58. Affrontements.
Que faisait-il ici? Je ne suis pas folle, c'était bien Vincent que j'avais eu au téléphone quelques minutes plus tôt!
— Ma beauté comme on se retrouve ? Tu es seule ? Tu n'as pas ton garde du corps ? ironisa-t-il un sourire mauvais sur le visage. Je n'aimais pas l'image de mauvais garçon qu'il renvoyait, car je ne le reconnaissais pas.
— Qu'est-ce que tu veux ? Demandai-je dans un souffle.
— Moi ? Rien de particulier. Et toi qu'est-ce que tu fais ici? Me questionna-t-il en me tournant autour.
— J'ai rendez vous avec un collègue pour le boulot. Mentis-je en le suivant du coin de l'œil.
— Dans un hôtel ? Demanda-t-il surpris en soulevant un sourcil, alors qu'il se planta de nouveau devant moi. Je me raidis instinctivement.
Quoi? Comment le savait-il? Non! Il ne pouvait pas savoir, puisque c'était Vincent mon amant et que c'était lui que je venais rejoindre.
— Et toi qu'est-ce que tu fais ici ? Tu n'es plus à la botte de ta sœur? Aujourd'hui c'est quartier libre pour les esclaves! Tranchai-je l'œil mauvais. Je n'allais sûrement pas me laisser marcher sur les pieds.
— Moi? Je ne suis l'esclave de personne. De toute façon je te surveille.
— Tu m'en diras tant. Les flics sont à votre recherche, si j'étais toi je ferai moins le malin!
— Les flics à notre recherches! N'essaie pas de me faire peur Bérénice! Tu es faible et tes menaces sont du vent. Dit-il d'un air bien plus menaçant que le mien. j'ai encore du boulot pour lui foutre une trouille de tous les diables!
— C'est vraie je suis faible, tellement faible qu'il vous a fallu me droguer pour me couper les cheveux! Quelle grandeur! J'ai si peur!
— Tu devrais pourtant! Gronda-t-il en se collant à moi. Là il était clair que je faisais moins la fière. Je résistai à cette envie instinctive de reculer devant lui. Même si mon cœur assourdissait mes oreilles et que mes mains devenaient de plus en plus moites.
— Agathe a vraiment eu un coup de génie pour te tailler les tifs! Dommage que tu sois passée chez le coiffeur ! Agathe a vraiment un talent certain pour la coiffure. Enfin que veux-tu des amies sincères sont font rares. Dit-il en reculant de deux pas et fourrer ses mains dans les poches de son duffle-coat.
— Oui tu peux le dire. Mais parfois se débarrasser des sangsues qui vous pourrissent la vie depuis 15 ans est la meilleure des choses à faire. lui jetai-je à la figure en serrant les poings
— Oh tu me tus ! Fit-il d'un geste de la main comme si je le poignardai.
— Que de manière Daniel. Tu as eu des nouvelles de Charlotte dernièrement ? Balançai je à brûle pourpoint.
Il s'immobilisa et accusa le coup. Tout à coup il devint nerveux.
— Non on dirait. continuai-je en faisant deux trois pas sur le coté pour me donner une sorte de contenance et d'assurance. Demandes donc à ta sœur. Peut-être qu'elle t'en dira quelques mots.
Au loin, je vis Vincent arrivé. Il accéléra le pas et je devinai l'inquiétude qui assombrissait son visage. Et moi je me sentais enfin rassurée.
— Au fait, elle est splendide dans sa robe de mariée. Quel dommage que ce ne soit pas toi à son bras ! Vous auriez fait un couple magnifique. Ajoutai-je pour enfoncer le clou.
Après tout c'était un prêté pour un rendu!
— Cela ne prend pas avec moi Bérénice. Je m'en cogne de Charlotte. Grogna-t-il encore. Mais sa posture le trahit. Il était raide comme un balai et ses épaules voûtées de cette façons si menaçantes. Pour quelqu'un qui se disait hermétique aux menaces...
