Jour 14

- NICO ! Criai-je.

Ça faisait maintenant huit jours qu'il vivait ici et je m'étais habitué à sa présence. Ça faisait du bien d'avoir enfin quelqu'un à qui parler. Cette maison me semblait vide mais maintenant l'agitation était revenue. Je me sentais beaucoup mieux comme ça. Au final je ne voyais aucune raison de me méfier de lui, comme quoi je m'inquiétais pour rien. C'était un garçon plutôt ordinaire, même s'il n'a toujours pas vu Star Wars, ça par contre, je ne comprenais pas, mais soit. On passait nos journées dehors, à jouer dans les bois comme des gamins ou à faire des jeux de sociétés. Je n'ai toujours pas réussi à le battre aux échecs d'ailleurs... Il s'intéressait beaucoup à mes futurs études de médecine, me posait énormément de questions auxquels je répondais avec plaisir. C'était la première fois que quelqu'un montrait autant d'intérêt pour ma passion, d'habitude j'ennuyais les gens à force d'en parler. Nous avions aussi décider à l'unanimité que ce serait désormais lui qui s'occupera de la cuisine après qu'il ait vu mes désastres culinaires. Certains ont un talent particulier en cuisine, le miens était de rater des trucs inratables, de manière disons... Originale. Bref, tout ça pour dire que tout allait pour le mieux ! Jusqu'au moment où il a décidé de manger le dernier Oréo...

- Viens ici tout de suite !

Il arriva en courant dans la cuisine, dérapant dans le tournant où il manqua de se manger le sol, puis vint se placer devant moi, droit comme un piquet. Je me retins de rire. Je l'avais prévenu de ne pas courir en chaussette, qu'il allait finir par se faire mal. Je me rappelai ensuite pourquoi je l'avais appelé et repris un air sérieux.

- C'est quoi ça ?

Il me regarda interloqué avant de tenter une réponse.

- Hum... Un paquet d'Oréo ?

- Très juste, mais tu ne vois pas un petit problème ?

Il réfléchi quelques instants pendant que je commençais à m'impatienter. Voyant qu'il ne comprenait pas, je repris la parole en soupirant.

- Un indice ?

Il hocha vivement la tête alors j'écrasai le paquet dans mon poing. Il fronça les sourcils puis sembla enfin comprendre.

- Oh. Il est vide ?

- Tout juste, Sherlock, une explication ?

- J'avais faim ?

- Mais on ne vide pas les paquets d'Oréos comme ça, enfin !

- Bah, faut bien que quelqu'un le fasse, non ?

Je lui lançai un regard noir en croisant les bras.

- Bah quoi ? Tu voulais que je lui fasse un enterrement ?

Le ton de sa voix était tellement naïf que je n'arrivais pas à savoir s'il plaisantait ou non. Il me fixait de ses grands yeux noirs, attendant une réaction. À vrai dire je ne savais pas trop quoi lui dire alors je me contentai de soupirer.

- Si le problème est que tu en voulais un, il reste un paquet dans l'armoire.

Je le fixai brusquement dans les yeux intéressé. J'avais pourtant regardé mais n'avais rien trouvé.

- Il est caché derrière le paquet de sucre.

Je me ruai vers l'armoire et jetai presque ce fameux paquet de malheur me séparant de l'amour de ma vie pour pouvoir enfin croquer dans un Oréo. Nico repartit en levant les yeux au ciel pendant que je savourais mon trésor retrouvé.

Je décidai de finalement le rejoindre dans le salon où je le retrouvai assis en tailleur sur le canapé. Il fixait un point dans le vide et son visage ne trahissait aucune émotion.

- Les pieds dans le canapé, soupirai-je en m'asseyant à côté de lui.

- Je suis en chaussette.

- Ce n'est pas une... Ok c'est une excuse.

Je remarquai qu'il n'avait pas bougé d'un pouce en me répondant, n'avait même pas tourné la tête vers moi. Son ton était étrange. Je repris alors.

- Quelque chose ne va pas ?

Il ramena ses genoux contre lui et déposa sa tête dessus, évitant toujours de regarder vers moi. Il prit une inspiration avant de finalement répondre d'une petite voix trop calme.

- J'étais en train de réfléchir...

Il ne bougeait toujours pas. J'attendis qu'il continue mais voyant qu'il ne réagissait pas, je m'approchai de lui en l'encourageant du regard. Je me lançai finalement après quelques minutes.

- Tu réfléchissais à quoi ?

- À ma sœur. J'arrête pas d'y penser.

- Tu arrives à te souvenir de quelque chose ?

Il soupira avant de répondre.

- Toujours rien... Parfois j'ai l'impression de... Enfin peu importe.

Il serra son poing puis le fixa se rouvrir doucement. Il soupira bruyamment en mettant sa tête en arrière.

- Si seulement je pouvais au moins me rappeler de son nom !

Je glissai doucement ma main dans son dos, hésitant, ne sachant pas trop comment il réagirait à ce genre d'attention. Il tourna vivement la tête vers moi, me regardant enfin dans les yeux. Il semblait surpris de mon geste et n'osait pas réagir.

