3 - Halloween

Chantonnant des airs appropriés, Sophia s'attelle à la disposition des décorations sur la devanture du garage, suspendant des lampions orangés, des squelettes en plastique et des tombes en polystyrène. Elle se recule en contemplant son œuvre, se satisfaisant de voir les futurs bambins effrayés en venant réclamer leur dû. Elle regarde un sac de fausses toiles d'araignée, se disant que cela ne suffira pas pour les terroriser un peu plus.

Elle s'assied en tailleur en scrutant sur ce qu'il peut manquer. Elle ne sait si c'est vraiment ça qui la perturbe ou si c'est le fait que Leah est insister pour que Draguir soit présent. Le soleil qui la réchauffe en ce début d'après-midi se cache derrière d'épais nuages, ne perturbant pas le moins du monde son cerveau qui réfléchit à vive allure.

Sophia pose sa tête entre ses mains, réfléchissant encore et encore, se demandant si c'est vraiment nécessaire de continuer à décorer au lieu de songer aux informations qu'elle a pu trouver hier. Car dès son retour et après le dîner, elle s'est installée dans le bureau de ses parents pour trouver la moindre information sur l'épée, sans grand succès. Mais un article relatant plusieurs phénomènes étranges survenus ces derniers jours a attisé sa curiosité.

Sur le blog, l'informateur indiquait que des arbres dépérissaient à vue d'œil, ne prenant pas en compte de la saison actuelle. De la température étrangement basse, qui pour la demoiselle ne remarquait rien d'extraordinaire, et d'apparition de fée, de métamorphe et autres êtres mystique, mais n'ayant aucune photo à l'appui, l'investigation de Sophia s'était arrêté là. Nombre sont les mythes et légendes sur terre, mais découvrir l'info de l'intox avait été compliqué. Elle se frotte les cheveux avec acharnement en grommelant quand elle entend :

— Ça va ?

Se retournant, elle découvre son père penché près d'elle.

— Oui... Oui, je vais bien... répond-elle dans le vague.

Il s'assied à ses côtés et soupire longuement en admirant la décoration que sa fille a faite.

— C'est joli ce que tu as fait, déclare-t-il après à silence interminable qui s'est installé entre nous.

— Hmm.

Sophia remarque que son père a mis son costume trois-pièces noir. Elle sait que sa mère est cadre dans une société prestigieuse, mais concernant son géniteur, elle n'a pas la moindre information. Tout ce qu'elle sait, c'est qu'il ne manque de rien. Patrick colle son épaule contre celle de sa fille, restant silencieuse avec elle. Sans se dire un mot, ils restent tous deux un instant à contempler le garage.

Cette proximité rassure Sophia et apaise son esprit tourmenté, mais elle sent que son père se relève en s'époussetant le pantalon. Il glisse une main dans son veston et sort une enveloppe qu'il tend à sa fille.

— Tu l'ouvriras une fois seule, annonce-t-il gravement. C'est une lettre de ton grand-père, ajoute-t-il devant l'air interloqué de sa fille.

— Heu d'accord, répond-elle en saisissant l'enveloppe.

— Ta mère sera chez les voisins pour te laisser tranquille pour ta fête.

Elle hoche la tête, un fin sourire se dessinant sur ses lèvres.

— J'attendrai que tes amis soient là avant de m'éclipser. J'ai été appelé à mon travail, mais je leur ai dit que je voulais te voir dans ton déguisement avant de partir, murmure-t-il, le regard perdu dans ses pensées.

Sophia se demande pourquoi on l'a appelé ce jour précisément. Patrick se baisse et dépose un baiser sur le haut de la tête de sa fille avant de partir vers le centre-ville les mains dans les poches. La demoiselle regarde l'enveloppe contenant la lettre de son grand-père, puis le plie et la range dans la poche de son manteau. En consultant l'heure, elle se rend compte que ses amis ne vont pas tarder à arriver et qu'il est temps de ranger les décorations restantes.

