Chapitre 11 : Le jeu des conséquences
Dernier chapitre de l'année :D On retrouve Frisk et un vieux copain dont nous n'avions plus entendu parler depuis le début de cette histoire. Merci de suivre cette histoire et bonnes fêtes de fin d'année !
Attention, ce chapitre contient des références à de la maltraitance sur enfants. Il n'est pas très explicite, mais peut être difficile à lire. Si vous ne souhaitez pas lire ce passage, zappez le paragraphe « Les assistantes traînèrent Frisk vers la sortie [...] Lorsque le dernier coup s'abattit, Frisk tomba lourdement sur le côté, le corps secoué de tremblements incontrôlables, en position fœtale. » dans la première partie.
Chapitre 11 : Le jeu des conséquences
Lorsque Frisk s'éveilla, il pria pour que tout ne soit qu'un mauvais rêve. Pourtant, les murs blancs sales sur lesquels ses yeux se posèrent lui indiqua qu'il se trouvait toujours dans ce lieu maudit qu'était l'orphelinat Vonichelle. Les attaches le maintenaient toujours cloué sur le lit dans une position inconfortable. Il essaya de se tourner sur le côté, mais le lien qui lui tenait le ventre l'en empêcha. Par défaut, il regarda autour de lui, méfiant. Les rideaux entrouverts laissaient entrer fermement la lumière derrière les fenêtres couvertes de barreaux en métal. À sa droite, une table de chevet vide, en face une armoire, vide, elle aussi, et une porte en métal fermée, probablement à clé. Rien ne permettait de faire la différence entre la chambre de l'enfant et une cellule de prison.
Dehors, il pouvait entendre les cris familiers des enfants qui profitaient de quelques minutes de liberté dans la cour de l'établissement avant le début des « cours de bonne manière », supposés les aider à devenir intéressants pour de potentiels adoptants. Frisk se trouvait dans ce lieu depuis sa naissance et personne n'était jamais sorti d'ici avant d'avoir seize ans, âge à lequel on vous mettait dehors de force pour une meilleure vie, sans jamais avoir été à l'école ou passé le moindre diplôme. Vonichelle s'en fichait. Ce n'était plus sa responsabilité. Comme beaucoup ici, Frisk avait hâte d'atteindre l'âge de son renvoi. Il savait qu'il aurait du mal à faire quoi que ce soit dans la vie plus tard avec son faible niveau d'éducation, mais il serait libre.
Et puis, depuis qu'il avait rencontré Toriel, il avait retrouvé l'espoir. Si jamais elle parvenait à sortir avant lui, elle le tirerait d'ici. Puisqu'elle aimait les enfants, peut-être même serait-elle capable de redonner une nouvelle jeunesse à cet endroit vide et faire ce pourquoi l'orphelinat existait en premier lieu : trouver une famille à tous ces malheureux qui attendaient eux aussi un nouvel espoir.
Frisk reprit pied dans la réalité et chercha ses compagnons d'infortune du regard. Asgore était assis devant la fenêtre, la tête levée vers le ciel dans une contemplation silencieuse. Chara, de retour, rêvassait dans un coin. Elle fut la première à croiser le regard de l'enfant. Frisk baissa immédiatement les yeux en se rappelant comment avait terminé leur conversation la veille, mais la petite fille en fit de même. Ils s'exprimèrent tous les deux en même temps.
— Je suis désolé.
— Je suis désolée.
Un rire nerveux s'échappa de leurs gorges respectives, tandis que le malaise se dissipait doucement. Leurs voix attirèrent le regard d'Asgore, qui leur sourit avec bienveillance, ravi de voir la situation s'améliorer entre eux. Cependant, le monarque n'eut pas le temps d'en dire plus. Dans un grincement strident, la porte s'ouvrit.
Frisk se tendit lorsque madame Vonichelle passa le pas de la porte, accompagnée de deux assistantes. Elle lui adressa un regard dur et colérique, qui en disait long sur ce qui allait se passer pour lui.
— Ton comportement d'hier est inadmissible, Marianne, aboya-t-elle sans préambule. D'abord ta fugue, puis ton insolence, et enfin ta tentative d'évasion... Si j'étais la seule à décider, je t'aurais balancée dans le puits le plus proche, mais malheureusement, mes chères assistantes ont plus de pitié que moi. Ton châtiment sera à la hauteur de ta bêtise.
