CHAPITRE 1

DAMON

Encore heurté par les mots de Blake, je rentre du lycée. Je ne comprends pas son comportement. Je croyais que tout allait bien, il faut croire que non. Il aurait dû m'en parler, mais il a préféré s'emporter contre nous. Pourtant, la journée avait été tranquille, si on peut dire ça. Dans le couloir qui nous menait à la sortie, les garçons discutaient de la soirée de ce soir. Blake était étrangement silencieux et en retrait. J'allais lui demander ce qui n'allait pas quand il nous a arrêtés. Il a commencé par s'en prendre à Lenny, puis Swann, Marley et Declan. Ce qu'il disait n'avait aucun sens. Ils ont bien essayé de le raisonner, mais Blake n'a rien voulu entendre. Il a fini par se tourner vers moi :

— C'est pas tes amis ! Ils te malmènent ! Ils se servent de toi ! Tu ne le rends pas service comme tu le crois ! Ouvre les yeux merde !

Pour lui, je suis manipulé, pour moi c'est être là pour eux. Entre amis, on se chahute, se lance des piques, se fait des blagues, s'entraide... C'est une marque d'affection et chacun à sa manière de la montrer. En fait, j'avais l'impression d'entendre mon père. Alors, je me suis emporté :

— T'es complètement malade ! Pourquoi je devrais t'écouter ? Pourquoi je devrais te croire ? Ce que tu dis est insensé. Je... Je te reconnais plus. Et si tu ne veux plus trainer avec nous, tu es libre de faire ta vie.

Et je suis parti. En y repensant, j'ai été dur avec lui, mais il l'a été avec moi. Ses mots m'ont blessé. Je ne suis pas naïf, ni aveugle. Si on me manipulait, je le verrais. Mais, je n'aurais pas dû m'emporter. Blake a toujours été là pour moi et je ne veux pas perdre son amitié. Même si je meurs d'envie de m'excuser, cela attendra demain. Je ne veux pas qu'il pense que je pardonne si facilement.

Après quelques minutes de trajet, je passe enfin la porte de la maison. 

— Salut maman, ma journée s'est bien passée. Mes amis m'ont fait quelques blagues, mais rien de grave. Même si m'enfermer dans mon casier n'était pas très drôle. Mais d'après eux, je dois apprendre à contrôler ma claustrophobie. Ils ont raison, avoir des peurs, c'est avoir des faiblesses comme ils disent. Je ne peux pas en avoir si je veux rentrer dans l'armée. Mais pour l'instant, je profite de la vie comme tu me l'appris. D'ailleurs, ce soir, je suis invité à une fête. J'ai trop hâte d'y aller. Et...

— À ce que je vois, tu parles toujours à cette photo.

Je quitte le portrait joyeux de ma mère et me tourne vers le sourire de mon père.

— Quand je fais ça, je me sens plus proche d'elle. J'ai l'impression de la voir assise dans le canapé, un livre à la main, attendant que je rentre.

Pendant une seconde, sa joie laisse place à la tristesse. Il se racle la gorge et s'approche de moi.

— J'ai entendu que tu allais à une fête.

Changement de sujet, un classique chez lui. Exprimer ses émotions n'est pas son truc, surtout quand il s'agit de la mort de maman. Un cancer du sein métastasé découvert trop tard. On a tout tenté. Mais son état ne cessait d'empirer. Petit à petit, elle nous échappait. Elle a vécu ses derniers jours à l'hôpital. Trop fatiguée pour nous dire adieu, nous tenir dans ses bras. Je ne souhaite à personne d'être de ceux qui restent, parce que si la douleur des mourants cesse, la nôtre, non. Nous devons vivre avec notre impuissance et l'image d'une mère, d'un fils ou d'une sœur qui n'est plus la même.

— Oui, j'y vais vers vingt heures, je finis par répondre.

— Tu vas chercher Blake ?

— Non, il n'a pas été invité. On s'est un peu disputé.

Il se dirige vers la cuisine et commence à se préparer à manger. Un froid s'installe entre nous. Il adore Blake. À vrai dire, c'est le seul de mes amis qu'il supporte. Le seul aussi qu'il accepte à la maison. De toute manière, les autres ne veulent pas venir ici. Quoi qu'il en soit, quand mon père apprend que Blake ne sera pas là pour me sauver la mise, ça lui fait peur.

— Je n'ai pas envie de me disputer avec toi, m'informe-t-il en se tournant vers moi. Je veux seulement que tu sois prudent.