Après s'être lavée, elle prépare sur son lit le déguisement et les accessoires qu'elle a prévus pour la soirée. Elle entend sonner à la porte, et espère que ce soit ses amis et non les enfants qui ont commencé leurs tournées de sucrerie.

— Salut ma belle, s'exclame Élise en sautant dans ses bras.

— Salut miss, s'extasie Sophia en lui rendant son étreinte.

Élise s'écarte, lui fait la bise et rentre dans le salon en posant ses poings sur les hanches.

— Je ne me pensais pas si en retard que ça ! dit-elle contrariée, tu as déjà tout installé ?

Sophia hausse les épaules en lorgnant sur son amie, ne lui révélant pas que son père avait changé les appliquent du plafond par des lustres noirs avec des fausses bougies qui éclairent le salon de façon vacillante. La table à manger avait été recouverte de nappe en papier argenté où sont disposés des gobelets orange et des saladiers en verre avec des chips, des bonbons et des gâteaux apéritifs.

— C'est sensationnel, s'exclame-t-elle après avoir tout regardé.

— Je n'ai pas encore tout sorti. Les boissons sont encore au frais, tout comme les minis sandwich et le gâteau, bafouille Sophia.

Élise se retourne et explose de joie en faisant voler sa belle chevelure blonde, puis s'arrête d'un coup et fixe profondément son amie dans les yeux. Elle plaque ses mains sur les épaules de Sophia qui ne comprend pas l'expression traversant son visage.

— Tu as une tête à faire pâlir un mort, annonce-t-elle gravement.

Sophia grimace devant sa remarque et secoue la tête de manière désespérée. Élise se recule, sort son téléphone et le positionne à son oreille.

— Qu'est-ce que tu...

Elle interrompt Sophia en plaquant sa main sur sa bouche et patiente au bout du fil.

— Tu es là ? Mm, mm, très bien, t'as mon matos ? OK, ouais, mm...

Elle poursuit sa conversation en morse tout en scrutant Sophia de temps à autre, en ajoutant à sa discussion « y a du travail » et raccroche au bout de quelques minutes.

— Bon, Antoine n'est plus très loin, dit-elle en claquant des mains, tu vas me faire le plaisir d'aller te changer et ensuite, je te rejoins.

— Mais que...

— Tutute, pas un mot, coupe-t-elle encore la parole, tu en as déjà assez fait et après, je vais te maquiller.

Elle ne lui laisse plus de choix et la retourne pour la conduire à l'étage.

— Et ne redescends surtout pas, gronde-t-elle à nouveau.

Sophia soupire longuement, mais s'exécute et monte dans sa chambre, ne se doutant pas de la surprise que ses amis lui font.

* * * * *

Pendant ce temps, à des milliers de lieues du tumulte de la préparation. Profitant d'être bercé par la chaleur du soleil de Pharekth, Draguir reprend des forces sur le toit de la bâtisse carrée, regardant le sable briller sous les rayons lumineux de l'astre couchant tels des diamants. La brise de la nuit effleure son visage, quand il s'allonge et soupire aisément, savourant ce calme.

— Elle est bonne la sieste ? quémande une voix derrière lui.

Méric, est penché au-dessus de Draguir les mains sur les hanches. Depuis qu'il s'est libéré des entraves de H, son corps s'est affiné et il a pris de la hauteur.

— Je me vide simplement la tête avant de repartir, répond Draguir en refermant les yeux et en se calant sur ses bras.

Méric s'assied à ses côtés et souffle un coup. Draguir comprend que son ami ne le laissera pas en paix tant qu'il n'aura pas dit ce qu'il a sur le cœur. Il se redresse et encercle ses bras autour de ses jambes.

— Qu'est-ce qu'il y a ? soupire-t-il en attendant patiemment son allocution.