Frisk hoqueta de peur en comprenant vers où la conversation se dirigeait.
— Nous avons voté ce matin. Dans quelques minutes, tu seras emmené dans la cour où tu subiras un châtiment corporel de dix coups devant l'ensemble de tes camarades. Puis tu seras enfermé à la cave pendant trois jours, sans eau ni nourriture. Nous déciderons ensuite de ton transfert à l'asile ou non. Que cela te serve de leçon.
Les larmes dévalèrent les joues de l'enfant, qui hurla lorsque les assistantes s'approchèrent de lui. Choqués, Asgore et Chara étaient figés sur place. Lorsqu'elles commencèrent à le détacher, Chara fonça furieusement sur la femme, mais passa au travers. Derrière les supplications de Frisk, l'enfant entendit Chara hurler de détresse et de peur, tandis qu'Asgore essayait de la rassurer, ayant compris depuis longtemps qu'il ne pouvait rien faire pour empêcher ça.
Les assistantes traînèrent Frisk vers la sortie. L'enfant continuait de se débattre et d'hurler, mais cette fois, elles le tenaient bien. Quand ils arrivèrent dans la cour, tous les enfants se turent brutalement. Ils comprirent vite que quelque chose d'inhabituel était en train de se produire. À quatre pattes sur une petite estrade de bois couverte d'éraflures qui en disait long sur l'utilisation abusive de celle-ci, les coups commencèrent à pleuvoir, chacun suivi d'un cri déchirant alors que Frisk hurlait de douleur. Horrifiés, aucun des enfants ne parvint à soutenir la scène du regard plus de quelques secondes. Lorsque le dernier coup s'abattit, Frisk tomba lourdement sur le côté, le corps secoué de tremblements incontrôlables, en position fœtale.
Sans ménagement, on le souleva par les bras. Frisk n'arrivait plus à tenir debout. Il sentit qu'on lui désinfecta le dos, puis on le jeta à même le sol dans une minuscule pièce qui ressemblait à un placard à balai. L'enfant resta couché au sol, en larmes, alors que la porte claquait derrière lui. Une clé tourna dans le verrou, et il se retrouva plongé dans l'obscurité.
D'autres sanglots couvrirent bientôt les siens. Chara s'assit en face de lui, le visage ravagé par les larmes. Elle tenta de lui prendre la main, mais Frisk était trop faible pour esquisser le moindre mouvement vers elle. Il savait qu'il ne survivrait jamais trois jours sans eau ni nourriture. Son corps ne le supporterait pas. C'était une condamnation à mort, ni plus ni moins.
— Frisk... appela une grosse voix triste derrière lui. Tu ne peux pas abandonner maintenant. Reste déterminé.
— J'ai... J'ai mal, murmura Frisk. J'ai froid.
L'enfant sentit ses paupières s'alourdir. Chara écarquilla les yeux, paniquée.
— Non ! Non, Frisk, tu ne peux pas t'endormir. S'il te plaît ! Fais quelque chose ! Tu es plus fort que ça ! Je t'interdis de mourir maintenant ! Des gens comptent sur toi ! Je compte sur toi !
Elle tenta de le secouer, de frapper au sol à côté de sa tête, rien n'y fit. Frisk glissa lentement dans l'inconscience sous les hurlements du fantôme qui l'avait accompagnée jusque-là. La dernière chose qu'il se rappela avant de fermer les yeux fut le regard triste que lui adressa Asgore, alors qu'il comprenait petit à petit que même s'il était plein de bonne volonté, son peuple ne verrait pas le soleil avant un très, très long moment.
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Le combat l'avait vidé de toute énergie. Blessé physiquement et mentalement, il ne faisait plus qu'observer en attendant que les choses avancent. Il ne comprenait pas où il avait échoué. Avait-il sous-estimé l'enfant à ce point juste parce qu'il lui ressemblait ? Il se décevait lui-même. Il aurait dû être préparé à ce genre de choses. Il ne ressentait plus d'émotions, alors pourquoi le fait qu'il lui ressemble tant l'avait perturbé à ce point ?
Il pensait être prêt. Il avait étudié son sujet des centaines de fois, il en avait même parlé à Papyrus dans une de ces nombreuses lignes temporelles que son crétin de frère avait foutu en l'air juste parce qu'il avait joué avec le feu. Il pouvait parler. Personne à part lui ne connaissait vraiment Papyrus. Même pas son propre frère.