— Oh vraiment ? C'est bizarre parce que dans mon souvenir tu as commencé à picoler au moment même ou elle t'a largué. Dis le moi si je me trompe, hein? Enfin je dis ça je dis rien ! Moi qui picolais autant pour que tu me regardes... Agathe avait raison sur ce point : heureusement que je te faisais horreur! Tu imagine un peu le tableau ! Ricanai-je en voyant Vincent se tenir silencieux dans son dos.
Bon balancer des infos sans le consentement de Miller n'était peut-être pas une bonne idée mais tant pis! Il l'avait bien cherché de toutes façons!
— Sale petite merdeuse! Tu crois que parce que tu es dans les petits papiers de Jaime, tu es protégée ? Mais je vais te dire une chose ! C'est lui qui...
Vincent le poussa violemment sur le côté, puis l'attrapa par le col pour coller son nez contre le sien. La tension commençait à monter et je n'aimais pas trop ça.
— Alors Daniel tu as un problème avec Bérénice ? Demanda Vincent le visage pâle et l'air très mauvais.
En réalité, il avait lui aussi une mine affreuse! Mais que nous arrivait-il tous?
— Putain Vincent! Qu'est-ce qui te prends ? Grogna Daniel en portant ses mains aux poignets de Vincent toujours crispés sur son col. Il ne faisait pas le fier.
Tiens, ils avaient l'air de bien se connaître ? Dans mon souvenir Daniel et lui ne se fréquentaient pas trop du temps ou Vincent s'envoyait en l'air avec Agathe. A moins que je n'y faisais pas vraiment attention. Ce qui était plus probable.
— J'ai un rendez-vous professionnel très important avec elle. Alors tu vas dégager d'ici, retourner dans les jupons de ta sœur et lui expliquer en long et en large que Bérénice en à rien à foutre de ses problèmes existentiels! Qu'elle peut toujours essayer de resserrer les cuisses, cela n'empêchera pas aux mecs de penser que c'est la grosse salope qui se tape n'importe quel abruti qui lui avance un billet mauve! Et tout ça parce que votre père vous a foutu à la porte! Éructa Vincent les dents serrées.
— Ne l'insultes pas ! Tu n'as aucune idée de ce qu'elle traverse!
— Qui ça ? Ta cinglée de sœur ? On est tous au courant qu'elle a des cases en moins Daniel! Alors arrête de lui trouver des excuses!
Daniel semblait partagé entre deux émotions bien distinctes. Cela me fendit le cœur de constater qu'il était d'accord avec Vincent, lorsqu'il relâcha ses poignets. Et l'autre sentiment qui le bousculait ressemblait à de la haine. Mais une haine qu'il ne dirigeait pas du tout contre Vincent. Ses yeux se posèrent sur moi et s'ils avaient pu me trucider sur place ce serait fait!
— Moi je crois surtout qu'il faut applaudir votre père pour ce choix au combien cornélien de se débarrasser de parasites comme vous. Continua Vincent en le repoussant d'un coup sans pour autant le relâcher.
— Il ne s'est pas débarrasser de nous! Il a simplement eu des problèmes d'argent momentanés.
— C'est ce qu'il vous a dit ? Vous êtes vraiment des tares tous les deux. Même pas foutus de comprendre que vous leur casser les couilles à vos vieux! S'exclama Vincent mauvais.
Il était clair qu'il avait une putain de dent contre Daniel et que la colère qui le submergeait ne le lâchait pas. Bien au contraire elle montait crescendo, attendant que la soupape qui la retenait explose d'un moment à l'autre.
— Vas te faire foutre Luthier j'ai pas à me justifier devant toi ! S'écria Daniel en le repoussant vivement pour se débarrasser de son emprise.
— En fait, je tire plutôt mon chapeau à votre mère ! Elle au moins elle a réussi à se débarrasser de vous trois ! Son arnaqueur de mari et ses deux enfants dérangés du cerveau.
