Chapitre 31-2







Pendant un instant je restais là à découvert, le visage levé vers le ciel, à profiter des rayons de lunes et de la faible brise dansant sur ma peau. C'était la toute première fois que j'étais réellement...à l'extérieur. Et malgré l'horreur de la situation, je ne pouvais m'empêcher d'en profiter un minimum. C'était incroyablement apaisant.

— Hayden, ne reste pas là...caches-toi, me chuchota la voix paniquée de Lada, dissimulée dans l'un des buissons touffus bordant le chemin où débouchait la buse d'égout par laquelle nous étions sortis.

À contrecœur je m'accroupis et les rejoignis à l'abri de la végétation dense. Jetant, au passage, un coup d'œil à la silhouette de Lynch étendue sur le sol, toujours inconscient.

— Que fait-on maintenant, demanda Isy de son ton brusque et pragmatique habituel. Quelqu'un sait où nous sommes au moins ?

— Approximativement, répondit Oliver d'une voix essoufflée et hachée qui ne lui ressemblait pas et me surprit.

— Nous devrions rester un peu ici et attendre les autres...ils ne devraient pas tarder, dit Ophélia d'une voix tremblante et incertaine, qui traduisait très bien ce que nous pensions tous, sans oser nous l'avouer.

Personne ne répondit et un silence lourd et pesant s'installa. J'en profitai pour m'approcher discrètement d'Oliver, essayant de faire bouger le moins possible les petites feuilles bruissantes qui ornaient les arbustes alentours, m'étant déjà pris un coup d'œil d'avertissement très clair d'une Lada à la limite de la parano.

Je réprimai de justesse la réplique cinglante que j'aurai spontanément sortie d'ordinaire car, quelque part, je comprenais son attitude...même si elle m'agaçait prodigieusement. Nous n'étions quand même pas au beau milieu d'une foule ou à proximité d'une rue passante ! Nous nous trouvions (je ne savais où) mais une chose était sûr, excepté les mouches et les oiseaux...il n'y avait pas grand monde autour de nous. Mais bon, après tout ce que nous venions de traverser, je pouvais comprendre qu'elle soit un tantinet nerveuse...donc je ne dis rien et m'agenouillai à côté de mon blessé potentiel, le plus silencieusement possible.

O' était adossé au tronc fluet d'un petit arbre noueux, qui semblait faire un dossier tout sauf confortable. Ce qui, vu sa tête et sa respiration difficile, avait l'air d'être le cadet de ses soucis. Les rayons de la lune, gênés par le feuillage, ne parvenaient que parcimonieusement jusqu'à nous, nous cachant efficacement mais m'empêchant de voir exactement l'étendue des dégâts.

— Non mais tu es folle ? Me houspilla Lada, à la seconde où j'allumais ma lampe torche pour mieux évaluer la situation.

— C'est bon, calme toi...personne ne peut nous voir ici. Par contre, on va finir par nous entendre si tu continus ! Lui répondit sèchement Isy, avant que je n'aie eu le temps de le faire.

Je ne tins plus compte de leur discussion, qui se poursuivit dans un murmure agité et par acquis de conscience, mettais ma main en coupe autour du rayon lumineux pour diriger le faisceau là où j'en avais besoin. O', qui avait fermé les yeux, les rouvris quand le pinceau lumineux passa sur son visage. Sa peau était blafarde (teint qui ne devait rien à la lune) et couverte d'une fine pellicule de transpiration, tandis qu'il me fixait de ses yeux brillants et inquiets. Je posais une main fébrile sur son front, presque certaine de ce que cela allait m'apprendre. Sauf que je ne m'attendais pas à ce que cela soit aussi inquiétant, me dis-je en retirant mes doigts de son front brûlant.

— Tu es blessé où exactement ? Lui demandais-je, alors que rien d'évident ne me sautait aux yeux pour le moment, mis à part quelques égratignures bénignes.

— À la jambe...je crois que je me suis fait mordre par une de ces saloperies, me répondit-il dans un chuchotement douloureux, tandis qu'il essayait maladroitement de se redresser pour remonter la jambe droite de son pantalon.

— Attends, je vais le faire. Le devançai-je, avant qu'il n'ait le temps de s'amocher encore plus qu'il ne l'était déjà.

Le tissu abîmé était tout raide et collé à la plaie par une bonne quantité de sang séché. Ce qui, quelque part était une bonne nouvelle, puisque cela signifiait que la blessure avait déjà commencé à se refermer et ne saignait donc plus pour le moment. J'entrepris donc de retirer cette partie du vêtement et m'arrêtais net à l'entente du gémissement de douleur d'Oliver.

— Désolée, lui dis-je sincèrement d'une voix navrée. Le mieux, c'est que je le retire d'un coup sec...ça va aller ?

— Il faudra bien, me répondit-il les dents serrées.

— Surtout...essaye de ne pas crier, lui demanda Lada, d'une voix inquiète et stressée dans laquelle pointait tout de même un soupçon de compassion pour ce qu'il endurait.

— J'aimerais bien t'y voir, lui répliqua O', essayant de mettre un peu de son humour habituel dans sa réponse, afin de montrer à Lada qu'il ne lui en voulait pas de sa remarque maladroite.

