Chapitre 20

Parfois les yeux peuvent dire bien plus que la bouche.

Je me lève pour me rendre dans la salle de bain, j'ai l'impression de peser une tonne. Je retire mes vêtements et mon écharpe doucement en prenant soin de ne pas faire de gestes brusques. Les égratignures et hématomes ont disparus, ma peau est lisse de toutes marques d'abus mais ce n'est pas pour autant que je pète la forme. Mon corps est entrain de s'auto-guérir, il puise ses resources dans mon énergie. Si j'avais dormi plus longtemps, j'aurais sans aucun doute été en meilleure forme.

Je fais couler un bain chaud et ne prends pas le temps d'attendre que l'eau remplisse la baignoire pour entrer dedans. La pierre froide me fait grimacer tandis que j'appuie mon dos contre cette dernière en appréciant la sensation de l'eau qui recouvre petit à petit mes membres endoloris. Je laisse ma longue chevelure en dehors du bain, la faisant traîner quelques centimètres au-dessus du sol pour éviter qu'elle ne mouille.

Puis je me détends enfin en soupirant d'aise. Mais ça ne dure pas longtemps. Mon esprit est bien trop concentré à réfléchir à propos des récents événements.

Je mets de côté les révélations de Mo concernant Osh et son comportement pour me concentrer sur mon rêve, sur ma vision. L'amulette est indéniablement magique, mais le plus étonnant, c'est qu'elle semble avoir une conscience, être douée de raison. Elle semblait penser comme une personne.

L'amulette m'a fait revivre un moment qu'elle a vécu auprès de mes parents. Une vie si banale et calme dans une petite maison avec un joli jardin. C'est à ça que ressemble le Paradis ? Je dois avouer que je m'attendais à mieux venant du royaume céleste.

L'important, c'était qu'ils vivaient sereinement et amoureusement leur vie ensemble... avant que l'épée de Damoclès suspendue au-dessus de leur tête ne tombe des mains du ciel –Non, pas du ciel–. La personne qu'ils semblaient craindre n'est autre qu'Ebose : le Presidium du Conseil Celeste.

Le dirigeant du Conseil n'est autre qu'un Archange. Ces anges sont les premiers êtres célestes à avoir été créés par Dieu lors de la Création Originelle, bien avant l'univers lui-même. Un archange est un ange de rang supérieur. Ce sont les plus puissants après Dieu et les plus proches de celui-ci.

Ebose fait partie de ces êtres célestes qui pensent qu'ils doivent être adulés, que les mortels doivent s'agenouiller devant eux et que leur manque de respect envers leurs personnes doit être châtié de la manière la plus radicale possible. Pour lui, les humains ne sont rien d'autre que des grains de poussière qui vont mourir un jour ou l'autre, alors que lui, est éternel. Leur sort ne l'intéresse absolument pas, ils ne sont rien d'autre que des insectes nuisibles à ses yeux.

Et cet homme puissant me déteste, et je le hais en retour. Ebose est le seul que je crains réellement et qui a réussit à me faire fermer mon clapet. Ses pouvoirs psychiques son si puissants, qu'il peut briser un ange sans même le toucher.

À 15 ans, j'avais défié son autorité devant tout le Conseil en l'insultant de « vieux con tyrannique ». Il m'avait regardé dans les yeux, et la seconde qui a suivi, des doigts invisibles pénétraient ma poitrine pour s'enfoncer dans ma chair et attraper mon cœur palpitant. J'avais vu la mort en face, et elle n'était autre qu'un archange impitoyable aux traits durs.

Il m'avait regardé dans les yeux. La satisfaction illuminait son visage alors qu'il me voyait agoniser à genoux dans d'horribles souffrances, la bouche emplie de sang, le visage recouvert de larmes et mon cœur sur le point d'exploser. Il m'avait ordonné de le supplier, il m'avait ordonné de me soumettre, et il avait adoré me voir capituler. La marque de la cicatrice de ses ongles meurtriers était restée pendant plusieurs mois en guise de menace silencieuse : si je le défiais à nouveau, il n'aurait aucun scrupule à terminer son châtiment.