Daniel lui balança son poing dans la figure, ce qui le projeta sur le trottoir mouillé des dernières pluies. Puis il s'acharna sur Vincent qui était toujours à terre, à coup de pieds violents et de poings visant au hasard tant qu'il touchait une partie du corps.
Alors que Daniel lui envoyait des coups, j'essayai de le repousser en lui criant d'arrêter. Mais il était comme en transe avant de se rendre compte que je le poussai avec toute la force que je pouvais.
— Mais tu es malade ! Complètement malade! Tu as besoin de te faire soigner Daniel ! Lui criai-je à la figure alors que je le repoussai encore une fois!
— Tout ça, c'est de ta faute Bérénice ! Tout a commencé à cause de toi ! s'écria-il en me pointant du doigt.
Daniel se recula de plusieurs pas avant de faire demi-tour et s'en aller en courant.Je me jetai sur Vincent qui était toujours à terre. Il se tenait les côtes. La force avec laquelle Daniel s'était acharné sur lui ne faisait aucun doute sur le diagnostique. Il devait avoir une côte ou deux de cassées. Merde !
— Ça va aller Vincent ? Osais-je demander en cherchant son visage.
— Non...souffla-t-il.
Je devais appeler Miller ! Lui saura quoi faire. Putain de merde ça y est, cela avait dérapé ! Je cherchai frénétiquement mon smartphone dans mon sac et lorsque je le trouvais enfin, je dus m'y reprendre à plusieurs fois avant de réussir à cliquer sur le bon contact. Le téléphone collé à l'oreille, j'attendis que Miller réponde, tandis que Vincent haletant essayait de se redresser en se tenant les cotes. Quel sale con ce Daniel !! Je coinçai mon téléphone entre mon oreille et mon épaule pour pouvoir aider Vincent à se mettre sur ses deux pieds. Miller ne répondit pas. Mais qu'est-ce qu'il faisait ? Je réitérai mon appel et attendis une bonne dizaine de sonneries avant de recommencer encore deux fois. Dépitée par l'absence de réponses de Miller, je rangeai mon téléphone dans mon sac.
Je scrutai Vincent mal en point qui subissait sa douleur. Je passai mon bras sous le sien pour le soutenir comme je pus et il se laissa volontiers aller contre moi. Il appuya sa tête contre la mienne et un parfum que je reconnus entre tous s'échappa de son col. Mon cœur s'emballa sans retenue et dans ma tête je revis défiler les moments passés avec mon amant d'anniversaire. Et d'avoir Vincent contre moi me permit de sentir son corps si longtemps apprécié. Je rougis malgré moi.
Cependant je ne retrouvai pas les sensations.
Vincent émit un grognement quand il se redressait de toute sa hauteur. Je levai les yeux vers lui et quand il lut mon inquiétude sur mon visage, il articula avec une grimace
— Ça va aller Bérénice...ça va aller.
— Non ça ne va pas...Fulminai-je. Regardes-toi ! Il s'est acharné sur toi sans aucune raison. Tu n'y es pour rien dans cette histoire! Elle ne te concerne même pas!
— Je devais te protéger.
— Me protéger ? M'exclamai-je étonnée par cette réponse inattendue. Me protéger de quoi?
— Ce mec s'en serait pris à toi. Et s'il t'était arrivé quoi que ce soit Jaime me serait tombé dessus. Crois-moi vaut mieux ne pas avoir à lui rendre des comptes.
Tiens, il appelle Miller par son prénom maintenant?
— Bérénice crois-moi.
Il n'avait pas tord. Je baissai la tête et Vincent se détacha de moi à regrets.
— Il vaudrait mieux que tu rentres chez toi.
Quel chez moi? Je n'avais plus de chez moi! Je vivais chez Miller à présent!
— On n'a pas discuté de ce pourquoi tu m'as donné rendez vous.