— Je le serais. De toute façon, je suis leur chauffeur, je ne vais pas boire. Ne t'inquiète pas pour moi, Lenny et les autres ne sont pas méchants. Jamais ils ne feraient quelque chose qui mettrait ma vie en danger.

Puis je le prends dans mes bras avant de monter dans ma chambre pour me changer. Je suis accueilli par les avions de chasse qui pendent de mon plafond et les posters à leur effigie qui décorent mes murs. Des centaines d'ouvrages sur l'aviation traînent ici et là. Un jour, j'en piloterai un ! La vitesse, l'adrénaline et la liberté rempliront mes veines de bonheur. Le F-35C deviendra mon meilleur ami. Je réfléchis déjà au surnom que je vais lui donner.

Ce n'est pas tout, mais je dois me préparer. Je troque mon pull contre une chemise en flanelle. Puis, comme me l'a conseillé Blake, je m'asperge de parfum. Il est persuadé que les filles adorent ça. Pour l'instant, je ne suis pas convaincue. Je profite d'être dans la salle de bain pour me brosser les dents, qui sait, ce soir je pourrais avoir mon premier baiser.

Comme d'habitude, je finis par rejoindre mon père dans la cuisine pour l'aider avec le repas. C'est un moment entre père et fils que je chéris.

— Alors, comment s'est passé ta journée au shop ? je demande.

— Comme d'habitude j'ai tatoué de super projets. Je me demande où mes clients trouvent toute cette imagination. Et... je voulais te proposer un truc. J'aimerais qu'on en fasse un en commun. T'en penses quoi ?

Son stresse me fait sourire. Pour lui, les actes valent mieux que des mots, et par celui-là il veut nous lier à jamais.

— Ça sera avec plaisir, je te laisse carte blanche. On peut se programmer ça après la remise de diplôme, si tu veux.

Ses yeux pétillent de joie et c'est mon plus beau cadeau. Je ne veux plus jamais qu'il connaisse la tristesse.

— Il va falloir que je te laisse, bonne soirée papa.

Il me serre dans ses bras avec tout l'amour qu'il a pour moi.

— Fais attention à toi, fiston.

— T'inquiètes pas.

Sur le chemin, je récupère chacun de mes amis.

— Par pitié Damon, me balance Marley, évite de danser comme un idiot. Je n'ai pas envie d'être ridiculisé.

— Je vais faire de mon mieux, je lui souris.

Dans la voiture, ils parlent entre eux des filles de la soirée. D'après ce que j'entends, Lenny aimerait bien « sauter » Sandra la belle geek qui lui résiste. Declan espère reconquérir son ex, encore une fois. Marley veut coucher avec le plus de filles possible : il prévoit de battre son record. Swann, de son côté, souhaite conquérir Lucy, l'amour de sa vie depuis la primaire. De nombreuses fois il a essayé, de nombreuses fois il a échoué. Peut-être que ce soir sera la bonne.

— Et toi Damon tu comptes faire quoi ? me demande Swann.

— Se toucher dans un coin, ris Lenny, emportant les autres avec lui.

— Non. Je ne sais pas encore. Profiter de la soirée c'est déjà pas mal.

Ils font tous semblant de bâiller d'ennui.

— Il faut que tu trouves une meuf pas trop dégueu qui te fera perdre ta virginité. Parce que c'est bientôt la fin du lycée et traîner avec un puceau, ça craint, m'informe Lenny.

Mes amis acquiescent. Ils ont raison. Je ne veux pas finir comme Andy Stitzer.

Je finis par me garer dans la rue près de la maison de luxe d'une certaine Cynthia. Nous descendons et allons vers la porte d'entrée. La musique résonne dans la rue. Les voitures sont entassées sur les places de parkings et les trottoirs. Des adolescents complètement saouls crient, rient et déambulent sur la route un verre à la main. Habitués à cette ambiance, nous entrons dans la maison. Les enceintes nous assourdissent, une marée de corps dansant nous empêche d'avancer. L'odeur d'alcool, de sexe et de transpiration nous imprègne les narines. Toute la pression de la semaine redescend d'un seul coup.

— Bon, Damon on t'appelle quand on veut partir, m'informe Lenny, ne t'attire pas d'ennuis parce qu'on pourra pas venir t'aider. Sur ce, bonne mission à tous.

Chacun part de son côté, eux, se jettent sur l'alcool comme des assoiffés tandis que je me lance sur le dance floor. Au rythme de sons pop, électro, je me déchaîne. Sur les ordres de mes amis, je me contiens. Je risque de les gêner si j'y vais à fond. À tue-tête j'entonne les paroles de Blinding Light. Puis c'est au tour de Bruno Mars, Daft Punk ou encore Calvin Harris de s'époumoner dans le salon. Je me laisse emporter dans mes chorégraphies loufoques. En nage, je me dirige vers l'îlot central de la cuisine. Je passe ma tête sous l'eau froide avant de boire des litres.

