rapprocha et, sans même le toucher, l'enveloppa d'une chaleur réconfortante. Stiles remercia intérieurement le lycan, il possédait cette fameuse prestance, réservée à une infime partie de la population. L'attente paraissait longue, trop longue. Le cerveau du jeune homme flambait, il ne supportait pas de rester immobile, il fallait absolument qu'il bouge. Il le savait parfaitement, c'était une façon d'extérioriser son stress mais, il ne pouvait pas ignorer le moteur qui vrombissait en lui. Il se mordit la joue inférieure et son index tapa un rythme régulier sur son collier. En tant normal, il aurait fait les cent pas, sillonner la pièce pour éviter de penser. Malheureusement, son état le bloquait au fond du lit. Il le fustigea, le tenant responsable de tous ses maux. Noah se décida enfin à montrer une émotion. Ses yeux pétillants s'accompagnèrent de petites rides, ses lèvres s'étirèrent pour dévoiler le sourire doux que Stiles affectionnait tant.
– Woah, s'extasia-t-il. Ça pour une nouvelle… Il a quel âge ce petit ?
– Trois ans, répondit le policier. Il s'appelle Nathan… Je voulais te le dire, je te le jure ! Je n'ai jamais trouvé le bon moment. Derek l'a appris il y a plusieurs mois… Désolé p'pa. C'est un gosse adorable, très curieux, gentil et très dynamique.
– Je vois, je ne sais pas trop quoi dire… Félicitations ? L'arrivée d'un enfant n'est pas de tout repos, surtout à cet âge-là. Je… Je crois que tu seras un bon père Derek. Tu verras que c'est beaucoup de fatigue mais aussi énormément de bonheur.
– Nous, le corrigea immédiatement l'intéressé. Nath’ nous a connu en même temps Stiles et moi… Du coup, il nous considère tous les deux comme ses papas. Ce qui fait de toi son…
– Grand-père…
– Oui, acquiesça timidement Stiles.
– Je suis grand-père.
Cette fois, les traits de son père s’animèrent directement. Le sourire s'élargit encore pour laisser apparaître ses dents, Stiles crut discerner une petite larme se former au coin de son œil. Sûrement emporté par ses élans de joie, Noah se leva brusquement et enlaça son fils.
– Je suis fier de toi fiston.
– Euh ben j'ai rien fait, théoriquement parlant c'est Derek qui est à l'origine de tout.
– Tu as réussi à sauver tout le monde tout en traversant un raz-de-marré dans ta propre vie, tu es d'une force incroyable.
– Merci…
Noah se dégagea légèrement, tapota l'épaule de son enfant puis, l'air moqueur, lança :
– Et surtout, tu me ramènes un petit fils qui n'a pas tes gènes. Miracle ! Je vais pouvoir vivre une retraite paisible.
– Détrompe-toi, ricana Derek. Nath’ a déjà pris quelques habitudes de Stiles, il parle beaucoup… Énormément.
– Super… Il l'a contaminé. Derek part loin avec cet enfant, pour le bien de ta santé mentale !
– Je suis toujours là, au cas où, râla le jeune homme provoquant des rires étouffés. Peut-être qu'il est très bavard mais au moins il est sociable, lui.
Derek s'offusqua en haussant un sourcil, Stiles regretta ses paroles, convaincu que le loup les lui ferait payer une fois sorti de l'hôpital. Noah, quant à lui, réprimait un fou rire. Au bout de quelques secondes, il passa sa main sur son visage avant de bailler, dévoilant ainsi la fatigue qui refusait de le quitter.
– Je… hésita-t-il. Je pourrais le rencontrer un jour ce petit bonhomme ?
– Quand tu le voudras p'pa.
Le tout nouveau grand-père soupira, il se laissa tomber sur la chaise les bras ballants.
– J'ai cru perdre mon fils et voilà que je le retrouve avec un petit garçon… Je t'aime fiston mais si tu pouvais ménager ton vieux père, ça m'arrangerait.