Il resta silencieux et évita soigneusement de me regarder en face. Je ne sentis pas ce qui allait suivre.
— Est-ce que cela à avoir avec cet hôtel ? Questionnai-je en serrant mes mains l'une contre l'autre nerveusement.
Mais il ne répondit toujours pas.
— Vincent ?
— Rentre chez toi Bérénice. Dit-il avec un dernier regard avant de me tourner le dos et de s'en aller en claudiquant.
J'en restai comme deux ronds de flan. Il m'avait donné rendez- vous et cela avait tourné au vinaigre à cause de Daniel. Et alors que nous pourrions éclaircir certains points, il fait machine arrière. Mais de quoi avait-il peur ?
— Alors c'est tout ? Tout ça pour rien ! Clamai-je, la colère qui faisait une apparition insidieusement en moi.
— Rentre chez toi. S'exclama-t-il à dix mètres de moi sans prendre la peine de me faire face.
— Non ! Non! Je ne rentrerais pas chez moi sans au moins un minimum d'explication ! Tu te fais démonter pas un connard fini et quand vient le temps de donner des explications tu te défiles !! Tu es comme Miller tu es un lâche ! Dés qu'il s'agit de me parler vous n'assumez pas ! Éclatai-je en m'avançant vers lui prête à en découdre finalement.
Il s'arrêta au milieu du trottoir puis fit volte face pour revenir sur ses pas. Ce qui me surpris et m'arrêta dans mon élan.
— Tu n'as pas idée de ce qui me torture Bérénice ! Tu ne te rends pas comptes du poids qui repose sur mes épaules ! Pour toi ! Rien que pour toi! Gronda-t-il en pointant son doigt sur moi en colère.
Voir son visage rouge de colère me fit peur. C'était une émotion que je ne connaissais chez lui.
— Alors dis-moi ! Implorai-je d'un air suppliant.
— Ce n'est pas à moi de le faire ! Répliqua-t-il le visage crispé.
— Pourquoi si cela nous concerne uniquement ?
Il passa sa main dans ses cheveux en bataille. Puis la laissa retomber d'un geste las et emprunt de nervosité.
— Vincent parle moi...
— Fais-nous confiance s'il te plaît. Éluda-t-il en prenant sur lui.
Je voyais sur son visage qu'une bataille faisait rage en lui sur ce qu'il était autorisé à révéler ou non. Et je ne pouvais rien faire pour l'aider à prendre sa décision.
— Comment ? En te regardant te faire tabasser par un taré ? Tu te rends bien compte que tu t'es fais casser la figure à cause de moi !! Daniel l'a dit lui même : tout ça, c'est à cause de moi. Alors j'exige d'être un minimum au courant !
Ses yeux assombris par la colère et peut être par la honte de s'être fait passer à tabac, me fusillaient. Une sorte de haine semblait faire surface et se diriger vers moi.
— Arrête ! Explosa-t-il le regard mauvais.
Ce qui me fit sursauter.
— Ce n'est pas moi qui décide de ce que tu dois savoir ! C'est lui et uniquement lui ! Alors lâches-moi OK ! Vous me faites tous chier avec vos putains de conneries!!
Il était clair qu'il semblait à bout. Mais que pouvais-je y faire? C'était lui qui avait choisi d'être mon amant et de signer le contrat. Normalement.
— Et en ce qui nous concerne tous les deux? Osai-je demander de façon la plus prudente. Parce que je désirai savoir maintenant si mon hypothèse s'avérait être vraie.
— Il n'y a rien qui nous concerne. Lâcha-t-il la mâchoire serrée.
OK, là non plus il ne voulait pas décoincer un mot! A mon tour de laisser la colère faire son apparition.
— Ne me mens pas !! Tu m'as fait venir ici ce n'est pas pour rien ! Cet hôtel est symbolique pour tous les deux ! Dis-moi la vérité. Est-ce que c'est toi qui venais me rejoindre à cet hôtel ?
