71 | « Dorian, t'es cassé ? »

H O R T E N S E
__________

          NOUS ÉTIONS TOUS EN TRAIN de nous regarder à tour de rôle. Personne ne semblait vouloir commencer à descendre, sous peine de voir les autres se moquer de ses piètres exploits. Je voyais bien que Nola commençait à s'impatienter et qu'elle n'allait pas tarder à se jeter sur la bâche savonneuse, juste pour en finir. Néanmoins, alors qu'elle s'apprêtait à prendre la parole, je la devançai, contre toute attente.

— Vas-y, je passe la première, lâchai-je sans pour autant être vraiment sûre de moi.

— Enfin une volontaire ! se réjouit Noé en tapant dans ses mains. Allez Hortense, on te regarde tous ! T'as déjà fait du slip and slide au moins ? demanda Boucle d'or alors que je me positionnais correctement.

— Hum... Pas vraiment, avouai-je en laissant échapper un petit rire nerveux et Noé s'approcha donc de moi, pour m'expliquer les bases rudimentaires de cette activité.

Je tournai la tête l'espace d'un instant, et remarquai que Dorian et Ulysse avait disparu. Plutôt étrange. Cependant, je ne m'attardai guère plus longtemps sur ce sujet, préférant me concentrer sur les paroles de mon ami germanique.

— Alors faut que tu prennes ton élan, les bras tendus, puis que tu les rabattes quand tu atterriras sur la bâche. La vitesse devrait augmenter avec la pente, alors n'est pas peur. En plus, tu crains pas grand chose Hortense, on est juste à côté de toi, me rassura le blond en se servant de l'épaule de sa sœur comme d'un accoudoir — Luna ne tarda guère à se rebeller au passage.

— Noé, je crois que tu sous-estimes la capacité d'Hortense à se blesser, ne put s'empêcher d'ajouter Nola.

Je ne pris guère la peine de lui répondre et préférai m'élancer sur la bâche. J'avais un peu peur tout de même et l'appréhension que je ressentais déjà ne faisait que de s'accroître. Pourtant, je me voyais mal faire demi-tour et refuser de tester quelque chose d'aussi amusant. Vraiment, j'étais passée au-dessus de tout cela : la Hortense d'avant était allée se faire voir.

Alors je m'accroupis et me laissai glisser le long de la bâche, les bras en avant. C'était cool comme sensation, j'ai même crié de joie tout en dévalant la pente. Soudain, il y a eut une bosse sous la bâche, et alors que je souhaitais la contourner, ma tentative d'esquive se retourna contre moi. C'était donc ainsi que je m'étais retrouvée à l'envers, coincée à cause d'une déformation du terrain de Noé.

— Noé ! C'est pas safe du tout ton truc là ! hurlai-je depuis le bas de la pente, les mains en porte-voix. J'ai failli me fracasser le crâne !

Mais il n'écoutait pas, de même que les autres. Je plissai alors les yeux, cherchant à déterminer la cause d'une telle ignorance, et constatai bien trop tard, que Dorian s'était élancé le long de la piste savonneuse. Oh mon dieu : ça allait faire carambolage si je ne me relevais pas tout de suite.

Suite à cette pensée, j'essayai de me redresser, hélas sans grand succès. Mes mains glissaient terriblement contre le savon liquide et j'en avais même dans les cheveux. Je tentai alors de me déplacer sur le postérieur — après tout, il n'y avait que cela qui paraissait fonctionner —, cherchant à atteindre l'une des deux bordures de la bâche. Et alors que je pensais être enfin libérée, la silhouette de Dorian fusa à mes côtés, m'entraînant dans sa course avec elle.

Nous ne parcourâmes guère plus de deux mètres, or ce fut suffisant pour que je me râpe le coude et me cogne le petit doigt de pied — souffrance ultime en effet. Je laissai échapper un soupir de soulagement lorsque nous fûmes arrêtés, et en profitai pour me tourner vers Dorian, vérifiant que tout allait bien de son côté.