- Tu ne dois pas t'en faire, au moins nous avons son nom de famille. Avec quelques recherches, on devrait finir par trouver quelque chose.

- Et si on y arrive pas ?

Son ton était craintif. Ses yeux reflétaient le tumulte d'émotions qui le traversait.

- Au plus j'y réfléchis, au plus je me rends compte que c'est presque impossible de retrouver quoique ce soit. Il souffla avant de reprendre, Depuis toujours je croyais être seul, je me rends compte enfin que j'ai de la famille mais que je ne pourrai jamais atteindre... J'ai l'impression d'être Tantale.

La référence me fit un peu sourire qui disparu bien vite, me disant que ce n'était peut-être pas le moment de penser à ça. Il semblait complètement désorienté. À vrai dire je n'avais aucune idée si on allait vraiment la retrouver ni même comment m'y prendre. Je ne savais pas si on avait la moindre chance mais pour l'instant, il avait surtout besoin d'être rassuré. C'est pourquoi je gardai mes inquiétudes pour moi et me contentai de simplement le prendre dans mes bras. Contre toutes attentes, il se laissa faire et s'appuya contre moi. Je lui soufflai alors :

- On fera tout notre possible pour la retrouver mais sache que peu importe l'issue, tu n'es plus tout seul, je suis là pour toi.

Je décidai finalement de m'éloigner de lui, cherchant un moyen de lui changer les idées. Je pris alors la télécommande et me retournai vers lui en souriant.

- Ça te dit un marathon Star Wars ?

Il haussa les épaules en souriant faiblement, ce que j'interprétai pour un oui. Habituellement il aurait soupirer en levant les yeux au ciel, disant que je ne vis que pour ça ou faisant une remarque mais pas cette fois-ci. Je décidai de ne pas y faire attention et mis le premier DVD. Je me réinstallai à côté de lui, jetant des couvertures et mettant le paquet d'Oréos entre nous. Aujourd'hui j'étais d'humeur généreuse, je pouvais partager mes Oréos. Il s'enroula dans l'une des couvertures, faisant un sushi Nico et s'installa confortablement pendant que le générique de début commençait. J'ai toujours été fasciné par les écritures volant dans l'espace.

Nous regardâmes les deux premiers films, lui en silence, moi faisant des commentaires un peu partout. J'essayais de ne pas trop parler mais c'était beaucoup trop dur. Au moins, il n'avait pas l'air de s'en plaindre, il avait même rigoler quelques fois. J'aimais bien l'entendre rire. Je n'arrivais pas à voir s'il avait aimé les films ou pas mais j'avais l'impression que ça lui avait remonté un peu le moral, ce qui était le principal. Il n'avait plus l'air de penser à sa sœur ou à ses autres préoccupations. Notre concentration disparaissant pendant le deuxième film, TDAH, toi-même tu sais, je décidai d'aller éteindre la télé à la fin du film. Je revins ensuite m'assoir à côté de lui en souriant, attendant des commentaires.

- Alors, t'en as pensé quoi ? Demandais-je impatiemment.

- C'était bien, mais ça vaut pas Seigneur des Anneaux.

- Qu-Quoi ?! Comment ça ? Tu me vexes, là !

- Bah je dis ce que je pense ! Ajouta-t-il en haussant des épaules. Fais pas cette tête-là ! On dirait que c'est toi qui a fait les films et que je viens de les mettre à la poubelle !

- C'est un peu ce que je ressens en ce moment...

- J'ai pas dit qu'ils étaient nuls, Star Wars c'est bien, mais Seigneur des Annaux c'est mieux !

- Mouais, c'est ça...

Je croisai les bras en boudant. Il soupira puis continua.

- Par contre, j'aimais bien le personnage, là... Missa ?

- Jar Jar Binks ? Missa veut simplement dire moi.

- Ah d'accord, ouais lui, il est marrant.

- Justement en parlant de lui ! T'as rien remarqué ?

Il fronça les sourcils.

- Rien de spécial...

- C'est normal mais j'ai trouvé une théorie hyper intéressante ! Après tu ne le verras plus jamais de la même façon. En fait ce personnage est beaucoup plus développé qu'il n'y parait !

- Ah bon ? 

Il me regardait perplexe.

- Une théorie raconte qu'il serait un espion Sith !

- Jar Jar ? Un espion ?

Il avait un sourire amusé sur le visage.

- C'est vrai qu'au début ça à l'air bullshit mais quand tu t'y penche plus, après ça devient logique.

- Bull-quoi ?

- Bullshit, n'importe quoi. En gros, y'a plein de preuves dans les films et ça ramène aux légendes desquels George Lucas aimait bien s'inspirer et dedans y'a qu'on montre d'abord un personnage insignifiant pour ensuite dévoiler à la fin qu'en fait c'est le personnage le plus puissant ! Mais finalement il a abandonné le projet avec Jar Jar Binks mais j'crois qu'il y aurait du y avoir un combat entre lui et Yoda.

- Ah ouais. Et comment les fans ont découvert ça ? Ce sont quoi les preuves ?