Il posa un regard intense sur moi pendant une longue minute, puis soupira :
— Rentre chez lui Bérénice et attends le sagement.
Je ne pus rien ajouter de plus car il s'était fermé à la conversation. Ses yeux m'évitèrent et il se rencogna dans son blouson me cachant la moitié du visage. Il s'en était allé sans un regard en boitillant par la douleur sourde des coups portés par Daniel. Je dus me contenter alors de ce que j'en avais déduis. Miller et lui étaient de mèche et il avait les poings liés et ne pouvait pas agir comme il le voulait.
Miller avait donc le contrôle de tout. Et à ce moment je n'imaginais pas encore la portée de cette constatation.
Étant donné que Vincent avait renoncé à me confier qu'il était mon amant d'anniversaire. Ou du moins, j'en avais déduis qu'il l'était parce que toute la conversation laissait entendre que c'était lui. Son parfum était un indice suffisamment crédible pour qu'il en atteste cette vérité. Je rassemblai mes esprits et rentrai à la maison de Miller. La pluie recommençait à tomber doucement, mais pour que j'atteigne enfin la maison, elle avait redoublé. Je restai immobile face à la façade de la maison. Cette maison qui était devenue mon refuge après le désastreux et horrible moment passé en compagnie, non voulue, d'Agathe.
Mon téléphone sonna au fond de mon sac ce qui me sortit de ma rêverie. Je farfouillai dedans et l'extrait pour découvrir que Miller tentait de me joindre.
— Salut. Fis-je simplement.
— Tu as essayé de me joindre ?
— Oui. Il s'est passé quelque chose.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? S'inquiéta Miller à l'autre bout du fil. Cela s'entendit dans sa voix devenue plus grave et sourde.
— Daniel me surveille. Et il...il a essayé de m'agresser. Vincent s'est interposé et a pris pour moi...
— Quoi? Tu vas bien ? Ou est-ce que tu es?
— Moi ? Oui. Je ne peux pas en dire autant de Vincent.
— Comment se fait-il que Vincent soit intervenu? Et qu'est-ce que Daniel voulait ?
Merde Vincent m'avait demandé de ne rien dire à Miller au sujet de notre rendez-vous.
— Vincent voulait me voir à propos d'un dossier client. Il n'y avait que moi pour le renseigner. Et pour ce qui est de Daniel, il voulait tâter le terrain et taper là ou ça fait mal. En fait il m'a surtout bien fait comprendre que tout était de ma faute.
— C'est tellement plus facile pour eux de se défausser sur toi. Et ce depuis qu'ils sont entrés dans ta vie. Dit-il plus pour lui même que pour moi.
Nous gardâmes le silence un moment et pour une fois j'aurais aimé qu'il parle. Meubler le silence de sa voix est bien plus agréable quand il est loin de moi, que d'entendre cet affreux blanc entre nous.
— Tu as sans doute raison. Rétorquai-je en m'avançant jusqu'à la porte d'entrée.
— Où es-tu ?
— Je suis devant la maison, je rentre.
— Je vais pouvoir rentrer plus tôt. ça va aller?
— Oui, ne t'inquiète je vais refermer la porte à clef derrière moi. A tout à l'heure.
— Je fais vite. Déclara-t-il avant de raccrocher.
Je fis de même et rangeai mon smartphone dans mon sac et rentrai dans la douce chaleur du foyer Millerien. J'y déposai mes affaires machinalement sur une des chaises de la salle à manger. L'apparition de Daniel devant l'hôtel suivit de son attaque sur Vincent m'avait refroidi. Je frissonnai et me dirigeai directement vers la cuisine ou je me préparai une bonne tasse de thé. Je jetai un œil à l'horloge. Il était 15 heures 37 et je me sentais fatiguée, fatiguée de toute cette histoire, de la pression que cela engendrait autour de moi, Miller et Vincent.