— Quelqu'un qui boit de l'eau à une soirée, c'est exceptionnel ! rit une voix derrière moi.

Je me retourne, m'essuyant la bouche avec mon tee-shirt. Je la reconnais, nous nous sommes déjà croisés dans les couloirs du lycée. Je n'ai jamais osé aller vers elle. Tout ce que je parvenais à faire c'est la saluer de la main. Elle me souriait et me rendait mon geste. Aujourd'hui, elle est face à moi. Ses cheveux roux réunis en deux couettes crêpées. Sa fidèle salopette à moitié attachée avec un tee-shirt rayé et une paire de converses blanches. Elle est magnifique avec ses grands yeux bleus. Je reste bouche bée d'être aussi près d'elle. Elle se moque gentiment de moi :

— Je ne savais pas que j'étais Méduse.

— Non, loin de là ! Tu... tu ressembles à Amy Adams.

Elle me sourit.

— Au fait, on a jamais eu l'occasion de se présenter. Je m'appelle Willow Thompson.

— Damon... Damon Lockford.

— L'équipe de baseball, je me trompe. J'ai entendu dire que tu étais l'un des meilleurs batteurs.

Je rougis. Elle en sait plus sur moi que j'en sais sur elle.

— On va dire que je me débrouille pas si mal.

— Tu te dévalorises, si les gens pensent que tu as du talent, alors tu en as.

Je souris. Je crois que je suis amoureux.

— Ça... Ça te dirait de... de danser ?

— J'ai cru que tu ne me le proposerais jamais.

Je suis au paradis. Dans un petit rire, elle m'entraine sur la piste. Mais la musique qui passe est assez sensuelle. Je ne sais pas quoi faire. Elle ne me laisse pas le temps de paniquer et se colle à moi, puis me murmure :

— Détends-toi. Je t'ai vu danser tout à l'heure. Je sais que tu es capable de te lâcher.

Je hoche la tête, petit à petit, nous mettons le feu à la piste. Cette fille sait bouger, c'est clair. Nos corps se touchent sans qu'il n'y ait de gêne ou de sous-entendu. J'aimerais que Blake soit là pour voir ça.

Puis on me tire par la manche.

— Damon, on se casse d'ici, gronde Lenny.

Son visage est tuméfié. Qu'est-ce qui s'est passé ? Les autres sont-ils dans le même état ?

— D'accord, attendez-moi à la voiture, j'arrive.

Il grogne et s'éloigne.

— Tu dois y aller, me dit-elle.

— Ouais. Je suis désolé. J'ai passé une super soirée. À plus tard, je la salue avant d'être avalé par la foule.

Les garçons sont bien amochés quand j'arrive à la Toyota. Leurs regards froids et agacés me dissuadent de poser des questions. Sans un bruit, nous montons en voiture. L'ambiance n'est pas aussi enthousiaste qu'à l'aller. Les visages sont graves, les poings serrés. Je n'ose même pas allumer l'autoradio.

— Est-ce que tout va bien ? je tente.

— Ferme là et conduit, m'ordonne Marley.

Je m'exécute, mais je ne peux m'empêcher de sourire bêtement. Willow emplit mon esprit : sa façon de danser, de parler, de me donner confiance en moi... J'ai tellement hâte de la revoir que j'en ai des frissons.

— Putain, pourquoi tu souris ? s'énerve soudain Swann.

— Il repense à la pute avec laquelle il dansait tout à l'heure, lui répond Lenny.

— Ce n'est pas une pute, dis-je sèchement.

— T'as dit quoi là ? s'emporte-t-il.

— J'ai dit, ce n'était pas une pute.

La pression monte d'un cran. Pour la première fois, je ne me raccorde pas à leur avis. Je ne les laisserai pas insulter Willow.

— Arrête la voiture, gronde-t-il.

Je freine brusquement au milieu de la route.

— Démerdez-vous pour rentrer.

Je descends de la Toyota et les laisse sonner par l'impact. À quelques pâtés de maisons, il y a celle de Blake. Sans aucun remords, je m'y dirige. Lui au moins ne se comportera pas comme un gros con. Parce que même si on s'est disputés, je sais que sa porte me sera toujours ouverte, il en va de même pour la mienne.

