Chapitre neuf.

  J'ai envie de le frapper et de l'embrasser en même temps. C'est la première fois qu'il m'appelle par mon prénom et je ne sais pas si je dois prendre ça comme si un signe négatif ou positif de sa part. Je nage dans les méandres. Totalement. Je suis proche de la noyade. Je suis perdu. Et il ne me laisse pas vraiment le temps de réfléchir à la question.

«  Tu veux pas qu'on aille s'installe quelque part ?... Genre dans un café ou...? »

«  Qu... Quoi ? Putain Payne t'es en train de me proposer un rendez-vous ou je rêve ? »

«  Faut pas pousser le bouchon trop loin non plus, j'ai juste froid ici. En plus il recommence à neiger. »

«  Mon pauvre, tu vas être malade. Mon ton est tout ce qui a de plus sarcastique, j'essaye de retrouver de la confiance en moi-même. Il soupire.T'as pas intérêt que ce soit un mauvais coup. »

«  Pas cette fois, non. »

  Cette phrase est sensée me rassurer mais ça a l'effet contraire. Je sens le pire arriver. Je crains un piège. Peut-être que ses chiens m'attendent à un détour d'une rue sombre pour me tabasser à mort. Ça ne m'étonnerait même pas de sa part. Je le regarde en coin et le laisse engager la marche, je le suis sans broncher. Et c'est vraiment étrange car nous ne nous sommes pas adressé un seul mot de la route. Le silence était pesant, l'atmosphère lourde. Parfois, il tournait la tête vers moi pour s'assurer que je n'avais pas mis les voiles. J'en suis capable, mais je suis fatigué de tout fuir. Au bout d'une dizaine de minutes, nous arrivons à un café dont je ne connaissais même pas la façade, et que je n'avais jamais vu dans le coin. Il tire sur la porte et me regarde. Il attend que je rentre. Je suis surpris par son comportement. Il me tient la porte maintenant ? C'est nouveau. Quelque chose cloque. Il y a trop de nouveautés ce soir, ces derniers temps pour que ce soit normal. Du moins, de sa part. Il me suit, je guette le moindre de ses gestes. Il n'y a que deux ou trois personnes dans ce café. Tant mieux. Nous nous installons à une table dans le fond, le barman vient vers nous et salut Liam comme un vieil ami. Je fronce les sourcils et marmonne un « bonsoir » en réponse à l'homme qui avoisine les quarantaines. Je présume que Payne doit souvent venir ici.

«  Tu es venu avec quelqu'un pour une fois. »

«  Ouais, c'est Zayn... »

  Je ne suis pas habitué au fait qu'il m'appelle comme ça. Mais ce n'est pas ce détail qui me perturbe le plus, mais plutôt la lueur étrange qui passe comme un éclair dans les yeux du propriétaire de ce café. Je le fixe pour essayer de savoir pourquoi il semble savoir quelque chose sur moi, même si c'est quelque chose que les gens me reprochent généralement. Parait-il que je fixe trop les autres, jusqu'à qu'ils se sentent embarrassés et partent. Je ne m'en rend même pas compte.


«  ... Un ami du lycée. »

 Mes yeux grossissent. Je me retourne vers lui, surpris. Je manque de mourir étouffer. Est-ce sérieux ? A quoi joue-t-il au juste ? J'ai envie de me lever et de lui claquer le crane sur la table en bois pour lui ramener l'esprit à la réalité. Il a l'air complètement ailleurs, ou différent. Je ne sais pas. Je ne sais plus. Que quelqu'un m'explique, me vienne en aide. J'ai l'impression de nager en plein rêve. Ou cauchemar. Je ne suis sûr de rien.

 

«  Oh, je vois.Il sourit.Bah alors c'est une tournée gratuite pour vous deux. Ce sera quoi ? »

«  Comme d'habitude Pat. »

«  Pas de problème. Je vous fais ça. »

 Il repart à sa cuisine et j'attends qu'il soit hors du champ de vision pour me tourner, tendu, vers Liam. Il ne daigne même pas me regarder et le plus bizarre, c'est qu'il a l'air totalement serein. Comme s'il avait prévu ce moment depuis longtemps.