L'ancien rabatteur fixe droit devant lui le menton posé sur son genou. Il n'arrête pas de soupirer, ne sachant pas par où commencer. Draguir est agacé qu'il ne se décide pas à parler et quand il se décide à l'ouvrir pour l'engueuler, Méric lâche enfin :

— Tu penses qu'elle est réellement là-bas ? Enfin, je veux dire, on ne détient aucune information, qui le prouve, se répond-il à lui-même.

— J'ai vu son regard quand je l'ai surprise en y allant, j'en découvrirai davantage ce soir, affirme Draguir.

— Hmm, qu'en pense Gabriel ?

Le fauconnier promène son regard vers son ami, las de cette situation, et lui décrit la conversation qu'il a eue avec Gabriel avant de revenir dans son corps :

— Il est sur le pied de guerre avec des connaissances à ce qu'il m'a dit. Après, il maintient un œil sur elle avec beaucoup de vigilances, lance-t-il avec sérieux avant d'ajouter. Il connaît très bien l'univers où il se trouve avec Leah, cela lui permet d'être sur tous les fronts sans problème.

— Si tu le dis, je te crois, répond Méric machinalement.

Il se lève et pose une main sur l'épaule de Draguir en ajoutant :

— C'est bien beau tout cela, mais pour l'instant sans preuve, je n'y croirai pas. À présent, il faut que tu te prépares.

Draguir hoche la tête et l'accompagne en empruntant les escaliers du toit. Arrivé dans la pièce principale, il pose son regard sur Luka qui lit et relit la lettre que lui a écrite sa sœur. Le loup se marre dès qu'il tombe sur le passage où Leah décrit avoir croisé un chasseur et que Sophia l'avait défendu en insinuant l'alcool prononcé de la personne. Draguir aurait bien voulu voir cette scène, mais il est tiré de sa rêverie quand Méric lui demande :

— Qu'est-ce que c'est une « soirée déguisé » ? mime-t-il avec ses doigts.

— D'après ce que m'a expliqué Gab, cette fête est une tradition des Terriens pour fêter les morts en s'accoutrant pour se faire peur. Ou comme me l'a si bien précisé notre ami, à jouer la provocation.

— C'est parfaitement grotesque, s'exclame Luka, jouer la provocation, ils n'ont que ça à faire dans leurs mondes ?

— Tu sais, intervient Draguir, leur monde, comme tu dis, est dix fois plus grand que le nôtre, avec des traditions et de multiples fêtes que nous ne connaîtrons jamais ici. Ils sont des millions, voire des milliards sur leurs planètes, à côté, on est rikiki. mime-t-il avec mes doigts.

— Ils ne me font pas peur, bougonnent le loup en croisant les bras.

— Mais oui, mais oui, on en reparlera si tu mets les pieds là-bas.

Draguir s'éclipse pour se préparer dans la chambre. Le peuple de Pharekth à une sainte horreur de la menace qui plane au-dessus de leurs têtes. Ils ont été très accueillants dès l'arrivée du groupe il y a quelques jours auparavant. Les habitants savaient qu'ils allaient arriver, mais n'ont pas indiqué qui leur avait donné l'information. Tout ce qu'ils savent, c'est qu'il s'agissait d'une déesse.

Draguir sait que Gothika et Cycla sont retournées à Blasqueen et d'après les dernières informations d'Astos, Flamma était repartie auprès de son maître. Quant à Herba, depuis sa disparition, il ne sait pas si elle a été vaincue ou non. Soupirant, il sort de la chambre, paré de ses habits de fauconnier et se présente devant ses compagnons.

— Franchement, tu fais peur, annonce Méric sur un faux ton.

— J'ai tellement eu la trouille que mon cœur, à cesser de battre, rajoute Luka en exagérant et se retenant de rire.

Draguir tape du pied et fait sortir sa paire d'ailes, arrachant un cri de stupeur à ses amis.

