37 | « Si ça se trouve, y a un mini-crabe qui a établi domicile dans ton nez ! »
H O R T E N S E
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VOUS NE POUVEZ PAS SAVOIR la joie que j'ai ressenti en me réveillant le lendemain matin, enroulée comme un rouleau de printemps dans ma serviette de plage, couverte de sable de la tête aux pieds, et tout ça, juste parce qu'on avait loupé le dernier bus pour Montdesbois.
Putain mais on a deux voitures à notre disposition et ces guignols ne sont même pas capables de les prendre !
— Ça croustille sous mes dents, remarqua Dorian en émergeant, les yeux plissés à cause du soleil.
— Sans dec', railla Jules en se débarrassant du sable qui traînait dans sa chevelure chocolat. C'est pas comme si on venait de passer la nuit sur une plage comme des SDFs.
Je m'étirai légèrement et me craquai les phalanges tandis que Nola se réveillait. Elle jeta un regard aux alentours, les yeux encore endormis et la bouche sûrement pâteuse, puisqu'elle ne cessait de l'ouvrir et de la fermer. La capuche de son sweat-shirt était remplie de sable fin et de coquillages et, alors que je m'apprêtais à la prévenir — en bonne meilleure amie que j'étais — elle rabattit sa capuche sur le sommet de son crâne, déversant ainsi une plage miniature dans ses cheveux.
— Putain ! C'est trop pour moi là ! cria-t-elle en retirant son sweat-shirt bordeaux.
Et sur ces derniers mots, elle partit en courant en direction de la mer, se débarrassant de son short en jeans et de son t-shirt durant sa course. Jules ne tarda pas à la suivre ainsi que Dorian, qui poussait des cris en se tenant le nez.
— Si ça se trouve, y a un mini-crabe qui a établi domicile dans ton nez ! m'exclamai-je d'une voix amusée, alors qu'il tentait de se moucher avec une serviette en papier, qu'il avait volé au bar hier soir.
À côté de moi, Maël laissa échapper un petit rire et finit de ranger ses affaires. Étrangement, il ne semblait pas avoir les cheveux pleins de grains de sable, ou alors j'avais cette impression car sa tignasse était dorée ? Hum... Toujours est-il que je m'empressai de faire comme lui : je secouai ma serviette couverte de saletés dans le bon sens du vent — manquerait plus que je me prenne tout dans la figure —, la pliai soigneusement avant de la fourrer dans mon sac de plage, entre la crème solaire et mes lunettes de soleil.
Ce n'est qu'après avoir fait tout cela que je me rendis compte que j'avais dormi avec mes lentilles.
— Fait chier ! râlais-je en essayant d'attraper une bouteille d'eau qui traînait au fond de mon sac.
— Qu'est-ce qu'il y a ? s'enquit Maël en penchant la tête sur le côté.
— J'ai dormi avec mes lentilles et j'ai l'impression que mes yeux vont exploser, expliquai-je en cherchant frénétiquement dans tout le foutoir de mon panier. T'aurais pas de l'eau par le plus grand des hasards ? questionnai-je en abandonnant mes recherches.
Maël leva un doigt en l'air, l'air pensif, avant d'ouvrir son sac à dos. Il chercha pendant quelques instants à l'intérieur, sortant au passage un sandwich à moitié entamé, une casquette de l'équipe de natation de son lycée — enfin, c'est ce que je supposai — et son porte-monnaie Bob l'éponge. Je fronçai les sourcils lorsque mon regard tomba dessus et oubliai presque de me saisir du thermos que me tendait Maël.
— Un porte-monnaie Bob l'éponge ? Sérieusement ? déclarai-je, un petit sourire en coin au bord des lèvres.
— Maël vouait un culte à Bob l'éponge quand il était petit, avoua une voix grave.
Jules venait de revenir de la mer et à en juger l'eau qui dégoulinait de ses cheveux bruns, il avait piqué une tête. Nola se tenait à ses cotés et attachait ses cheveux en une queue de cheval haute. Une algue était collée à sa joue mais elle la retira d'une pichenette avant de commencer à ranger ses affaires. Je remarquai qu'elle avait récupéré les affaires qu'elle avait semé dans sa course. Enfin, Dorian fut le dernier à refaire apparition, couvert de sable jusqu'au ventre.
— J'ai glissé, se contenta de dire le métisse en attrapant sa serviette.