Sans le prévenir pour que l'effet de surprise attenu la douleur, je déchirai d'un coup sec le morceau de tissus sur toute sa longueur, le décollant de la plaie au passage. Il ne put s'empêcher de crier, mais la main qu'Isy lui plaqua sur la bouche au bon moment, empêcha le son de se propager dans tous les environs.

— Désolée, lui dit-elle en enlevant sa main d'un geste doux. Mais c'était plus sûr d'anticiper.

— Pas de problèmes, lui répondit-il en avalant difficilement sa salive.

Je me penchai à nouveau sur sa jambe et ne pus empêcher mon mouvement de recul involontaire et instinctif, devant ce que j'avais sous les yeux. Les morsures, car il y en avait plusieurs, étaient profondes et visiblement infectées. Les bords des plaies étaient gonflés et commençaient même à se décolorer par endroit, ce qui était très mauvais signe. Mais surtout...complètement impossible ! Enfin...pas si rapidement.

— Tu t'es fait mordre quand, lui demandais-je par acquis de conscience.

— Juste avant de vous rejoindre Gabe et toi, me répondit-il d'une voix épuisée. Pourquoi...c'est si moche que ça ?

Sur le moment, je ne sus pas quoi lui répondre. Lui mentir n'était pas une solution et dire la vérité ne ferait que l'inquiéter d'avantage. Au final, mon silence maladroit fut plus éloquent que n'importe quel discours et je vis à son regard résigné qu'il avait compris.

— Peu importe, dit-il en essayant de donner à son ton l'entrain dont son corps faisait défaut. Mal en point ou pas, je suis le seul à connaitre le chemin de la vieille usine et...nous ne pouvons pas rester là, continua-t-il en commençant à essayer de se lever, avant de finir à quatre pattes, haletant et en nage.

— Est-ce qu'il y a des médicaments ou un poste de premier secours, là où l'on va ? Demandai-je pleine d'espoir.

— J'ai bien peur que non, me répondit O'. Il n'y a rien là-bas. C'est justement pour ça que c'est une bonne cachette.

— Et le sac de fournitures médicales ?! M'exclamai-je soudain, me rappelant subitement de son existence. Celles que j'ai rassemblé avant que tout ne s'écroule...c'était bien nous qui l'avions ?

— Oui, me répondit Ophélia d'une petite voix contrite et désolée. C'était moi qui l'avais, mais...pendant notre fuite, la courroie c'est cassée...et il est tombé. Elana a perdu quelques précieuses secondes à le ramasser et...nous avons été séparées...

Elle ne continua pas sa phrase, ce n'était pas utile. Nous nous sentions tous déjà assez coupable d'avoir dû les abandonner au milieu de ces choses...même si savoir que c'était l'unique chose à faire ne changeait rien à notre pesant sentiment de culpabilité.

— Nous n'avons pas le choix...il faut retrouver ce sac...

— Non mais tu es complétement folle, m'interrompit Lada dans un hurlement murmuré. On ne peut pas...

— Pas vous...juste moi, dis-je en commençant à faire l'inventaire de ce dont j'aurai besoin. Avec mon...sixième sens...don...ou appelez-le comme vous voulez, je devrai m'en sortir.

— C'est de la folie ! Tu ne sais même pas comment il fonctionne exactement, tu...tu ne maîtrises rien, s'énerva Oliver en me lançant un regard affolé. Tu ne peux pas prendre tous ces risques pour moi...je ne suis pas assez important, c'est...c'est ridicule !

— Bien sûr que tu es important, m'emportais-je à mon tour tout en essayant de rester discrète malgré tout. Nous sommes tous important, mais toi plus que les autres. Parce que sans toi, nous sommes bloqué ici et sans une prise d'antibiotique rapide...je ne te donne pas trois heure, lui assénais-je brutalement.

Ma déclaration choc eut son petit effet et fut suivit d'un silence de plomb.

— Je ne suis pas médecin, mais je sais bien qu'une infection ne se propage pas aussi vite, déclara Isy en me fixant d'un regard méfiant, croyant visiblement que j'avais menti pour les convaincre de me laisser y aller. Ce qui ne semblait pas lui plaire du tout et même beaucoup la décevoir.

— Et normalement tu aurais parfaitement raison. Le problème c'est que là...rien n'est normal. Ces choses semblent avoir une sorte de...poison ou de bactérie surpuissante dans leur salive, je...je n'ai jamais vu ça. Sa seule chance c'est une prise rapide d'antibiotique...qu'il y a en quantité dans ce sac. Donc je vais aller le chercher et avec un peu de chance, je ramènerais le reste du groupe avec moi, dis-je avec détermination.

Seul le hululement lugubre d'un oiseau nocturne me répondit. Semblant souligner le fait que cette expédition était une très mauvaise et funeste idée.

— D'accord ! Dans ce cas, Isy et moi...on t'accompagne, m'annonça Lada d'un ton déterminé qui me surprit presque autant que sa décision.

— Non, vous n'êtes pas obligées. Restez ici pour...

— Tu auras besoin de nous si ça tourne mal et...tu as raison...jamais nous n'aurions dû les abandonner là-bas.

J'acquiesçais, bien qu'à contrecœur et c'est sans un mot que nous nous préparâmes. Lorsque nous fûmes prêtes, nous laissâmes Oliver et Lynch au bon soin d'Ophélia et nous engageâmes à nouveau dans l'affreux boyau duquel nous venions de sortir avec tant de difficultés et dans lequel nous ne pensions jamais remettre les pieds.

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