Je coupe l'eau avant de me sécher rapidement, de m'habiller de mon éternel ensemble bouffant et de remettre méticuleusement mon bras dans son écharpe. Je fais un petit détour par la salle des profs quasi vide en allant piocher dans le frigo, mon ventre grondant de famine. Un sandwich soigneusement emballé avec l'étiquette « Ne pas toucher. Diego » me tape dans l'œil et je l'attrape sans scrupule avant de rejoindre la bibliothèque pour essayer d'en découvrir plus sur le bijou. Sur ce qu'il a à m'offrir. 

Les couloirs sont vides, les cours seront terminés dans quelques heures, j'ai dormi presque toute la journée. Je me demande si Barinthus a convoqué la bande d'enfoiré pour qu'ils répondent de leurs actes. J'espère que non. J'ai fait exprès de ne pas lui donner leurs noms car je veux régler cette affaire par moi-même, j'en ai marre qu'ils pensent tous que je me cache sous les jupes du directeur. Je dois faire face à la menace seule, et me charger de la détruire. De les détruire.

J'entre dans l'immense bibliothèque, mais ne prends pas la peine d'embêter les érudits, qui me lancent des regards suspects, habitués à me voir faire des miennes. Les murs sont recouverts de livres du sol au plafond. Petits formats, grands formats, reliures de cuir et éditions brochées se succèdent sur les étagères, classés par thèmes : histoire, ouvrages de référence, physiologie angélique. Je ne sais pas vraiment où chercher, alors lorsque je tombe sur un érudit, je me précipite vers lui.

— Euh.. bonjour, vous savez où est-ce que je peux trouver des livres à propos de... d'objets magiques ?

Ses corps tout comme ses ailes bleues, est aussi mince que long, sa tunique blanche semble cacher sa maigreur.
Il dévisage mon bras en écharpe, puis mon sandwich de ses yeux noirs anormalement grands, avant de répondre d'une voix monotone :

— Deuxième étage, troisième rayon, lance-t-il avant de partir pour effectuer une tâche sans doute ennuyante.

Je ne sais pas comment il fait pour se souvenir de l'endroit de chaque bouquin. Cette bibliothèque est juste immense, il doit avoir un sorte de super pouvoir.

Si c'est le cas, je le plains. Sérieusement, c'est nul quand même comme pouvoir...

Je monte les escaliers en spirale en bois sombre menant au deuxième étage. La pièce, de forme carrée, occupe la hauteur de deux étages et est inondée de lumière grâce à trois immenses fenêtres. Le niveau supérieur est bordé d'une balustrade pourpre en fer forgé. Des tables surmontées de lampes en laiton aux abats-jour verts occupent le milieu de la salle. Cet endroit est de loin plus chaleureux que le rez-de-chaussée, il appelle à la détente.

Je déambule entre les hautes étagères remplies d'ouvrages, caressant du bout du doigt les couvertures des livres et lisant leurs titres afin d'en trouver un évocateur. Je pensais que l'amulette allait briller pour m'indiquer l'endroit, je l'ai même sortit de mon sweat mais elle ne semble pas du tout décidée à m'aider à trouver le livre que je cherche.

Tant pis, je vais me débrouiller seule !

J'attrape tous les livres aux titres parlant que je trouve, en faisant des allers et retours vers les tables faute d'avoir deux bras valides avant de m'assoir devant celle-ci, une pile d'une dizaine de livres devant les yeux. J'ai tout mon temps, je n'ai rien de prévu et je ne compte pas aller en cours pour seulement deux heures, alors autant les consacrer à faire quelque chose d'utile ! Je déballe hâtivement mon sandwich, croque dedans en remerciant son propriétaire pour ce chef d'œuvre, et commence ma quête culturelle.