Stiles s'étonna d'abord du calme apparent de son géniteur, il s'attendait à un flot de questions. Visiblement, il était trop exténué pour cela et se contentait seulement de prendre les informations qu'on lui donnait. Ou peut-être que désabusé, il acceptait tout sans broncher. Stiles se projeta à sa place, il se visualisa dans le couloir de l'hôpital, guettant des nouvelles d'un Nathan plongé dans un coma profond. Son cœur se serra. Il chassa bien vite cette scène de son esprit. Les chances que ceci arrive avoisinaient le néant. Le fait que Nathan possédait les mêmes pouvoirs loup-garouphiques que son père apparaissait, soudainement, comme une bénédiction. Néanmoins, il avait entraperçu cette possibilité et il préférait se retrouver en tête à tête avec Preston que de la vivre réellement. Alors, il ne pouvait que comprendre l'état de son père.
– Promis p'pa, c'était la dernière fois.
– Je sais que tu es sincère fiston, murmura le shérif en relevant la tête. Mais je sais aussi que tu iras toujours au devant du danger pour protéger tes proches… C'est admirable, seulement… C'est épuisant.
– P'pa…
L'espace d'un petit instant, quelques secondes tout au plus, un voile de nostalgie s'empara du visage de Noah. Stiles l'avait remarqué cependant, il n'était pas en mesure de le rassurer, son père n'avait pas tort. Il marmonna des excuses presque inaudibles auxquelles le shérif répondit par un doux sourire. Sa mine se métamorphosa et devint malicieuse.
– Enfin… Maintenant, tu as un enfant toi aussi, j'espère qu'il t'en fera voir de toutes les couleurs, que tu comprennes la souffrance que j'ai enduré pendant toutes ces années !
– Merci p'pa pour ton empathie, ça me touche énormément.
– Et ne compte pas sur moi pour lui imposer des règles, je suis là pour le gâter honteusement.
– Finalement, tu ne vas sûrement jamais le rencontrer…
– Stiles Stilinski, tu as beau te battre face à des créatures surnaturelles plus effrayantes les unes que les autres, je suis encore ton père et je peux toujours te botter les fesses. Si tu m'empêches de voir mon petit-fils, tu peux être sûr que je le ferai.
– C'est bon, c'est bon p'pa. Je rigolais.
– Je l'espère jeune homme.
Un toquement à la porte les interrompit, le docteur entra un dossier à la main. Il expliqua d'une voix douce mais ferme que Stiles, en plus de sa rééducation, devrait suivre des séances de psychanalyse. En effet, les crises d'angoisse le préoccupaient, surtout que cette fois, le jeune homme avait blessé un employé de l'hôpital. Alors, qu'en serait-il dehors ? À qui s'en prendrait-il ? Stiles ne pouvait que lui donner raison, il avait besoin d'aide. Il ne devait pas se renfermer comme il avait l'habitude de faire, pour son bien et surtout celui des autres. Il le savait toutefois, la pilule était difficile à digérer. Le médecin ne s'arrêta pas là, la mine plus joyeuse, il déclara que Stiles se remettait très bien et que la rééducation ne durerait qu'environ deux mois. Deux mois. Stiles ne comprit pas pourquoi l'homme en face de lui paraissait aussi joyeux. Il s'agissait d'une éternité, il sentit un poids s'abattre sur ses épaules, si bien qu'il décrocha assez rapidement du discours prononcé. Il laissa son esprit divaguer.
« Si je travaille deux fois plus, que Scotty et Derek m'aident en absorbant ma douleur, je peux peut-être tout boucler en un mois, un mois et demi. » pensa-t-il. Il tenait, là, le plan parfait pour s'éloigner le plus rapidement de cet enfer, il s'en persuada intérieurement. Dans ses réflexions, il ne prenait pas en compte les moments de repos. Après tout, cela faisait trois semaines qu'il ne faisait plus qu'un avec ce lit.