 

«  Dis-moi que c'est une putain de blague Payne ? »

«  Je te promets de t'expliquer. »

«  Non, je m'en fous. T'as pas d'amis ce n'est pas mon problème, mais ce n'est pas pour ça que tu dois me faire passer pour l'un d'eux. Je préfère mourir maintenant que d'entendre ça une fois de plus. »

«  Calme-toi. »

«  Qu'est-ce que je fais ici putain ? Pourquoi tu voulais absolument me voir, ça m'étonnerait que ce soit pour qu'on partage un café, je me trompe ? »

«  Si je t'ai emmené ici c'est parce que c'est mon endroit préféré, j'y viens souvent après les cours pour décompresser et... »

«  Whaou. Je vais pleurer. Je crache sur un ton mauvais»

«  Détend toi Zayn, je veux juste qu'on parle. Pas de bagarre ou un autre truc dans le g... »

«  Arrête de m'appeler comme ça putain ! »

«  C'est bien ton prénom pourtant, non ? »

  Je ne sais plus quoi dire. Il me sourit, mais ses traits ne sont pas malsains, au contraire, ils sont doux et détendus. Une facette que je ne lui connaissais pas. J'en ai un mouvement de recul. Il semble avoir changé du tout au tout, et ça n'annonce rien de bon. Un silence s'installe, plus gênant encore que quand nous étions dehors. Mais seulement pour moi. Heureusement, le barman revient avec deux tasses blanches. Il les pose sur la table, nous souris. Surtout à moi, ce qui me perturbe, et s'éclipse ensuite. Je secoue la tête, égaré.

«  J'ai l'impression de me retrouver dans un vieux pourrit plan-là.Je soupire et m'apprête à me lever dans un élan. Je me casse c'est bon, j'en ai marre. C'est trop bizarre tout ça. »

 Mais je n'ai pas le temps de me mettre debout que la main de Liam se pose sur mon bras. Un frisson. Je tourne directement le regard vers lui, ses yeux me supplient de ne pas bouger. Je n'ai pas d'autres choix que de l'écouter, sinon, il trouvera toujours un moyen pour que cette conversation ait lieu.

«  Reste. Son ton est ferme et doux à la fois.Je dois te parler. »

«  Ouais, je sais déjà... T'es pas gay, je suis une grosse tapette, et si tu m'as embrassé c'est parce que tu voulais que je coule. Je connais l'histoire, je peux y aller maintenant ? »

 Je l'entends rire légèrement. Oui, j'ai bien dis, j'entends rire Liam Payne. Spectacle exceptionnel. Je ne sais pas ce qui se passe mais j'ai peur. Je fronce les sourcils plus encore. Cette situation m'angoisse. J'ai juste envie de me tirer très vite de cet enfer avant que le monde ne s'écroule sous mes pieds et que je m'engouffre dans le sol.


«  Non.Il sourit.Ce n'est pas vraiment ça. »

«  S'il te plait Payne, je suis crever, si tu pouvais juste abréger. »

«  Tu me promets de ne pas t'enfuir avant que je finisse ? J'ai besoin que tu entendes tout ce que j'ai à te dire. »

«  Je t'écoute. »

«  Ce n'est pas simple. Soupire-t-il. »

«  Rien ne l'est jamais avec toi, disons que je m'y suis habitué, alors je peux presque tout entendre. »

  Deux minutes passèrent. Il prit une grande inspiration comme s'il s'apprêtait à m'avouer quelque chose qu'il gardait cacher en lui depuis longtemps. Quelque chose qui le ronge et il a peur de se lancer. Je ne l'ai jamais vu aussi anxieux et stressé. C'est un nouvel homme que je découvre. J'ai plus l'impression d'être à côté d'un ami que d'un ennemi, et ça me donne la nausée.

 

«  Ça fait plus de deux ans que je joue la comédie. Tout ce que j'ai pu te dire ou faire, c'était simplement pour jouer un rôle.Sa voix tremblait, il chuchotait presque et avait du mal à me regarder les yeux.Je me voile la face depuis tout ce temps. »

«  Tu me fais peur là Payne. Si c'est pour te foutre de moi autant me le dire tout de suite. »

«  Laisse-moi finir s'il te plait. C'est déjà assez compliqué comme ça. »

«  Oh mon pauvre, tu veux que je pleure avec toi ? »