— Je sais que tu veux faire le malin, se reprend son ami, mais tu devrais éviter de les sortir là-bas, tu ne crois pas ?

Le fauconnier affiche un rictus en lui montrant qu'il a parfaitement saisi et organise quelques affaires.

— Vous allez faire quoi pendant mon absence ? demande-t-il en déposant la valise de Gab dans le sac.

— Je vais te surveiller en faisant le guet, et Luka doit se rendre à Cascalaris faire le point avec Elias, répond Méric.

Même s'il ne porte pas le loup dans son cœur, Draguir ressent un léger pincement à cette annonce. Ils ont convenu de ne jamais se séparer, mais ils ne peuvent pas avoir des nouvelles des autres autrement. Sans que Draguir puisse y aller avec son destrier, il reste la vitesse du loup. Le fauconnier se tourne vers ce dernier et le fixe intensément en rétorquant :

— Fais bien attention à toi, je ne voudrais pas annoncer ta mort à Leah.

— T'inquiètes le gros dur, veilles bien sur elle.

Luka appuie bien sur le « elle », précisant dans son regard qu'il ne parle en aucun cas de sa sœur. Malgré tout ce qui s'est passé, il en pince toujours pour la demoiselle, ce qui contrarie Draguir qui pense pour lui-même :

Désolé le toutou, c'est chasse gardée.

Les deux se toisent en chien de faïence, ne perdant pas la face devant l'autre. Méric lève les yeux au ciel, sachant que s'il ne fait rien de suite, ils vont encore y passer la nuit.

— Bon, c'est bon. Je ne sais pas ce que vous lui trouvez, mais désormais il faut y aller, intervient-il entre les deux.

Draguir s'esclaffe et s'allonge sur le canapé en empoignant fortement le sac contre sa poitrine. Sa vue se floue devant ses amis, alors que son corps s'allège pour rejoindre son objectif : Gabriel. Il atterrit devant un mur décoré d'une multitude de choses surprenantes. Il s'approche de plus près pour observer une lanterne.

— Qu'est-ce que c'est que ce truc ?

— Alors, on admire le travail de notre chère demi-déesse, s'extasie Gabriel en lui donnant un coup ample dans l'épaule.

Draguir se redresse en le fusillant du regard, il a horreur des tapes que lui et Bastos lui mettent dans le dos.

— Où est-on là ? demande-t-il grincheux de son accueil en présentant d'un geste les décorations.

— On est devant chez Sophia, on vient d'arriver, s'exclame Leah surexcitée, avec des yeux tournant de partout.

Leah est émerveillée en découvrant la transformation qu'a subie la ruelle depuis la veille. Draguir a la nausée rien qu'en voyant son comportement de gamine. Et, quand il pense à un enfant, il en voit toute une ribambelle franchir le portail, tous accoutumé de vêtements étranges, les rendant effrayants et mignons à la fois. Il se dit que si Méric voit ça, il serait complètement dingue.

L'un des enfants est déguisé en loup et fait un hurlement de pleine lune qui surprend Leah. Gabriel et Draguir la regardent faire des pieds et des mains pour montrer aux petits ce qu'est un vrai loup, mais ils la stoppent avant qu'elle ne tente une transformation.

— Rappelle-toi le coup du chasseur, la pique Draguir au vif.

Ses joues se teintent d'une jolie couleur rosie avant qu'elle ne se retourne en feignant de rechigner. Gabriel les invite à le suivre jusqu'à la porte d'entrée. Le battant s'ouvre sur un jeune homme vêtu élégamment qui les regarde de la tête au pied, se demandant qui ils sont, mais avant qu'il n'ouvre complètement la bouche pour les interroger, Patrick apparaît derrière lui.

— Gabriel, s'exclame-t-il, tu as pu venir en fin de compte.

Le père de Sophia les fait entrer un à un en faisant la bise à Leah et empoignant la main de Gabriel et Draguir avec force. Il ne lâche pas celle du fauconnier le scrutant avec méfiance.