– … Bien, sur ce, je repasserai vous voir Monsieur Stilinski, termina le médecin extirpant Stiles de ses rêveries.
– Merci docteur !
L'homme à la blouse blanche passa la porte, laissant les trois autres en comité réduit. Comme si son compagnon avait lu sans ses pensées, il ébouriffa ses cheveux en signe de dissension.
– Tu t'enlèves ça du crâne Stiles, grogna-t-il.
– Je ne vois pas de quoi tu parles.
Le jeune homme feignit l'innocence tandis que le doigt courroucé de Derek arriva contre son épaule, devinant avec clairvoyance l'odieuse dissimulation. Stiles n'était pas un fin menteur dans ce genre de situation, surtout lorsque la douleur commençait à le titiller.
– Aie ! s'offusqua-t-il. Je suis dans un lit d'hôpital, monsieur ! Un peu de respect pour les blessés.
– Enlève-toi ça de la tête, tout de suite.
La voix du lycan lui apparaissait dure et implacable. Stiles en était sûr, Derek Hale ne le lâcherait pas d'une semelle pendant sa rééducation. Son scénario, si fabuleux soit-il, commençait à s'éloigner de lui. Alors, sachant pertinemment que le plus beau des discours ne changerait rien, le policier lui jeta un coup d'œil rempli de défi. En retour, il écopa d'un regard glacial qui ne le fit pas pour autant plier.
– Tu me fais chier Stiles ! gronda le loup.
– Ah ouais ? Ben c'est réciproque Derek !
– Tu sais quoi ? Vas-y ! Force un maximum, rouvre tes plaies, épuise-toi. Après tout, tu as failli mourir, c'est rien.
– J’essaye de sortir le plus rapidement possible de cet endroit, OK ? Pour vous retrouver, toi et Nath’ !
– Ne nous utilise pas comme excuse ! Tu veux juste flatter ton égo.
– Tu ignores ce que c'est de rester enfermé ici.
– Oui c'est vrai, mais toi, tu ne sais pas ce que ça fait de te voir allongé là, sans signe de vie ! Tu…
Le masque de Derek tomba, ses sourcils froncés surplombaient des iris rouges voilés d'un mur d'eau. Sa lèvre inférieure tremblait de colère pendant que, silencieusement, une larme coula le long de sa joue pour se perdre dans sa barbe trop fournie. Son torse se soulevait sous sa respiration saccadée, il était prêt à exploser. Il n'avait pas terminé sa phrase, sûrement par peur de le blesser. Il recula d'un pas, leva les mains en secouant la tête de droite à gauche et se retourna pour quitter la pièce.
Noah, spectateur jusqu'alors muet, racla sa gorge. Stiles sursauta, il en avait presque oublié la présence de son père. Il aurait préféré que cette dispute reste dans leur intimité.
– Désolé p'pa…
– Ça arrive. Mais je suis plutôt d'accord avec mon beau-fils.
– Hein ?
– Il a dû tout gérer de front, sa rage, sa peine, celle des autres sans jamais montrer le moindre signe de faiblesse.
– Et moi je me suis battu pour vivre !
– Je sais… Rappelle toi dans quel état tu étais lorsqu'il avait disparu devant le lac… Toi, tu l'as vécu quoi ? Une heure ou deux grand maximum. Lui, trois semaines, avec un père éploré sur les bras.
– Je n'y suis pour rien.
– Personne ne te le reproche mais, je t'en supplie fiston… Prends soin de toi. C'est tout ce que je te demande. Si tu dois rester deux mois ici, tu le feras et en sortant, on ira manger un bon burger comme avant.