Comme je ne savais pas vraiment pour quelle heure Miller allait rentrer, je décidai de fouiller dans ses placards et d'y piocher quelques ingrédients pour cuisiner. C'était une autre bonne idée pour effacer cette sensation de mal être qui m'enveloppait depuis deux jours maintenant. Je me fis bouillir de l'eau et infuser un thé blanc tout en cherchant sur la tablette de Miller une recette intéressante et alléchante.
Je pâtissai et cuisinai le reste de l'après midi. Cependant, cela ne m'empêcha pas de scruter par les fenêtres pour voir si Agathe ou Daniel n'apparaissaient pas de l'autre coté des vitres. Je fus tout autant à l'affût du moindre bruit suspect. J'étais sous tension à mon tour. Déjà que je n'étais pas très tranquille depuis deux jours,ce supplément de stress ne m'aidait pas à rester sereine, loin de là.
Alors que j'étais en train de régler le four pour la cuisson de mon dessert, Miller rentra enfin du travail et s'ébroua sur le seuil de la porte d'entrée.
— Tu es là ? Demanda-t-il en enlevant sa veste qu'il posa sur le dossier du divan.
Entendre sa voix, enleva un poids sur mes épaule et j'eus l'impression de respirer enfin depuis le début de l'après midi.
— Oui je prépare à manger. Lui répondis-je en vérifiant la prise de cuisson de mon plat.
Il s'approcha de moi et me posa un baiser sur les lèvres alors que je tournai le visage vers lui. Il se redressa et se tourna vers l'évier ou il se lava les mains, je fus tout d'abord surprise parce que c'était la deuxième fois que nous n'avions ce genre de baiser depuis qu'Agathe m'avait agressé. Mais je fus agréablement conquise par ce geste qu'il avait eu de façon tout à fait naturelle, tout comme ce matin. D'ailleurs il s'en rendit compte qu'une fois qu'il eut fini de se laver les mains.
— Désolé...je ne sais pas ce qu'il m'a pris...ce matin aussi...
— C'est bon... Ne t'inquiète pas ...rougis-je avec un petit sourire gêné.
— D'accord. Sourit-il à son tour les joues roses.
Tiens il était possible de le faire rougir?
Il garda le silence un petit moment encore gêné de son geste puis reprit le dessus.
— Qu'est-ce que tu nous a concocté ? Demanda-t-il en jetant un œil sur la casserole.
— Oh quelque chose de simple. C'est mon plat réconfort quand mon père vient passer ses vacances chez moi : Pasta alla carbonara !
— Je découvre que tu as aussi des talents de cuisinière.
— J'ai des tas de talents que tu ignores.
— Est-ce une proposition pour me les faire découvrir ? Demanda-t-il en jetant la serviette sur le plan de travail sans me quitter des yeux très intéressé par la tournure de la conversation.
— Je ne sais pas si c'est le moment pour cela, mais quand toute cette histoire avec Agathe et Daniel sera finie peut-être que je t'en montrerais certains.
— J'ai hâte. Dit-il d'une voix rauque qui laissait entendre bien des choses. Et mon corps reçut cinq sur cinq son sous entendu. Je me retins de serrer les cuisses pour faire pression sur mon petit bouton de rose, et laissai échapper un soupire discrètement.
Je restai un peu rêveuse et me repris quand il pencha la tête sur le coté pour chercher mon regard. Je n'aimais pas qu'il me surprenne ainsi, perdue dans mes pensées. Parce qu'à chaque fois, j'avais l'impression qu'il lisait en moi comme dans un livre ouvert.
— Euh...Nous pouvons passer à table, c'est prêt. Fis-je ne me reprenant comme si de rien n'était.
Miller sortit une bouteille de vin rouge du pain-bouteille et s'installa. Pendant ce temps je le servis tandis qu'il versait un peu de vin dans chacun de nos verres. J'observai le liquide rouge tournoyer dans mon verre et fronçai les sourcils. Était-ce nécessaire de boire de l'alcool?