«  Zayn !Il soupire, je râle et croise les bras sur mon ventre. Je sais que ça ne te plait pas d'être ici mais écoute moi et après tu pourras t'en aller et je te jure de te laisser en paix après ça, parce que voudras surement plus jamais me voir après... Enfin, comme je te disais, durant ces deux années de lycée tu n'étais pas confronté à la vraie personne que je suis, c'était un masque que je... Que je portais pour ne pas avoir à... A être la risée de tout le monde. Parce que tu le sais, les gens peuvent vraiment être ignobles quand ils le veulent. J'ai... J'ai jamais voulu te faire de mal, que tu souffres ou quoi que ce soit d'autre qui puisse te nuire. Tu ne méritais pas tout ce qui t'es arrivé de ma faute... »

  Je ne sais pas quoi penser de ce qu'il me dit. Est-ce vrai ou non ? Me mens-t-il, afin que je lui fasse confiance, pour mieux me détruire après ? Serait-il en train de s'excuser ? Était-il sincère ? Je suis à la fois perdu et sans voix. J'ai l'impression de vivre dans un monde parallèle, comme si les deux années qui venaient de s'écouler s'étaient effacées. Mais il m'est impossible de tirer un trait sur l'apocalypse qu'il a déclenché dans ma vie.

«  Tu... Tu ne vas surement jamais me croire, parce que j'ai été un vrai connard avec toi mais, je t'apprécie. Depuis qu'on est rentré en seconde ensemble. Dire que ça aurait pu se passer autrement, qu'on aurait pu être amis. Je... Je suis désolé d'accord ? Pour tout le mal que je t'ai causé. J'ai faillis t'envoyer à l'hôpital il y a quelque semaines de cela à cause des coups que je t'ai donné, et je ne voulais vraiment pas mais... »

«  Alors pourquoi tu l'as fait putain ? Tu...Je passe une main dans mes cheveux et tire dessus jusqu'à m'en faire mal. Je ne comprends rien, pourquoi tu me dis tout ça ? Tu veux te payer ma tête ? Arrête de jouer la comédie, où sont tes autres débiles de potes, ils se cachent ici et attendent de me tabasser c'est ça ? »

  Il secoue la tête. Je vais devenir fou. Ma voix est montée d'un cran, un client s'est tourné vers nous tellement mon ton était remplit de colère. Il joue avec moi, j'en suis certain. Comment je peux le croire alors qu'il s'est amusé à me noyer, me rabaisser, me rouer de coups et m'insulter durant tout ce temps ? Je suis à bout, je vais exploser. La fatigue ne joue pas en ma faveur. Je suis pris au piège dans un cercle vicieux. Liam me regarde et attend que je me calme, il veut me toucher le bras mais je le repousse violemment. Je ferme les paupières pour essayer de remettre mes idées en place mais je n'y parviens, tout se mélange dans ma tête.