– P'pa…
Les yeux clairs du shérif lui transmettaient son inquiétude et sa douceur. Stiles baissa la tête, se gratta la nuque, forcé d'admettre qu'il était allé trop loin. Son compagnon ne méritait pas le traitement infligé, il se promit alors de courber l'échine. Qu'était-ce deux mois dans une vie ? Un mauvais moment à passer. Encore. Il était fatigué de la tournure des événements, se résignant toujours un peu plus. Il se demanda intérieurement jusqu'où sa patience pourrait s'étirer. Il inspira le plus profondément possible, réveillant sa douleur aux côtes. Il toussa, cette fois, il sentit quatre lames acérées lui poignarder le poumon. Il gémit. Sans le pouvoir de ses compagnons surnaturels, il se confrontait à sa véritable souffrance. Son corps lui rappelait, à sa manière, que le repos n'était pas une option.
Noah se précipita au chevet de son garçon pour lui saisir l'épaule en soutien, lorsque la porte s'ouvrit derechef. Derek, légèrement essoufflé, les rejoignit rapidement, s'empara de la main de Stiles afin de le soulager. La colère de ce dernier s'apaisa aussi rapidement que ses sensations physiques, lui offrant une culpabilité lancinante.
– Désolé, grommela-t-il. Je ne me suis pas rendu compte… Je ferais ce qu’il faut.
– Mmh, acquiesça le lycan la mine interdite.
– Je vous laisse, intervint timidement Noah. Je reviendrai après mon service.
Il s'éloigna sans un bruit pour laisser les deux amoureux retrouver leurs esprits. Derek ne releva pas la tête, se concentrant minutieusement sur sa tâche. Stiles eut l'impression de se retrouver face à un enfant grincheux et, malgré la tension palpable, pouffa de rire. Un son cristallin envahit la pièce, la rendant tout de suite plus chaleureuse. Même Derek ne put s'empêcher de sourire et de lui jeter un regard faussement accusateur.
– Quoi ? On dirait Nathan quand il boude, se justifia Stiles.
– Très drôle.
– Je trouve aussi !
Le loup roula les yeux au ciel, brisant la retenue de Stiles. Il rit à en verser une larme. Bien que la situation lui paraissait comique, c'était surtout un moyen de décharger la pression qu'il subissait depuis plusieurs mois. Il en avait marre de pleurer, de s'apitoyer sur son sort. Aussi, plusieurs longues secondes après, il passa sa manche au creux de ses yeux et se sentit étrangement plus léger. Des iris gris le contemplaient, brillants d'une lueur tendre.
– T'as fini ? demanda Derek amusé.
– Oui, désolé.
– T'excuse pas. Tu es beau quand tu ris.
– Oh… Je… bégaya Stiles les joues en feu avant de renchérir : seulement quand je rigole ?
– Non, tout le temps. Mais j'aime t’entendre rire.
– T'es canon aussi dans le genre loup aigri.
– Mmh. Tu sais, j'ai réfléchi et si ne pas être avec nous te dérange tant que ça, peut-être que je peux amener Nathan ici… Tu en penses quoi ?
– J'ai pas envie qu'il me voit… Comme ça.
Stiles désigna son corps. D’habitude le jeune homme ne l'appréciait pas, seulement là, c'était au-delà de ça, il le détestait. Des bandages parcouraient ses articulations malmenées, son visage portait les stigmates de son dernier affrontement. Cependant, ce qui lui donnait la nausée dès qu'il apercevait son reflet, c'était sa maigreur. Les trois semaines de coma ne l'avait pas épargné. Ses joues creuses ne représentait que la face visible de l'iceberg, en effet, ses muscles peinaient à cacher ses os, donnant un aspect anguleux et cadavérique à son anatomie. Il l'avait remarqué lors de son IRM, aussi voulait-il la cacher le plus possible, surtout à son fils. Il remonta fébrilement sa couverture, honteux.
– Tu sais que c'est un enfant ? Il s'en fiche de comment tu es, du moment que c'est toi.
Derek s'empara de la couette qu'il repoussa délicatement avant de rajouter, un sourire séducteur au visage :
– Et je dois dire que moi aussi. Vivement dans deux mois…
– Tu… T'es pas possible ! ricana Stiles. Je me demande vraiment ce qui arrêterait ton appétit.
– Rien.