Un coup dans le dos me propulse au sol. Que se passe-t-il ? Qui m'attaque ? Tu connais la réponse. Je tente de me relever et retombe dans la seconde. Un pied vient de s'abattre sur mes côtes. Je roule au sol.

— Qu'est-ce qui vous prend ? je leur demande, affolé.

Seuls leurs regards de haine, de mépris me répondent. Ils ont perdu la tête. Pars, maintenant ! Je rampe sur le sol, grimace, mes avant-bras ripent sur le goudron. Tu dois aller plus vite. On... on me ramène en arrière. Mes ongles griffent le béton. Non, non, non... De l'aide, il me faut de l'aide. Crie, époumone-toi, mais crie bon sang ! Rien ne sort.

Bordel de merde !

Un coup, deux coups, trois coups... puis je perds le compte. Ils ont trouvé ma batte de baseball. Pourquoi tu ne l'as pas rangé comme ton père te l'avait dit ? Les poings et les pieds se joignent à l'arme. Je tente de me replier sur moi-même. Mais rien n'y fait, mes mains, mes pommettes, mon nez, sont en sang. Mes organes ne doivent pas être dans un bon état non plus. Je gémis de douleur ou crie... je... j'en sais rien. Je vais mourir. Blake avait raison. Cet enfoiré avait raison. Pardonne-moi d'avoir été si aveugle. J'aurais dû t'écouter. Que quelqu'un les arrête, s'il vous plaît.

Dans un hurlement, je sens mes côtes se briser. Je...Je ne veux pas mourir. Aidez-moi. Ma tête me lance. La rue tangue et se trouble sous leurs coups. La douleur me parait lointaine. L'air dans mes poumons se fait rare. Maman, je t'aime, mais... je ne suis pas prêt. Je ne veux pas te rejoindre tout de suite. Je dois me battre pour mon père, pour Blake. Ils sont les seuls sur qui j'ai toujours pu compter. Alors pourquoi ne sont-ils pas là quand j'ai besoin d'eux ? Je cesse de me débattre, ça ne sert plus à rien. Les larmes coulent. Mon rêve de pilote de l'Air Force s'envole. Je ne reverrai pas le beau visage de Willow. Je suis désolé.

Faible, fatigué, dormir... Mes yeux clignent encore quelques fois. Le noir m'engloutit. Le froid s'installe. Le mal s'en va...

— Putain, qu'est-ce qu'on a fait ?

— On dégage.

BLAKE

La situation est pire que je ne le pensais. Damon est complètement sous leur emprise. Si seulement j'avais eu le courage de leur tenir tête plus tôt. Si je n'avais pas autant peur du pouvoir qu'ils ont. Au fond, Damon et moi, nous ne sommes pas si différents. On cherche juste à ne pas être seul. J'espère qu'il sait que je serai toujours là pour lui quoiqu'il arrive.

Dépité et triste, je rentre chez moi.

— Salut chéri, ta journée s'est bien passée ? me demande ma mère.

— J'ai connu mieux. J'ai des devoirs à faire.

Elle n'insiste pas et m'informe qu'on mange dans une vingtaine de minutes. Je hoche la tête et traverse le couloir. À l'entrée de ma chambre, je manque de m'écrouler par terre. Foutu pot de peinture ! Faut vraiment que je les range. Ils traînent ici depuis une semaine. Je soupire et me fraie un chemin jusqu'à ma fenêtre. Je fais attention à ne pas renverser mon chevalet, ainsi que ma dernière création. C'est une commande pour la voisine, et si possible, j'aimerais éviter de la recommencer. Une fois les rideaux baissés, je m'assois, désespéré. Je veux juste me mettre en boule dans mon lit et oublier cette affreuse journée.

Après avoir mangé, l'inquiétude me gagne. Damon va à une soirée avec nos amis et je ne serais pas là-bas pour le protéger. Lorsque les garçons sont bourrés, ils peuvent être de vrais connards. Il ne le sait pas, mais à de nombreuses reprises, j'ai évité qu'il se fasse humilier. C'est moi qui prenais à sa place. J'ai eu le droit à tout. À la tête dans les toilettes, au marqueur sur le visage, aux Action ou Vérité qui tourne mal. En général, je ramène Lenny et les autres. Ça permet à Damon de partir quand il veut. Dois-je y aller ou non ? Les cent pas ne m'aident pas à réfléchir. D'un côté, je risque d'empirer la situation que ce soit avec lui ou nos amis. De l'autre, je prends le risque de m'inquiéter pour lui jusqu'à demain matin.