— Alors raconte-moi ce qu'il s'est passé avec Daniel et Vincent. Dit la voix de mon boss.
Je lui fis le résumé par le détails de ma rencontre avec Daniel, mais me permis de passer sous silence ma conversation avec Vincent. Ou du moins ce que j'avais découvert sur ce dernier. Il était hors de question que je le rende jaloux.
Durant tout mon récit, ses yeux ne m'avaient pas quitté un seul instant et cela me troubla énormément. Mais si jamais son regard chocolat trouvait un autre sujet que moi à observer, je me sentais démunie de ne plus être le centre de son attention, alors qu'il n'y avait que moi avec lui.
— Je me suis demandée quelle faute j'avais pu faire pour que je sois la cause de leur malheur ? Je n'ai jamais été méchante avec eux. Je ne les ai jamais insulté, ni blessé. Je ne comprends pas ce que j'ai pu faire pour qu'ils pensent que tout ce qui est arrivé est uniquement de ma faute. Ce n'est pas moi qui suis allée me vautrer dans le lit du nouveau mari de ma mère ! Ce n'est pas moi qui couche à droite à gauche pour me faire de l'argent de poche parce que mon père ne veut plus me donner un centimes et...
— C'est ça tout le fond du problème Bérénice. Leur père a toujours fait en sorte de gagner de l'argent. Quelque soit la façon de le gagner. Mais ses petites arnaques ont eu raison de lui et il a du devoir se séparer de quelques biens. Aujourd'hui les Martin n'ont plus rien. Juste leur yeux pour pleurer.
— Mais moi dans cette histoire?
— Toi? Tu n'as rien à voir avec leur problème. Ils t'y ont intégré car tout à avoir avec l'argent Bérénice. Puisque son père ne lui en donnait jamais assez, elle a toujours espéré que le tien serait assez généreux pour deux. Toi et elle.
— Oh tu penses qu'elle attendait que mon père la couvre de cadeaux comme il le faisait avec moi ? Tout ça pourquoi? Parce qu'il est un grand parfumeur dans les produits de luxe? Mais il ne gagne pas des millions!
— Oui. Mais ce n'est pas ce que croit Agathe!
— Mais elle n'est pas sa fille!
— Je sais, et son père ne faisait pas comme le tien. Tout cela c'est uniquement de la jalousie.
— C'est du délire...
Nous gardâmes le silence un moment. Mon estomac commença à grogner et mon assiette me criait de la manger. Ce que je fis sans me faire prier, car de toute façon nos assiettes refroidissaient. Miller m'observa avec amusement tout en sirotant son verre de rouge. J'aimais beaucoup le regard qu'il avait sur moi, malgré mon horrible coupe de cheveux. Quand je pensai à la limite que les frangins Martin avaient franchie, de quoi étaient-ils capable de faire à la prochaine étape. Ils avaient tout détruit dans mon petit studio. Le peu de possessions accumulées depuis que j'avais commencé à travailler. Peut-être devrais-je y retourner pour voir ce qui pouvait être récupérer.
— Quand pourrons-nous faire un tour dans mon studio pour faire le point sur ce qui est récupérable ? Demandai-je entre deux coups de fourchette.
— Ne t'inquiète pas pour ça j'ai fait ce qu'il fallait.
— C'est à dire ? Demandai-je étonnée qu'il ait pris les devants
— L'inspecteur m'a autorisé à venir récupérer ce qui l'était et j'ai fait mettre en garde meuble ce qui n'a pas été touché ou trop endommagé par la folie furieuse d'Agathe. J'en ai profité pour ramener ton sac à main avec tes papiers. Je les ai posé sur le divan.
— D'accord. Merci c'est très gentil.