Le lycan haussa simplement les épaules avant d'ébouriffer les cheveux de Stiles. Par la suite, ils convinrent tous deux d'une visite de Nathan dans deux semaines. Même si Derek avait été convaincant dans ses paroles et dans la douceur de ses gestes, Stiles n'en démordait pas, il voulait s'épaissir pour recevoir leur garçon. Il avait eu gain de cause grâce à ses grands yeux larmoyants auxquels personne ne résistait, en particulier son amant.
Les jours suivants furent consacrés à l'élaboration du meilleur programme de rééducation possible. L'état général de Stiles obligeait l'équipe médicale à éparpiller les examens. Les crises d'angoisse ne le laissaient jamais vraiment tranquille.
Finalement, il reçut un emploi du temps détaillé : le matin était consacré à des exercices simples comme porter la fourchette à sa bouche sans rien faire tomber, déglutir des aliments solides sans risquer la fausse route. L'après-midi promettait d'être plus sportive, elle était réservée à la marche, se mouvoir sans tomber. Le mercredi et le vendredi différaient des autres jours, de quinze à seize heures il recevait la visite du psychiatre.
Stiles souffla du nez, trois mois auparavant il excellait dans l'art du combat rapproché et aujourd'hui, il régressait au stade d'enfant. Sa fierté en prenait un coup. Derek avait raison, comme d'habitude. Néanmoins, forcé par sa promesse, il suivit à la lettre ce qui avait été décidé à sa place. Au début, son combat lui apparaissait insurmontable, maintes cuillères terminaient leurs courses contre sa joue ou, au mieux, au bord de ses lèvres. Ce qui avait le don de l'agacer grandement.
Le pire était lorsqu'il posait le pied par terre. Malgré sa finesse, son corps semblait peser une tonne. Ses jambes flageolaient et rester debout lui demandait un effort considérable. Dès lors, il comprit le temps assigné pour sa rééducation. Il n'était pas question de ténacité mais bien de capacité physique. Il ne pouvait tout simplement pas y couper, aucune aide extérieure ne pouvait le sortir de ce mauvais pas. Se savoir si diminué, même temporairement, le renvoyait à sa propre inutilité.
Surtout que ses progrès se faisaient tellement minimes qu'il doutait de retrouver ses facultés. Aussi, le soir, il craquait souvent, épuisé. Il déversait toute sa frustration auprès de Derek, Scott et Noah, pauvres témoins de son impuissance. Il n'en parla pas à son premier rendez-vous avec sa psychothérapeute. D'ailleurs, ils n'échangèrent pas un mot. La médecin était une femme d'à peu près son âge, sa chevelure blonde tirée en arrière offrait la vision d'un visage plutôt juvénile couvert par des lunettes rondes. Ses yeux marron alternaient entre Stiles et la fenêtre de la chambre. Étonnement, elle dégageait une chaleur bienveillante qui donnait envie de se confier. Malheureusement, Stiles ne savait pas par où commencer et préféra donc se murer dans un silence confortable.
Une semaine passa avant que Stiles puisse enfin enchaîner quelques pas sans perdre l'équilibre. Petite victoire qui le remplit d'espoir. Si bien qu’il retrouva son sourire communicatif. Quand le soleil commençait à se coucher, il convia ses proches à fêter la nouvelle avec lui. Le lendemain, il réussit également à mastiquer un bout de viande sans s'étouffer. Il cria au miracle sous le regard amusé du personnel médical. Rassuré et heureux, il se confronta de nouveau aux iris bruns de sa psychiatre. Craignant de mourir d'ennuis, cette fois, il engagea la conversation :
– C'est long une heure à se regarder dans le blanc des yeux. On peut annuler les futures séances, vous, vous gagnez une heure pour un patient qui en a vraiment besoin et moi, je peux tenter d'aller aux toilettes seul. Ça nous arrange tous les deux.
– Oh vous savez moi, je suis payé quoi qu'il arrive. Au moins ici, je suis tranquille.