- Déjà, l'acteur de Jar Jar Binks a fortement sous-entendu que la théorie est vraie ensuite, si on regarde bien déjà dans le premier film -

Je lui exposai ensuite tous les éléments que j'avais retenu dans les films qui prouvaient la théorie. Ses sauts très hauts, ses techniques de combat, qu'il soit toujours avec Palpatine quand celui-ci est présent, qu'il ait l'air inutile mais que dès qu'il est en danger, il arrive à tuer, que tous les robots se méfient de lui,... Et y'en a pleins d'autres. Je lui expliquai tout pendant bien une heure voire plus, lui remontrai des scènes. Il en était bouche bée.

- Ouais, t'avais raison, je ne le vois plus du tout de la même manière...

- Alors tu vois ? Comme quoi Star Wars est beaucoup plus développé et réfléchi qu'il n'en a l'air ! George Lucas était un géni !

Il se contenta de me tirer la langue et de quitter la pièce, me laissant seul devant la tête de Jar Jar Binks en grand à la TV, me regardant avec un air que je trouvais maintenant menaçant. J'en avais froid dans le dos.

***

J'éteignis les lumières en bas et montai les escaliers en baillant. Il faisait noir dehors à présent et Nico était déjà monté épuisé. En marchant vers ma chambre, je passai devant la sienne et remarquai que la porte était entrouverte. La lumière était allumée et j'entendais murmurer. Je passai légèrement la tête dans l'entrebâillement pour le voir à genoux devant son lit, les mains jointes et les yeux clos.

- Qu'est-ce que tu fais ? 

Il sursauta en entendant ma voix et se retourna vivement. Je n'avais pas pu m'empêcher de poser la question.

- Dé-désolé, je ne voulais pas t'espionner. J'avais entendu du bruit alors, je me suis dit... Désolé, je vais m'en aller, je -

Je me retournai pour partir mais m'arrêtai en l'entendant répondre.

- Ma maman m'a toujours appris à dire un "Je vous salue Marie" avant d'aller dormir et de ne pas oublier de remercier le Seigneur pour la journée. On le faisait ensemble chaque soir.

- Ma famille n'a jamais été vraiment croyante et encore moins pratiquante... Mais... Tu veux qu'on le fasse ensemble ? 

Il me regarda surpris avant d'hocher la tête en souriant légèrement. Je vins alors m'installer à côté de lui et essayai d'imiter sa position.

- Tu sais, y'a pas de bonne position pour prier, simplement que j'ai pris l'habitude de celle-ci, comme ma maman me l'a appris.

J'hochai la tête en m'asseyant simplement en tailleur. 

- Ta famille est -

Il mit un doigt devant la bouche, me signifiant de me taire.

- On parlera après. Oh mais tu pourras m'apprendre l'Ave Maria en anglais ! Je le connais seulement en Italien.

- Ah vrai dire, je ne le connais pas vraiment... J'ai du l'apprendre quand j'étais petit mais bon, j'ai un peu oublié depuis.

- C'est pas grave, peut-être que je saurai t'aider, si on réunit nos deux connaissances, on pourrait le retrouver !

- D'accord, on peut essayer.

Je n'étais pas vraiment convaincu. Je fermai les yeux, essayant de retrouver au fond de ma mémoire ce que j'avais retenu. Je m'éclaircis la gorge et commençai d'une voix hésitante.

- Je vous salue Marie,

Je le sentais me fixer et ça me mettait mal à l'aise, j'avais peur de me tromper ou de faire quelque chose de travers.

- Comblée de grâce, le Seigneur est avec vous,

J'eus une hésitation alors il tenta de continuer. Il buttait sur certains mots ce qui était logique, étant donné qu'il devait s'efforcer de traduire et de parler en même temps.

- Vous êtes bénie entre... Toutes les femmes et...

La suite me revenant, je repris la parole. Ses épaules s'affaissèrent, comme si je le libérais d'un fardeau.

- Et Jésus, ton enfant, est béni. Sainte Marie, mère de Dieu, Priez pour nous pauvres pêcheurs, maintenant et à l'heure de notre mort...

Je ralentis un peu pour lui laisser le temps d'assimiler et nous terminâmes en disant Amen en même temps. Il dit rapidement quelque chose en italien que je ne compris absolument pas avant de faire un signe de croix et de se retourner vers moi.

- Merci de l'avoir fait avec moi, j'aime pas trop le faire tout seul.

- De rien, c'était avec plaisir.

Je lui souris et remarquai que je le pensais vraiment. À vrai dire, j'avais fait le catéchisme et avais été à la messe quelques fois enfant mais ça m'avait toujours profondément ennuyé. Jamais je n'aurais imaginé prendre plaisir à prier. Mais ici c'était tout simple, juste à deux, sans tous les artifices qu'on voit parfois et c'était beaucoup plus agréable. Je me relevai finalement et me dirigeai vers la porte.

- C'est l'heure d'aller dormir maintenant, tu veux que j'éteigne la lumière ?

Il grimpa sur son lit et hocha la tête. Je lui dis bonne nuit avant de partir et de refermer la porte derrière moi. J'allai ensuite vers ma propre chambre pensant à mon lit qui m'attendait. 

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