Le silence revint de nouveau entre nous. Miller mangeait avec appétit ce qui me fit sourire. Je n'étais pas une si mauvaise cuisinière. Je ne savais pas si je me serais permise de toucher à ses placards, s'il avait été à coté de moi à ce moment là.
— J'ai appelé Agathe. Lança-t-il de but en blanc.
— Tu l'as appelé? L'interrogeai-je surprise par ce qu'il venait de dire.
— Oui, pour mettre les points sur les « i ».
— Pour... ? Pourquoi? repris-je toujours étonnée.
— Elle t'a menacé de nouveau par le biais de ses réseaux sociaux. Alors j'ai fais de même. Rétorqua-t-il en posant ses couverts tout à coup très sérieux le regard mauvais.
— Tu as répondu sur tes propres réseaux ?
— Non de vive voix. Je lui ai donné rendez-vous dans l'après-midi. J'ai menti à Pacôme sur mon rendez-vous extérieur. Mais ne t'inquiète pas pour moi je connais les lois. J'ai assuré mes arrières. Lâcha-t-il en prenant son verre de vin tout en ne me quittant pas des yeux.
J'avais en face de moi un prédateur qui avait calculé tous ses coups avec un temps d'avance. Ses yeux chocolat avaient virés d'un noir d'obsidienne et sa façon de me regarder derrière son verre me faisait peur. Vincent avait raison, il était dangereux, que je le voulais ou non. Et son comportement n'était que le résultat des mauvais traitements qu'Agathe nous avait infligés à tous les deux. Il voulait me protégé et cela avait développé un instinct de défiance et de protection chez lui vis à vis de moi, qui dépassait ce que j'avais imaginé chez une personne comme lui. Lui le "Saint-Bernard", si gentil et généreux.
— Que lui as-tu dis ? Osai-je demander sur un ton bas.
— Qu'elle avait peut être eu de la chance en se la jouant fine avec Hélène. Qu'elle avait peut être récupéré un peu de ce que mon divorce m'avait coûté. Mais avec toi ce sera différent. C'est elle qui allait mordre la poussière et elle entraînera son frère dans sa chute et sa déchéance. Je lui en ai fait le serment. Annonça-t-il le ton froid et déterminé. J'en frissonnai de trouille.
Et tout à coup il me fit très peur. Parce qu'il ne laissait de place à rien d'autre qu'à sa vengeance implacable qu'il avait préparé depuis des années. Et qu'il avait du amélioré depuis que j'étais entrée dans sa vie. Si je lui faisais du mal que m'arrivera-t-il ? Je n'osai même pas y penser. Je me levai et débarrassai la table sans un mot. Son téléphone portable sonna. Un SMS je supposai. D'Agathe probablement. Je le regardai pianoter sur son écran, puis se leva pour aller discuter dans sa chambre, me laissant seule. Je n'aimai pas la tournure que prenaient les choses.
Tandis que je faisais la vaisselle, j'entendis s'échapper de sa chambre, le timbre de la voix de Miller qui semblait furieux et presque impuissant. Puis ce fut le silence, un trop long silence. Un coup sourd se fit entendre et je sursautai quand il claqua la porte en revenant. Il semblait tout à coup nerveux. Il n'était jamais nerveux habituellement. Que se passait-il de si grave pour qu'il soit dans cet état ? Moi qui croyais qu'il maîtrisait la situation, il semblerait que ce ne fut trop le cas. Ou alors envoyait-il de mauvaises informations. Miller revint dans la cuisine l'air très très en colère et nerveux. Alors que je rangeai la vaisselle dans les placards, on sonna à la porte. Miller se tourna vers moi l'air inquiet tout à coup. Il pâlit, ce que je n'avais jamais vu chez lui.
La sonnette retentit de nouveau avec insistance. Puis des coups frappés très fort contre la porte me fit sursauter. Il n'était même pas la peine d'aller ouvrir pour connaître les personnes qui se trouvaient de l'autre coté.
La confrontation allait avoir lieu.
Comment cela finira-t-il ?
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