Stiles ne s'attendait pas à ce genre de réponse. Était-ce possible de tomber sur quelqu'un avec si peu de professionnalisme ? Ça l'intriguait, quitte à rester autant de temps avec elle, autant comprendre qui elle était. Un mystère à résoudre pour le soustraire à son quotidien, il adorait ça.
– Vous me sortez pas la phrase bateau « C'est vous qui m'intéressez » ou un truc du genre ?
– Pourquoi faire ?
Elle le fixait les sourcils relevés, sa question appelait une réponse.
– Pour faire votre métier ? rétorqua-t-il avec une pointe d'agacement.
– Oui mais je crois, monsieur Stilinski, que ça ne servirait à rien. Vous n'avez pas envie de discuter et je n’ai pas envie de travailler.
– Vous êtes vraiment psy ?
– Vous êtes vraiment amnésique ?
Le jeune homme se mordit la lèvre inférieure, l'air de rien, elle choisissait précautionneusement chaque mot. Elle ne déméritait pas son titre, malgré sa mine désinvolte, elle l'avait cerné et s'était servie de sa curiosité pour l'atteindre.
– Non, murmura-t-il en torturant ses doigts.
– Et je possède tous mes diplômes pour exercer ma profession, merci de votre intérêt quant à mon parcours professionnel, sourit-elle. Bien, maintenant que nous avons éclairci ces deux points, je me tiens à votre disponibilité si vous souhaitez partager vos souvenirs de cette nuit-là.
– Ah enfin la voilà ! La phrase bateau !
– Faut bien que je fasse mon métier.
Elle pouffa de rire, rapidement suivi par Stiles. L'ambiance légère le poussa à se livrer davantage. Il lui expliqua, sans entrer dans les détails, comment il avait frôlé la mort. Pris au dépourvu, il justifia son agression par un vol qui aurait mal tourné. Elle ne l'interrompit pas, se contentant d'hocher la tête à certains moments. Il s'étonnait de son propre calme, il racontait tout avec une voix monotone, comme si cette histoire ne le touchait pas, comme s’il ne ressentait rien. D'ailleurs, c'était le cas, aucun sentiment ne vint le perturber lors de son monologue.
Quand il le termina, il était essoufflé. Son cœur cognait puissamment contre sa poitrine, à croire qu'il voulait quitter la cage qui le contenait. Stiles se palpa le torse, surpris de ses battements cardiaques, pourtant lui avait l'impression d'être aussi serein que possible. La psychothérapeute fronça les sourcils quelques secondes à peine, ramenant Stiles à la réalité.
– Monsieur Stilinski, ce que vous avez vécu durant cette soirée est d'une violence inouïe. Pour survivre, votre corps et votre cerveau ont dû s'adapter. Il est possible que vous soyez hanté par des flash-back, des images, des sensations, des odeurs… Je n'ai pas à vous dire quoi faire, néanmoins, pour vous, il serait judicieux de suivre dûment nos séances.
– Oui, je ressens sa présence et sa menace quotidiennement…
– Je vous laisse réfléchir, l'heure est terminée…
Elle remonta ses lunettes, se leva avant de lancer doucement :
– Je sais qu'il manque des éléments à ce que vous m'avez raconté et je ne vous demanderai rien. Seulement, je me dois de vous rappelez que le travail sera plus efficace si j'ai toutes les informations en main. Et je suis soumise au secret professionnel, sauf si vous avez tué quelqu'un ce qui n'est de toute évidence pas le cas.
Elle disparut par l'entrebâillement de la porte. Stiles se perdit un moment dans ses pensées avant d'être envahit par des vertiges puissants. Il sortit de son lit, marcha trois pas avant de s'effondrer au sol. Heureusement, Scott n'était pas très loin, il se précipita pour lui venir en aide. Il comprit en un éclair la destination prévue et l'accompagna. Une fois au dessus de la lunette des toilettes, la bile se déversa dans la bouche de Stiles. Il la cracha, espérant se débarrasser de la noirceur qu'il étouffait depuis son réveil.
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