«  Zayn, laisse-moi t'expliquer.Son ton est doux, j'aurai presque envie d'obéir. Les... Les gars qui trainent toujours avec moi au lycée, et que je présente comme mes amis, ils... Ils ne le sont pas. Au contraire. Ils ne l'ont jamais été. Je les déteste. Au plus haut point. Ils me font vivre un enfer depuis deux ans, et je ne peux pas broncher où... Où c'est toi qui prendras. Je relève les yeux vers lui, sa mâchoire est crispée. Aux vacances d'octobre de notre année de seconde, ils m'ont... Ils m'ont repéré à la sortie d'un bar gay dans les bras d'un homme que j'avais rencontré là bas. Ils étaient quatre, ou cinq. Ils m'ont reconnu, ils sont venus vers moi, ils ont pas cherché à comprendre et nous ont tous les deux tabassé. Heureusement qu'il y avait des gardes du corps par loin qui sont intervenu, sinon, ils auraient fini par tuer l'un de nous deux. Ils se sont enfuis comme des lâches avant que quelqu'un n'ai pu les attraper ou même les voir. J'étais le seul à pouvoir les dénoncer mais, ils ont fait pression sur moi pour que je ne dise rien. Ils savaient où j'habitais, et l'un deux et venu devant chez moi. Je ne voulais pas que ma famille soit leur cible aussi. J'avais une peur bleue de retourner au lycée, je craignais qu'ils... Qu'ils s'en prennent une fois de plus à moi, et... Et à toi. Tu... Je ne sais pas comment ils ont su que... Que tu m'attirais mais il était hors de question qu'ils fassent de toi une victime. Ils m'ont menacé, tous les jours jusqu'à ce que j'accepte, ils sont allés attendre ma sœur à la sortie de son collège pour lui faire peur. Pour m'atteindre. Je n'avais plus le choix, ils m'ont dit que si je ne leur obéissais pas, ils s'en prendraient ensuite à toi. Alors, j'ai accepté de les suivre. Ils ont tout fait pour que je devienne hétéro. Ils m'ont d'abord trainé en soirée, m'ont forcé à embrasser une fille et ensuite... Même si j'ai refusé pleins de fois, m'ont tapés à sang pour que je couche avec. Elle s'en foutait totalement, cette fille, elle était trop ivre pour comprendre ce qui se passait. Puis ce scénario s'est répété, j'ai finis par ne plus avoir la force de résister. C'était horrible. Ce n'était pas moi. Je ne me reconnaissais plus, j'avais l'impression d'être en enfer. Je me sentais salis. Je n'ai jamais tenté de porter plainte parce que... Parce qu'ils épiaient mes moindres faits et gestes, je n'étais même plus libre d'être moi-même. Cette année, ça c'est un peu calmé, parce que je t'en fais voir de toutes les couleurs, mais ils sont toujours sur mon dos. Je sais que c'est idiot, j'ai dix-huit ans et je suis incapable de me défendre. Mais ils ont gâchés bientôt trois années de ma vie. Je ne disais rien à mes parents, question de sureté pour eux, et pour moi parce qu'ils iraient forcément se plaindre à la police. Personne ne savait rien. C'était un secret entre eux et moi. Du moins jusqu'à ce que je vienne dans ce café, Pat est devenu mon ami, un soutient. J'ai eu du mal, mais... Je lui ai tout raconté, du moins le plus important, bien sûr je lui ai fait jurer de ne rien dire parce que sinon c'était ma tête et ta tête qui étaient en jeu. Il n'était pas trop pour, il a failli se rendre au commissariat un soir mais il s'est résigné quand il a vu que je le suppliais de ne pas le faire. J'étais dévasté. C'est un putain de cauchemar... »

  Je suis incapable de bouger, de dire un seul mot et même de respirer correctement. Le monde s'écroule. Il pourrait y avoir un ouragan, une troisième guerre mondiale, je resterai cloué là. Sur ma chaise. Je fixe la table, inerte. Ma poitrine s'affole, avant de rater quelques battements quand je me rappelle les mots de Liam. Ce n'est pas possible. Je dois rêver. Ca ne peut pas lui être arrivé, si ? On ne peut pas être aussi horrible et cruel avec un être humain ? Mes mains tremblent en même temps que mes jambes, mon cerveau ne répond plus. Tout est déconnecté. Plus aucun fil logique n'est relié. Ma gorge se noue. Ma respiration se bloque. Je suis perdu. Totalement. Plongé dans un noir complet. Je ne sais pas si je dois le croire ou fuir maintenant. Mais, je ne parviens pas à faire le moindre mouvement. La réalité s'est éclipsée. J'ai l'impression que je vais exploser, d'une minute à l'autre. Je suis devenu la bombe.