Je dois m'occuper. Un pinceau à la main, j'apporte les derniers détails de ma commande. Mais je n'arrive pas à me concentrer. Je tremble. Je m'énerve. Le tableau va finir par voler dans les airs. Lire me détendra, non, rien que le titre ravive mes angoisses : Meurtre en soirée. Dormir, ça ne marche pas. Je tourne dans tous les sens, regarde mon réveil toutes les cinq minutes. La télé n'est pas mieux, je zappe les séries et les films policiers, les reportages sur les urgences et les affaires criminelles. Il ne reste plus que le documentaire sur la reproduction des dauphins ou un vieux film en noir et blanc. J'éteins.

Cinq heures, le soleil n'est pas encore levé quand je sors de la maison. J'ai besoin d'air et d'une clope. Je m'éloigne de chez moi. Pas question que mes parents me voient, ni les voisins d'ailleurs. Calé contre un arbre à quelques pâtés de maisons, j'allume ma cigarette. La nicotine me fait revivre. Dans mes oreilles, Run Throught Walls de The Script me détend. Une Toyota fait irruption dans la rue. Le conducteur freine brusquement et sort de la voiture. La coupe militaire, la carrure svelte et la chemise à carreaux, c'est tout lui, mais que fait-il ici ? Pourquoi est-il si énervé ? Mais où va-t-il comme ça ? Je coupe ma musique et m'apprête à le rejoindre quand mes amis sortent à leurs tours. Lenny, une batte de baseball à la main... oh mon Dieu, il frappe Damon avec. Ma clope s'écrase au sol et je retiens un cri. C'est quoi son problème ? Mon meilleur ami tombe au sol et rampe. Je dois l'aider. Mais mon corps refuse d'obéir.

Allez, putain, je ne peux pas le laisser comme ça.

Les gémissements et les coups me font mal au cœur. Je me déteste d'avoir si peur. Mon portable, il faut que j'appelle à l'aide. Ma main ne m'obéit plus. Sérieusement. Je ne peux pas rester là sans rien faire. Je ne peux pas le regarder mourir. Un cri effroyable déchire la nuit. Les larmes coulent.

Agis. Fais quelque chose. Ne reste pas planté là. Il est en train de mourir devant tes yeux. Tu veux être responsable de ça ? 

Damon cesse de bouger. Non, non, pas ça. Les autres ont pris la fuite, je me précipite vers lui. Je le prends dans mes bras. Du sang, partout. J'ose à peine le toucher. Je ne sais pas où poser mes mains pour qu'il cesse de couler.

— Reste avec moi, s'il te plait.

— Blake...

Je souris sous les larmes. Il n'est pas mort.

— Damon, surtout, garde les yeux ouverts. Je suis là, plus rien ne peut t'arriver. Je suis désolé.

— Je suis désolé aussi, je... j'aurais dû... t'écouter.

Sa voix est à peine audible. Bordel de merde. J'ai besoin d'aide.

Je... je ne peux pas le porter.

Je... je ne peux pas le laisser.

— Les... Les secours vont arriver. Il faut que tu sois fort. Tout va bien se passer, OK ?

— Blake... c'est... fini. Laisse-moi... me... reposer. Tu... tu ne peux plus... rien faire. Ça... ça va aller.

Sa main se referme sur la mienne. Une larme coule sur son visage. Ses yeux peine à rester ouverts.

— Me fait pas ça. Pitié. Tu es mon meilleur ami. Je... Je fais quoi moi sans toi. Je... Je fais quoi contre eux. Ouvre les yeux merde. Me laisse pas comme ça.

Son corps est inanimé dans mes bras. Je le serre contre moi. Les larmes brouillent ma vision. Pas toi. Pas toi. Pas toi.

Damon s'éloigne de moi. Je me débats. Ne pars pas, reste. Des bras me maintiennent, mais je ne me laisse pas faire. Je mords, je tape. Quand il finit par me lâcher. Je donne un coup de poing au premier qui tente de s'interposer entre lui et moi. Ça crie autour de moi. Je repousse tous ceux sur mon passage. Je me rapproche. On me maîtrise une nouvelle fois et les menottes se ferment sur mes poings.

— Blake Holliday, vous êtes en état d'arrestation pour agression sur officier de police. Vous avez le droit de garder le silence, tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous.

Les mots de l'agent me paraissent lointains. Sans protester, on me traîne jusqu'à la voiture. Mon corps est là, mon esprit ne l'est plus. Il est resté là-bas. Il a... il a disparu avec Damon...


Personnage du film « 40 ans et toujours puceau »

Actrice américaine

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