Et visiblement, ça n'allait pas si fort que cela.

— Dorian, t'es cassé ? m'enquis-je d'une voix douce en posant une main sur son épaule.

Et les pleurs du métisse redoublèrent d'ardeur.

°


Recroquevillés et serrés les uns contre les autres, nous étions tous réfugiés dans la tente des garçons. Oh... La météo défectueuse n'en était pas vraiment la cause — bien qu'en ce moment, une légère averse s'était abattue sur le village de Montdesbois. En réalité, si nous étions tous confinés dans cet espace réduit, c'était surtout à cause de Dorian ou du moins, pour le soutenir dans la période difficile qu'il traversait : une grave atteinte à son ego si vous vouliez tout savoir.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé mec, tenta une énième fois de savoir Maël en posant une main sur l'épaule de notre métisse préféré.

Dorian, submergé par l'émotion, n'arrivait toujours pas à prononcer le moindre substantif. Je ne l'avais jamais vu comme cela, aussi vulnérable et attristé. Dorian, c'était notre rayon de soleil, sans lui, nos journées seraient ternes et on passerait notre temps à nous morfondre. Alors on ne pouvait pas laisser passer cela : Dorian ne devait pas pleurer, il ne méritait même pas d'être triste ce pauvre chou.

— Eh Dorian..., commença à son tour Nola. Tu sais que tu peux tout nous dire, hein... Personne n'est là pour te juger, pas vrai les gars ? demanda ma meilleure amie en se tournant vers nous.

Tous les trois, nous esquissâmes des sourires encourageants à l'égard de notre ami Bordelais. Les lèvres de Dorian se tordirent en un petit rictus, et il sécha l'une de ses l'instant d'après.

— Pour ceux qui savaient pas encore... J'ai embrassé Ulysse à la fête dans les bois, débuta Dorian et Maël — le seul qui n'était pas encore au courant — écarquilla les yeux, surpris.

— Tu nous caches des choses petits coquins, le coupa le blond et j'en conclus qu'il était plutôt content pour son meilleur ami.

— Je... Bref. Quand on était chez Noé cette après-midi, je suis allé parler à Ulysse, comme tu me l'avais suggéré Nola. Je voulais mettre les choses au clair : quand je l'avais embrassé, Ulysse n'était pas très net. Alors on a parlé, pendant quelques minutes. Ça se passait plutôt bien en réalité, du moins... Jusqu'à ce qu'il ne se relève et s'excuse de ne pas être homosexuelle, acheva Dorian avant que ses larmes ne recommencent à couler à flot.

Sans plus atteindre, nous nous rapprochâmes du métisse et entamâmes un câlin groupé. Dorian avait été très courageux de nous avoir révélé ce qu'il s'était passé, et même si c'était douloureux pour lui, cela avait au moins le mérite de le soulager quelque peu. J'étais tout de même triste pour lui, se prendre un râteau n'avait jamais été quelque chose de simple — j'en avais fait de nombreuses fois l'expérience, croyez-moi.

Mais après tout, je me disais qu'il y avait pire dans la vie que de se prendre un râteau par Ulysse : après tout, le Montdesboisien était peut-être la personne la plus gentille que je connaissais, je doute qu'il ait volontairement voulu blesser Dorian en proférant ses mots : il voulait sans doute simplement éviter qu'il se fasse trop d'illusions.

— Tu sais Dorian, je pense que tout ce dont tu as besoin ce soir, c'est de tes amis, d'un barbecue et de quatre gros paquets de marshmallow, déclarai-je alors que nous achevions notre étreinte groupée.

— Oh oui ! Bon idée ! Et si on se racontait nos souvenirs de Montdesbois ? Ce serait une bonne idée, n'est-ce pas ? ajouta Nola avec en train.

Et Dorian sourit.

||°

chapitre de :
-missIndecise

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top