Chapitre bonus - Khenzo Eneour - #3

Je me relève et la prends en chasse en me tenant toujours les côtes. Elle a mis toute son énergie dans le coup de pied qu'elle m'a balancé et si je ne connaissais pas quelques techniques pour reprendre mon souffle aussi rapidement, je crois que je serais encore plié en deux au milieu de la route. Ses cheveux mi longs battent la cadence sur ses épaules et je dois reconnaître qu'elle court vite, mais moi encore plus et le poids de son sac et de ses armes la ralentit dans sa progression, si bien que je la rattrape peu à peu.

Je me jette une seconde fois en avant pour la plaquer au sol, néanmoins elle arrive à reprendre l'avantage en me faisant rouler sur le côté pour finir à califourchon sur moi. Décidément, cette fille est pleine de ressources. Elle tente de me frapper, mais je dévie son poing et la repousse violemment. Une fois sur mes jambes, je l'attrape par les épaules pour la plaquer contre le mur qui se trouve derrière nous. Ma main vient enserrer sa gorge et j'use de toute ma force pour la soulever du sol avec son barda.

Pour la première fois, je croise son regard. Dans le jour naissant, je distingue parfaitement la couleur de ses yeux verts tirant sur le gris, répondant ainsi aux nuages qui voilent une partie du ciel. Je la domine d'une bonne tête, mais elle a l'air plus vieille que moi. Pas autant que Camélia, ceci dit. Je lui donnerais peut-être vingt-cinq ou vingt-six ans. Ses traits sont délicats et l'éclat sauvage et déterminé qui brille dans ses prunelles me subjugue, néanmoins je ne m'y trompe pas : cette femme est dangereuse. Je dois savoir ce qu'elle fichait dans cette banque.

Elle commence à suffoquer et se voit obligée de lâcher la sangle de son sac pour attraper mon poignet et soulager la pression que j'exerce sur sa gorge. Ses mains fines et fermes sont écorchées et noircies par la poussière.

— Qu'est-ce que tu nous veux ?! lui demandé-je d'une voix hachée.

La douleur dans mon flanc gauche est toujours présente et j'ai envie de lui coller mon poing dans la tronche devant la lueur triomphante qui traverse son regard. Je resserre mon étreinte et c'est le mur derrière elle qui pâtit de ma colère.

— Tu travailles pour qui ? Réponds ! insisté-je.

Je décide de la reposer au sol, sans pour autant lui lâcher les épaules, afin de lui laisser l'occasion de me répondre. Elle peine à reprendre son souffle et l'espace d'un instant, je me dis que j'ai peut-être été trop brutal avec elle. Tandis qu'elle tente de respirer plus calmement, ses yeux quittent les miens pour regarder quelque chose au loin. La panique semble l'envahir et elle me fait signe de suivre son regard. Intrigué, je me retourne. Mon sang se fige dans mes veines et mes doigts s'enfoncent plus profondément dans sa chair. Merde. Dix hommes s'avancent dans notre direction, d'un pas cadencé. Aucun doute vu leur uniforme. Il s'agit d'une patrouille du NGPP. Je me tourne à nouveau vers elle et prends le temps de bien l'observer tandis que je lui pose la question fatidique d'une voix menaçante.

— Tu es avec eux ?

Elle lève les yeux vers moi et fronce les sourcils. Ma question a l'air de la mettre en colère, mais je garde le silence, attendant toujours une réponse. Elle finit par secouer la tête de gauche à droite. Quelque chose me dit que cette fille s'est déjà plus d'une fois frottée aux milices armées du NGPP et que ça n'a pas été une partie de plaisir. Est-ce pour autant une raison de lui faire confiance ? Mes yeux quittent son visage pour descendre le long de son corps. Plutôt svelte et élancée, je me fais la réflexion qu'elle sait drôlement bien se battre pour avoir pris le dessus sur moi de cette manière. Tout comme nous, elle porte des vêtements confortables pour la marche : un manteau en cuir lui arrivant pratiquement jusqu'aux genoux, par-dessus un t-shirt blanc et une sorte de boléro court, un short gris plus tout neuf et des bas noirs épais couvrant ses jambes jusqu'au-dessus du genou. Je repère un couteau planqué dans l'une de ses rangers, un semi-automatique – qui ressemble à un Desert Eagle – rangé dans un holster attaché à sa cuisse droite et un second couteau glissé dans un étui à sa ceinture. En plus de son fusil d'assaut – un modèle plus récent que le mien –, de ses lunettes à vision nocturne et de son sac qui semble bien rempli, elle est plus que bien équipée.

— Pourquoi tu n'as pas essayé de me tirer dessus ?

J'ai manqué de prudence. J'aurais dû écouter Tim et partir en repérage avec Ed. Cette femme aurait pu me descendre une dizaine de fois si elle l'avait voulu. Reste à savoir pourquoi elle ne l'a pas fait. Elle me scrute attentivement avant de regarder en direction de la bosse de mon blouson en cuir qui cache mon arme de poing.

— Je pourrais te retourner la question, me répond-elle d'un ton étrangement calme.

— Une intuition, grogné-je.

— Alors, il faut croire que nous avons eu la même.

Je hoche lentement la tête. Deux solutions s'offrent à moi : lui accorder ma confiance pour faire équipe avec elle ou la considérer comme un adversaire également. Dans le premier cas, nous aurons plus de chance de nous en sortir. Dans le second cas... la lutte risque d'être ardue. Elle lève les mains en l'air, comme pour me jurer qu'elle ne cherche pas les ennuis avec moi.

— Tout ce que j'ai pour te convaincre, c'est ma parole. Je ne suis pas à la solde de ces ordures.

Ses mots ont l'air sincère. Il n'y a aucune once de malice dans ses traits et l'espace d'un instant, la dureté de son regard a fait place à une drôle de douceur mélangé à de la douleur et de la tristesse, la rajeunissant soudain de quelques années. Cela n'a duré qu'une fraction de seconde avant qu'elle se ferme à nouveau, attendant mon verdict, néanmoins, elle a su me toucher d'une étrange façon.

Je la libère enfin et m'écarte d'elle pour sortir mon Desert Eagle HF10, un petit modèle de calibre 5 mm qui m'a sorti de bien des galères. J'ai envie de lui faire confiance et j'espère ne pas me tromper sur son compte.

— Tu prends les cinq de gauche et moi les cinq de droite, murmuré-je. Compris ?!

Elle acquiesce silencieusement.

— Vous là ! Montrez vos mains !

Je leur tourne toujours le dos, alors je ne vois pas ce qui se passe, mais je devine qu'ils viennent de nous mettre en joue puisqu'un faisceau de lumière vient de faire cligner les yeux de la jeune femme qui est toujours coincée entre moi et le mur.

— À combien de mètres sont-ils ? lui demandé-je à nouveau.

Elle fait un pas de côté et observe les hommes qui doivent sans doute se rapprocher dangereusement de nous.

— Je ne le répéterai pas une troisième fois ! continue de s'égosiller le même soldat d'une voix forte et menaçante.

— Ils sont à trente mètres environ, me répond finalement ma partenaire temporaire. Il va falloir leur tirer dans le cou ou le visage, si on veut les tuer. Nos balles ne passeront pas leur casque et leur plastron.

— Bien. Tu es bonne tireuse ?

— Je me débrouille.

— Alors... maintenant !

C'est le moment de vérité pour savoir si j'ai bien fait de lui accorder ma confiance.

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