Au fur et à mesure de ma lecture, j'en apprends beaucoup sur les objets magiques. L'histoire des amulettes et des talismans trouve ses racines dans celle de l'homme. Le besoin de se confier à des forces au-delà de la raison et du quotidien a tellement marqué la vie des mortels que nous en retrouvons des traces et des témoignages aussi loin que nous remontons dans l'histoire et dans le temps. Tous les peuples, Egyptiens, Grecs, Romains, Arabes, Barbares, ont invoqué l'aide de ces objets. Souvent, on retrouve des mêmes formes dans des cultures différentes, sans le moindre lien entre elles.

Ce sont des objets chargés de pouvoirs; ils émettent ou reçoivent une certaine quantité d'énergie qui détermine leur efficacité. Plus les personnes qui les ont utilisées sont puissantes, plus elles se remplissent d'énergie. Elles puisent leurs pouvoirs à travers les siècles, capturant chaque particule d'énergie aux environs avec avidité pour acquérir plus de pouvoir. Ainsi, elles développent des aptitudes. Certaines apportent la chance, d'autre éloignent la maladie, protègent du mauvais œil, donnent du courage, protègent des désastres financiers, favorisent l'amour, combattent la calomnie et l'envie, ou encore aident pour la fécondité. Je me demande si certaines anges en utilisent afin d'avoir plus de chance de tomber enceinte.

J'allume la lampe sur la table tandis que la pièce devient un peu plus sombre.

Mais il y a une différence entre ces deux-là; si l'amulette éloigne le danger et protège la personne qui la porte des influences néfastes, si sa fonction réside dans le seul fait de « repousser », le talisman, lui, possède pour sa part un pouvoir plus large, plus puissants car il a été porté et/ou crée par des Dieux, ce qui a eu comme effet, de l'humaniser et lui offrir une conscience. Il est entièrement dépendant des éléments qui le composent et de l'énergie que lui confèrent le créateur, mais surtout le porteur. Ainsi, il protège autant qu'il attire les bonnes ondes, influences et vibrations.

Donc ce que je porte au cou, est en réalité un talisman. Je pose ma main dessus, et il m'envoie une petite onde d'énergie qui rampe doucement sur mon corps en une caresse chaude.

— Eh bien, tu sembles absorbée dans ta lecture.

Je relève brutalement la tête de mon septième ouvrage pour tomber sur Osh. Il porte sa tenue de garde habituelle, ses cheveux sont détachés et tombent sur ses épaules en de lourdes boucles blondes. Il m'offre un de ses sourires rayonnants qui illumine son beau visage. 

— Oui, je faisais des recherches, dis-je en lui rendant son sourire.

Son visage passe des livres à mon bras en écharpe.

— Tu devrais te reposer pour guérir plus vite, dit-il en dévisageant mon bras avec une désapprobation à peine voilée.

Je lève les yeux au ciel.

— Désolée mon grand, mais tu sais bien que je ne suis pas du genre à glander.

Je me relève pour ranger les ouvrages à leur place dans les étagères. J'ai les muscles tout ankylosés à force d'avoir passé des heures penchées sur les livres. Je tourne la tête vers une des immenses fenêtres, la nuit est tombée et je n'ai même pas vu le temps filer.

Je suis sur la pointe des pieds pour déposer un livre sur une étagère haute, lorsque je sens un corps derrière moi. Je reconnais le parfum d'Osh. Il pose ses doigts sur mes doigts, pour m'aider à enfoncer le livre dans son étage.

Lorsque je me remets sur mes talons, Osh ne recule pas et je n'ose pas me retourner tandis que les paroles de Mo me reviennent en tête. Osh baisse ma capuche, et enfonce son visage dans mes cheveux pour respirer mon odeur. Je suis tellement stupéfaite par ce geste, que je ne lui fais pas des remontrances sur le fait qu'il dévoile mon visage en plein jour. Je suis seule avec Osh, les autres viennent rarement ici, et mon pensées sont trop perturbées pour que je puisse sortir une phrase correcte.