«... J'aimerai tellement avoir le courage de m'opposer à eux, de leur dire qu'ils peuvent venir me casser les côtes et que ça changerait rien au fait que j'aime les hommes, que je suis fière d'être celui que je suis. Pourtant... Je n'ai jamais eu le courage de m'opposer à eux.... Je... Je suis désolé Zayn. Tout ce qui t'es arrivé c'est de la faute à ma lâcheté. Ils m'ont forcé à te tabasser, à te faire du mal. J'en crevais, je te jure. Chaque coup était un supplice pour moi. Je n'arrivais plus à dormir parce que l'image de ton corps ensanglanté me torturait l'esprit. Je sais que tu as besoin d'explication, que tu es perdu, je te comprends. Si... Si je me suis enfui après notre premier baiser à cette fête c'est parce qu'ils étaient là, tellement près, et s'ils nous avaient vu, ils t'auraient sûrement broyé os, et ils auraient voulu que je vois ça, que j'assiste à ton martyr. Et je ne pouvais pas. Alors, à partir de ce moment, ils m'ont obligé à te... Détruire. Leur but était que tu me déteste, et c'est arrivé. Je m'en veux, j'aimerai mieux crever que de revivre ça. Si tu savais. Après, si j'ai été absent pendant trois jours de suite il y a peu de temps de cela, juste après notre conversation sur le fait que je n'assumais pas qui j'étais... C'était parce que j'avais refusé de te tabasser, alors, ils l'ont fait avec moi. J'avais des bleus au visage et un peu partout sur le corps, je ne pouvais pas venir en cours comme ça sans éveiller les soupçons. Heureusement, mes parents étaient en voyage pour leur boulot et je me retrouvais seul chez moi. Je t'ai mentis sur toute la ligne Zayn, je sais que je t'ai fait vivre un enfer, et que tu ne me pardonneras surement jamais pour ça mais j'avais besoin que tu sois au courant. Parce que, je crois que je n'aurais jamais la force de les affronter et je ne voulais pas que tu souffres encore. Je... Après le lycée je pense quitter la ville, pour mon bien, et pour le tien aussi. Peut-être même que je partirai avant la fin de l'année. Je ne supporte pas le fait de te voir endurer tout ça. C'est trop dur. J'aurai aimé que ça se passe autrement, je te promets. J'aurai aussi aimé être comme toi, tu t'en fiche totalement du regard des autres, du jugement qu'ils peuvent te porter, j'étais comme ça avant d'entrer au lycée, mais... Ils ont tout foutu en l'air. Je n'ai plus aucune confiance en moi. J'ai tout perdu. Je n'assume plus qui je suis. Tu es quelqu'un de bien Zayn, je t'admire. Je suis désolé pour ce que je t'ai fait subir. Je suis désolé d'avoir joué avec toi, de t'avoir fait croire que je te déteste alors qu'au fond, depuis le début je... Deux ans que je suis amoureux et je n'ai même pas le droit de partager ce sentiment avec toi, putain. Je me déteste, j'ai fait du mal à l'homme que j'aime parce que je suis incapable de combattre le mal. Au fond, t'avais raison, c'est moi la fillette. »

  C'est impossible. Je me noie, je coule dans l'eau glacée. Je ne réagis plus. Il m'aime ? Il me désire ? Il dit vrai ? Je ne sais pas si je dois le croire, j'en ai envie, mais j'ai peur. Il n'a pas le droit de me dire ça de bout en blanc. Je le hais. Mais putain je l'aime aussi. Je l'entends renifler à côté de moi, je devine qu'il pleure, qu'il a dû pleurer, ou encore qu'il se retient de le faire. Moi, je suis vide. Je flotte dans un trou noir. L'air est suffoquant, mon espace se réduit, j'ai l'impression que les murs se rapprochent. J'ai des nausées, ma gorge de noue, j'ai envie de vomir. Il vient de m'avouer l'un des plus gros secrets, et mensonge, de sa vie et j'ai juste envie de me jeter du haut d'un pont ou sous une voiture. La pièce tourne, j'ai besoin d'air, celui qui se trouve dans cet endroit est empoisonné.

«  J'ai... Je me sens pas bien. »

  Je murmure, mais je sais que Liam m'entend puisqu'il m'aide à me relever par le bras. Je n'ai pas la force de le repousser. Nous sortons vite, je ne tiens pas bien droit, s'il me lâche je m'effondre au sol et me brise comme du verre. Une fois dehors, je revis presque, l'air frais qui caresse mon visage me fait du bien. Je ne peux pas rester sur mes jambes, elles tremblent et j'ai besoin de m'assoir. Je me laisse glisser contre le vitrine du café, je sens toujours la présence du châtain à côté de moi, je crois qu'il s'est accroupi afin me voir. Je suis incapable de le regarder. J'ai mes genoux ramenés contre mon torse et ma tête entre mes mains. Je tremble de partout, et c'est encore pire quand ses mains froides se posent sur mes bras pour me rassurer. Ma respiration n'a aucune structure. C'est le désordre, l'anarchie totale. Pourtant, je ne pleure pas, je n'y arrive pas. C'est plus un choc que de la peine ou de la tristesse.

«  Zayn, ça va ?... Souffle. Il faut que tu te calme. Tu trembles trop. »  

 Facile à dire. J'ai beau essayer je n'y arrive pas. Mon cœur déchire ma poitrine tellement il bat une vitesse folle. Je n'ai encore jamais connu ça. C'est un vrai ouragan. Je suis balayé. Je n'ai plus de point d'              accroche. En fait, je suis au bord de la falaise et le vent Liam m'a soufflé dessus pour que je tombe, et là, c'est la chute. Longue et langoureuse. Je prie pour toucher vite la Terre, pour heurter le sol une bonne fois pour toutes.