Flowey se redressa et sortit du petit trou de terre dans lequel il se terrait depuis deux jours. Les passages incessants de la foule lui avaient coupé toute retraite et, trop faible pour se battre, il avait préféré faire profil bas. Une rencontre avec le sac poubelle souriant lui aurait été fatale en quelques secondes. Sans se fichait bien des raisons. Dès qu'il le voyait, il tirait à vue. Ils avaient passé le stade de la négociation depuis bien longtemps tous les deux.
La petite fleur se trouvait derrière Nouvelle Maison, à l'abri des regards. Entre ses pétales, un poignard argenté lui tenait compagnie et le rassurait. L'enfant l'avait laissé tomber lorsqu'il avait quitté les Souterrains. Un choix étonnant. Flowey avait espéré que son départ lui rende le contrôle de ses pouvoirs, mais malheureusement, même dehors, ce guignol restait le plus déterminé. De toute manière, l'arme ne lui appartenait pas. Il n'avait fait que récupérer le dernier cadeau de son père à sa moitié disparue.
Doucement, il glissa le long du mur et allongea ses racines pour atteindre la fenêtre. Il y avait de l'agitation dans la petite maison. Toriel discutait avec Papyrus de quelque chose qu'il n'arrivait pas à discerner. Sans revenait du couloir avec des vêtements propres et une nouvelle veste. Il en fut presque choqué. Depuis qu'il le connaissait, le squelette n'avait jamais retiré cette horreur de gilet qui sentait le ketchup moisi et le gras. La situation devait vraiment être catastrophique si même lui avait décidé de se reprendre en main.
Il réalisa trop tard qu'il était repéré. Alors que Toriel était partie pour aider Sans à trier des papiers, la fenêtre s'ouvrit brusquement et une forme gigantesque s'étala à côté de lui dans une tentative de roulade ratée. Papyrus.
— Flowery ! s'exclama-t-il de manière peu discrète.
— Ch... Chut ! La ferme ! paniqua Flowey en posant une racine inutilement devant sa bouche.
Il attendit quelques secondes, apeuré, la tête levée vers la fenêtre. Sans n'avait pas l'air d'avoir entendu. Était-il sourd à ce point ? Préférant ne pas prendre de risques, il s'éloigna. Ses racines s'enroulèrent autour des chevilles de Papyrus et le trainèrent plus loin, sans que le squelette ne s'en offusque. Une fois certain d'être hors de portée de voix, il le relâcha délicatement.
— Bonjour, Papyrus, dit-il enfin d'une voix doucereuse. Tu m'as manqué, mon grand.
— Vraiment ? répondit le squelette d'un ton faussement joyeux qui fit froncer les sourcils de la petite fleur.
Un long silence s'installa entre eux. Papyrus était nerveux. Il ne cessait de lancer des regards vers la maison. Flowey chercha ce qui pouvait bien le rendre inconfortable à ce point. Habituellement, il n'était pas comme ça avec lui. Quelque chose avait dû se produire. Mais quoi ?
Réaliser que c'était lui-même qui le mettait mal à l'aise fut un choc. Son frère était trop loin et aucun danger ne le menaçait. Il en était venu à la conclusion que c'était donc lui qui le rendait nerveux. Flowey réfléchit intensément. Avait-il raté quelque chose d'important dans la salle du trône ? Il s'était pourtant assuré de ne laisser aucune trace pour que ce stupide gamin soit accusé à sa place. Il aurait voulu voir le regard de Sans lorsqu'il trouverait la cape du vieux monarque, mais face à son état catastrophique, il avait préféré fuir.
— Est-ce que c'est vrai ? demanda Papyrus, comme s'il lisait dans ses pensées. C'est toi qui as tué Asgore ?
Flowey se tut et dévisagea Papyrus comme s'il le voyait pour la première fois. Il n'y avait pas les accents chantants, ni la douceur qui accompagnait habituellement ses propos. Papyrus était froid, distant. Les poings serrés. Tout dans sa position indiquait qu'il était en colère, et... blessé ? Flowey se sentit étrange. Il ne pouvait pas ressentir de remords, mais voir son vieil ami comme ça l'incommodait. Ce n'était pas naturel. Pas normal. Il ne parvenait pas à mettre un mot sur cette sensation de malaise qui le prit soudainement.