Son corps se presse contre le mien, chaud, ferme, en demande, et une de ses mains se glissent sur mon cou pour dégager les cheveux. Je me surprends à pencher la tête sur le côté pour mieux recevoir la chaleur de son souffle contre ma peau, tandis qu'il frotte son nez au bout froid contre mon cou. Je me retourne, pour lui faire face et l'expression peinte sur son visage me coupe le souffle.

Il est magnifique. Ses yeux d'un bleu si pur sont illuminés... C'est comme si un artiste céleste avait écrasé des saphirs dans sa palette de couleurs pour ensuite colorier ses yeux avec le plus fin des pinceaux. Dans ce regard, flambe la flamme d'un désir ardent qui fait courir un frisson le long de mon échine.

Il dresse ses ailes, nous coupant du monde extérieur pour nous préserver dans ce petit cocon d'ailes blanches.

— Osh...

Je ne sais pas c'est un avertissement, ou une supplique. Mais il pose ses mains chaudes de part et d'autre de mon visage pour venir à ma rencontre. Mon cœur bat à tout rompre, mes mains deviennent moites, mon visage chauffe et des fourmis rampent le long de mes membres.

Ça y est. Le moment est venue : Osh va m'embrasser et je reste pétrifiée. Le pire, c'est que je ne sais comment réagir, je n'ose pas le repousser, je n'ose pas le rejeter. Mon corps a besoin de réconfort, il accepte volontiers celui d'Osh mais mon cœur et mon esprit eux...

Il y a quelques temps, je n'aurais pas hésiter une seconde. Mais désormais... désormais, il y a Knox.

— Rhyne..., murmure-t-il d'une voix rauque, saturée par l'émotion.

Il murmure encore mon nom comme une litanie, avant d'effleurer mes lèvres des siennes. Je ferme les yeux, mes orteils se recroqueville en sentant la douceur de sa bouche frôlant la mienne, hésitante. Ma respiration s'accélère, mes mains deviennent moites.

— Est-ce que tu es sûr ? je lui murmure tout contre ses lèvres.

Je ne sais pas si je lui pose la question à lui, ou à moi-même. Nous sommes si près l'un de l'autre, que chaque mots que je prononce me fait effleurer sa bouche. Nos haleines se confondent de la manière la plus intime qui soit.

— Je ne suis sûr de rien quand il s'agit de toi.

Il plaque son corps contre le mien, chaud, en guise d' invitation. Une main sur ma hanche, l'autre dans les cheveux, il se penche vers moi. Ses lèvres se posent doucement sur les miennes, y déposant un baiser humide tandis que ses mains passent sous mon sweat pour remonter dangereusement vers ma poitrine.

Mais je suis trop tourmentée pour apprécier le moment, pire même : je commence à paniquer. Osh est trop concentré à la tâche pour remarquer que je suis stoïque. Et s'il se trompe ? Et si nous ne sommes pas des âmes sœurs ? Et si finalement, il finit déchu à cause de cette attraction, de cette attirance ? Je ne peux pas faire ça. Je ne peux pas être la cause de sa potentielle perte.

Et alors que j'allais le repousser, je sens une énergie parcourir ma peau comme autant de coups de semonces.
Un voix froide comme la glace, synonyme de mort et de torture se fait entendre :

— Je vous dérange, peut-être ?

Une rage froide, comme nulle autre l'entoure tandis que ses yeux vénéneux m'empoisonnent lorsque Osh baisse brutalement ses ailes. Quand le voile blanc tombe, je rencontre les yeux de Knox qui m'assassinent. Un sentiment douloureux m'emprisonne le cœur pendant que le dégoût se peint sur son visage. Il me regarde de haut en bas comme si j'étais désormais un déchet.

Un froid insidieux ne me traverse la colonne vertébrale.

J'air peur d'avoir réveillé le monstre endormit en lui.

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