«  Pourquoi... Pourquoi me dire tout ça maintenant Liam ? »

«  Parce que te le cacher me tue. Je préfère que tu me déteste parce que je t'ai mentis plutôt que tu me déteste parce que tu crois que je te méprise. C'est faux. J'ai fait tout ça pour te protéger, je ne pouvais plus te mentir. »

 

 Et, pour la première fois depuis des années, je me rends à quel point je peux être important pour quelqu'un. L'homme en face de moi a préféré gâcher sa vie, endurer les coups, les insultes et les pires crasses, pour me préserver. Moi. Uniquement moi. J'ai presque envie de sourire maintenant. Il a signé un pacte avec le diable pour résider en enfer plutôt que de me voir souffrir. Et même s'il m'a fait du mal, s'il je lui dois un nombre important de bleus, je ne peux que l'admirer. Peu importe ce qu'il croit ou pense de lui, pour moi, c'est la plus grande preuve de bravoure qui puisse exister sur Terre. Je lève les yeux vers lui, les siens sont humides et sombres, il est brisé. Je le sens, je le sais, je le lis dans son regard. Brisé parce qu'il ne peut pas m'avoir sans prendre des risques, et brisé parce que son corps ne supporte plus la douleur si bien qu'elle lui est devenue familière.

«  Je suis tellement, tellement désolé Zayn, je... »

«  Pourquoi moi ? Je veux dire... Il y a plein d'autre gars partout, dans les bars gays, et tu me choisis moi, pourquoi ? »

  J'ai besoin de savoir. Toute cette histoire me trouble. Je ne sais pas si je dois le croire, quel choix faire, mais je dois avoir des réponses d'abord. Mon corps tremble toujours, mes mains se resserrent sur mes genoux, ma voix est cassée. Je dois être horrible à voir, mais peu importe. Ce sont ses mots qui comptent, pour le moment. Et alors, son regard se fait plus tendre, il sourit faiblement, presque tendrement. Puis, sans que je ne m'y attende, il pose une main délicate sur ma joue. Mon cœur tambourine dans ma poitrine, à tel point que j'ai mal, il n'a jamais été aussi doux et ça me fait peur. Parce que je ne sais pas à quoi m'attendre. Mais, ce que je sais par contre, c'est que ce contact me retourne l'estomac et fait monter des frissons en moi.

«  Parce que tu étais là où je ne cherchais pas. Et je ne me suis rendu compte que trop tard que je cherchais au mauvais endroit. »

  Deux secondes s'écoulent, je ne sais pas quoi lui répondre. Il a le don de m'ôter les mots. Je le sens se rapprocher, son pouce caresse ma joue, nos nez se frôlent et il m'embrasse. Comme jamais. Je n'ai jamais eu le droit à cela. C'est encore plus doux que les autres fois, je dirais même que c'est amoureux. Je me laisse porter par ce baiser, sa main réchauffe ma peau et je crois bien que je rougis. Une première. Mais les miennes s'accrochent à sa nuque. Cette fois, je sais qu'il est sincère, je le ressens dans notre échange. J'en perds la tête. Tout tourne autour de moi. Je ne me sens à nouveau pas bien. Lorsque nos lèvres se séparent, j'ai le cœur qui bat la chamade, il résonne dans mes oreilles. Je tourne de l'œil, et je crois que Liam s'en aperçoit puisqu'il saisit ma tête entre ses mains et prononce plusieurs fois mon nom à la suite. Je m'accroche à l'un de ses bras, la respiration difficile.

«  Qu'est-ce qui se passe Zayn ? »

«  Je... Ramène-moi chez moi, s'il te plait. »

  J'ai l'impression d'avoir un poids qui me tire vers le bas. Je crois que j'aurais dû manger ce soir, finalement, et plus dormir. Les révélations de ce soir, le manque de nourriture et la fatigue accumulés me rendent vulnérable. Je me sens chavirer dans un autre monde, Liam m'appelle, j'aimerai lui répondre mais j'en suis incapable. Puis, le trou noir, je crois que je me suis endormi. Mais, je sais que je vais faire un rêve ce soir. Parce que le châtain a éveillé en moi, quelque chose de nouveau. Un bien être inconnu.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top