— Allons, Papyrus, tu ne vas pas croire ces sornettes ? Tu me vois, moi, descendre le roi ? Je ne sais pas si tu as remarqué, mais même si je le voulais, je ne pourrais pas atteindre son âme. Il est grand, et je suis... eh bien, petit.
La mâchoire de Papyrus se contracta. Flowey eut un mouvement de recul. Il ne comprenait pas. Des centaines de lignes temporelles et il en découvrait encore sur son vieil ami. Un autre sentiment prit la place du malaise. Quelque chose de plus fort et vorace. Il regarda ses feuilles, confus.
— A-Allons, reprit-il, plus hésitant. Papyrus, tu ne vas pas quand même les croire eux ? Je suis ton meilleur ami, n'est-ce pas ? Tu sais que je ne ferai jamais ça.
Le squelette resta silencieux. Il sortit son téléphone, tapa quelque chose brièvement dessus, et le reposa. Puis, sans un mot, il se leva. Flowey lui attrapa la cheville par réflexe.
— Papyrus ! Dis quelque chose. T-Tu commences à m'inquiéter.
Peur. Ce sentiment qui montait en lui, c'était de la peur. Papyrus ne répondait pas. Il fuyait.
— Je suis désolé, Flowey, dit-il finalement.
— Quoi ?
Papyrus fixa quelque chose derrière lui. Flowey se retourna, et se figea. Devant lui, l'œil brillant d'une lueur menaçante, Sans l'observait. La fleur lança un regard à Papyrus, choqué. Le squelette venait de le trahir ? Il venait de le trahir. Il venait vraiment de le trahir. Un rire guttural lui monta dans la gorge, puis il le laissa sortir à gorge déployée. De toute évidence, ils savaient tous les deux pour Asgore.
— Je te conseille de ne rien tenter, siffla Flowey d'une voix bien plus mauvaise. Je tiens toujours ton frère et on sait tous les deux ce que je peux lui faire.
— Tu es désespéré à ce point pour en venir directement aux menaces ? se moqua Sans, imperturbable. Ou est-ce la peur que tout le monde découvre que le gamin n'y soit vraiment pour rien dans le meurtre d'Asgore ? Haute-trahison, ouh, ça doit bien être une condamnation à mort devant le tribunal.
— Tu croirais la parole d'un humain face à la parole de ceux de ton propre peuple ?
— Tu ne fais pas partie de notre peuple. Jusqu'à preuve du contraire, tous les monstres sont dotés d'une âme. Pas toi.
Flowey l'ignora copieusement pour se tourner vers Papyrus.
— Et toi ? C'est comme ça que tu me remercies, espèce d'ingrat ? Tu sais combien de temps j'ai passé sur ton cas ? Tu es en train de tout gâcher ! J'avais confiance en toi, Papyrus.
— Je sais, répondit-il. Et j'avais confiance en toi aussi.
— Alors qu'est-ce qui a changé ? Je pensais avoir été clair quand je t'ai demandé de ne pas parler de moi à ce crétin souriant !
— Je t'ai laissé une chance de tout me dire, et tu m'as menti. Je suis compatissant, j'aurais pu t'aider à trouver une solution si tu m'en avais parlé avant. Mais ce que tu as fait est trop grave pour que je ferme les yeux. Je ne veux pas être le complice d'un meurtrier.
Flowey détourna le regard. Il ne voulait pas l'aider ? Et bien tant pis. S'il ne causait pas une diversion tout de suite, Sans se chargerait de lui. Sans la possibilité de revenir en arrière, il ne pouvait pas prendre le risque de le confronter. Il avait bien trop à perdre.
Sa racine se serra sur la cheville de Papyrus. Les pupilles de Sans rétrécirent dans ses orbites jusqu'à disparaître entièrement. D'un geste vif, Flowey tira brusquement la jambe de Papyrus vers l'avant jusqu'à ce que son genou craque. Le squelette, surpris, bascula en avant dans un cri de douleur et s'écroula face contre terre. La fleur esquiva une salve d'os bleus et s'enfonça dans la terre. Partir vite et loin. Sans était peut-être faible, mais il pouvait toujours se téléporter.
Le seul endroit où il serait en sécurité était les Ruines. Il les connaissait dans leurs moindres recoins, ce qui lui permettrait d'échapper plus efficacement à une traque. Fort heureusement, pour l'instant, personne n'avait de preuve de son implication. Tout accusait l'enfant, et il s'assurerait que ça continuerait à être le cas.
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