Nola se pinça les lèvres pour s'empêcher de rire. Vraiment, il fallait avouer que Dorian était un vrai boulet la plupart du temps — bien qu'il n'égalait pas notre niveau de malchance à Nola et moi. Le pauvre était actuellement en train de se débattre avec le vent : ce dernier s'engouffrait dans son drap de plage et le frappait à chaque fois qu'il essayait de se dégager. Après quelques minutes passées à le laisser se débattre de la sorte, Jules décida d'intervenir et attrapa la serviette sauvage. Cette dernière fut pliée et rangée en moins de deux et bientôt, nous nous dirigions au pas de course en direction de l'arrêt de bus le plus proche.
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Lorsque nous arrivâmes sur la place du village, le soleil était déjà haut dans le ciel et brillait de mille feux. Montdesbois était plutôt calme ce matin-là : aucun boucher ne surgissait à l'horizon en agitant un couteau un peu trop aiguisé. Une douce odeur de pâte à choux et de croissants s'échappait de l'une des boutiques présentes aux alentours. Je tournai la tête, guidée par mon odorat, et mon regard s'arrêta sur une pâtisserie : Le nuage bleu.
C'était pas la pâtisserie des parents d'Ulysse ?
— Éclairs au chocolat à trois heures ! clama Dorian en pointant du doigt le magasin.
Maël et Jules relèverent la tête en même temps et se tournèrent d'un seul coup en direction du nuage bleu. Quant à Nola et moi, nous laissâmes échapper un petit rire et nous nous mîmes en marche à la suite des trois guignols. Dorian sautait presque sur place, de même que Maël, tandis que Jules se contentait de replacer correctement les lanières de son sac sur ses épaules. Je ne pus m'empêcher de remarquer que Dorian avait légèrement un côté enfantin par moment. Loin de là le fait que cette attitude me dérangeait : au contraire, je trouvais que cela le rendait très attachant.
Jules et Maël aussi étaient attachants, mais disons qu'ils ne dégageaient pas le même aura que notre ami métisse. Eux, ils étaient plus sur la réserve, tandis que Dorian exposait ses pensées aux yeux du monde, sans se soucier de ce que les autres pouvaient dire. Il diffusait sa bonne humeur partout où il se rendait et n'avait guère peur du ridicule. Peut-être que je l'enviais un peu au fond de moi, moi qui était si stressée et qui aimais l'ordre par dessus tout ? Peut-être que je devrais faire comme lui, lâcher prise sans penser à ce que l'on pouvait penser de moi ? Cela ne devait pas être si compliqué que ça quand même !
Et sans me faire prier plus longtemps, je m'élançai en direction des trois garçons et sautai sur le dos de Maël.
— Bordel de merde ! On m'agresse ! s'écria le blondinet en se débattant, manquant de peu de me faire tomber.
— Détends-toi espèce de veracrasse ! intervint Nola d'un air amusé. C'est juste Hortense qui se la joue pot de colle ! Pire qu'un moustique attiré par de la lumière !
Je tournai la tête dans sa direction et la fusillai du regard en plissant les yeux. À mes côtés, Dorian et Jules laissèrent échapper un petit rire, quant à Maël, il passa ses bras sous mes jambes et me hissa convenablement sur son dos. Moi qui avais mal aux pieds...
La pâtisserie se rapprochait au fur et à mesure de nous, se dressant tel un palais des sucreries infranchissable. C'est vrai que les effluves qui s'en échappaient étaient alléchantes, mais de là à manger une pâtisserie à onze heure du matin... Hum... Très peu pour moi.
À un moment donné, nous dépassâmes une fontaine en fer forgé. L'eau qui s'en extirpait, retombait dans une large vasque de pierre dont le fond semblait constellé de pièces de monnaie. On aurait dit une fontaine de Trevi miniature, comme si l'originelle avait engendré pleins de bébés fontaines et les avait dispersés un peu partout sur terre.
À force de contempler l'eau qui s'écoulait doucement dans un son apaisant, je remarquai que ma gorge était affreusement sèche et que j'aurais pu tuer pour avoir de l'eau potable en cet instant. Je me demandai alors si l'onde de la fontaine était potable, avant de me rendre compte que c'était tout à fait stupide : qui pouvait bien me répondre si je ne partageais pas ma question ?
— Vous croyez que l'eau est potable ?
— Ça c'est à toi de nous le dire ! rétorqua Maël avant de me laisser tomber dans la fontaine.
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chapitre de :
-missIndecise
musique :
Nice for what — Drake
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