— Il me semble vous connaître, jeune homme, murmure-t-il.

— C'est un ami d'enfance de Sophia, je vous en avais parlé au téléphone ce matin, rattrape Gabriel avec justesse en cachant à moitié la vérité.

— Ah ! Oui, c'est vrai, s'esclaffe-t-il en lui tapant dans l'épaule, décidément. Mon père m'a parlé de toi avant qu'il ne... Enfin bref. Bienvenue à toi, Sophia va être ravie de te revoir. En ce moment, elle se prépare, mais elle ne devrait plus tarder.

Il se tourne et demande à parler à Gabriel d'une affaire urgente, ce qui intrigue Draguir. Le fauconnier se rapproche de Leah qui a de grands yeux partout où elle les pose.

— Leah ?

— Hum ?

— Tu sais de quoi Gabriel et le père de Sophia parlent ?

— Non. Et, si tu demandes à grincheux, il te répondra comme à moi et à Sophia, secret défense. Je ne sais pas d'ailleurs sa signification, ajoute-t-elle.

— C'est un terme employé chez les Terriens. Gabriel avait l'habitude de le sortir quand on l'a connu, répond-il à sa question.

Leurs conversations sont interrompues par les proches de Sophia qui s'agglutinent autour d'eux en leur posant mille et une questions sur leurs provenances ou si leurs cheveux et leurs yeux sont naturels. Au bout de la vingtième question, Draguir soupire d'agacement et s'isole dans un coin en croisant les bras. Leah se prête plus facilement au jeu et tente de répondre sans faire de gaffes. Le fauconnier lève les yeux au ciel quand il entend des commentaires sur lui.

— Il n'a pas l'air très commode, dit une fille habillée tout en blanc avec du rouge dégoulinant de partout.

— On l'a sûrement traîné de force, répond un mec balèze à la peau hâlée.

Laissant ses camarades s'occuper des nouveaux venus, Antoine rejoint les filles qui sont dans la chambre. Il entrouvre la porte pour annoncer :

— Tout est prêt en bas, ils n'attendent plus que vous deux.

— Comment ça, ils ? crie Sophia une fois sa phrase finie.

— Raa, tu m'as fait rater un détail, peste sa maquilleuse en herbe, puis réponds à notre ami, fais les patienter dix minutes.

Sophia se fait pouponner par son amie depuis ce qui lui semble des heures. Elle stresse à l'arrivée proche du début des festivités. Élise se place devant elle après avoir refermé la porte et lui dit d'un air tendu :

— Si tu ouvres la bouche, je te bâillonne.

Sophia obtempère devant sa tirade et la laisse finir de rattraper son loupé. Une fois qu'elle ne sent plus rien sur son visage et son cou, elle guette sagement l'ordre de sa maquilleuse pour enfin ouvrir les yeux, et se contempler devant le miroir.

Elle ne se reconnait pas du tout, c'en est limite effrayant. Sophia est parée d'une jupe en mousseline fendue avec un effet déchirée sur le côté et plusieurs voilages noirs. Un bustier en dentelle avec des armatures renforcées pour maintenir son dos et soutenir sa poitrine se rattache grâce à deux lainières dans son cou. Enfin, une paire de gants remonte jusqu'au coude, arborant chacun deux dragons cousus en argent s'entremêlant dans de la fausse dentelle en forme de feuille.

Son visage est pâle, à la limite cadavérique, avec de faux cernes qui amplifient ceux déjà présents en noir. Une mâchoire édentée a été ajoutée sur le côté, ainsi que des craquelures. Du faux sang fait une pâle imitation de couler au coin de ma bouche. Elle ressemble réellement à une femme des temps contemporains abandonnée lors d'un massacre. Le travail qu'Élise a effectué est considérable.

— Je n'en reviens pas. Tu es extrêmement douée, Élise.

— C'est sincère ? Je ne pensais pas que cela te plairait autant, sourit-elle enjouée.

Sophia se tourne encore et encore pour admirer le personnage qui se reflète dans le miroir. Elle en a le souffle coupé.

— Avec Antoine, nous t'avons concocté une petite surprise, annonce Élise pendant que Sophia étudie tous les détails dans la glace.

— Ah bon ? s'étonne-t-elle.

Elle sourit et lui tend la main.

— Avec ce que tu as traversé ces derniers jours, nous nous sommes dit que pour une fois, ce soir, c'est toi la reine de la soirée.

L'agitation dans le salon est plus grande quand Antoine attire l'attention des convives à se rassembler au pied des escaliers. Élise descend en première et se joint à ses côtés, donnant le top à son ami.

— Gentes dames et gents sieurs, annonce-t-il de façon théâtrale, bienvenue à cette quatrième édition des festivités d'Halloween. Vous êtes venu nombreux, pour cette soirée emplie de magie et de mystère, où les pouvoirs obscurs s'éveillent...

À son annonce, les sens de Draguir se réveillent, alors qu'il aperçoit Gabriel rire devant l'annonce. Il est fêlé ou quoi ? Gabriel se retourne sentant le regard assassin de son collègue pesé sur son dos et lui fait signe de ne pas s'en faire.

— La maîtresse de cette demeure hantée va faire son entrée, je vous remercie tous de convenablement l'accueillir ou des têtes seront tranchées.

Draguir ne comprend pas leur sens de l'humour, mais relève la tête quand il entend le bruit de talon descendre les escaliers avec lenteur. Ses yeux se rétrécissent au fur et à mesure que le bas de sa robe apparaît. Sophia glisse sa main sur la rampe illuminée d'une guirlande. Ses pieds se posent sur un tapis en velours rouge qui habille les marches. Des citrouilles sont tournées vers les invités avec des sourires malveillants. Elle découvre les finitions que ses amis ont apportées au fur et à mesure et l'émeut tellement qu'elle ne remarque pas de suite la foule présente.

Élise, déguisée en superhéroïne, et Antoine, vêtu comme le fantôme de l'opéra, lui tendent la main, qu'elle attrape en souriant.

— Alors, heureuse ? demande son meilleur ami en souriant de toutes ses dents.

— Vous êtes tout simplement géniaux, s'exclame-t-elle les yeux pétillants d'émerveillement.

Présents devant eux, leurs amis les acclament en force. Élise se jette dans les bras d'Arnaud, accompagné de Mehdi, avec Léane et Antoine qui se joignent à eux. Même s'ils sont en petit comité, leurs tapages annoncent le début de la soirée.

Sophia est tout sourire en embrassant ses amis. Elle tente de rassurer Leah qui n'a pas l'air de savoir où elle a mis les pieds, et remarque que Gabriel et son père sont en discussion. Du coin de l'œil, Draguir l'observe avec un sentiment étrange : quand il l'a vu dans son entièreté, son cœur s'est fait la malle. Il ne sait comment il doit se comporter, ce qui l'agace, d'autant plus que Sophia l'ignore, ce qui n'aide pas à amenuiser son irritation.

— Oh là là, vous entretenez des traditions bizarres dans votre monde, s'exclame abasourdie Leah sous le bruit de la musique.

— Pas plus qu'ailleurs, répond Sophia en riant, vous ne possédez pas de fêtes ou de festivals à Imaginarium ?

La louve secoue la tête et précise que depuis que H a élu domicile à Blackvoïd, il est difficile d'organiser quoi que ce soit sans être épié ou capturé. Sophia comprend mieux du coup le comportement de la louve et l'invite à se fondre dans la masse. Elle en profite pour se servir un verre de jus de fruits et se dirige vers la baie vitrée où son reflet se fond dans le sombre jardin recouvert par la pénombre. La demoiselle se plonge dans ses pensées mélancoliques pendant que la fête bat son plein.

Ayant trouvé refuge près du mur depuis le début, Draguir observait Sophia papillonner d'inviter en inviter avant de la voir près de la baie. Il se redresse pour se diriger vers elle, mais il est constamment interrompu par les personnes qui lui proposent un jeu ou lui demandent de parler. Quand enfin il se débarrasse du dernier, Élise se poste devant lui les mains sur les hanches.

— Je vois comment tu regardes ma Sophia depuis le début et je te préviens que si tu lui fais du mal... commence-t-elle sur la défensive.

— Je ne lui ferai rien du tout, tu as ma parole.

Il lui promet en la contournant, voulant clore son avertissement. Mais elle lui attrape le bras en lui tendant un masque noir.

— Mets ça. Je ne sais pas si tu es vraiment déguisé ou non, mais tu devrais mettre ceci sur ton visage, histoire de te fondre dans la masse, précise-t-elle avant de s'éloigner en faisant voler sa chevelure blonde.

Il examine dans sa main l'objet qu'elle lui a transmis et l'applique sur son visage. Draguir trouve l'accessoire plutôt efficace pour passer inaperçu et se dit qu'il devrait le ramener à Méric, cela lui serait utile, qu'il pourrait même y étudier la composition.

Gabriel attire Sophia dans un coin en lui demandant abruptement :

— Ton père m'a demandé si tu avais pris connaissance de la lettre.

— Non, elle est toujours dans ma veste, je n'ai pas eu le temps avec les préparatifs, répond-elle.

— Il faut que tu la lises, c'est fondamental, presse-t-il à nouveau.

Gabriel l'attrape par le bras et lui demande où se trouve sa veste. Elle ne comprend pas son comportement et lui demande de la lâcher avant qu'elle ne s'énerve.

— Tu ne peux rien faire contre moi, rie-t-il sarcastique.

— Elle t'a dit de la lâcher, blondinet, intervient une voix derrière lui.

Draguir bouscule Gabriel qui grogne contre lui, mais contre toute attente, se calme quand Antoine s'approche de lui. Sophia sourit quand elle comprend que les intentions de son meilleur ami sont aussi flagrantes envers Gabriel.

Draguir se rapproche de Sophia et lui tend la main qu'elle prend dans une hésitation. Il rapproche la jeune femme de lui et entame un pas sur le slow sinistre qui s'évade des enceintes. Sophia se laisse entraîner, perdant son regard dans celui du fauconnier. Il ajuste sa main autour de sa taille, en rapprochant un peu plus de son corps, en posant son menton sur le crâne de la demoiselle. Son côté délicat surprend Sophia qui respire son odeur boisée.

— Tu ressembles à ma mère vêtue ainsi, murmure-t-il maussade.

— Ce n'est qu'un déguisement que j'avais choisi judicieusement avant de vous connaître, répond-elle en esquivant son regard alors qu'il se recule pour la contempler.

— Mais tu me connais depuis toujours, annonce-t-il la mine boudeuse.

— Je viens uniquement de m'en rappeler et à quel prix...

Elle n'arrive pas à achever sa phrase. Ils reprennent leurs pas, s'enveloppant dans leurs bulles. Elle savoure ce moment avec lui, s'apercevant que sa présence lui avait tant manqué. Elle aimerait remercier Méric d'avoir secouru l'être qui la tient dans ses bras. La gratitude qu'elle ressent lui fait rouler une larme sur la joue.

— Allez, il est temps d'enfiler vos manteaux, annonce soudainement Antoine, excité comme une puce.

— Que se passe-t-il ? s'enquiert Leah, curieuse.

Sophia se défait des bras de Draguir et rejoint son ami tout sourire en attrapant son manteau au passage. Elle prend dans le placard à l'entrée plusieurs bâtons où des lanternes en papier vert, orange et noir sont accrochées au bout.

— Nous allons faire une promenade nocturne, s'extasie-t-elle. 

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